Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

Chapitre 4 : Renouveler son objet entre contraintes sociales et intérêts personnels
aisé de constater que nous nous intéressons à un même type de public qualifiable de
déviant 187 .
De ce point de vue notre objet se construit par accumulation, appropriation et
réinvestissement des connaissances. Ce n’est pourtant pas la seule manière. Il existe aussi des
sphères d’influences qui modèlent, modulent et transforment cet objet.
Lorsque l’on évoque des recherches, ce qui est mis en avant est le produit « fini », « accepté »
(qui peut être controversé) par la communauté scientifique, donc publié. Ce produit possède
en fait deux caractéristiques distinctes : l’une négative, l’autre positive.
Examinons tout d’abord le côté positif de ces influences. Un des principaux aspects de
l’activité scientifique est la publication, donc, la mise en commun des travaux en les offrant à
l’examen et à la critique des confrères. La réception des expertises des articles envoyés aux
revues scientifiques est toujours un moment fort. Une fois dépassée la question de l’ego, mis
en cause à travers les critiques formulées, ou celle, parfois, des jugements de valeur trop
souvent émis à la place d’une analyse réellement critériée, les remarques formulées font
apparaître des imperfections, des manques théoriques, des analyses statistiques déficientes,
des commentaires à nuancer et, bien d’autres choses encore. Ces expertises mettent en
exergue tout simplement l’existence d’autres possibles. Elles sont source d’enrichissement
lorsqu’on se dit « comment avais-je pu laisser passer cela ? » ou « comment n’y ai-je pas
pensé ? » ou, lorsqu’elle nous oblige à reconsidérer notre point de vue, à réinvestir d’autres
perspectives théoriques ou, encore approfondir certaines analyses. Bref, en dehors de la
simple « consécration », induite par la publication, elle oblige, le chercheur, non pas à la
perfection mais au progrès.
A cette face positive s’en substitue une autre, plus négative, qui fait de la recherche, non plus
une construction en dialectique avec d’autres chercheurs, et d’autres perspectives ou points de
vue, mais bien au contraire, un produit normalisé et épuré destiné à être accepté et publié. La
coloration des comités de lectures, le choix des invités dans les séminaires, la composition des
colloques, les communications retenues pour publication signifient au chercheur, ou à
l’apprenti chercheur, tout le chemin qu’il lui reste à parcourir. Ce qui fait dire à Latour et
Woolgar (1979) que le résultat scientifique ne peut être considéré ni comme une vérité de la
nature, ni seulement comme un pur produit de la raison. Il est, en partie du moins,
l’aboutissement d’une longue suite d’interactions, de négociations, de compromis dont l’issue
dépend des rapports de force cognitifs et sociaux, du poids du laboratoire d’appartenance, etc.
On peut parler ici de « production sociale » contingentée des faits scientifiques (Latour,
1994). Pour intéressante qu’elle soit, cette discussion n’a d’autre intérêt, sur l’instant, que de
montrer que la recherche, notre recherche, est sous influence et se construit aussi dans cette
dialectique. Il ne faut cependant pas confondre à ce niveau la rationalisation de l’activité à la
base de « la formation de l’esprit scientifique » et la rationalité d’une production sous
l’emprise d’un système.
Collaborations et rencontres
Au-delà de cette perspective constructiviste, et relativiste à la fois, la recherche évolue aussi,
et surtout, grâce à des collaborations, des rencontres et au hasard.
Prenons tout d’abord le cas des collaborations. Elles sont de plusieurs ordres. Lorsque nous
collaborons avec Debarbieux, nous avons un objet commun : la violence. Objet qui nous
réunit, à travers une volonté de comprendre et prévenir des formes de violences juvéniles. Nos
terrains et sujets sont pourtant distants. C’est cependant autour de cet objet, et du besoin
187 Selon la définition de la déviance de la « labelling theory ».
Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à
leurs préventions. Page 134