Contribution à l'étude des relations entre sports et violences
Contribution à l'étude des relations entre sports et violences
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Chapitre 4 : Renouveler son obj<strong>et</strong> <strong>entre</strong> contraintes sociales <strong>et</strong> intérêts personnels<br />
Dans les autres cas… Bon pour les plus forts c’est toujours plus facile : regardez<br />
Navratilova en tennis, cela ne gênait personne. Il y a maintenant une autre<br />
dimension <strong>à</strong> considérer c’est le devenir de la communauté homosexuelle, son<br />
intégration dans la population. Regardez aujourd’hui tout le monde se moque que<br />
le maire de Paris soit homosexuel. Cela n’aurait pas été concevable il y a dix ou<br />
vingt ans. L’évolution <strong>des</strong> mœurs <strong>et</strong> <strong>des</strong> mentalités peut très bien bouleverser<br />
notre approche en la matière. Il faut aussi regarder la communauté homosexuelle<br />
comme un groupe de consommateurs <strong>à</strong> part entière. Cela pourrait aussi s’inscrire<br />
dans une logique commerciale qui ciblerait ce public précis. Je ne crois pas que<br />
nous en soyons l<strong>à</strong> mais qui sait ? ».<br />
Faire son coming out ne semble pas plus aisé dans le sport de haut niveau que dans le reste de<br />
la société. Mais est-il vraiment nécessaire que les sportifs le fassent ? Ne faut-il pas tout<br />
simplement considérer que les pratiques sexuelles relèvent de la sphère privée <strong>et</strong> qu’<strong>à</strong> ce titre,<br />
hormis les cas délictueux (atteintes aux mœurs, pédophilie, viol <strong>et</strong>c.) elle n’a pas <strong>à</strong> être<br />
révélée. Demande t-on aux sportifs hétérosexuels de s’affirmer en tant que tels ? Dans un<br />
souci égalitariste, ou pour se donner bonne conscience <strong>et</strong> prouver que nous ne sommes pas<br />
homophobes nous insistons peut-être trop sur un acte qui a pour première valeur de faire<br />
oublier <strong>à</strong> tous le scandale de la mise <strong>à</strong> l’écart d’une partie de la population sous les prétextes<br />
les plus fallacieux. Dans un souci d’intégration <strong>et</strong> de reconnaissance le coming out s’impose<br />
cependant comme le recours le plus efficace de toute une communauté, souvent bafouée, qui<br />
en se révélant cherche <strong>à</strong> s’affirmer <strong>et</strong> se protéger. Car si faire la sociologie de la différence<br />
revient <strong>à</strong> s'intéresser aux questions d’exclusion, d’inégalités, de discrimination, de<br />
disqualification ou de ségrégation, c’est aussi <strong>et</strong> surtout s’interroger sur la manière dont les<br />
identités collectives se forment <strong>et</strong> « se déforment » ainsi que sur la place du « suj<strong>et</strong> » au sein<br />
de celles-ci.<br />
Si faire son coming out revient comme le suggérait Sartre <strong>à</strong> m<strong>et</strong>tre fin <strong>à</strong> la honte comme<br />
« conscience de soi sous le regard d’autrui » (1943, 263), l’enjeu ne peut se limiter cependant<br />
<strong>à</strong> libérer l’individu en lui perm<strong>et</strong>tant d’assumer sa honte, d’accéder <strong>à</strong> une intégrité personnelle<br />
ou <strong>à</strong> un équilibre psychologique. L’enjeu est communautaire <strong>et</strong> la revendication n’est que la<br />
volonté d’accéder au quotidien <strong>à</strong> tous les possibles d’une société démocratique quel que soit<br />
le domaine : vie civile, travail, sport, <strong>et</strong>c.<br />
Révéler son homosexualité dépasse l’homme <strong>et</strong> consiste <strong>à</strong> s’exposer chaque jour plus<br />
nombreux <strong>et</strong> de manière plus visible pour mieux se fondre dans la masse, c’est <strong>à</strong> dire être<br />
intégré <strong>et</strong> assimilé sans craindre l’opprobre ou la discrimination. C’est aussi un message<br />
adressé aux autres qui n’osent pas le faire leur signifiant qu’ils ne sont pas seuls. Le coming<br />
out est donc une affirmation de soi mais aussi un défi qui marque l’engagement de l’individu<br />
dans un acte solidaire <strong>et</strong> politique. « Pour cesser d’être confinés dans l’espace privé ou<br />
considérés comme dégénérés (homosexuels) […] les acteurs qui construisent l’identité<br />
collective deviennent <strong>des</strong> militants qui interpellent la société » (Wieviorka, op. cit., 129). S’il<br />
est concevable que la revendication devienne un acte militant est-il possible néanmoins de<br />
concevoir que c<strong>et</strong>te identité collective puisse se construire sans heurts ni douleurs, sans crises<br />
ni conflits ? Ce serait réduire l’identité collective <strong>à</strong> un ensemble d’individus homogènes dans<br />
leurs choix, calculs, envies <strong>et</strong> raisonnements. Les antagonismes relatés par Chauncey <strong>entre</strong> la<br />
génération d’avant <strong>et</strong> après Stonewall, <strong>entre</strong> ceux qui désiraient « rester dans le placard » <strong>et</strong><br />
ceux qui souhaitaient en sortir, s’appliquent également aux sportifs « gays ». Si la visibilité<br />
revendiquée est une stratégie politique, elle s’oppose ainsi bien souvent <strong>à</strong> celle <strong>des</strong> suj<strong>et</strong>s qui<br />
désirent rester libres <strong>et</strong> maîtres de leurs choix sans se voir imposer au nom d’un intérêt<br />
collectif un acte qui les engage individuellement.<br />
<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />
leurs préventions. Page 132