Contribution à l'étude des relations entre sports et violences
Contribution à l'étude des relations entre sports et violences Contribution à l'étude des relations entre sports et violences
Chapitre 1. Un parcours sous influences ? Nous étions alors partagé entre deux sujets : les politiques sportives en France durant la guerre froide et le hooliganisme sans avoir conscience que le fondement commun était déjà les relations qu’entretiennent sports et violences même si les niveaux d’analyses ne sont pas comparables. Certains aspects pourtant les rapprochent. L’expression des nationalismes constitue à cet égard une grille de lecture de première importance. Car, en raison de la forte charge symbolique et identitaire véhiculée par le sport, et pas seulement par le football, l’espace sportif peut devenir rapidement le lieu d’affrontements violents, comme le montrent les bagarres qui, lors de la finale du championnat d’Europe de water-polo le 15 juin 2003, ont opposé les supporters croates à ceux de la Serbie-Monténégro. Ils sont un exemple du mélange complexe entre politique et sport. Lors de cette finale, les supporters croates ont lancé des insultes anti-serbes qui ont entraîné des violences que rarement des sports autres que le football avaient connues : jets de bouteilles, affrontements avec des barres de fer, attaques des supporters adverses avec des fusées de détresse, etc. Les conflits ethniques peuvent ainsi perdurer et prolonger la guerre dans le sport qui devient un terrain idéal pour la construction ou le renforcement des identités nationales (Grubisa, 2003). Le sport est aussi le reflet des tensions politiques existantes qui trouvent corps, sens et expression à travers un supportérisme exacerbé et chauvin conduisant au nationalisme ou l’accompagnant . « Ce cas montre bien de quelle manière ce n’est plus seulement la violence politique qui investit le sport, mais également la violence sportive, qui contamine le champ politique au fur et à mesure que les acteurs donnent au sport une importance accrue et que l’enjeu de la victoire se pare d’une charge symbolique surdéterminée que les contentieux ancrés dans le passé conflictuel contaminent sévèrement » (Bodin, et al., 2004, 62). Deux faits vont influencer définitivement la genèse de cette recherche par l’entrée principale du hooliganisme. Le premier sera médiatique de nouveau. Le 28 août 1993, la télévision retransmet en direct les violents affrontements entre policiers et supporters dans la tribune « Boulogne 5 » lors du match opposant le Paris Saint Germain (PSG) à Caen. Plusieurs policiers se font lyncher par la foule. Ces nouvelles exactions changent la donne, et interpellent, car le hooliganisme n’est plus un objet spatialement et culturellement éloigné. Il n’est plus le fait des seuls anglo-saxons. Il peut nous toucher directement. Le second concernera un ami. Le 11 juin 1995, lors d’une modeste finale de division d’honneur de rugby, opposant Castelnau-Magnoac à Nissan, M. L., arbitre de la rencontre, est agressé avec une rare violence par les joueurs, les dirigeants et quelques spectateurs au point de se voir octroyer 80 % d’incapacité permanente. Mais ce sont aussi les aspects humaniste et éducatif qui ont prévalu au choix du second sujet abordé pour la première fois à l’occasion d’une « petite note de recherche de maîtrise » puis, en DEA à travers « l’analyse des représentations sociales en matière de hooliganisme » que pouvaient avoir des individus agrégés en groupes homogènes (policiers, journalistes, délégués à la sécurité de clubs de football de première division, joueurs, supporters, arbitres, dirigeants de clubs). La poursuite de ce travail en thèse se fit en Staps avec le Pr. Menaut. On ne peut que louer l’honnêteté et la clairvoyance des enseignants précités qui m’ont incité à poursuivre cette recherche, avec leur aide, en étant toujours un chercheur associé au Larsef, mais dans une autre UFR dont le sport était l’objet d’étude central. Cette recherche sur sports et violences, en débutant par un sujet particulier, le hooliganisme, s’inscrit dans la durée. Si elle a démarré très tôt, en maîtrise, elle perdure depuis maintenant 10 ans. Cependant plus intéressant est de constater que le travail, fourni initialement, s’avéra 5 Le virage sud du parc des princes à Paris. Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à leurs préventions. Page 10
Chapitre 1. Un parcours sous influences ? fondamental dans le développement ultérieur de cette recherche : en servant tout d’abord de pré-enquête au travail de thèse, en permettant ensuite l’élaboration des outils d’investigations utilisés ultérieurement (questionnaires, grilles d’entretiens, grilles d’observation), en aidant également à construire très tôt un réseau relationnel très important (chercheurs, responsables sportifs, joueurs, policiers, élus fédéraux, et bien d’autres), en facilitant enfin une revue de questions pour le développement actuel de nos recherches concernant la prévention des violences par le sport. Il fut aussi initiatique de bien des manières : effort de rationalité et de construction à fournir, animation d’une équipe de recherche composée conjointement d’étudiants des Sciences de l’Éducation et des Staps, immersion dans des groupes déviants, confrontation/collaboration aux tenants du pouvoir politique sportif, confrontation/collaboration également aux autres chercheurs. Nous ne développerons pas ici ces points particuliers. Le premier sera finalement la trame continue des chapitres suivants. Les autres seront abordés respectivement dans les chapitres consacrés aux choix méthodologiques induits par l’analyse de la construction sociale de notre objet et dans celui consacré à la réorientation de notre objet de recherche, en tentant de monter comment un objet, au-delà des exigences de rationalité et d’objectivité nécessaire à toute démarche et méthode scientifique, peut se construire également en interaction et dialectique avec d’autres acteurs. Reconstruire et recontextualiser un parcours de recherche, son cheminement, ses errements, c’est aussi, bien au-delà de « l’inclination [possible] à se faire l’idéologue de sa propre vie » reconnaître la dette ineffaçable que l’on a. C’est également lever une première utopie : celle d’un chercheur et d’une recherche construits solitairement. Quel plaisir en effet, d’évoquer les étapes marquantes, quelques obstacles parmi d’autres et se remémorer ceux qui ont jalonné ce parcours et orienté cette recherche sans lesquels son développement n’aurait pas été identique. S’il fallait à ce stade retirer deux enseignements essentiels de la genèse de cette recherche c’est tout d’abord qu’à l’illusion d’un chercheur élaborant seul une recherche se substitue une réalité plus complexe qui met en évidence un processus social fait d’influences, de collaboration, de dialectique et parfois d’opposition. C’est également la découverte, probablement comme tout chercheur débutant, qu’une recherche ne fait que suivre et compléter des voies ouvertes et tracées par d’autres. Il nous semble néanmoins que nos travaux ont contribué à comprendre ces phénomènes de violences en analysant et critiquant la construction sociale de l’objet reposant tout à la fois sur un paradigme dominant et sur des données officielles, en montrant pourquoi le football était davantage concerné que les autres sports, et en analysant surtout le hooliganisme dans la complexité sociale des interactions, à partir d’une définition large de la violence, des différents participants au spectacle sportif et enfin, à travers l’exemple situé du hooliganisme que le sport, au sens générique du terme, n’était pas éducatif, socialisant, intégrant ou insérant en lui-même, il dépend des valeurs, des modalités et du contexte mis en œuvre. Autant de points que nous allons aborder maintenant. Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à leurs préventions. Page 11
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(chercheurs, responsables sportifs, joueurs, policiers, élus fédéraux, <strong>et</strong> bien d’autres), en<br />
facilitant enfin une revue de questions pour le développement actuel de nos recherches<br />
concernant la prévention <strong>des</strong> <strong>violences</strong> par le sport. Il fut aussi initiatique de bien <strong>des</strong><br />
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immersion dans <strong>des</strong> groupes déviants, confrontation/collaboration aux tenants du pouvoir<br />
politique sportif, confrontation/collaboration également aux autres chercheurs. Nous ne<br />
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c’est aussi, bien au-del<strong>à</strong> de « l’inclination [possible] <strong>à</strong> se faire l’idéologue de sa propre vie »<br />
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S’il fallait <strong>à</strong> ce stade r<strong>et</strong>irer deux enseignements essentiels de la genèse de c<strong>et</strong>te recherche<br />
c’est tout d’abord qu’<strong>à</strong> l’illusion d’un chercheur élaborant seul une recherche se substitue une<br />
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probablement comme tout chercheur débutant, qu’une recherche ne fait que suivre <strong>et</strong><br />
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Il nous semble néanmoins que nos travaux ont contribué <strong>à</strong> comprendre ces phénomènes de<br />
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davantage concerné que les autres <strong>sports</strong>, <strong>et</strong> en analysant surtout le hooliganisme dans la<br />
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différents participants au spectacle sportif <strong>et</strong> enfin, <strong>à</strong> travers l’exemple situé du hooliganisme<br />
que le sport, au sens générique du terme, n’était pas éducatif, socialisant, intégrant ou insérant<br />
en lui-même, il dépend <strong>des</strong> valeurs, <strong>des</strong> modalités <strong>et</strong> du contexte mis en œuvre. Autant de<br />
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