Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

Chapitre 4 : Renouveler son objet entre contraintes sociales et intérêts personnels
dont la face négative pourrait être le repli communautariste, ethnique et la violence
(Wieviorka, 1993). Celui encore de l’éducation et de la socialisation de jeunes au sein de
groupes déviants et violents avec les perspectives « carriéristes » que nous avons développées.
Disons le franchement les aspects éducatifs et préventifs ne sont pas pris en compte par, et
n’intéressent pas, l’institution sportive. Pour expliquer cela il faut peut être accepter l’idée
comme le suggère Latour (1999, 28) que la recherche « est une expérimentation collective de
ce qu’humains et non humains, ensembles, sont capables d’accepter ou de refuser ».
Au tout début de notre recherche, nous avons eu l’occasion d’être invité, un certain nombre de
fois, par la LNF (Ligue Nationale de Football) qui était alors intéressée par nos travaux… tant
que ceux-ci restaient à une phase descriptive : émergence et construction du hooliganisme,
identification des publics, etc. Il s’agissait d’ailleurs en même temps d’une contrepartie
débattue avec le Ministère de la jeunesse et des sports de l’époque et les fédérations, pour les
appuis, les recommandations et les autorisations reçues pour investir les différents sites. Rien
de plus normal et éthique, pour un chercheur, que d’effectuer un retour des données
recueillies auprès de ceux qui vous ont aidé à les collecter.
Le changement est radical cependant à partir du moment où les analyses commencent à mettre
en cause l’institution sportive et l’action de ses représentants. A la conférence de
Maubuisson 179 , ou pour la première fois nous exposions la question de « l’anomie sociale » et
de l’absence de politique préventive, nous fûmes pris à partie, après la conférence, car il
n’avait probablement pas osé le faire devant les 400 à 500 éducateurs, enseignants et
dirigeants présents, par le Président de la commission sécurité de la LNF, s’inscrivant en faux
sur nos dires.
C’est à ce moment que nous avons pris pleinement conscience du désintéressement de
l’institution pour les aspects préventifs et éducatifs, mais aussi des dysfonctionnements du
système. Cela ne fait que corroborer la description de Weber du « politique » déchiré entre
l’« éthique de la conviction », qui le pousse à agir quelles que soient les conséquences, et
l’« éthique de la responsabilité », valorisant les conséquences de ses actes.
Prenons un exemple simple et concret. La France est aujourd’hui le seul pays d’Europe, dans
lequel ne s’appliquent pas les versants préventifs et éducatifs du fan-coaching 180 . Seule la
présence dissuasive de stadiers et la surveillance des supporters est mise en place.
Ces propos nous ramènent inexorablement vers le déni de reconnaissance de ces supporters
dont les instances sportives n’ont commencé à s’intéresser, et à s’occuper, qu’à partir du
moment où ils posaient, non pas un problème d’ordre public mais bien, « d’ordre en public »
pouvant mettre en péril l’image du football et son développement économique. Car ce n’est
pas la maîtrise du phénomène qui importe ici, c’est son invisibilité. C’est ainsi que se
développe dans le football un ethos répressif et punitif où, paraphrasant Wacquant (1999), on
peut voir au passage comment des mesures sécuritaires et policières, dépourvues d’effet
(l’exemple le plus évident est l’Angleterre), arrivent à se généraliser, bien qu’elles échouent
partout, lorsqu’elles ne sont pas accompagnées de contreparties éducatives, mais se trouvent
pourtant validées par le fait même de leur diffusion. Les politiques sécuritaires qui sont
179 ème
9 université sportive organisée par l’Ufolep-Usep sur le thème « Violence et sport » du 2 au 5 juillet 2001 à
Carcans Maubuisson (33).
180
Rappelons succinctement que le fan-coaching, projet préconisé et soutenu par le conseil de l’Europe et
l’Union Européenne, consiste, d’une part, en la présence dissuasive et la surveillance des supporters dans le stade
dans le but de prévenir les violences (c’est le rôle des stadiers en France) et, d’autre part, en un travail de
prévention en amont des matches en organisant diverses activités pour les jeunes fans (rencontres sportives,
voyages, activités sportives distinctes du football).
Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à
leurs préventions. Page 118