Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

Chapitre 4 : Renouveler son objet entre contraintes sociales et intérêts personnels
travaux, en gardant cependant le même objet : l’étude des relations étroites et complexes
qu’entretiennent sports et violences.
Retour sur le hooliganisme et la question de départ pour
comprendre comment on peut progressivement changer de sujet
Lorsque Vigarello, introduisant notre contribution à un ouvrage collectif 177 , parle d’une
« analyse fine » qui confirme tout à la fois la complexité sociale du hooliganisme et la
mécompréhension de l’institution sportive, ces propos nous touchent profondément, venant
d’un chercheur connu et réputé pour la qualité de ses approches herméneutiques, car ils
soulignent, par là même, l’un des objectifs que nous nous étions préalablement fixés : celui de
reconstituer, à travers une démarche compréhensive et avec le moins d’erreurs possibles, le
sens des actions des supporters « hooligans » à partir de la question naïve de départ « d’où
vient la violence des supporters ? ». Force est cependant de constater que si ce premier
objectif est partiellement rempli, le second le fut moins. En se demandant « peut-on la
prévenir ? » nous avions en effet un objectif éducatif qui, en France du moins, s’avère non
atteint.
En affirmant cela, nous n’inscrivons pas seulement la recherche et la science dans une seule et
unique perspective utilitariste. Les questions du rapport entre « connaissance et intérêt » 178 , de
l’indépendance de la science et de la recherche face au pouvoir économique et politique, des
différences entre recherche et « recherche-action », de la répartition des tâches entre savants et
politique(s) sont des sujets amplement débattus, et pourtant non résolus, en France,
contrairement aux pays anglo-saxons et plus particulièrement ceux d’Amérique du nord. Si la
finalité de notre recherche, n’était pas l’éradication, ou la mise en place, de mesures
préventives concrètes, elle s’inscrivait cependant dans le but de contribuer à faire prendre
conscience à l’institution sportive, afin qu’elle agisse, de l’existence de rapports (de force)
objectifs entre les individus et les choses. C’était peut-être utopique. C’est là je crois que se
construit réellement la recherche et le chercheur. Le chercheur débutant imagine trop souvent,
et illusoirement, que sa recherche pourra intéresser, ceux qui gèrent l’objet étudié, oubliant
qu’à moins de verser dans le conformisme, ou de répondre à un appel d’offres circonstancié
en la matière, sa recherche ne reste avant toute chose, qu’un plaisir intellectuel passionnément
investi et éventuellement utilisable. Notre travail n’échappe pas à cela.
Le hooliganisme pose pourtant dans la société en générale, et sportive en particulier, de
multiples problèmes éducatifs. Celui tout d’abord d’une violence qui se donne à voir et, qui
de ce fait, peut éventuellement, par mimétisme, jeu, provocation, revanche sociale, et bien
d’autres raisons encore s’étendre à d’autres catégories de jeunes qui pourraient y trouver, non
seulement plaisir mais également, une valorisation (inter et intra) personnelle. C’est aussi le
problème de l’éducation et de la socialisation de ces jeunes, en dehors de tout contrôle et
contrainte sociale. Il faut prendre le terme de contrainte dans une acception large, fait
d’aspects normatifs qui s’imposent aux individus, mais également de collaboration et de
coopération, ne limitant pas seulement l’éducation et la socialisation à une perspective
durkheimienne où la société et le système prévalent sur l’homme, mais bien au contraire un
processus qui prend corps et forme dans un ensemble social complémentaire et parfois opposé
fait de « communautés et sociétés ». Celui par voie de conséquence d’une socialisation de
type communautaire fermée « entre pairs » qui, si elle peut être socialisante en partie, n’en
reste pas moins pour autant vécue dans la relation à autrui comme une construction identitaire
177 Bodin 2001.
178 Plagiant Habermas (1968b).
Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à
leurs préventions. Page 117