Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

Chapitre 1. Un parcours sous influences ?
A la même époque, investi passionnellement dans le tennis de table, grisé par les résultats
nationaux et internationaux, acquis par les joueurs dont nous avions la charge, nous en avions
oublié l’essentiel peut-être : l’acquisition d’un statut. Quatorze années étaient passées en tant
qu’entraîneur professionnel contractuel de clubs, de régions ou de la fédération. La
législation, relative au recrutement par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, avait changé
en 1981. Nous étions atteint par la limite d’âge du concours de « professeur de sport ».
L’évolution de notre carrière et l’opportunité d’envisager d’autres postes semblaient
compromises. A l’utopie méritocratique, le travail et les résultats acquis seront récompensés,
dans lequel nous évoluions, se substituait la nécessité de faire autre chose : dans ou en dehors
du sport. Si l’expérience acquise, dans le management humain ou la gestion sportive, et les
diplômes universitaires antérieurs 4 pouvaient éventuellement permettre une reconversion nos
diplômes dataient quelque peu pour briguer un poste de directeur des sports d’une collectivité
locale ou territoriale, voire de directeur du personnel d’une entreprise. Le retour à l’université
s’imposait pour actualiser tout à la fois connaissances et diplômes. Il n’existait pas alors de
passerelles entre ces derniers et d’autres filières. L’UFR Staps de Bordeaux 2 nous proposait
de reprendre des études en licence alors que nous souhaitions intégrer la maîtrise
« management ». Il fallait à 35 ans accepter de courir, sauter, nager… C’est sur les Sciences
de l’Éducation de Bordeaux 2, qui offrait la même opportunité, que se porta notre choix. Ce
fut pour nous une chance incroyable d’intégrer ce département. Il proposait une diversité
d’enseignements dans des domaines excessivement variés qui abordaient les questions
éducatives à travers des approches philosophiques, sociologiques et politiques. Certains
enseignements étaient entièrement conçus sur des recherches en-cours. Ce fut aussi la
rencontre d’enseignants qui ont, sans le savoir et sans le chercher, induits, progressivement
nos choix en matière d’objet de recherche mais aussi théoriques et méthodologiques : le Pr.
Debarbieux et l’analyse des phénomènes d’exclusion et de violence à l’école ; le Pr. Clanché
et les cours sur l’interactionnisme symbolique mais également son rapport passionnel au
football qui nous a fait découvrir les travaux de Bromberger ; le Pr. Jeannel et les cours sur les
politiques locales. Enfin, la participation dans le cadre de nos « travaux » de maîtrise, à la
thèse de Loubet sur la « Promotion sociale à travers les nouvelles formations d’ingénieur » fut
une formidable opportunité puisque, outre l’encadrement dont nous avons bénéficié, ce fut
l’occasion de participer, à la construction d’un objet de recherche et à sa mise en place sur le
terrain.
Si nous épousons l’idée de Bachelard selon laquelle « l’esprit scientifique doit se former
contre la nature, contre ce qui est en nous et hors du nous […] » (1938, 27) obligeant le
chercheur, ou l’apprenti chercheur à faire abstraction de ses sensations immédiates et de ses
convictions profondes, force est de constater que c’est dans ce cadre, à travers maintes
expériences et rencontres, que s’est développé cet intérêt particulier pour la recherche. Même
si nous avons conscience, aujourd’hui, en reconstruisant ce parcours a posteriori, qu’il nous a
fallu peut-être davantage encore que d’autres, lutter pour détruire les « obstacles
épistémologiques » qui dérivaient d’une conception naïve et magique du monde (sportif) dont
nous n’avions absolument pas conscience. En effet le lien est évident. Il est tout autant
existentiel qu’anthropologique en ce sens que nous cherchons à interroger les comportements
des individus, les croyances et les institutions d’une société (sportive) dans laquelle nous
étions, nous-mêmes immergé et impliqué donc porteur d’idées, préconçues peut-être, de
préjugés et de jugements de valeurs dont il faudra se débarrasser pour objectiver la recherche.
4 DUT de finances-comptabilité, licence en droit, licence en psychologie.
Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à
leurs préventions. Page 9