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Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

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Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : <strong>des</strong> analyses renouvelées<br />

Rome une dérive xénophobe, chacun juge, bien évidemment, ces comportements choquants <strong>et</strong><br />

inadmissibles, mais n’y voit que le symbole d’une résurgence de l’Italie fasciste. Mais<br />

finalement, personne ne se pose jamais la question de savoir si skinheads <strong>et</strong> hooligans sont<br />

une seule <strong>et</strong> même entité ? S’il n’existe pas d’autres courants idéologiques dans les sta<strong>des</strong> ? Si<br />

les idéologies politiques affichées <strong>et</strong> revendiquées sont réelles ? Ou encore, quel est le sens <strong>à</strong><br />

donner <strong>à</strong> ces affirmations politiques <strong>et</strong> xénophobes ?<br />

Ce n’est pas tant « l’idéologie » en tant que mot ou concept qu’il s’agit d’interroger, mais ce<br />

que ce vocable recouvre de sens <strong>et</strong> de présupposés qui, sans nul doute, transparaissaient sous<br />

d’autres noms bien avant que Destutt de Tracy ne l’invente <strong>à</strong> la fin du XVIII ème siècle. Il<br />

existe tant de niveaux différents d’acception que la polysémie même de ce terme en fait, au<br />

mieux, un concept dilué. L’idéologie est-elle un idéal, <strong>des</strong> idées, préceptes, croyances,<br />

jugements de valeurs qu’une société tend <strong>à</strong> imposer <strong>à</strong> ses membres ou aux autres ? Ou bien<br />

est-ce au contraire un idéal, <strong>des</strong> idées, préceptes, croyances, jugements de valeurs que <strong>des</strong><br />

individus, en plus ou moins grand nombre, essaient de faire passer, voire d’imposer, au sein<br />

d’une société, tentant ainsi de bouleverser l’ordre social établi ? Quelle que soit la définition<br />

r<strong>et</strong>enue, l’idéologie doit être considérée comme le ferment <strong>et</strong> le fondement de bien <strong>des</strong><br />

fanatismes ou totalitarismes de toutes sortes (Arendt, 1972).<br />

Supportérisme <strong>et</strong> idéologies politiques<br />

Le phénomène n’est cependant pas nouveau. Les skinheads sont apparus <strong>à</strong> la fin <strong>des</strong> années<br />

1960 en Angl<strong>et</strong>erre. A l’origine ce mouvement, relativement confidentiel, n’est pas raciste. Il<br />

s’inscrit tout <strong>à</strong> la fois en réaction au mouvement hippie <strong>et</strong> <strong>à</strong> la déstructuration de l’économie<br />

anglo-saxonne. Émerge ainsi une contre-culture : les hippies ont les cheveux longs,<br />

revendiquent la paix ; les skinheads porteront les cheveux courts <strong>et</strong> afficheront <strong>des</strong> normes de<br />

masculinité <strong>et</strong> de virilité <strong>à</strong> travers la violence. Les skinheads, issus <strong>à</strong> l’époque pour la plupart<br />

<strong>des</strong> milieux ouvriers, partagent <strong>des</strong> valeurs communes avec les immigrés qui sont, comme<br />

eux, exclus d’une société en déliquescence. Ils aiment alors le ska <strong>et</strong> le reggae. Les skinheads<br />

trouvent dans le football, indissociable <strong>à</strong> c<strong>et</strong>te époque de la culture populaire anglo-saxonne,<br />

un moyen <strong>et</strong> un lieu d’expression valorisant. En décrivant succinctement l’émergence de ce<br />

mouvement on est loin du portrait archétypique associant supporters, hooligans, skinheads <strong>et</strong><br />

idéologie d’extrême droite <strong>à</strong> son origine.<br />

C’est <strong>à</strong> la fin <strong>des</strong> années 1970 que le mouvement skinhead tournera réellement <strong>à</strong> la violence.<br />

Le slogan de l’époque, « No future », exprime bien le désarroi social dans lequel les skinheads<br />

s’inscrivent. Le mouvement se radicalise <strong>et</strong> réagit <strong>à</strong> la paupérisation de la société anglosaxonne<br />

<strong>et</strong> <strong>à</strong> la politique socio-économique qui marginalise les jeunes issus de la classe<br />

ouvrière. Ils adoptent un cri de ralliement Oï (« Oh you! », « Hep, toi ! »). La musique Oï est<br />

née avec <strong>des</strong> groupes qui contestent l’ordre établi, la politique économique <strong>et</strong> sociale de<br />

Thatcher, l’exclusion <strong>des</strong> ouvriers blancs (Garry, 1982). Elle prend place dans les tribunes,<br />

certains groupes musicaux affichent leur soutien <strong>à</strong> tel ou tel club dans leurs chansons <strong>et</strong><br />

composent quelques mélodies faciles <strong>à</strong> utiliser pour soutenir les équipes. Certains supporters<br />

se reconnaissent alors dans ces groupes.<br />

Progressivement vont ainsi se structurer <strong>des</strong> groupes skinheads qui se radicaliseront toujours<br />

davantage en réaction <strong>à</strong> la situation d’exclusion dont ils sont ou se sentent victimes. Leur<br />

violence s’inscrit alors dans la mise en évidence d’un « dysfonctionnement social » (Coser,<br />

1956). Émerge ainsi l’ICF de West Ham (Inter City Firm du nom d’un réseau de trains) en<br />

1975. Les skinheads n’affichent pourtant pas encore tous, loin s’en faut, une appartenance<br />

politique. Ce n’est qu’<strong>à</strong> partir du début <strong>des</strong> années 1980 que le mouvement va se radicaliser.<br />

La plupart <strong>des</strong> skinheads s’inscrivent dans les deux principaux partis d’extrême droite : le<br />

<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />

leurs préventions. Page 104

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