Contribution à l'étude des relations entre sports et violences
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Chapitre 3 : Le hooliganisme en France : <strong>des</strong> analyses renouvelées<br />
s’accaparer les virages. Ceux-ci vont devenir <strong>des</strong> territoires délimités, bien qu’ouverts <strong>à</strong> tous,<br />
mais où tous ceux qui s’y installeront, devront obligatoirement participer <strong>à</strong> la<br />
spectacularisation de l’événement.<br />
A titre d’exemple, si vous vous rendez dans un virage pour un match, un jour de tifo, vous<br />
êtes obligé, moralement, de brandir les papiers déposés dans les gradins pour fabriquer les<br />
figures emblématiques qui décorent les sta<strong>des</strong>.<br />
Ces territoires <strong>et</strong> ces spectacles sont signalés <strong>et</strong> signifiés par <strong>des</strong> bâches au nom ou aux<br />
insignes du groupe. Le spectacle devient synonyme de capacité <strong>à</strong> organiser, <strong>à</strong> rassembler un<br />
grand nombre d’individus pour composer de gigantesques fresques avec <strong>des</strong> feuilles de<br />
papiers ou encore recouvrir le virage de bâches, en forme de maillot, aux couleurs du club.<br />
Dès lors le spectacle devient enjeu de bien <strong>des</strong> manières. Il faudra d’abord être capable de<br />
faire mieux chez soi, afin de montrer que l’on est meilleur, ou empêcher l’autre groupe de<br />
produire son show en volant son matériel, en chantant plus fort que lui, <strong>et</strong>c. Le spectacle<br />
devient concurrence tout autant qu’il est vécu comme une provocation ou une atteinte <strong>à</strong><br />
l’honneur lorsqu’une bâche est volée.<br />
Mais la territorialisation <strong>des</strong> tribunes est source de bien d’autres conflits. Tous les<br />
emplacements ne procurent pas la même visibilité dans le stade. La volonté hégémonique <strong>et</strong> la<br />
soif de reconnaissance entraînent de nombreux affrontements.<br />
Un exemple simple est celui de la bagarre opposant deux leaders marseillais dans le virage<br />
nord... de Bordeaux en 1998. C<strong>et</strong>te bagarre dégénère vite au point que Winners <strong>et</strong> Ultras<br />
marseillais s’affrontent, surprenant stadiers <strong>et</strong> policiers qui s’attendaient davantage <strong>à</strong> <strong>des</strong><br />
escarmouches <strong>entre</strong> bordelais <strong>et</strong> marseillais. En dehors <strong>des</strong> différents identitaires de ces deux<br />
groupes, l’explication de c<strong>et</strong>te bagarre tient dans la tentative d’éviction quelques semaines<br />
plus tôt <strong>des</strong> Winners par les Ultras dans le virage sud du stade vélodrome. Depuis que le<br />
CU84 s’est scindé en trois entités distinctes (Fanatics, Winners <strong>et</strong> Ultras), la rivalité est très<br />
forte <strong>entre</strong> Winners <strong>et</strong> Ultras pour bénéficier de la meilleure visibilité dans le virage sud de<br />
Marseille. Alors que les membres du noyau dur <strong>des</strong> Winners étaient en Belgique pour prêter<br />
« main forte » <strong>à</strong> leurs homologues du Hell Side du Standard de Liège, les Ultras tentèrent,<br />
sans résultat, d’investir leur territoire, situé au-<strong>des</strong>sus du leur <strong>et</strong> plus visible. Le groupe resté<br />
sur place repoussa les attaques <strong>des</strong> Ultras. La vigilance <strong>des</strong> stadiers, <strong>et</strong> <strong>des</strong> dirigeants,<br />
empêcha toutes représailles pendant plusieurs semaines. Elles se concrétisèrent finalement <strong>à</strong><br />
Bordeaux ou tout le monde ignorait les antagonismes. De nombreux affrontements trouvent<br />
ainsi leur origine dans <strong>des</strong> logiques territoriales <strong>et</strong> <strong>des</strong> antécédents qui remontent parfois <strong>à</strong><br />
plusieurs saisons.<br />
Violence <strong>et</strong> hooliganisme comme « jeu » social.<br />
Le hooliganisme est un jeu. C’est d’abord une sorte de taquinerie instaurée par de jeunes<br />
supporters trouvant dans le chahut une unité, une complicité <strong>et</strong> un défoulement dionysiaque.<br />
C’est aussi « un mécanisme concr<strong>et</strong> grâce auquel les hommes structurent leur relation de<br />
pouvoir » (Crozier, Friedberg, op. cit., 113). Il ne s’agit plus d’un simple divertissement mais<br />
bien d’une relation qui vise <strong>à</strong> instaurer la plus grande emprise possible sur l’autre.<br />
Des p<strong>et</strong>its faits bénins, dérisoires <strong>et</strong> futiles, semblables aux incivilités (Roché, 1996)<br />
remarquables dans la société civile, sont ainsi très souvent le prélude <strong>à</strong> <strong>des</strong> affrontements<br />
beaucoup plus violents. On parle ainsi en criminologie d’eff<strong>et</strong>s de spirale. Ainsi par jeu, mais<br />
également pour prouver leur supériorité, les supporters provoquent leurs homologues<br />
adverses : chahut, huées lors de leur arrivée au stade. Tout est prétexte <strong>à</strong> les dévaloriser <strong>et</strong> <strong>à</strong><br />
leur faire peur. La venue de supporters adverses est vécue comme un défi <strong>et</strong> il faut leur<br />
<strong>Contribution</strong> <strong>à</strong> l’étude <strong>des</strong> <strong>relations</strong> <strong>entre</strong> <strong>sports</strong> <strong>et</strong> <strong>violences</strong>. De leurs manifestations <strong>à</strong><br />
leurs préventions. Page 99