Contribution à l'étude des relations entre sports et violences

Chapitre 1. Un parcours sous influences ?
sorties internationales, régulièrement, sous les prétextes les plus fallacieux 2 , elle était écartée
des sélections à venir. Là encore, loin d’interpréter conceptuellement cette exclusion comme
une forme de violence et/ou de disqualification sociale (Paugam, 1991 ; 1996) avec toute la
complexité et les enjeux, économiques, politiques et sportifs, liés au sport de haut niveau,
l’analyse se limitait à une simple et inexplicable injustice.
Il serait possible de continuer ainsi une longue litanie des différentes formes de violences,
auxquelles cet investissement professionnel à des niveaux très différents (local, régional,
national et international) nous a progressivement confrontés : injustices, exclusion, dopage,
malversation de dirigeants, violences physiques, morales, symboliques, et bien d’autres
encore, ébranlant progressivement les certitudes de notre rapport originel au sport : comme
lieu privilégié de convivialité et laboratoire de sociabilité (Jeu, 1987).
Le drame du Heysel 3 va renforcer ce sentiment d’un sport porteur, d’autres valeurs, moins
laudatives, plus « négatives » ou, tout au moins, de certains dysfonctionnements. En
préambule de la finale de coupe d’Europe des clubs champions qui oppose Liverpool (déjà
vainqueur de l’édition 1984) à la Juventus de Turin (qui remportera ce match) 31 personnes
trouvent la mort. Cette tragédie est retransmise en direct à la télévision. Les commentaires des
journalistes insistent sur la monstruosité des hooligans anglais à l’origine, selon eux, des
événements. Le Heysel n’est pourtant pas l’archétype, mais nous ne le saurons que beaucoup
plus tard en nous intéressant à la construction sociale de cet objet de recherche, des actes de
hooliganisme mais, bien davantage, un défaut de la sécurité passive du stade. Cet événement
interpelle l’éducateur au plus profond de ses convictions. Est-ce cela le sport ? Est-ce le sport
qui génère autant de violence ? Cette violence est-elle le fait de sportifs ? « Mes » jeunes
auraient-ils pu participer à pareils actes ? Et bien d’autres questions encore.
Rencontres, hasards et opportunités
A cette époque un dirigeant atypique marque le tennis de table français : Bernard Jeu. Il
deviendra ultérieurement, entre autres responsabilités universitaires et sportives, président de
la fédération. C’est dans les déplacements internationaux, auxquels il participe, que nous est
donnée pour la première fois l’occasion d’un « philosophé » de l’objet en discutant avec lui,
des exactions et dérives qui marquent l’univers sportif, mais aussi, d’aborder, grâce à ses
réponses et à ses conseils en matière de lecture, de manière moins naïve, l’analyse du sport.
Commence alors un long vagabondage intellectuel à travers une lecture nomade de différents
écrits relatifs aux violences exercées dans, par et à travers le sport. La finalité n’est pas la
recherche. Nous n’y songeons même pas. Il s’agit tout simplement d’une soif d’apprendre et
de comprendre une réalité sociale, la sphère sportive, qui s’avérait plus complexe que nous
pouvions l’imaginer en tant que pratiquant ou éducateur et ce, à quelque niveau que ce soit.
Ce vagabondage intellectuel nous entraîne, entre autres, des écrits philosophiques (Jeu, 1975,
1977, 1992 ; Vigarello, 1985), historiques (Thomas, 1991 ; Vigarello, 1988) à la sociologie,
dont nous ne savons pas encore qu’elle peut-être « culturaliste », « déterministe » ou
« critique » (Pociello, 1981 ; Bourdieu, 1984 ; Brohm, 1992, 1993).
2 On peut citer comme exemple, un courrier reçu de l’entraîneur national des féminines de l’époque, lui
annonçant sa non sélection pour un stage en Chine sous le prétexte que compte tenu de ses problèmes de santé
antérieurs, « elle ne supporterait pas la cuisine chinoise et le décalage horaire ».
3 A Bruxelles dénommé aujourd’hui stade Baudouin, effaçant ainsi la mémoire collective les dernières traces de
ce drame.
Contribution à l’étude des relations entre sports et violences. De leurs manifestations à
leurs préventions. Page 8