Blanqui, Adolphe (1798-1854). Histoire de l'économie politique en ...

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62 HISTOIRE prématurée. Quinze cents millions ne pouvaient pas &tre ainsi déplacés légèrement dans un pays moins habitué ailx vastes opérations du crédit que l'Angleterre et la Hollande. C'était aussi hasarder beaucoup que de sub- stituer les actions de la compagnie des Indes aux titres des créanciers de l'État et de leur faire troquer, comme on le disait dans le temps, leurs certificats de rentes contre les brouillards du Mississipi. Cependant la me- sure aurait réussi sans la fureur avec laquelle le public se prbeipita dans les spéculations dont elle devint le signal. Les actions, à peine émises; montèrent au triple, au quintuple, et même au décuple de leur capital no- minal. On eût dit que les Franqais ne sauraient plus désormais oh placer leur argent, tant ils se pressaient , pour obtenir à tout prix des titres du nouvel emprunt. La seconde émission vit se réaliser à cinq mille livres, cent mille actions de cinq cents francs. Ce fut une fré- nésie générale, encouragée d'ailleurs par la latitude accordée aux souscripteurs de se libérer en dix verse- ments de mois en mois. 11 suffisait de donner des arrhes, comme dit si ingénieusement M. Thiers l, pour s'assurer dix actions au lieu d'une. Les créanciers de l'État ne furent pas les derniers à se pr&ter à leur spoliation, et l'histoire du système est toute pleine des brigandages qui ont ouvert dignement dans notre pays la carrière de l'agiotage. Nous ne pouvons exposer ici succinctement que les résultats de cette grande révolution iinanciére , qui causa de grands maux, comme toutes les révolutions, mais qui produisit aussi de grands biens, des biens du- rables, en compensation de maux passagers. La morale Notice sur Law, dans l'lncyclopddie progressice, p. 80.

DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE. CHAP. XXXI. 63 publique en reçut principalement de rudes atteintes, trop capables de détourner les honnhtes gens de la voie longue et épineuse di1 travail. n Les variations de la fortune étaient si rapides, dit M. Thiers ', que des agioteur~, recevant des actions pour aller les vendre, en les gardant un jour seulement, avaient le temps de faire des profits énormes. On en cite un qui, chargé d'aller vendre des actions, resta deux jours 'sans paraître. On crut les actions volées; point du tout : il en rendit fidè. lement la valcur; mais il s'était donné le temps de gagner un million pour lui. Cette faculté qu'avaient les capitaux cle produire si. rapidement, avait amené un trafic : on prêtait les fonds à l'heure, et on exigeait un intérbt dont il n'y a pas d'exemple. Les agioteurs trouvaient encore à payer l'intérkt exigé et à recueillir un profitpour eux-mkmes. On pouvait gagner jusqu'à un million par jour. Il n'est donc pas étonnant que les valets devinssent tout à coup aussi riches que des seigneurs : on en cite un qui, rencontrant son maitre par un mau~ais temps, fit arrbter son carrosse et lui offrit d'y monter. 8 La folie en vint à ce point, que les .actions montèrent à trente capitaux pour un et que l'agiotage absorba, comme un gouffre, toutes les économies du riche et du pauvre, en moins de quelques mois. Il n'y eut bientdt plus assez de galons chez les marchands pour dorer la nouvelle aristocratie qui sortit de cette effervescence de bourse, et les six cent 'millc actions de la compagnie des Indes en vinrent à représenter plus de dix niilliards imaginaires. Il faut avoir 6té témoin de quelques engouements financiers du temps présent pour se faire une idée du délire de l'époque de 1 Article Latu, dejà aité.

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prématurée. Quinze c<strong>en</strong>ts millions ne pouvai<strong>en</strong>t pas &tre<br />

ainsi déplacés légèrem<strong>en</strong>t dans un pays moins habitué<br />

ailx vastes opérations du crédit que l'Angleterre et la<br />

Hollan<strong>de</strong>. C'était aussi hasar<strong>de</strong>r beaucoup que <strong>de</strong> sub-<br />

stituer les actions <strong>de</strong> la compagnie <strong>de</strong>s In<strong>de</strong>s aux titres<br />

<strong>de</strong>s créanciers <strong>de</strong> l'État et <strong>de</strong> leur faire troquer, comme<br />

on le disait dans le temps, leurs certificats <strong>de</strong> r<strong>en</strong>tes<br />

contre les brouillards du Mississipi. Cep<strong>en</strong>dant la me-<br />

sure aurait réussi sans la fureur avec laquelle le public<br />

se prbeipita dans les spéculations dont elle <strong>de</strong>vint le<br />

signal. Les actions, à peine émises; montèr<strong>en</strong>t au triple,<br />

au quintuple, et même au décuple <strong>de</strong> leur capital no-<br />

minal. On eût dit que les Franqais ne saurai<strong>en</strong>t plus<br />

désormais oh placer leur arg<strong>en</strong>t, tant ils se pressai<strong>en</strong>t<br />

, pour obt<strong>en</strong>ir à tout prix <strong>de</strong>s titres du nouvel emprunt.<br />

La secon<strong>de</strong> émission vit se réaliser à cinq mille livres,<br />

c<strong>en</strong>t mille actions <strong>de</strong> cinq c<strong>en</strong>ts francs. Ce fut une fré-<br />

nésie générale, <strong>en</strong>couragée d'ailleurs par la latitu<strong>de</strong><br />

accordée aux souscripteurs <strong>de</strong> se libérer <strong>en</strong> dix verse-<br />

m<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> mois <strong>en</strong> mois. 11 suffisait <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s arrhes,<br />

comme dit si ingénieusem<strong>en</strong>t M. Thiers l, pour s'assurer<br />

dix actions au lieu d'une. Les créanciers <strong>de</strong> l'État ne<br />

fur<strong>en</strong>t pas les <strong>de</strong>rniers à se pr&ter à leur spoliation, et<br />

l'histoire du système est toute pleine <strong>de</strong>s brigandages qui<br />

ont ouvert dignem<strong>en</strong>t dans notre pays la carrière <strong>de</strong><br />

l'agiotage.<br />

Nous ne pouvons exposer ici succinctem<strong>en</strong>t que les<br />

résultats <strong>de</strong> cette gran<strong>de</strong> révolution iinanciére , qui<br />

causa <strong>de</strong> grands maux, comme toutes les révolutions,<br />

mais qui produisit aussi <strong>de</strong> grands bi<strong>en</strong>s, <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>s du-<br />

rables, <strong>en</strong> comp<strong>en</strong>sation <strong>de</strong> maux passagers. La morale<br />

Notice sur Law, dans l'lncyclopddie progressice, p. 80.

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