Blanqui, Adolphe (1798-1854). Histoire de l'économie politique en ...

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280 HISTOIRE dangers? Cettë prospérité a été aussi fatale à l'Espagne que les plus grands malheurs. Elle l'a endormie dans une sécurité funeste ; elle lui a fait croire que la puis- sance des États résidait dans les métaux précieux et non dans le travail ; elle a engendré les préjugés absurdes . de la balance du commerce et les lois draconiennes contre l'exportation du numéraire; elle a couvert de fleurs les bords du précipice oh cette monarchie devait un jour s'engloutir. C'est dans les écrits memes publiés sous l'influence de ces préjugés déplorables qu'il faut chercher l'expli- cation de la décadence de l'Espagne et du progres des mauvaises doctrines économiques dans ce pays. Presque tous rédigés par des prbtres ou par des employés du fisc, ces traités sont de véritables manifestes contre les principes fondamentaux de la richesse des nations. Op- pression au dedans, exclusion au dehors, telle est leur devise. On dirait, en les lisant, que l'espèce humaine a été créée pour le bon plaisir de quelques familles ou de quelques corporations. Toutefois, vcrs la fin du dix- huitième siècle, le mouvement philosophique parti de France pénétra en Espagne et y produisit une réaction favorable à l'économie politique, sous le règne de Charles III. Des commissaires furent nommés pour ex- plorer les possessions américaines ; des canaux furent tracés, des routes ouvertes dansla métropole, et la banque de Saint-Charles sembla vouloir initier les Espagnols aux avantages du crédit. En mbme temps, Cabarrus, Jovellanos, Danvila, Martinez de la Mata, Semparé y Guarinos, et de nos jours Valle Santoro, Florez Estrada, et plusieurs membres distingués des cortès essayaient de rappeler la nation aux principes trop longtemps mécon- nus de l'économie politique.

DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE. CHAP. XLV. 281 Mais tous ces efforts ont été impuissants contre l'opiniâtreté des préjugés nationaux et contre les malheurs dont l'Espagne a été accablée depuis le commencement du dix-neuviènie siècle. Le système prohibitif lui a fait perdre ses plus belles colonies; les monopoles industriels ont détruit toutes ses manufactures; la dîme, les majorats ont frappé son agriculture de stérilitk; la guerre a dissipé ce qui lui restait de capitaux, et l'anarchie paralyse encore les efforts qu'elle fait pour reprendre son rang parmi les nations. Jamais peuple n'offrit un exemple plus frappant des chitiments qui suivent les erreurs en économie politique, et jamais les citoyens d'aucun pays n'expièrent d'une manière plus cruelle les fautes de leur gouvernement. 11 n'y a pas une seule plaie sociale de cette monarchie qui ne soit le résultat d'une mauvaise doctrine, et l'on pourrait dire qu'elle a servi d'exemple à toutes les autres en leur apprenant à profiter de ses mécomptes. L'école économiqne espagnole est en effet celle qui a répandu le plus de préjugés commerciaux dans le monde, et l'Espagne est le pays qui en a le plus souffert. Son économie politique est encore la m&me que celle de Charles-Quint, et les protestations éloquentes de Jovellanos et de Florez Estrada n'ont pu parvenir à l'entamer. : L'économie politique a eu, en France, des destinées plus heureuses. 11 ne s'est pas passé un siècle sans que des voix généreuses se soient élevées pour le triomphe des principes éternels de justice dans la répartition des profits du travail. Dès le règne de saint Louis, les corporations assuraient à chaque corps de métier, si ce n'est à chaque travailleur, une certaine indépendance; l'ouvrier était assujetti à une discipline sévère, mais du moins la c~rporation était libre. Sous Henri IV, l'agri- 16.

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dangers? Cettë prospérité a été aussi fatale à l'Espagne<br />

que les plus grands malheurs. Elle l'a <strong>en</strong>dormie dans<br />

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<strong>de</strong> la balance du commerce et les lois draconi<strong>en</strong>nes<br />

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C'est dans les écrits memes publiés sous l'influ<strong>en</strong>ce<br />

<strong>de</strong> ces préjugés déplorables qu'il faut chercher l'expli-<br />

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tous rédigés par <strong>de</strong>s prbtres ou par <strong>de</strong>s employés du<br />

fisc, ces traités sont <strong>de</strong> véritables manifestes contre les<br />

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pression au <strong>de</strong>dans, exclusion au <strong>de</strong>hors, telle est leur<br />

<strong>de</strong>vise. On dirait, <strong>en</strong> les lisant, que l'espèce humaine a<br />

été créée pour le bon plaisir <strong>de</strong> quelques familles ou <strong>de</strong><br />

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huitième siècle, le mouvem<strong>en</strong>t philosophique parti <strong>de</strong><br />

France pénétra <strong>en</strong> Espagne et y produisit une réaction<br />

favorable à <strong>l'économie</strong> <strong>politique</strong>, sous le règne <strong>de</strong><br />

Charles III. Des commissaires fur<strong>en</strong>t nommés pour ex-<br />

plorer les possessions américaines ; <strong>de</strong>s canaux fur<strong>en</strong>t<br />

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<strong>de</strong> Saint-Charles sembla vouloir initier les Espagnols<br />

aux avantages du crédit. En mbme temps, Cabarrus,<br />

Jovellanos, Danvila, Martinez <strong>de</strong> la Mata, Semparé y<br />

Guarinos, et <strong>de</strong> nos jours Valle Santoro, Florez Estrada,<br />

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