Blanqui, Adolphe (1798-1854). Histoire de l'économie politique en ...
Blanqui, Adolphe (1798-1854). Histoire de l'économie politique en ... Blanqui, Adolphe (1798-1854). Histoire de l'économie politique en ...
a 124 HISTOIRE un fait évident, continuel, nécessaire, que l'esp8ce hu- maine obéit aveuglément a la loi de multiplication indéfinie, tandis que les subsistances, qui la font vivre ne se multiplient pas avec elle dans les memes propor- tions. Ce fait lui paraît tellement démontré, qu'il ne craint pas de le formuler comme un axiome de mathé- matiques, et il affirme que les hommes s'accroissent en progression géométrique, et les vivres en progression arithmétique. Il arriverait donc un moment où les pro- visions seraient insuffisantes pour les voyageurs, si ces sinistres correctifs qu'on appelle les maladies, la misère, la mort, n'intervenaient régulièrement pour rétablir l'équilibre. Malthils prononçait cette sentence des mal- . heureux en termes inhumains : a Un homme qui naît dans un monde déjk occupé, disait-il ', si sa famille n'a pas les moyens de le nourrir ou si la société n'a pas besoin de son travail, cet'homme n'a pas le moindre droit à réclamer une portion quelconque de nourriture, et il est réelleme?bt de trop sur la terre. Au grand ban- quet de la nature, il n'y a point de couvert mis pour lui. La nature lui commande de s'en aller, et elle ne tarde pas à mettre elle-m&me cet ordre à exécution. u Voilà quel est le fond de la doctrine de Malthus sur la population. Il faut voir à présent sur quels argu- ments il a essaye de l'établir. Au lieu d'observer rigoureusement ce qui se passe dans les sociétés civilisées de longue date, l'auteur se transporte en Amérique, aux États-unis, pays vierge, fertile, immense, où la population double tous les vingt- 1 Ce passage cruel a été supprime par Malthus dans les derniè- res 6ditions de son livre; mais l'esprit de sa doctrine n'y est pas , moins résumé avec une énergique verité, et c'&ait la doctrine plu- tBc que le langage qu'il fallait modifier.
DE L'ÉCONOMIE POLITIQUE. CHAP. XXXV. 125 cinq ans. C'est ce pays qu'il prend pour type du reeste du monde, et il admet sans hésiter que I'espéce liiimaine s'accroîtrait avec la mkme rapidité partout ailleurs, si la force des choses ne contenait ce développement dans ?c certaines limites. Une fois, en effet, que la popuIalion s'est élevée jusqu'au niveau des subsistances, cellesci venant t~ manquer, les vices, les maladies, les calamités de tout genre commencent à pleuvoir sur les hommes qui sont de trop, selon Malthus, et la population diminue jusqu'à ce qu'il y ait des vivres pour tout le monde. L'histoire en main, il s'efforce de prouver que les memes conséquences ont toujours dScoulé des mémes situations, et que dans l'état barbare comme dans l'état civilisb, il n'y a jamais eu de compromis entrt? la disette et la mort. Et encore si la mort vcnait seule! mais elle ne paraît jamais, dans ces tristes conjonctures, sans être accompagnée d'un cortege de crimes et d'horreurs de tout genre; sans arborer son lugubre étendard snr les hôpitaux, dans les bagnes et sur les écliafauds. Ainsi la peint 3Ialthu~, tclle que nous l'avons vue bien des fois, sans oser croire avec lui qu'elle vint, sous cette forme, par ordre de Dieu méme et comme une nécessité de notre ordre social. Nous commençons par contester la double progression établie par ilfalthus; mais avant de signaler cette erreur fondamentale de son système, il faut voir quelles conséquences terribles il en tirait. Il proclamait d'abord le danger des aumônes, des secours publics ou privés, permanents on temporaires; il défendait le mariage, hormis à certains hommes, et il condamnait à mort des milliers d'enfants près de naître. Les charités prodiguées aux pauvres dans un esprit religieux, ou par amour de la bienfaisance, n'étaient à ses yeux que des faveurs
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un fait évi<strong>de</strong>nt, continuel, nécessaire, que l'esp8ce hu-<br />
maine obéit aveuglém<strong>en</strong>t a la loi <strong>de</strong> multiplication<br />
indéfinie, tandis que les subsistances, qui la font vivre<br />
ne se multipli<strong>en</strong>t pas avec elle dans les memes propor-<br />
tions. Ce fait lui paraît tellem<strong>en</strong>t démontré, qu'il ne<br />
craint pas <strong>de</strong> le formuler comme un axiome <strong>de</strong> mathé-<br />
matiques, et il affirme que les hommes s'accroiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
progression géométrique, et les vivres <strong>en</strong> progression<br />
arithmétique. Il arriverait donc un mom<strong>en</strong>t où les pro-<br />
visions serai<strong>en</strong>t insuffisantes pour les voyageurs, si ces<br />
sinistres correctifs qu'on appelle les maladies, la misère,<br />
la mort, n'interv<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t régulièrem<strong>en</strong>t pour rétablir<br />
l'équilibre. Malthils prononçait cette s<strong>en</strong>t<strong>en</strong>ce <strong>de</strong>s mal- .<br />
heureux <strong>en</strong> termes inhumains : a Un homme qui naît<br />
dans un mon<strong>de</strong> déjk occupé, disait-il ', si sa famille<br />
n'a pas les moy<strong>en</strong>s <strong>de</strong> le nourrir ou si la société n'a<br />
pas besoin <strong>de</strong> son travail, cet'homme n'a pas le moindre<br />
droit à réclamer une portion quelconque <strong>de</strong> nourriture,<br />
et il est réelleme?bt <strong>de</strong> trop sur la terre. Au grand ban-<br />
quet <strong>de</strong> la nature, il n'y a point <strong>de</strong> couvert mis pour<br />
lui. La nature lui comman<strong>de</strong> <strong>de</strong> s'<strong>en</strong> aller, et elle ne<br />
tar<strong>de</strong> pas à mettre elle-m&me cet ordre à exécution. u<br />
Voilà quel est le fond <strong>de</strong> la doctrine <strong>de</strong> Malthus sur<br />
la population. Il faut voir à prés<strong>en</strong>t sur quels argu-<br />
m<strong>en</strong>ts il a essaye <strong>de</strong> l'établir.<br />
Au lieu d'observer rigoureusem<strong>en</strong>t ce qui se passe<br />
dans les sociétés civilisées <strong>de</strong> longue date, l'auteur se<br />
transporte <strong>en</strong> Amérique, aux États-unis, pays vierge,<br />
fertile, imm<strong>en</strong>se, où la population double tous les vingt-<br />
1 Ce passage cruel a été supprime par Malthus dans les <strong>de</strong>rniè-<br />
res 6ditions <strong>de</strong> son livre; mais l'esprit <strong>de</strong> sa doctrine n'y est pas ,<br />
moins résumé avec une énergique verité, et c'&ait la doctrine plu-<br />
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