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Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

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LES EFFETS DE LA STIGMATISATION SUR LA RÉCIDIVE<br />

Plusieurs recherches ont tenté de mesurer la discrimination<br />

à l’encontre des sortants de prison. Cet effet<br />

est difficile à mesurer compte tenu de l’importance des<br />

effets de sélection. En effet, les personnes incarcérées ne<br />

sont pas tirées <strong>au</strong> sort <strong>au</strong> sein de la population générale<br />

mais appartiennent massivement <strong>au</strong>x catégories socioprofessionnelles<br />

les plus défavorisées de la population.<br />

On ne peut donc pas comparer directement leur intégration<br />

sociale ou professionnelle à celle de la population<br />

générale. Les condamnés à des peines de prison ferme<br />

ont par exemple des nive<strong>au</strong>x d’éducation ou des expériences<br />

professionnelles nettement plus faibles que la<br />

moyenne nationale dans la plupart des pays. Ils sont également<br />

moins fréquemment mariés (à âge constant) et<br />

ont plus souvent été éduqués par un seul de leurs deux<br />

parents 12 .<br />

La première solution pour limiter ces biais<br />

consiste à comparer les caractéristiques des sortants de<br />

prison à âge, nive<strong>au</strong> d’étude, structure familiale…<br />

constants. Ce travail a été effectué par plusieurs <strong>au</strong>teurs.<br />

Dans Punishment and inequality in America 13 , Bruce<br />

Western avance un impact très important de la détention<br />

sur l’emploi (une chute de salaire de l’ordre de <strong>35</strong> % suite<br />

à un épisode de détention) et, chose plus rarement mesurée<br />

dans la littérature, un effet significatif sur la probabilité<br />

de divorce. Cependant, ces trav<strong>au</strong>x peuvent toujours être<br />

critiqués dans la mesure où l’on ne peut jamais exclure<br />

qu’une des caractéristiques fondamentales n’a pas été<br />

oubliée.<br />

Pour évacuer les effets de sélection, Devah<br />

Pager 14 a choisi une approche expérimentale. Sa méthodologie<br />

consiste à envoyer des paires d’acteurs faire acte<br />

de candidature spontanée dans des entreprises américaines.<br />

Deux paires, l’une composée de deux blanc, l’<strong>au</strong>tre<br />

de deux noirs, sont allées démarcher environ 200 firmes. À<br />

chaque fois, un des acteurs (qui changeait d’une entreprise<br />

à l’<strong>au</strong>tre) jouait une personne passée en détention<br />

pendant deux ans (la durée moyenne <strong>au</strong>x États-Unis).<br />

L’<strong>au</strong>tre affichait une entrée sur le marché du travail décalée<br />

d'un an (redoublement) et un an de chômage, afin de<br />

préserver une expérience professionnelle de même<br />

durée. L’effet de l’incarcération sur le t<strong>au</strong>x de rappel par<br />

les entreprises est impressionnant comme en atteste la<br />

figure suivante : diminution de moitié des opportunités<br />

pour les blancs, diminution des deux tiers pour les noirs.<br />

81<br />

L’effet du casier judiciaire sur le t<strong>au</strong>x de réponse.<br />

En noir : les personnes faisant état d’un passage en détention de<br />

deux ans ; en rayé ceux n’ayant pas été incarcérés.<br />

Les différences sont statistiquement significatives.<br />

Alors même qu'il avait été demandé avant l’expérience<br />

<strong>au</strong>x employeurs rencontrés s’ils seraient prêts à emb<strong>au</strong>cher<br />

une personne avec des antécédents judiciaires. Les<br />

réponses avaient été équivalentes pour les blancs et les<br />

noirs, ayant ou non été incarcérés 15 ...<br />

Les différentes études sur le sujet montrent donc que la<br />

discrimination à l’encontre des sortants de prison est un<br />

phénomène réel et d’ampleur importante.<br />

UNE DISCRIMINATION À EFFET VARIABLE<br />

SELON LES CARACTÉRISTIQUES DU CONDAMNÉ…<br />

Si les trav<strong>au</strong>x présentés mettent en avant le fait<br />

qu’il existe une forte discrimination à l’encontre des sortants<br />

de prison, il convient toutefois de noter que celle-ci<br />

varie fortement. Deux dimensions sont à prendre en<br />

compte dans ce phénomène : les caractéristiques de la<br />

personne « marquée » par la détention et la structure<br />

sociale accueillant l’ancien détenu.<br />

Si les catégories socio-professionnelles les plus défavorisées<br />

de la population sont largement majoritaires en<br />

détention, cela n’enlève rien à l’hétérogénéité des profils<br />

des condamnés. De plus, l’expérience carcérale en ellemême<br />

revêt une réalité très différente selon les cas.<br />

J.R. Kling 16 s’est en particulier intéressé à l’impact<br />

de la durée de détention sur les perspectives d’emploi.<br />

Pour s’affranchir des biais de sélection, en particulier du<br />

fait que les personnes les moins « employables » pour-<br />

## 3<strong>35</strong>5 MMAARRSS/AVRIIL 2201122

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