Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode

dangereux, parce qu’ils en avaient peur. Un jour, j’ai assisté
à une scène : un nouveau surveillant, fraîchement sorti de
l’école, a voulu faire son show. Un Corse lui a demandé s’il
avait une femme et des enfants, en lui rappelant qu’ « un
accident était si vite arrivé »... Plus jamais ce surveillant ne
l’a emmerdé.
Moi non plus, je ne me laissais pas faire ; je n’avais rien à
perdre. Je leur disais : « Qu’est-ce que vous allez faire ? Me
mettre en prison ? J’y suis déjà ! »
Entre détenus aussi, il peut y avoir des situations
difficiles. Quand un petit nouveau
arrive, s’il n’a pas les crocs, il se fait
bouffer. C’est clairement la loi du
plus fort. Il ne faut pas fermer sa
gueule, ni se rabaisser. J’en ai vu qui
n’osaient jamais sortir de leur cellule
parce qu’ils avaient peur. Il faut le
voir, et je l’ai vu plus d’une fois.
Il existe bien une solidarité mais au
sein d’un « clan ». Il faut rentrer dans
un clan pour avoir la paix, être « sous
l’aile » de quelqu’un.
En prison, on ne vous
appelle jamais monsieur, mais toujours
par votre nom de famille. Les
personnes détenues sont en permanence rabaissées... Et
ça commence dès la garde à vue, avec la fouille, quand on
vous explique que vous n’avez pas le droit de garder avec
vous tel ou tel objet...
Et après, pendant l’incarcération, les fouilles sont systématiques
après les parloirs. Après la joie du parloir, l’humiliation
de la fouille...
Les surveillants sont formatés à cet exercice. Je sais que
pendant la fouille, le surveillant fait son travail, applique le
règlement. Mais cela reste une atteinte au corps : quand
vous êtes nu, qu’ils vous demandent de vous retourner, de
vous baisser, ils vous regardent « le bas du corps ». Surtout
devant des hommes... J’aurai préféré me déshabiller
devant des femmes !
Même si les femmes surveillantes sont les plus
dures ! Et ceux qui sortent de l’école, ou qui viennent de
Fresnes. Mais les surveillants qui sont les plus respectés
restent ceux qui sont le plus cool. Quant aux surveillants
blacks, qui viennent des Antilles, on dirait qu’ils se sentent
obligés d’en faire encore plus que les autres. C’est avec
EN PRISON, ON NE VOUS APPELLE
JAMAIS MONSIEUR, MAIS TOUJOURS PAR
VOTRE NOM DE FAMILLE. LES
PERSONNES DÉTENUES SONT EN
PERMANENCE RABAISSÉES... ET ÇA
COMMENCE DÈS LA GARDE À VUE, AVEC
LA FOUILLE, QUAND ON VOUS EXPLIQUE
QUE VOUS N’AVEZ PAS LE DROIT DE
GARDER AVEC VOUS TEL OU TEL OBJET...
ET APRÈS, PENDANT L’INCARCÉRATION,
LES FOUILLES SONT SYSTÉMATIQUES
APRÈS LES PARLOIRS. APRÈS LA JOIE DU
PARLOIR, L’HUMILIATION DE LA
FOUILLE...
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eux que j’ai eu le plus de difficultés...
Je le dis sincèrement, je préfère avoir à faire à un surveillant
blanc, un ancien, avec des années d’expérience, mais
tranquille. Il ne vous casse pas la tête sur les fouilles ; il
ferme un peu les yeux.
Au-delà de ça, je ne crois pas qu’il y ait des surveillants par
vocation... Ce sont plutôt ceux qui ont raté le concours de
flics ! Quand je voulais les casser, je leur disais : « Ton boulot,
c’est le seul moyen que tu as de t’exprimer ! Alors, ici,
tu essaies de te venger ! » Ils donnaient vraiment l’impression
d’avoir un complexe d’infériorité.
Personne ne vous précise vos
droits quand vous êtes en prison.
On ne peut se plaindre à personne.
Quand vous passez au prétoire,
avant d’aller au mitard, après une
bagarre ou une altercation avec un
surveillant, normalement, un avocat
doit vous assister, mais ça n’arrivait
jamais, alors que ça aurait changé
tellement de choses ! C’est une
zone de non-droit !
Quand je me suis fait arrêté,
j’avais un titre de séjour valable dix
ans. Après la prison, le tribunal
administratif a décidé de me le retirer et de m’expulser
définitivement...
Le jour où je suis sorti de prison, on m’attendait donc au
greffe pour m’emmener au centre de rétention de
Marseille, sur le port. Vous ne pouvez pas imaginer comme
il est pourri ! Le moisi, le pourri, l’urine, la bouffe en barquette
blanche, c’était vraiment dégueulasse. Soi disant,
vous n’êtes plus considéré comme prisonnier, vous avez
fait votre peine, mais c’est faux. Vous êtes surveillés par
des CRS 24h/24.
Alors que j’étais en centre de rétention administrative, j’ai
refusé d’embarquer vers le Maroc et j’ai été à nouveau
condamné, en comparution immédiate, à quatre mois de
prison ferme. J’ai alors été incarcéré à la maison d’arrêt
des Baumettes, à Marseille.
Après l’expulsion qui a finalement eu lieu, je suis revenu
en France. J’avais dit au tribunal que je reviendrai, à la
nage s’il le faut ! Ils m’auraient renvoyé en Chine, ça aurait
été exactement la même chose ! Il n’y avait personne pour
moi là-bas, et mes parents devaient m’envoyer de l’argent.
Toute ma famille est ici et mes frères sont français. Je suis
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