Passe Murailles n° 35 : Rester debout au trou - Webnode
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La prison ne doit pas être une poubelle dans laquelle on<br />
jette n’importe qui, sous prétexte qu’il n’a pas su respecter<br />
une règle de notre société. Encore f<strong>au</strong>drait-il lui donner les<br />
moyens de respecter ces règles.<br />
Et les peines-plancher ! Quand quelqu’un se re<strong>trou</strong>ve à la<br />
barre pour la deuxième ou troisième fois pour le même<br />
délit, bien sûr, elle prouve à tout le monde qu’elle a récidivé.<br />
Mais par la même, elle démontre que la pénitentiaire<br />
a récidivé dans le non-respect de la préparation de sa<br />
réinsertion. Et à c<strong>au</strong>se du manque de compétence de la<br />
pénitentiaire, ces gens vont prendre plein pot !<br />
Il y a donc un certain nombre de dysfonctionnements.<br />
Mais le pire, et on le sent bien, c’est que c’est voulu, nourri,<br />
cultivé.<br />
Vous l’<strong>au</strong>rez compris, je suis encore révolté dans<br />
les mots ! On ne peut pas être de tous les combats, il f<strong>au</strong>t<br />
en choisir un et tout donner. Le mien, c’est celui-là. J’ai<br />
<strong>au</strong>ssi appris que les mots ont une force et que c’est avec<br />
ça qu’il f<strong>au</strong>t travailler. Mais <strong>au</strong>ssi que cela prend du temps.<br />
Mais l’essentiel est de ne pas baisser les bras, de <strong>trou</strong>ver<br />
les acteurs qui vont dans le même sens, de se donner la<br />
main, et d’être plus fort chaque jour. Jusqu’<strong>au</strong> jour où<br />
nous ferons des propositions qui ne pourront plus être<br />
refusées...<br />
La proposition que j’ai envie de faire à la pénitentiaire,<br />
c’est qu’elle fasse ce qu’elle a toujours su faire : ouvrir et<br />
fermer des portes. Pas pour faire sortir les détenus, n’importe<br />
comment, mais pour y faire entrer la société civile.<br />
Pour moi, la prison représente un État dans l’État... Vous<br />
savez, j’ai été passé à tabac, laissé pour mort dans ma cel-<br />
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lule de mitard. Le chef de détention est venu me voir <strong>au</strong><br />
mitard : « Soit vous enlevez votre plainte, et vous sortez du<br />
mitard [alors que je venais de prendre <strong>35</strong> jours], vous réintégrez<br />
votre cellule et reprenez votre formation, soit dans<br />
la semaine, vous êtes transféré à l’<strong>au</strong>tre bout de la France<br />
et ce qu’on n’a pas réussi à faire ici, dites vous bien qu’on<br />
ne le ratera pas là-bas ». J’ai vu des collègues à moi mourir<br />
sous les coups des surveillants, qui ont ensuite été pendus<br />
pour faire croire à un suicide.<br />
Il f<strong>au</strong>t enrayer ça. Ils ne savent pas faire de la réinsertion –<br />
ou de l’insertion parce j’ai dû me réinsérer avant d’avoir<br />
eu à m’insérer. C’est particulier de devoir redevenir<br />
quelqu’un qu’on n’a jamais été. De devoir refaire des<br />
choses qu’on n’a jamais faites !<br />
Quand je suis rentré en prison, je n’avais <strong>au</strong>cun<br />
diplôme. En sortant, j’avais un CAP-BEP menuisier, un CAP-<br />
BEP climatisation, un CAP-BEP électrotechnique, j’avais<br />
passé mon Bac, et la partie théorique de mon brevet<br />
d’éducateur sportif. Tout ça en six ans !<br />
Lorsque j’ai demandé ma libération conditionnelle, je<br />
n’avais qu’une année noire dans mon parcours, la première<br />
année. Après qu’ils aient délibéré, le procureur, le<br />
juge d’application des peines et le directeur de la prison<br />
m’ont affirmé qu’ils n’avaient jamais vu un dossier comme<br />
le mien. « On a donc décidé de vous donner votre conditionnelle<br />
», m’ont-ils dit. Je leur ai répondu : « Vous ne me<br />
donnez rien du tout, vous me le devez, <strong>au</strong> vu de mon parcours,<br />
des efforts de réinsertion que j’ai fournis et <strong>au</strong> vu de<br />
ce que vous m’avez fait subir. » C’est ainsi que j’ai gardé<br />
ma dignité jusqu’<strong>au</strong> bout.<br />
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