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POUR AVOIR

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PHOTOS : EL WATAN WEEK END<br />

8<br />

«Je me suis portée candidate lors des élections<br />

municipales. Je représentais le parti AHD 54.<br />

Nous avons mené notre campagne et avons<br />

opté pour une coalition avec le FLN. J’ai<br />

finalement obtenu le poste de troisième<br />

adjointe au maire d’Abalessa.» Mama Hamdi<br />

a 26 ans. Elle est diplômée en journalisme de la<br />

faculté des sciences politiques et de<br />

l’information d’Alger. Après plusieurs<br />

tentatives pour trouver un emploi dans la<br />

capitale, Mama se résigne et rentre à Abalessa,<br />

sa région natale. La commune d’Abalessa<br />

(«lieu cultivable» en tamazight) est à 100 km<br />

de Tamanrasset. Il faut longer une route déserte<br />

aux paysages lunaires pour atteindre ce coin où<br />

la végétation fait de la résistance, tout comme<br />

pour les femmes de la commune, gardiennes de<br />

l’esprit de Tin Hinane, dont le tombeau se situe<br />

sur une colline donnant sur la rive gauche de<br />

l’oued Tifrit. Mama a fait sa scolarité à<br />

Abalessa, comme la majorité des jeunes filles<br />

de sa commune. Sans opposition, sa famille<br />

l’envoie à Alger pour entamer un cursus<br />

universitaire. «Après avoir obtenu ma licence,<br />

je ne rêvais que de travailler dans une<br />

rédaction ! J’étais motivée par l’idée de<br />

travailler dans les médias nationaux. Une<br />

sur le net<br />

Retrouvez le reportage photo de notre journaliste<br />

www.elwatanproject.com<br />

Mama, Saïda, Leyla s’impliquent dans la vie politique, sociale et culturelle d’Abalessa, afin d’assurer un développement local et durable<br />

El Watan Week-end<br />

Vendredi 24 mai 2013<br />

L’esprit de Tin Hinane<br />

résiste au machisme<br />

Adjointe au maire, vétérinaire, enseignante, activiste culturelle… Les femmes d’Abalessa portent en<br />

elles la force de leur ancêtre, reine des Touareg. Attachées à leur profession, elles sont l’avenir du<br />

développement de leur ville.<br />

Abalessa. Faten Hayed<br />

hfaten@elwatan.com<br />

envie de connaître d’autres personnes,<br />

d’autres modes de vie et de nouvelles<br />

expériences. Mes parents ne se sont jamais<br />

opposés à mes choix. La vie à Alger était très<br />

difficile, la famille m’a beaucoup soutenue,<br />

puisque la bourse ne couvrait jamais mes<br />

dépenses quotidiennes. Elle est insignifiante.»<br />

Candidature après candidature, la jeune femme<br />

ne reçoit que des réponses négatives de<br />

journaux arabophones. «Etant donné le nombre<br />

de demandes, je n’avais aucune chance de<br />

travailler à Alger. Je suis retournée auprès des<br />

miens, avec la ferme intention de ne pas laisser<br />

tomber mon rêve de devenir journaliste.»<br />

L’APC d’Abalessa est une imposante bâtisse<br />

flambant neuve au centre de la commune.<br />

Mama a un vaste bureau avec un mobilier<br />

encore sous emballage. Elle est certaine qu’elle<br />

n’aurait jamais pu avoir ce type de poste dans<br />

la capitale. «Aujourd’hui, je suis un maillon<br />

important de la société, il y a de nouvelles<br />

perspectives. Cependant, je ne mets pas de côté<br />

mon envie de devenir journaliste.»<br />

BACHELOR<br />

«Le mariage n’est pas une priorité chez les<br />

femmes actives d’Abalessa», affirme Saïda<br />

Belmessaoud. A 28 ans, elle est une<br />

personnalité influente dans sa communauté et<br />

dans la région, puisqu’elle exerce le métier de<br />

vétérinaire. «On a tendance à croire que les<br />

femmes du Sud se marient jeunes. Or, nous<br />

choisissons, pour la majorité, de faire des<br />

études et des formations afin d’assurer la<br />

prospérité de notre village et celle de nos<br />

familles», ajoute-t-elle. Sa profession n’est pas<br />

aisée puisqu’elle doit travailler en permanence,<br />

être sur le terrain, prendre soin des animaux,<br />

faire le suivi des élevages, appliquer les<br />

traitements, conseiller, faire de la prévention et<br />

constamment prouver sa compétence malgré<br />

sa jeunesse. «A Tamanrasset, il n’y a que 22<br />

vétérinaires ; mon expérience de trois ans est<br />

un atout. Je suis souvent sollicitée par les<br />

fermiers. Même si c’est un travail physique,<br />

avec le temps on prend l’habitude et on<br />

apprend également à gérer les mentalités. Il<br />

faut savoir que les gens s’habituent à votre<br />

première réaction à leur égard. C’est-à-dire si<br />

vous êtes de nature effacée, il y aura moins de<br />

sollicitations. Par contre, si vous montrez que<br />

vous savez gérer toutes les difficultés, les<br />

éleveurs sont plus à l’aise et vous font<br />

confiance, les hommes principalement.»<br />

Quand on lui demande si elle pense que son<br />

métier est compatible avec une vie de famille,<br />

elle répond sans hésiter. «Il m’est arrivé de<br />

passer un mois loin de chez moi pour<br />

m’occuper des animaux. Je ne pense pas que<br />

ce soit une contrainte pour mon futur mari. Il<br />

notre projet<br />

Et si on reprenait tout du début ?<br />

Sans préjugé, sans facilité ? Et si on<br />

allait là où on ne va jamais, histoire<br />

de redécouvrir la réalité ? Chiche !<br />

Pendant une année, nous irons<br />

ensemble à Baraki (Alger), El Kouif<br />

(Tébessa), Sougueur (Tiaret),<br />

Abalessa (Tamanrasset), El Hadjar<br />

(Annaba) et El Menia (Ghardaïa). Un<br />

seul objectif : rencontrer des<br />

habitants pour connaître leurs<br />

préoccupations, leurs rêves, leur<br />

quotidien et essayer de comprendre<br />

quelle sera l’Algérie de 2014.<br />

Pourquoi ces villes ? Parce qu’elles<br />

nous paraissent représentatives de<br />

la complexe réalité du pays. Mais<br />

aussi parce que derrière des<br />

stéréotypes bien ancrés et malgré<br />

leur petite taille, il y a dans ces<br />

villes les hommes qui construisent<br />

le pays de demain.<br />

saura par avance ce que je fais comme métier,<br />

c’est à prendre ou à laisser», conclut-elle.<br />

Leyla Abdelbaqi, 34 ans, est née et a étudié à<br />

Tamanrasset. Elle a enseigné pendant six ans à<br />

Ouargla. Sa tenue traditionnelle dissimule un<br />

jean, un t-shirt fuchsia et des ballerines à la<br />

dernière mode moyen-orientale. «J’ai fini par<br />

épouser un fils d’Abalessa. Je trouve que les<br />

hommes d’ici sont plus ouverts, chaleureux et<br />

respectueux que les gens de la ville de<br />

Tamanrasset, qui n’est qu’à une centaine de<br />

kilomètres. Je voyage, pars voir ma famille,<br />

sans pression morale de la part de mon mari»,<br />

affirme Leyla.<br />

MATRIARCAT<br />

«Les gens du Nord sont obsédés par l’idée que<br />

la société touareg, qui est majoritaire ici,<br />

fonctionne sur un modèle matriarcal. C’est une<br />

vérité historique. Cela dit, nous sommes<br />

musulmans et nous respectons également ce<br />

que nous dicte notre religion, sans dualité ni<br />

contraintes. Les femmes ne portent pas le voile<br />

par contrainte. Nous portons le voile coutumier<br />

par tradition séculaire et non en signe de<br />

soumission à l’homme. Il nous protège du<br />

sable, du soleil et des insectes. La peau noire a<br />

également ses exigences. Le voile a remplacé<br />

la mlahfa, parce qu’il nous permet d’être<br />

coquettes !» Hannafi, 29 ans, musicien et<br />

poète, partage l’avis de Leyla. Selon lui, une<br />

femme est d’abord une citoyenne et une «force<br />

active» dans la société dans laquelle elle<br />

évolue. «Quand ma mère est tombée malade,<br />

j’ai dû prendre la décision de la faire<br />

hospitaliser à Alger. Le traitement qu’elle a eu<br />

était très lourd, elle devait donc passer deux<br />

mois dans la capitale. J’ai loué un appartement<br />

sur place pour prendre soin de ma mère, j’ai<br />

fait beaucoup de rencontres. Les gens du Nord<br />

sont très chaleureux et aiment les<br />

“étrangers“», plaisante-t-il. «Les femmes sont<br />

cloîtrées et ne sortent que pour faire les<br />

courses ou aller chez le médecin. Quand je<br />

racontais à mes amies le rôle que jouent les<br />

femmes du Sud dans la société, elles étaient<br />

étonnées. La liberté de la femme ne se résume<br />

pas à avoir le droit de porter le pantalon ou<br />

conduire une voiture, ça va au-delà. La liberté<br />

est d’abord un état d’esprit, et vivre dans un<br />

duel constant avec l’autorité de l’homme, qu’il<br />

soit mari, père ou frère, ne garantit pas<br />

l’émancipation.» ■

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