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<strong>26159</strong><br />
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L4 BATAILLE DE POJtëp^ _<br />
ET LES VRAIES CAUSEE"<br />
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DU RECUL DE^fiffiASJON ARABE/ ;<br />
En rencontrant dans les annales des peuples des faits<br />
d'une importance capitale pour la destinée d'une fraction de,<br />
l'humanité, la pensée, bien souvent, s'arrête comme devant un<br />
problème et 'cherche à pénétrer les causes inconnues et les con<br />
ditions réelles de l'événement dont nous ne voyons que les<br />
résultats. Le fait est là, incontestable,<br />
mais une clé manque<br />
pour en saisir l'explication. L'histoire, en effet, nous transmet<br />
le récit simple, souvent brutal, dé ce qui s'est passé ; puis ce récit<br />
passe de génération à génération , pour nous parvenir sous la<br />
forme que les contemporains et les intéressés lui ont donnée. Il<br />
reste alors à dégager les causes déterminantes ou accessoires du<br />
grand événement ; à étudier l'état moral du moment dans lequel<br />
il s'est produit; à comparer les sources diverses d'information<br />
et à reconnaître enfin si la tradition nous le présente sous son<br />
vrai jour. L'école historique actuelle s'est- adonnée spécialement<br />
à cet utile et intéressant labeur, et,<br />
si elle a droit d'être fière de<br />
la moisson de découvertes par elle faite dans ce champ, il faut<br />
reconnaître que ce travail dé restitution n'est pas près d'être ter<br />
miné.<br />
Or, un des faits décisifs de notre histoirg nationale, la bataille<br />
de Poitiers, qui a eu pour conséquence l'arrête l'invasion arabe,<br />
n'a encore été apprécié par nos historiens qulj^. point de vue<br />
de ses effets immédiats ; aucune enquêtan'à été fa*tè"pour en péné<br />
trer les causes. On s'est contenté de répéter que Karl Martel,<br />
par sa brillante « victoire, a sauvé la chrétienté ». N'est-on pas<br />
même allé jusqu'à dire que, saûs ce succès, l'Europe serait peut-<br />
•• -<br />
'<br />
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* <<br />
,/
2 E. MERGIER.<br />
être devenue musulmane? Telle est l'opinion courante sur la<br />
bataille de Poitiers.<br />
Il est incontestable,.en effet, qu'après ce désastre, les Musul<br />
mans, bien qu'ayant encore poussé des pointes hardies dans la<br />
^vallée du Rhône, ont successivement abandonné leurs conquêtes<br />
de France, et, peu après,<br />
ont repassé pour toujours les Pyré<br />
nées. Mais comment n'a-t-on pas deviné qu'une autre cause,<br />
concomitante avec la victoire des Franks, était venue modifier les<br />
moyens d'action dont disposait l'invasion musulmane ? Une vic<br />
toire, quelque décisive qu'elle soit,<br />
arrêter un grand mouvement de population,<br />
est toujours impuissante à<br />
une immigration.<br />
Les défaites des barbares par les Romains ont-elles *empêché<br />
l'envahissement de l'empire? La- bataille de Poitiers n'aurait<br />
pas davantage arrêté les conquêtes des sectateurs du Koran, si<br />
les conditions de cette invasion n'avaient été, en même temps,<br />
profondément modifiées.<br />
C'est ce que nous allons essayer de démontrer, et, pour cela,<br />
nous nous attacherons d'abord à bien préciser l'état particulier<br />
où se trouvait le théâtre de ce grand drame et la situation réci<br />
proque des deux adversaires.<br />
*<br />
I.<br />
A la mort du second Peppin survenue en , 714, son vaste<br />
empire passa aux mains d'un eAnt en bas âge, au détriment de<br />
son bâtard Karl, déshérité par son père, quil'accusait d'être l'ins<br />
tigateur du meurtre de son autre fils Grimoald. Aussitôt, les po<br />
pulations hétérogènes qui composaient le royaume se lancèrent<br />
dans la révolte et le pays se trouva en proie à la plus grande<br />
anarchie : chaque province en profita pour ressaisir la liberté,<br />
c'est-à-dire le droit de tomber sur ses voisins plus faibles. Ejjde,<br />
duc d'Aquitaine,<br />
saisit cette occasion pour se proclamer roi de<br />
toute la contrée comprise entre la Loire, les Cévennes et les<br />
Pyrénées, riche et fertile pays, habité en grande partie par la<br />
population gallo-romaine, jouissant d'une civilisation très-<br />
supérieure à l'état demi-sauvage denses voisins et futurs domi<br />
nateurs les Franks, les rudes barbares du Nord.<br />
Cependant, en 716, Karl s'étant échappé de la prison où il,<br />
était détenu, réunit quelques anciens partisans de son père, et,<br />
par son courage indomptable et son habileté, sut rester maître
LA BATAILLE DE POITIERS.<br />
de la plus grande partie du royaume d'Austrasie. Après avoir<br />
réduit les Saxons à l'inaction, il se disposa à attaquer les Neus-<br />
triens qui s'étaient aussi donné un roi. En présence du danger<br />
commun, Neustrie et Aquitaine conclurent un traité.d'allianc<br />
Eude, bien que fort menacé au midi par l'attaque imminente des<br />
Arabes, qui, dès 712, avaient commencé leurs courses au nord<br />
des Pyrénées et détenaient déjà une partie de la Septimanie,<br />
Eude, disons-nous, réunit tous ses guerriers, et,<br />
les Franks de Neustrie près de la Seine,<br />
ayant rejoint<br />
se porta avec eux au<br />
devant des Austrasiens. C'est sur l'Aisne, non loin de Soissons,<br />
qu'eut lieu la rencontre;<br />
elle se termina par la défaite des alliés.<br />
Eude, qui paraît s'être enfui avant le combat, s'empressa de se<br />
retirer avec ses bandes au-delà de la Loire et ne tarda pas -à<br />
traiter avec le puissant roi d'Austrasie (719).<br />
Dans cette même année 719, les Musulmans s'emparaient de<br />
Narbonne. Eude se convainquit bientôt qu'il ne lui restait plus<br />
qu'à réunir toutes ses forces pour les opposer aux envahisseurs<br />
du midi,, et, en effet., en 721, Es-Sameh, ouali (gouverneur)<br />
d'Espagne, franchit les Pyrénées à la tête d'une armée considé<br />
rable et vint mettre le siège devant Toulouse. Eude accourt avec<br />
toutes ses forces, et, à la suite d'une_ bataille mémorable dans<br />
laquelle le chef des assiégeants et ses principaux guerriers<br />
trouvent la mort pour la foi islamique, il peut dégager Toulouse<br />
et rejeter l'étranger sur Narbonne.<br />
Ce^rjEant , si chèrement acheté,<br />
n'eut cependant<br />
aucune conséquence décisive. Les musulmans procédaient par<br />
expéditions, par pointes hardies : étaient-ils victorieux, ils<br />
s'établissaient comme ils l'avaient fait en Septimanie et repor<br />
taient ainsi leur première ligne en avant; de là, ils poussaient<br />
de nouvelles pointes et, s'ils étaient vaincus, leur ligne de retraite<br />
recueillait les débris de l'armée,<br />
puis on se reformait en arrière<br />
et, quand les forces étaient suffisantes, on repartait en avant.<br />
Cette tactique indique clairement qu'un courant devait alimenter<br />
par derrière l'invasion,<br />
car les Musulmans ne se ménageaient<br />
pas ; la consommation d'hommes était effrayante et il fallait non-<br />
seulement fournir au personnel des expéditions, mais occuper le<br />
pays eônfjtiis. Ge fait n'a pas échappé à la sagacité d'un de nos<br />
historiensmodernes, bien qu'il n'en ait tiré aucune déduction. «<br />
ou'il i avait de plus terrjble dans les Arabes, —<br />
irtijj,<br />
dit<br />
Ce"<br />
M. Henri<br />
— c'était leur opiniâtre constance : ils sem-
4 E. MERCIER.<br />
blaient se multiplier par leurs pertes mêmes, et raccouraient<br />
plus nombreux et plus acharnés, après la défaite comme après la<br />
victoire1 »<br />
En 725, Anbaça, ouali d'Espagne, descend de nouveau des<br />
Pyrénées, suivi de bandes innombrables, puis, tournant vers<br />
l'est, il s'avance jusqu'à la vallée du Rhône en soumettant les<br />
cités terrifiées au paiement du kharadj ou impôt des infidèles<br />
tributaires. De là, les Arabes, remontant le cours du grand<br />
fleuve,<br />
vont porter le ravage dans les opulentes campagnes de la<br />
Burgondie; ils pénètrent même dans les Vosges et mettent au<br />
pillage le monastère de Luxeuil.<br />
Pendant que le midi était Ti"<br />
théâtre des exploits des Arabes,<br />
Karl combattait sans relâche Allemands, Saxons et Souabes. Il<br />
voulait, avant de reparaître en Neustrie et en Aquitaine, assurer<br />
la sécurité sur sa frontière du nord-est. La nouvelle de l'invasion<br />
de la vallée du Rhône par les Arabes lui parvint sur les bords<br />
du Danube; aussitôt il se disposa à revenir vers l'ouest et il n'en<br />
fallut pas davantage pour déterminer la retraite des Arabes : ils<br />
rentrèrent en Septimanie en passant par la Provence.<br />
Cependant Eude,<br />
;<br />
auquel Karl reprochait de n'avoir pas exé<br />
cuté certaines conditions de leur traité, ne souhaitait nullement<br />
le retour du roi des Franks ;<br />
on peut même dire qu'il redoutait<br />
plus celui-ci que les Musulmans. Il entra donc en relation avec<br />
\e berbère Othmân_) commandât des Pyrénées orientales, et<br />
contracta avec lui une alliancecellée par le don de sa fille en<br />
mariage. Il espérait probablement que l'influence de son gendre<br />
détournerait de lui l'attaque des Musulmans ou même lui<br />
obtiendrait leur appui; mais c'est en vain qu'il avait condes<br />
cendu à cette humiliante union; l'Aquitaine prise entre deux<br />
terribles ennemis ne pouvait, réduite à ses propres forces, faire<br />
front à la fois au nord et au sud. La preuve ne s'en fit pas<br />
attendre.<br />
En 731 , Karl , après avoir guerroyé encore pendant deux<br />
ans contre les Bavarois et les Allemands et les avoir soumis au<br />
tribut et à l'obligation de lui fournir des contingents pour ses<br />
guerres, arriva en Neustrie, et, ayant franchi la Loire, ravagea<br />
le Berri. En même temps, Abd-er-Bahmân, ouali d'-E$>agne,<br />
attaquait au midi le gendre du roi d'Aauitaine. Othnlân. le<br />
1. Bistoire de France. T. II, p. 196.
,<br />
LA BATAILLE DE POITIERS. 5<br />
musulman traître à son prince et à sa religion , et envoyait en<br />
présent au khalife la tête et la femme du berbère. Attaqué de<br />
deux côtés à la fois, Eude n'avait pu secourir utilement ni le<br />
nord ni le sud de son royaume.<br />
Voilà quelle était la situation au moment où le dernier acte<br />
du drame allait commencer. Les Musulmans devaient la trouver<br />
très-favorable pour eux et se flatter de rencontrer en France la<br />
désunion qui les avait si bien secondés en Espagne.<br />
II.<br />
Après avoir passé en revue l'état de la France d'après les docu<br />
ments européens, nous jetterons un coup<br />
d'œil en arrière sur les<br />
événements dont une partie du monde musulman était simulta<br />
nément le théâtre, en nous fondant pour cela sur les données<br />
fournies par les historiens arabes.<br />
Vers l'an 707, la conquête définitive du Magreb,<br />
ou Afrique<br />
septentrionale, par les Arabes, était achevée. Pendant plus de<br />
quarante ans, les généraux des khalifes avaient dû lutter pour<br />
obtenir ce résultat;<br />
car les Arabes avaient rencontré dans le<br />
payss derrière les restes des colonies latines et grecques, une<br />
forte race autochthone, la race berbère, courageuse, méprisant<br />
la mort,<br />
et secondée par un pays difficile et hérissé de montagnes<br />
escarpées. Les premières soumissions, obtenues au prix de grands<br />
efforts,<br />
avaient été bien précaires : à peine le gros de l'armée<br />
conquérante s'était-il éloigné pour aller combattre sous d'autres^<br />
cieux, la révolte éclatait sur les pas des vainqueurs et la Berbérie<br />
ressaisissait son indépendance et reniait le culte que<br />
l'étranger lui avait imposé. Nous avons retracé ailleurs1 le récit<br />
de cette résistance qui n'a pas manqué d'héroïsme et qui n'a été<br />
vaincue que par les effets de la rivalité qui divisait les tribus<br />
berbères et paralysait leurs forces.<br />
Etabli à Kaïrouân, dans la Tunisie actuelle, le gouverneur<br />
arabe exerçait son action sur tout le Magreb. Entouré de<br />
quelques troupes arabes chargées spécialement de garantir sa<br />
sécurité et d'aider au recouvrement de l'impôt, il entretenait au<br />
milieu des Berbères, sur les points stratégiques, de petits postes<br />
1. Histoire de l'établissement des Arabes dans VAfrique septentrionale.<br />
Ch. iv, 1 partie.<br />
•<br />
'<br />
'
t> E. MERCIER.<br />
composés en majeure partie d'indigènes ralliés et de quelques<br />
Arabes qui avaient pour mission de répandre et d'enseigner l'isla<br />
misme, tout en assurant les communications. Telle était la situa<br />
tion. enJZQX"<br />
elle venait d'être obtenue par l'habileté et les succès<br />
du gouverneur Mousa*. Le peuple berbère était enfin en paix.<br />
Était-il dompté? On peut dire non, à coup sûr, mais il se trou<br />
vait dans un moment de lassitude et de trêve qui fut habilement<br />
sais'i.<br />
Vers 710, un Berbère converti, Tarek-ben-Zïad,<br />
qui se trou<br />
vait à Tanger avec quelques Arabes, comme représentant du<br />
gouverneur de Kaïrouân, entra en pourparlers avec le comte<br />
Julien et les héritiers du roi Wittiza dépossédés par Roderik.<br />
Ceux-ci l'engagèrent à passer en Espagne, lui promettant de lui<br />
faciliter la conquête du pays. Tarek, ayant obtenu de Mouça<br />
l'autorisation de tenter cette entreprise hasardée, réunit une<br />
armée de sept à huit mille Berbères convertis ayant à leur tête<br />
quelques centaines d'Arabes1. Tout le monde connaît la victoire<br />
surprenante remportée sur les bords du GuadaleJ&i_ par les<br />
Musulmans, sur les Goths dix fois plus nombreux, la mort de<br />
Roderik et la chute de sa dynastie."L'Espagne était ouverte.<br />
Bientôt<br />
Mouça,"<br />
qui semble avoir voulu laisser à Tarek la res<br />
ponsabilité de la première entreprise, accourut pour en recueillir<br />
lès fruits. Il amenait une armée de vingtmille guerriers berbères<br />
et arabes, avec laquelle il s'avala enunTselïïë~câmpagne jus<br />
qu'aux Pyrénées.fEn un an l'Espagne était conquise, à l'excep<br />
tion des montagnes abruptes et reculées de la Cantabrie. Jamais<br />
conquête n'a été si rapide : là encore la discipline d'une poignée<br />
d'hommes triompha d'une nation avilie par le despotisme et<br />
divisée par l'anarchie.<br />
Mais une des conséquences les plus remarquables du succès de<br />
Tarek,<br />
ce fut d'assurer la paix de la Berbérie en offrant un<br />
élément à l'activité du peuple indigène et à son goût pour la<br />
guerre et le pillage ;<br />
ayant toute son attention absorbée par la<br />
guerre d'Espagne, il ne pensa plus à la révolte, et, comme pour<br />
prendre part à la guerre sainte il fallait être musulman, ce fut à<br />
qui, chez les farouches montagnards du Magreb, se soumettrait<br />
1 . Voir En Nouéïri, p. 345 et suiv. (appendice au t. I d'Ibn Khaldoun, trad.<br />
de Slane), Ibn Khaldoun, t. I, p. 215 et passim, et Histoire des Musulmans<br />
d'Espagne, par Dozy, t. II, p. 31 et suiv.
LA BATAILLE DE POITIERS. 7<br />
à la nouvelle loi religieuse qui ne leur demandait d'autre initia<br />
tion que de prononcer la formule consacrée : « Il n'y a de Dieu<br />
que Dieu ; Mohammed est le prophète de Dieu ! »<br />
Cela fait, on dirigeait les néophytes sur les ports de l'ouest,<br />
où des bateaux les prenaient et les déposaient sur la terre d'Es<br />
pagne, et aussitôt on les envoyait en avant, car, en arrière,<br />
toutes les places étaient prises et, pour avoir l'honneur du<br />
combat et le profit du pillage, il fallait être au premier rang.<br />
Voilà quelle était réco.noiniêjie_rinvasion musulmane; voilà le<br />
courant qui l'alimentait et permettait aux Arabes, malgré, leurs<br />
peïtês^ malgré les besoins de l'occupation, de se porter -toujours<br />
en ayant et de « raçcourir plus nomfeipL i&<br />
acharnés<br />
apr§£ la défaite .cojome.apjiès.la..victoire:-» "*•-<br />
De ce qui précède résulte la constatation d'un autre fait : c'est<br />
le rôle prépondérant joué par l'élément berbère dans cette inva<br />
sion que nous avons appelée arabe. C'est lui en effet qui en for<br />
mait le fond. Certes, il s'y trouvait des troupes d'Orient et la<br />
plupart des chefs étaient arabes ; mais, nous le répétons, lajnagse.<br />
ét___itj3e£bère ; les Espagnols qui les ont vus de près ne s'y sont<br />
pas trompés et ne leur ont jamais donné que le nom de Maures l<br />
Du reste, les troupes du khalifat étaient occupées ailleurs et il y<br />
avait très-peu d'Arabes en Afrique. La conquête du Magreb au<br />
vne<br />
siècle, que l'on appelle quelquefois chez nous première inva<br />
sion arabe, ne fut pas une invasion : des armées arabes venaient<br />
opérer en Magreb, et, la soumission obtenue,<br />
repartaient pour<br />
l'Orient et allaient combattre dans l'Inde, en Perse ou en<br />
Arménie ; il n'en résultait aucune introduction de population<br />
arabe;<br />
une petite armée d'occupation stationnait dans cette<br />
colonie lointaine et précaire,<br />
mais il ne se produisait pas d'im<br />
migration coloniale. Le gouverneur arabe résidait à Kaïrouân<br />
et avait des représentants en Espagne et dans le Magreb resté<br />
purement berbère, bien que devenu musulman et soumis au<br />
khalifat.<br />
La véritable invasion arabe en Afrique,<br />
cette race dans le pays,<br />
(en 1049),<br />
celle qui a implanté<br />
s'est produite plusieurs siècles plus tard<br />
et dans des conditions bien différentes : elle fut le<br />
1. Pour s'en convaincre, consulter l'Histoire des dynasties musulmanes d'Es<br />
pagne, de Makkari [Ahmed-ibn-Mohammed) et l'Histoire des Musulmans d'Es<br />
pagne, de Dozy.
8 E. MERCIER.<br />
résultat de l'immigration des tribus de Hilal et de Soleïm, chas<br />
sées de l'Arabie et venant, après une station en Egypte,<br />
s'abattre sur la Berbérie. Or ces faits sont encore peu connus<br />
chez nous et c'est pourquoi tout ce qui touche à l'histoire de<br />
l'Afrique septentrionale est si mal apprécié par nos écrivains.<br />
Cette base manque et il serait temps que l'on songeât à combler<br />
une telle lacune.<br />
III.<br />
Les développements dans lesquels nous sommes entré étaient<br />
nécessaires pour bien saisir l'explication qui va suivre. Repre<br />
nons maintenant le récit des faits.<br />
Nous sommes en l'année j^b* Abd-er-Rahmân prépare en<br />
Espagne une expédition formidable : des ports du .Magreb<br />
lui<br />
arrivent des renforts qu'il organise pour l'invasion, et, en atten<br />
dant, il va, comme nous l'avons vu, écraser son lieutenant<br />
révolté dans les Pyrénées et enlever la fille du roi d'Aqui<br />
taine.<br />
En 732, Abd-er-Rahmân traverse les montagnes des Was-<br />
et inonde l'Aquitaine. Marchant droit devant<br />
cons (les Pyrénées)<br />
lui, il arrive sous les murs de Bordeaux, où Eude l'attend avec<br />
toutes ses forces ; mais, cette fois, la fortune est infidèle au prince<br />
chrétien : son armée est écrasée ek s'il échappe au désastre, c'est<br />
pour voir, dans sa fuite, les flammes dévorant sa métropole.<br />
Après avoir saccagé l'Aquitaine, les Musulmans passent la<br />
Loire, se répandent dans les contrées voisines, enlèvent et pillent<br />
Poitiers et marchent sur Tours, où, leur a-t-on dit, se trouve la<br />
plus riche basilique des Franks.<br />
Cependant, dans le nord-est, Karl n'est pas resté inactif; il<br />
a publié le ban de guerre et tout le monde a répondu à son appel.<br />
« Les plus impraticables marécages de la mer du Nord, les plus<br />
sauvages profondeurs de la Forêt-Noire vomirent des flots de<br />
combattants demi-nus qui se précipitèrent vers la Loire, à la<br />
suite des lourds escadrons austrasiens, tout chargés de fer*. »<br />
Eude s'est joint à Karl en lui faisant hommage de vassalité et<br />
lui a amené les débris de ses troupes.<br />
Dans le mois d'octobre 732, les deux immenses armées se trou-<br />
1. Hist. de France. Henri Martin, t. II, p. 202. \
LA BATAILLE DE POITIERS.<br />
vèrent en présence en avant de Poitiers. On passa plusieurs jours<br />
à s'observer curieusement de part et d'autre, et, enfin, les Musul<br />
mans se développèrent dans la plaine et attaquèrent avec impé<br />
tuosité les Franks aux cris mille fois répétés de Dieu est grand!<br />
Les guerriers austrasiens, tenus en haleine par vingt années de<br />
guerres incessantes, essuyèrent sans broncher cet assaut tumul<br />
tueux, et, pendant toute la journée, restèrent inébranlables<br />
comme un roc sous la grêle de traits de leurs ennemis. Vers le<br />
soir Eude et ses Aquitains ayant attaqué de flanc le camp des<br />
Musulmans,<br />
ceux-ci se retournent pour voler à la défense de<br />
leur butin amoncelé dans les tentes; mais aussitôt les lourds<br />
escadrons austrasiens s'ébranlent et fondent comme la foudre<br />
sur les Arabes, qui, grâce à la nuit, peuvent gagner leur camp<br />
en laissant le terrain jonché de leurs guerriers, parmi lesquels<br />
leur chef Abd-er-Rahmân.<br />
Telle fut la bataille de Poitiers ; l'on sait que, le lendemain,<br />
l'armée franke se disposait à attaquer le camp ennemi, lors<br />
qu'elle s'aperçut qu'il était vide : les Musulmans, profitant<br />
des ombres de la nuit,<br />
avaient fui en abandonnant l'immense<br />
butin qu'ils avaient fait dans leur campagne et qui passa aux<br />
mains des barbares du nord. L'armée chrétienne, occupée à<br />
s'approprier ces richesses, ne songea même pas à poursuivre les<br />
vaincus. Eude rentra en possession de son pays dévasté; quant<br />
à Karl, il profita de sa présence en Gaule pour soumettre la<br />
Burgondie ; puis il regagna les contrées du nord pour mettre ses<br />
prises en lieu suret songer à d'autres conquêtes.<br />
Le désastre de Poitiers eut un douloureux retentissement dans<br />
l'empire de l'islamisme ;<br />
mais de tels revers sont insépa<br />
rables des guerres de conquête ; bientôt on ne songea plus qu'à<br />
la vengeance;<br />
un nouvel ouali fut nommé en Espagne et le<br />
khalife lui intima l'ordre de faire oublier la défaite par de nou<br />
veaux exploits. Avant de tenter cette revanche, le gouverneur<br />
dut îutter contre des révoltes locales et Eude profita de ce répit<br />
pour organiser avantageusement ses moyens de résistance. Puis<br />
Eude étant1 mort (753) , son fils voulut secouer le joug<br />
et les hostilités commencèrent entre eux.<br />
de Karl<br />
Pendant ce temps, les Musulmans, attirés par Mauronte,<br />
comte de Provence, qui préférait se déshonorer en contractant<br />
alliance avec eux, que de subir la perspective d'une soumission<br />
inévitable à Karl, envahirent de nouveau la Provence et la
40 E. MERCIER.<br />
Viennoise; puis, remontant la vallée du Rhône, ils vinrent<br />
prendre et saccager la ville de Lyon. Cette pointe ha.rdie,futleur<br />
dernière prouesse en France. Bientôt Karf et ses Franks paru<br />
rent et aussitôt les Musulmans regagnèrent les régions du midi.<br />
Ils tentèrent une faible résistance à Avignon,<br />
les remparts de Narbonne qu'ils concentrèrent toutes leurs forces.<br />
mais ce fut derrière<br />
Karl essaya en vain d'enlever cette ville; il put seulement<br />
empêcher son ravitaillement en allant écraser, près de l'étang de<br />
Sigean, des renforts venus d'Afrique par mer.<br />
Dans le cours des années 739 et 740, Karl revint en Pro<br />
vence, défit et tua le duc Mauronte et rejeta définitiveinentjes<br />
MusulmajjsyîT^eptmanie. Dès lorsTâ situation des Arabes en<br />
Friûïce fut des plus précaires ; bientôt, pourchassés par Peppin-<br />
le-Bref, ils ne conservèrent que Narbonne, qui tomba elle-même<br />
après un siège de sept années. Les dernières bandes<br />
en 759,<br />
musulmanes rejoignirent au-delà des Pyrénées leurs coreligion<br />
naires déchirés par la guerre civile et déjà fortement entamés<br />
par Pelage qui avait enfin organisé une résistance nationale.<br />
IV.<br />
Voilà le récit succinct de l'invasion arabe en France tel que<br />
nous le donne notre histoire.<br />
Loin de nous la pensée de diminuer en quoi que ce soit la<br />
gloire conquise par Karl Martel"ur le champ de bataille de<br />
Poitiers ; cette gloire lui est due et le prince frank eut ce bonheur<br />
de briser la confiance des Arabes, confiance justifiée par leurs<br />
prodigieux succès et qui, doublant leur audace,<br />
répandait la<br />
terreur comme une avant-garde dans le pays envahi. Mais ne<br />
ressort-il pas de la logique des faits que cette belle victoire eût<br />
été insuffisante si les conditions de l'invasion fussent restées les<br />
mêmes? Toutes les forces du Magreb ne furent pas anéanties à<br />
Poitiers. Il est impossible d'évaluer le nombre de Musulmans qui<br />
restèrent sur le champ de bataille ;<br />
mais il semble qu'un chiffre<br />
de quinze ou vingt mille tués est le maximum à admettre pour<br />
une époque où l'on ne disposait d'aucun des engins de destruc<br />
tion modernes. Quant à la retraite, cette conséquence terrible de<br />
toute défaite, elle put s'effectuer sans encombre puisque les vain<br />
queurs ne poursuivirent pas. R est donc permis de dire que ce<br />
ne fut pas là un désastre assez grand pour arrêter net une inva-
•<br />
LA BATAILLE DE POITIERS. \\<br />
sion et la faire bientôt rétrograder, et, qu'en se fondant sur l'expé<br />
rience du passé, les Musulmans devaient,<br />
employées à se refaire,<br />
après quelques années<br />
reparaître plus menaçants et plus ter<br />
ribles. N'est-ce pas ce qui avait eu lieu après leur désastre de<br />
Toulouse,<br />
peut-être plus meurtrier que celui de Poitiers? Es_<br />
possédaient une excellente base d'opérations en Septimanie et ils<br />
n'avaient qu'à partir de là pour porter plus en avant leur ligne<br />
comme ils avaient fait jusqu'alors. Enfin Kari n'était plus là<br />
pour les arrêter, et, du reste, nous les voyons peu de temps après<br />
la bataille de Poitiers envahir la vallée du Rhône et saccager<br />
Lyon.<br />
La raison de leur impuissance c'est que la face des affaires<br />
avait changé en Berbérie. Voici ce qui s'y était passé.<br />
Depuis un certain nombre d'années, les Berbères avaient<br />
accueilli avec faveur un schisme que les orthodoxes stigmati<br />
saient du nom de kharedjisme (hérésie). Ce schisme avait pris<br />
naissance peu de temps après la mort de Mahomet, lors des luttes<br />
pour sa succession entre Ali, son gendre, et Moaouïa. Les kha-<br />
redjites prétendaient que l'Imâm ou chef des fidèles pouvait être<br />
choisi parmi eux tous, tandis que les autres voulaient qu'il fût<br />
pris dans la descendance du prophète (par sa fille Fatima), ou<br />
dans la tribu de Koreïch. TeUe fut l'origine de la scission.<br />
Ecrasés à Nehrouân par Ali, ces sectaires cherchèrent un refuge<br />
au loin ; l'Afrique en recueillit beaucoup ;<br />
avec le temps les désac<br />
cords dogmatiques s'accentuèrent et les kharedjites devinrent<br />
les adversaires de la constitution même du khalifat, adversaires<br />
cachés,<br />
mais dont la haine n'attendait qu'un motif pour faire<br />
explosion et se traduire par des actes. Ce fut surtout dans le<br />
Magreb extrême (Maroc actuel) que le schisme recueillit le plus<br />
grand nombre d'adhérents formant une vaste société secrète1<br />
Les Berbères en firent un moyen de résistance patriotique contre<br />
leurs dominateurs.<br />
Déjà plusieurs gouverneurs étaient venus juger par eux-<br />
mêmes de la gravité de la situation et réprimer les séditions<br />
locales; ils avaient laissé dans l'ouest des hommes fermes et<br />
énergiques. Ces précautions devaient être vaines. En 740, les<br />
Berbères du Magreb extrême se soulèvent comme un seul homme<br />
à la voix de Méïcera l'un des leurs, et mettent à mort leurs<br />
1. En Nouéïri, loc. cit. p. 359 et suiv.
42 E. MERCIER.<br />
oualis1. Le gouverneur de Kaïrouàn fait marcher contre eux<br />
les troupes arabes dont il dispose, mais elles sont taillées en pièces<br />
et le feu de la révolte se propage à tout le nord de l'Afrique.<br />
Bloqué dans Kaïrouàn, le gouverneur demande des secours en<br />
Orient. Le kalife Hecham tire douze mille cavaliers des colonies<br />
militaires de Syrie et les lance contre le Magreb. Ces troupes<br />
rencontrent les Berbères qui les attendent en bon ordre près du<br />
fleuve Sebou : attaquées par eux avec fureur, elles sont en un<br />
instant mises en déroute et coupées de leur base ; les débris des Sy<br />
riens rejetés sur la côte, parce qu'ils ne peuvent opérerleur retraite<br />
au milieu d'un pays révolté, passent en Espagne où ils sont fort<br />
mal accueillis et doivent se conquérir une place à la pointe de<br />
leur épée. La Péninsule,<br />
n'ayant plus de communications avec<br />
l'Orient, est aussi en proie à la révolte, car les kharedjites y sont<br />
nombreux et l'arrivée des Syriens apporte un élément de plus à<br />
l'anarchie2.<br />
Mais nous ne prétendons pas retracer ici les révoltes des kha<br />
redjites ; disons seulement qu'elles durèrent de longues années et<br />
qu'elles coûtèrent la vie à un nombre incalculable de Berbères.<br />
Plusieurs fois les rebelles se rendirent maîtres de Kaïrouàn et<br />
expulsèrent ou tuèrent le gouverneur arabe. La chute de la<br />
dynastie oméiade, son remplacement par celle des Abbacides et<br />
les luttes qui en furent la conséquence favorisèrent le désordre<br />
général en créant de nouveaux partis politiques ; les colonies<br />
demeurèrent sans chefs et celles fp étaient encore fidèles ne<br />
surent plus à qui elles devaient obéir. Dès que la nouvelle<br />
dynastie -fut solidement installée,<br />
elle s'attacha à réduire la<br />
révolte kharedjite du Magreb; mais le khalifat s'épuisa dans<br />
dette lutte qui se termina cependant,<br />
guerres sans merci,<br />
après cinquante années de<br />
par l'écrasement des kharedjites. Dès lors<br />
l'autorité du gouvernement arabe fut sans force en Afrique : ne<br />
pouvant plus compter sur les indigènes ni les employer dans<br />
leurs armées, isolés et noyés au milieu d'ennemis, n'ayant pour<br />
se faire obéir que les milices d'Orient, les oualis de Kaïrouàn<br />
furent soumis au bon plaisir de ces soldats et n'exercèrent<br />
bientôt plus aucune action sur l'ouest. Des dynasties indépen-<br />
1. Ibn Khaldoun, t. I, p. 216 et suiv.<br />
2. En Espagne, la dynastie oméiade ; dans le Magreb, celles des Edricides, à<br />
Fèit; des Midrarides, à Sidjilmassa (Tafllala); des Rostemides, à Xiharet, etc.
LA BATAILLE DE POITIERS. -13<br />
dantes se fondèrent en Espagne et dans le Magreb1, et ces pays,<br />
dès lors séparés pour toujours de l'Orient, vécurent de leur vie<br />
propre en'<br />
attendant que l'est, l'Ifrikïa (Tunisie et Tripolitaine),<br />
s'en détachât aussi.<br />
Il est facile de saisir maintenant de quelle manière le courant<br />
qui entretenait l'invasion musulmane en Europe se trouva dé<br />
tourné : il ne passa plus personne en Espagne,<br />
parce que tout le<br />
monde était occupé en Afrique. Le torrent arrêté à Poitiers rentra<br />
dans son lit et ne déborda plus parce que l'avalanche qui l'avait<br />
gonflé s'était portée d'un autre côté. L'invasion était arrivée à<br />
son terme;<br />
comme une marée d'équinoxe qui a atteint son<br />
summum d'expansion, elle devait, de décroissement en décroisse-<br />
ment, rentrer dans son lit.<br />
Si donc Karl Martel n'avait pas été vainqueur à Poitiers,<br />
nous ne croyons pas que la chrétienté eût été perdue. Les<br />
Musulmans auraient, il est vrai,<br />
porté leurs ravages jusqu'à la<br />
Manche, peut-être jusqu'à la mer du Nord, en supposant que<br />
les fiers guerriers franks n'eussent pas réussi dans un second<br />
effort à les arrêter ;<br />
déplorables,<br />
ces nouveaux succès de l'islam eussent "été<br />
mais nous ne pensons pas que les Musulmans<br />
fussent jamais parvenus à établir dans ces contrées une do<br />
mination sérieuse, parce que les faits dont le Magreb allait<br />
être le théâtre étaient inévitables : la révolte kharedjite était<br />
imminente et n'aurait pas été retardée d'une heure. La cause<br />
étant supprimée, l'effet cessa; l'invasion, n'étant plus alimentée,<br />
ne pouvait plus avancer et devait au contraire bientôt reculer,<br />
car dans de tels cas la réaction suit de près l'arrêt dans l'action.<br />
C'est ce qui eut lieu et voilà, en réalité,<br />
échappa au joug de l'islam.<br />
pourquoi l'Europe<br />
Ernest Mercier.<br />
1. Histoire des Musulmans d'Espagne par Dozy, t. I, p. 255 et suiv.<br />
Extrait de la Revue historique.<br />
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
CONSTANTINE<br />
"■uuhss *b 2&0Zt?"P jZt#y* j<br />
//ïyz
CONSTANTINE<br />
AVANT LA CONQUÊTE FRANÇAISE<br />
837<br />
NOTICE<br />
sur cette ville à l'époque du dernier bey<br />
Par M. Ersest MERCIER<br />
Le 13 octobre 1837, l'armée française pénétrait par la.<br />
brèche dans Constantine,<br />
après un siège aussi glorieux<br />
que meurtrier pour nos armes. Rien de plus curieux et<br />
de plus caractéristique que l'aspect que présentait alors<br />
la vieille ville de Syphax et de Jugurtha, déjà si pitto<br />
resque par sa position topographique. L'étonnement des<br />
vainqueurs, à celte vue,<br />
a été parfaitement traduit par<br />
l'un d'eux, M. le capitaine de la Tour du Pin, dans sa<br />
Relation de la prise de Constantine : « La brèche<br />
est escaladée, dit-il,<br />
mais la colonne d'assaut trouve<br />
là quelque chose de plus terrible, de plus sinistre que la<br />
présenc» de l'ennemi;<br />
une énigme dévorante toute prêle
à engloutir quiconque ne la devinerait pas; ce sont des<br />
construclions incompréhensibles; des enfoncements qui<br />
promettent des passages et qui n'aboutissent pas; des<br />
apparences d'entrée qui n'amènent aucune issue; des<br />
rentrants et des saillants embrouillés à plaisir; des sem<br />
blants de maisons dont on ne sait prendre le sens ou la<br />
face »<br />
Tel était le vieux Constantine,<br />
européens du xixe<br />
et l'on comprend que des<br />
siècle, des Français, venant s'établir au<br />
milieu de cet amas de bicoques entassées,<br />
toutes les lois de l'art et du bon sens,<br />
en dépit de<br />
sur les vestiges<br />
superposés de diverses civilisations, ont dû dès l'abord<br />
modifier profondément ce dédale pour en rendre l'habi-<br />
lion possibleAm a donné du jour et de l'air, percé, dé<br />
moli, nivelé, aligné,<br />
reconstruit les parties occupées en<br />
premier lieu, c'est-à-dire la Kasba et le haut de la ville.<br />
Les habitations indigènes y ont successivement disparu<br />
pour faire place aux maisons européennes; puis l'occu<br />
pation française s'est étendue en descendant sur le pla<br />
teau; des rues relativement larges, poussées jusqu'au<br />
ravin, ont coupé, Ijnorcelé les parties restées arabes, de<br />
sorte que, maintenant, le vieux Constantine n'existe pour<br />
ainsi dire plus que dans le quartier de Rab-el-Djabia et<br />
dans partie de celui d'El-Kantara.^<br />
La physionomie de Constantine est donc profondément<br />
changée déjà et se transforme chaque jour : là où deux<br />
mulets ne pouvaient circuler de front el ne parvenaient à<br />
une issue qu'après avoir décrit des méandres sans nombre,<br />
se croisent des voitures de toute sorte; les hôtels à trois<br />
étages ont remplacé les mosquées délabrées ; le marchand
— — 5<br />
arabe quitte la petite échoppe où,<br />
comptoir,<br />
en restant assis à son<br />
tout était à la portée de sa main et débite main<br />
tenant sa marchandise dans des magasins bien ouverts;<br />
enfin, les indigènes font reconstruire par des architectes<br />
français les maisons qui leur [restent et que la vétusté<br />
ou des nécessités de voirie forcent de réédifier. Encore<br />
quelques années et il ne restera de l'ancienne ville ber<br />
bère qu'un souvenir s'éteignant de jour en jour, à mesure<br />
que les contemporains disparaîtront. Déjà ce souvenir est<br />
fort vague parmi les indigènes, pour toute la partie, la<br />
première francisée, comprise entre le bouvelard du Nord<br />
et la rue Damrémont.<br />
11 y aurait cependant pour nous plus d'un intérêt à ne<br />
pas le laisser périr à tout jamais et il ne serait que temps<br />
de dresser l'inventaire de Constantine en 1837,<br />
qu'à titre de curiosité archéologique.<br />
ne fût-ce<br />
C'est dans cette pensée que j'ai entrepris le présent<br />
travail. A cet effet, j'ai relevé le plan dressé par l'Etat-<br />
major après la prise,<br />
plan malheureusement incomplet et<br />
inexact dans des détails, mais qui, à défaut d'autre, pré<br />
sente, pour les lignes principales, des caractères précieux<br />
d'authenticité. J'y<br />
ai ensuite placé tous les noms que j'ai<br />
pu recueillir de la bouche des Indigènes,<br />
laissé de présenter de réelles difficultés,<br />
ce qui n'a pas<br />
en présence<br />
du peu de concordance de certains renseignements et<br />
alors que les locaux auxquels s'appliquaient les vocables<br />
ont été entièrement transformés. Pour compléter la carte<br />
et aider aux recherches, j'ai dressé un index général des<br />
noms, dont j'ai donné l'orthographe arabe et,<br />
autant que<br />
possible, la signification, en indiquant la situation actuelle<br />
ou la transformation opérée.
6<br />
Loin de moi la prétention d'avoir fait une œuvre abso<br />
lument complète et exacte : cela, je le répète,<br />
impossible; mais j'espère que les erreurs n'y<br />
est déjà<br />
sont pas<br />
trop graves ni trop nombreuses, et je l'offre tel quel, per<br />
suadé que plus l'on attendra,<br />
difficile et incertaine.<br />
Constantine, le 10 mars 1878.<br />
Constantine,<br />
et plus la restitution sera<br />
que les anciens auteurs arabes appellent<br />
l'aérienne (Kosantina-t-el- Haoua) (1),<br />
teau qui s'abaisse en pente assez régulière,<br />
s'étend sur un pla<br />
mais de plus<br />
en plus rapide, du nord-ouest au sud-est, entouré de trois<br />
côtés par l'espace,<br />
vaste presqu'île reliée à la terre par<br />
un isthtne étroit la ratâchant aux croupes du Koudiat-Ati.<br />
Il résulte de cette situation que la ville ne peut avoir<br />
d'accès direct que sur une face, celle du sud-ouest, au<br />
moyen de l'isthme dont nous avons parlé et qu'il n'est<br />
possible de relier les autres côtés à la terre que par des<br />
ponts jetés sur le ravin qui entoure la cité au sud-est<br />
et au nord-est. Deux rentrants échancrent le plateau :<br />
l'un assez prononcé, au sud, et l'autre, moins grand, à<br />
l'est.<br />
(.1) Lill. Constantine de l'espace ou du ravin.
En 1837,<br />
— — 7<br />
trois portes existaient sur la face de l'ouest :<br />
1° La porte neuve (El-Bab-el-Djedid),<br />
qui se trouvait<br />
au-dessus de la porte Valée actuelle, derrière l'emplace<br />
ment occupé maintenant par le magasin à orge de l'Admi-<br />
tralion, et donnait accès sur le versant nord de l'isthme,<br />
alors beaucoup plus étroit, véritable langue de terre dont<br />
nous avons décuplé la largeur par des remblais ;<br />
2° La porte de la rivière (Bab-el-Ouad),<br />
la porte Valée,<br />
au-dessous de<br />
vis-à-vis du centre du square. On descen<br />
dait par là vers le Bardo, d'où le nom : porte de la rivière;<br />
3° Et la porte de la citerne (Bab-elDjabia), au-dessous<br />
de la précédente et desservant la parlie basse de la ville,<br />
laquelle a pris le nom de la porte.<br />
A l'opposé, une quatrième porte,<br />
Kantara),<br />
celle du pont (Bab-el-<br />
permettait de traverser le ravin sur un ancien<br />
pont romain, restauré en 1792 par Salah-Bey, qui avait<br />
chargé de ce soin un architecte mahonais, don Barto-<br />
loméo. On sait que ce pont s'est écroulé le 18 mars 1857.<br />
et a été remplacé par le beau pont en fer qui existe<br />
maintenant.<br />
Telles étaient les seules entrées de cette ville, qui<br />
occupe une superficie de plus de trente hectares, et<br />
encore les deux premières portes faisaient-elles,<br />
en réa<br />
lité, double emploi.<br />
Un mur crénelé entourait la ville; mais cette enceinte<br />
était fort irrégulièrè et l'on avait, en maints endroits,<br />
adossé la muraille au rocher, ce qui, sur le plan, est<br />
indiqué par des lacunes qu'on pourrait prendre pour des<br />
entrées.<br />
Constantine était divisé en quatre quartiers principaux :
La Kasba, au nord-est ;<br />
Tabia, au nord-ouest;<br />
El-Kantara, au sud-est;<br />
Bab-el-Djabia,<br />
— — 8<br />
au sud-ouest.<br />
Entre ces quatre groupes occupant les quatre angles,<br />
mais dont les limites n'avaient rien de bien défini, s'éten<br />
dait un large espace n'ayant pas de désignation généri<br />
que mais une foule d'appellations particulières : c'était<br />
la partie de la ville réservée spécialement au commerce et<br />
aux métiers et le siège des hauts fonctionnaires de l'admi<br />
nistration.<br />
Les rues, étroites et contournées, coupées d'impasses,<br />
n'avaient généralement pas de noms particuliers; chaque<br />
impasse était désignée par le nom du propriétaire de la<br />
principale maison s'y trouvant, Zenket-dar-bou-Khoubza,<br />
par exemple, ou par celui de la mosquée voisine : Zenket-<br />
Sidi-Offane ; enfin, l'on rencontrait dé petits carrefours<br />
ayant une désignation particulière : comme Kouchet-ez-<br />
Z'iate, Ech-Chott, El-Hara-el-Hamra, etc. ; des voûtes (Sa<br />
bote et Kous), de petites places,<br />
comme Rahbet-el-Djemal<br />
ou Souk-el-Acer, de sorre que la même rue, dans son pro<br />
longement, rencontrait une série de dénominations diffé<br />
rentes. En ajoutant à cela l'absence complète de numéros<br />
aux maisons,<br />
on avouera qu'il devait être difficile à un<br />
étranger de s'y reconnaître dans un pareil fouillis.<br />
La ville était donc,<br />
de petits quartiers (Houma).<br />
Quatre artères principales,<br />
en réalité divisée en une multitude<br />
reliées entre elles par un<br />
grand nombre de ruelles, sillonnaient Constantine de<br />
l'ouest à l'est. C'était,<br />
en commençant par le haut :
- 9<br />
—<br />
1° Une rue partant d'El-Bab-el-Djedid montait pour<br />
passer devant Dar-el-Kkalifa (le Trésor .actuel) et condui<br />
sait à la Kasba,<br />
en trouvant sur son parcours : Redir-bou-<br />
el-R'arate, point où nous avons percé la rue d'Aumale, et<br />
mosquées de Djama-Khelil, Sidi-Yahia-el-Fecili et Sidi-<br />
Mouferredj. C'est à peu près le trajet des rues Basse-<br />
Damrémonl et Damrémont.<br />
La Kasba, dont l'enceinte n'était pas délimitée comme<br />
de nos jours,<br />
tions particulières-,<br />
contenait un certain nombre de construc<br />
appartenant notamment aux familles<br />
Ben-Hasseïn et Ben-Koutchouk-Ali ; plusieurs mosquées :<br />
Djama-el-Kasba, Sidi- Abd-el-Kader, Kobbet-Bechir ; une pri<br />
son (Habs), établie, dit-on, dans les citernes romaines, sorte<br />
à'in-pace; une réunion de métiers de tisserands (Terbïât-<br />
Houka), etc. A l'extrémité nord se trouvait le sinistre<br />
emplacement appelé Kehef-Chekoura (le rocher des sacs),<br />
d'où la tradition prétend que l'on précipitait dans le ravin<br />
les femmes infidèles ou celles dont les beys voulaient se<br />
débarrasser.<br />
Au-dessus de cette rue,<br />
entre la Kasba et le front nord.<br />
ouest, s'étendait le quartier de Tabia, divisé lui-même en<br />
Tabia-el-Kebira (la grande Tabia) et Tabia-el-Berrariia (Tabia<br />
des étrangers). Plusieurs mosquées s'y trouvaient; l'une<br />
d'elles, celle de Sidi-Ali- ben- Makhlouf, donnait son nom à<br />
l'angle de l'ouest, près de Bordj-Assous (la tour romaine).<br />
2° Une rue partait d'El-Moukof,<br />
près de l'endroit où se<br />
trouvait le tétrastyle de Potitus, démoli lors de la cons<br />
truction de l'hôtel de Paris,<br />
et conduisait à Souk-el-Acer<br />
(la place Négrier). Elle passait devant Dar-el-Bey, traver<br />
sait Souk-el-R'ezel (le marché de la laine filée) au-dessous
10<br />
de la mosquée de ce nom (la Cathédrale actuelle^<br />
palais (Derb), puis le quartier d'El-Blâte,<br />
el-Djouza,<br />
et du<br />
longeait Djama-<br />
mosquée qui se trouvait à l'entrée de la rue<br />
Richepanse, sur la place de l'Asile, et débouchait à Soukel-Acer<br />
par la voûle (Sabale) de Salah-Bey.<br />
Celle voie, qui était appelée, dans la seconde partie de<br />
son parcours, Zekak-el-Blâte, a reçu de nous le nom de<br />
rue Caraman, Elle communiquait avec El-Bab-el-Djedid<br />
par la ruelle nommée maintenant rue du Trésor, et avec<br />
Bab-el-Ouad par l'ancienne enlrée de la rue Rouaud.<br />
Des rues transversales la reliaient à la précédente. On<br />
parvenait ainsi à Rous-ed- Douâmes (les lêtes des souter<br />
rains), dont l'emplacement paraîl avoir été vers la rue<br />
actuelle du Palais, aux deux palais (Derb et Dréïba), à<br />
diverses mosquées telles que Sidi-Ferghane ,<br />
Annaba, etc.,<br />
Sidi-Bou-<br />
au lieu dit Hammam-es-Soultane et au pas<br />
sage appelé El-.)Iorr, sous la Kasba.<br />
Au-dessus de Souk-el-Acer se trouvait la mosquée de<br />
Salah-Bey, dite de Sidi-el-Kettani, dont nous avons refait<br />
la façade et à laquelle est adjointe la Merlraça. Pour y<br />
arriver,<br />
on passait devant le petit oratoire d'une lemme<br />
morte en odeur de sainteté, Setti-Frikha. Au delà, on<br />
entrait dans Souk-el-Djemâa (le marché du vendredi),<br />
occupé maintenant en partie par le collège. Des ruelles<br />
menaient de là à la Kasba en passant par Sour-ed-Derk.<br />
3° Une rue partant, de Bab-el-Ouad menait à Rahbet-es-<br />
Souj (la lia Ile de la laine), dont nous avons fait la place des<br />
Galettes. Elle a'formé les rues Rouaud, Combes el Vieux.<br />
Celait la principale artère du commerce et des métiers,<br />
qui s'y trouvaient groupés par catégories, formant ainsi
— — 11<br />
une suite de Souk ou bazars,<br />
villes d'Orient.<br />
comme dans la plupart des<br />
On trouvait d'abord les droguistes (Attarine);<br />
puis les<br />
selliers (Serradjine) ; puis les teinturiers (Sebbarine). Là<br />
la rue se divisait en deux branches venant déboucher<br />
l'une au sommet et l'autre au bas de Rahbet-es-Souf,<br />
chacune d'elles se terminant par une longue voûte. Le<br />
tout était réuni sous l'appellation générique de Souk-et-<br />
Teddjar (le bazar du commerce).<br />
Dans la branche supérieure se trouvaient à la suite :<br />
les cordonniers (Kherrazine) , Souk-el-Khelek (le marché<br />
populeux), les forgerons (Haddadine)<br />
(le grand bazar).<br />
et Es-Souk-el-Kebir<br />
Dans la branche inférieure venaient successivement :<br />
les fabricants de tamis (R'erabline), les menuisiers (Neddja-<br />
rine)<br />
et les parchemineurs (Rekkakine).<br />
Entre ces deux branches et au-dessus d'elles se trou<br />
vaient encore diverses rues transversales ou parallèles,<br />
occupées par d'autres industries, telles que les fabricants<br />
de chaussures de femmes (Chebarliine), les passementiers<br />
(Kazzazine), les bijoutiers (Sara), les fabricants de bâts<br />
de mulets (Bradâdine), les marchands de légumes (Khad-<br />
darine), les bouchers (Djezzarine), les marchands d'arti<br />
chauts sauvages (Kherachefïine), etc.<br />
Au delà de Rahbet-es-Souf, des ruelles menaient plus<br />
ou moins directement, en montant, à Souk-el-Acer;<br />
d'autres conduisaient, sur le même plan, à Chara, le<br />
Ghetto, où Salah-Bey avait cantonné les Israélites ; enfin,<br />
d'autres faisaient descendre à El-Kanlara, en passant par<br />
Sidi-el-Djelis,<br />
française.<br />
mosquée dont nous avons fait l'école arabe
— — 12<br />
Un grand nombre de mosquées, parmi lesquelles celle<br />
de Sidi-L'Akhdar, el plusieurs bains se trouvaient dans le<br />
pâté que nous venons de circonscrire.<br />
Presque à l'entrée de cette rue, en descendant à droite,<br />
on trouvait Rahbet-el-Djemal (la halle aux chameaux), d'où<br />
l'on descendait encore par une rue en pente très-rapide<br />
et appelée Ed-Deroudj (les escaliers, dont nous avons fait<br />
la rue de l'Échelle), à Bab-el-Djabia.<br />
Au-dessous de Dar-el-Bey<br />
(palais et caserne à l'époque<br />
turque), après avoir passé devant Ras-el- Kherrazine (la<br />
tête des cordonniers),<br />
mille de Ben-el-Feggoun,<br />
où se trouvait la Zaouïa de la fa<br />
cheïkh-el-Islam (actuellement la<br />
mosquée de Hàmmouda), l'on descendait assez directement<br />
sur El-Djamâ-el-Kebir (la grande mosquée), dont nous<br />
avons reconstruit la façade sur la. rue Nationale, à l'en<br />
droit dit El-Batha,<br />
Nationale,<br />
carrefour qui a été coupé par la rue<br />
en face de l'entrée de la rue Fonlanilhes.<br />
4° Enfin, une rue partait de Bab-el-Djabia,<br />
passait à<br />
Souïka (le petit marché), à Zellaïka (la glissante) et à<br />
Ech-Chott (le tard), à l'angle de la rue Nationale, sur le<br />
bord du ravin "de là, elle remontait pour passer devant<br />
la ruelle des Arbaïn-Cherif, puis à Frane Birrou (les fours<br />
à chaux de Birrou), puis à la mosquée de Sidi-Bou-Mâza,<br />
et, enfin, atteignait Bab-el- Kantara.<br />
Cette rue, la seule qui, entrant par une porte, traver<br />
sât directement la ville pour sortir par la porte opposée,<br />
a été nommée par nous rue Perregaux.<br />
A l'entrée de cette voie, des rues descendaient pour<br />
desservir la partie inférieure du quartier de Bab-el-Djabia<br />
et venaient aboutir à l'extrémité méridionale de la ville,
- 13<br />
—<br />
à la pointe de Sidi-Rached, à la mosquée de Sidi-Bou-<br />
Rarda et à Bir-el-Menahel (le puits des ruchers), nom<br />
donné à la parlie bordant le ravin. Dans le bas de ce<br />
quartier, la déclivité du terrain est fort grande, et, comme<br />
les rues descendent généralement à pic, leur inclinaison<br />
est attestée par les appellations significatives de Zellaïka<br />
(la glissante), de Zerzaïh'a (la glissade) et de Derdaf (les<br />
petits pas). Les mosquées ne manquent pas dans cette<br />
partie de la ville : Sidi-Abd-el-Moumen, Sidi-Rached, Sidi-<br />
Ali-Tandji, etc.<br />
Dans le bas du quartier d'El-Kantara,<br />
un certain nom<br />
bre de ruelles conduisaient, en pente plus ou moins ra<br />
pide, à l'extrémité du plateau.<br />
Sur tout le front sudrest, la ville était garnie,<br />
au bord<br />
même du ravin, de tanneries dont la plupart existent<br />
encore. En se plaçant là, les tanneurs ont eu évidem<br />
ment pour but d'éviter les frais de transport de leurs<br />
détritus et de leurs eaux qu'ils jettent à même dans le<br />
ravin, sans, pour ainsi dire, se déranger.<br />
Le ravin était, du reste, le réceptacle des immondices<br />
de la ville. Au fond de l'échancrure méridionale, près<br />
d'Ech-Cholt, se trouve l'emplacement dit El-Merma, d'où<br />
l'on précipitait les fumiers dans le gouffre; là, les nuées<br />
de corneilles et de choucas logés dans les anfracluosités<br />
des rochers venaient y chercher leur nourriture, et enfin,<br />
les grandes crues de l'hiver achevaient ce travail peu coû<br />
teux d'enlèvement des issues d'une grande cité.<br />
rité,<br />
Tel était le vieux Constantine ; singulière ville,<br />
en vé<br />
et bien capable de forcer à l'étonnement le voyageur<br />
le'<br />
plus blasé. Un général tunisien, après avoir en vain
— 14<br />
essayé de s'en rendre maître par le siège, exhala, dit-on,<br />
son dépit par cette phrase caractéristique dans sa cru<br />
dité : « Ailleurs les corbeaux fientent sur les hommes;<br />
ici ce sont les hommes qui fientent sur les corbeaux. »<br />
II.<br />
Après avoir passé cette rapide revue de Constantine<br />
avant la conquête, il nous reste à examiner,<br />
non moins<br />
rapidement, les modifications principales qui y ont été<br />
apportées par l'occupation française.<br />
Les deux portes EI-Bab-el-Djedid et Bab-el-Ouad ont été<br />
bouchées et l'on a percé entre elles la porte Valée, de<br />
sorte que Constantine actuel n'a que trois portes :<br />
La porte Valée, nouvelle;<br />
La porte Djabia, à laquelle on n'a pas touché;<br />
Et la porte d'El-Kantara,<br />
place.<br />
qui a été refaite à la même<br />
Le rempart a été en partie reconstruit, rectifié et pourvu<br />
d'un chemin de ronde.<br />
Le quartier"e Tabia a été coupé dans toute sa lon<br />
gueur par la rue Sauzai, partant du rempart, derrière<br />
Sidi-Ali-ben-Makhlouf,<br />
pour aboutir à la Kasba. Les rues<br />
Sitlius, Leblanc, Sassi, Desmoyen et du Rocher ont coupé<br />
perpendiculairement la rue Sauzai,<br />
entre le boulevard du<br />
Nord et la rue Damrémont. Il n'est donc resté des anciennes<br />
voies de Tabia que ces ruelles informes qui se nomment<br />
les rues du Lion, du Nord ou Salluste.<br />
La Kasba a été entourée d une enceinte régulière et<br />
continue. Toutes les constructions qui s'y trouvaient ont
— — 15<br />
été démolies pour faire place aux casernes d'infanterie, à<br />
l'hôpital militaire, à la prison et à l'artillerie.<br />
La rue qui a reçu le nom de rue Damrémont, a été,<br />
autant que possible, élargie et régularisée; on l'a poussée<br />
en outre jusqu'au ravin. La rue de l'Hôpital, celle de la<br />
Fontaine, y<br />
ont débouché perpendiculairement.<br />
La rue d'Aumale a été percée dans l'espace compris<br />
entre Redir-bou-el-R'arate et *Djama-el-Djouar.<br />
La rue Cahoreau a été ouverte entre Sidi-Ali-ben-<br />
Makhlouf et Tabia.<br />
La place, devant le Palais, a été régularisée et agrandie.<br />
La rue Caraman a été ouverte entre El-Moukof et la<br />
place Nemours, laquelle a été formée par la démolition des<br />
constructions occupant son périmètre.<br />
Souk-el-Acer a été agrandi et est devenu la place Négrier.<br />
Souk-el-Djemaa a fait place au collège.<br />
La rue de France a été ouverte depuis Souk-el-Rezel,<br />
au coude de la rue Caraman, jusqu'au ravin, à l'échan-<br />
crure du. front nord-est, près de Sidi-Sebaïni, donnant<br />
ainsi un accès facile à Rahbet-es-Souf et au quartier de<br />
Chara.<br />
Les rues des Cigognes et Sidi-L'Akhdar ont été percées.<br />
La place de Rahbet-es-Souf a élé régularisée.<br />
La maison d'Ahmed-Bey,<br />
la caserne des janissaires, a été démolie,<br />
que les Français ont appelée<br />
petites mosquées et maisons environnantes,<br />
place au théâtre et au marché aux légumes.<br />
Mais, ce qui a porté le plus rude coup<br />
tantine,<br />
ainsi que les<br />
pour faire<br />
au vieux Cons<br />
c'est évidemment la percée de la rue Nationale<br />
faisant communiquer la porte Valée avec celle d'El-Kan-
— — 16<br />
tara, la Halle aux grains avec la gare, la route de Philippe-<br />
ville avec celle de Batna.<br />
Cetle voie, la plus large de celles de Constantine, est<br />
partie de la place Nemours pour venir directement à<br />
Ech-Cholt,<br />
en traversant la Grande Mosquée el le carrefour<br />
d'El-Batha; de là, tournant presque à angle droit, elle<br />
s'est dirigée sur la porte d'El-Kantara,<br />
en se tenant au-<br />
dessous de la rue Perregaux et en coupant les petites<br />
rues qui descendent au bord du ravin.<br />
Telles ont été les principales modifications apportées<br />
par nous au vieux Constantine. Le reste,<br />
le quartier de Bab-el-Djabia,<br />
excentrique,<br />
et spécialement<br />
grâce à sa position plus<br />
a conservé à peu près sa physionomie. Et<br />
cependant bien des angles ont déjà été redressés, bien des<br />
réparations ont été faites par des européens et ont enlevé<br />
aux maisons ce caractère de haute fantaisie que pouvaient<br />
seuls donner des maçons indigènes. Enfin,<br />
ont été placés sur chaque porte.<br />
des numéros<br />
Si les maisons ont été numérotées, les rues ont reçu<br />
des noms. En comblant celte lacune, on a eu la généreuse<br />
pensée de perpétuelle souvenir des principaux officiers<br />
morts pendant le si%e, et leurs noms ont servi à baptiser<br />
les rues de la ville qu'ils avaient contribué à prendre.<br />
Citons par exemple les rues :<br />
Damrémont,<br />
Caraman,<br />
Perregaux,<br />
Combes,<br />
Vieux,<br />
Hackett,
Sérigny,<br />
Désmoyen,<br />
Leblanc,<br />
L'Huilier,<br />
Potier,<br />
Morland,<br />
Cahoreau,<br />
Rouaud,<br />
Madier,<br />
Grand,<br />
Guignard,<br />
Béraud.<br />
— — 17<br />
D'autres ont reçu les noms de certaines troupes ayant<br />
pris part au siège. Ce sont les rues :<br />
des Zouaves,<br />
du 26e de Ligne,<br />
du 23e de Ligne,<br />
du 47e de Ligne,<br />
du 17e Léger,<br />
du 3e Bataillon d'Afrique.<br />
D'autres appellations ont été données en l'honneur de<br />
la famille alors régnante ou en souvenir de la Patrie. Ce<br />
sont :<br />
Les places Nemours et d'Orléans,<br />
Les rues d'Aumale,<br />
de France,<br />
et Nationale.<br />
D'autres ont été prises dans l'histoire ancienne locale.<br />
Ce sont les rues :<br />
de Cirta,<br />
de Massinissa,
Enfin,<br />
—<br />
_ 18<br />
de Karthage,<br />
Sittius,<br />
Bélisaire,<br />
Salluste,<br />
Salomon (le général byzantin).<br />
un certain nombre de dénominations ont repro<br />
duit l'ancienne appellation indigène,<br />
arabe,<br />
soit par l'équivalent français.<br />
Pourjtles premières citons :<br />
Et pour les autres :<br />
Place Rahbet-es-Souf,<br />
Place^Sidi-el-Djelis,<br />
Rue Arbaïn-Cherif,<br />
Rue Sidi-Nemdil,<br />
Rue Abd-Allah-Bey,<br />
Rue Bou-Rarda,<br />
Rue Sidi-Abd-el-Hadi.<br />
Place des Chameaux,<br />
Rue des Amandes,<br />
Rue du Moulin,<br />
Ri| de l'Arc,<br />
Rue de l'Échelle,<br />
Rue des Mouches,<br />
Rue des Bains,<br />
Rue des Alises,<br />
Rue du Mouton,<br />
Rue des Corneilles,<br />
Rue des Tanneurs,<br />
Rue de l'Ecurie.<br />
soit sous sa forme
INDEX GÉNÉRAL DE CONSTANTINE<br />
au moment de la conquête française<br />
Aïoun-el-Kasba. . . .<br />
Akouas- (ou Kous)<br />
ben-Nedjda<br />
'ij—SSr3<br />
y-) t ,*.l ç_3l<br />
cT- CT><br />
Arbaïn-Cherif . . .<br />
Bab-el-Djabia<br />
>->s<br />
lyLJyL;<br />
JEl) Bab-el-Djedw.<br />
1837<br />
(Les fontaines de la Kasba). Au<br />
bout de la rue Damrémont, à l'en<br />
trée de la rue de la Fontaine.<br />
(Les arceaux de Ben-Nedjda). Ce<br />
nom était donné à la partie infé<br />
rieure de la rue de l'Arc (Bab-el-<br />
Djabia).<br />
(Voir Djama-Arbaïn-Cherif). Nom<br />
du carrefour situé devant cette mos<br />
quée, rue Perregaux, au-dessus du<br />
grand escalier de là rue Nationale.<br />
(La porte de la citerne). Est<br />
demeurée intacte en conservant<br />
son nom.<br />
(La porte neuve). Se trouvait au-<br />
dessus de la porte Valée actuelle,<br />
derrière le Trésor. A été suppri<br />
mée.
Bab-el-Kantara. . .<br />
iy.L_i_àJ! « >L_j<br />
Bab-el-Kasba<br />
Ï__._*a-S-J! v ,1-3<br />
Bab-el-Ouad<br />
Bains<br />
Bazars<br />
AyA\ yiy j<br />
Bir-el-Menahel. . .<br />
J.-=>L_À_ltj-y<br />
20<br />
(La porte du pont). A été re<br />
construite par nous à la même<br />
place, après exhaussement du ter<br />
rain,<br />
et porte le même nom.<br />
(La porte de la Kasba). Se trou<br />
vait à peu près à l'emplacement de<br />
la porte actuelle de la Kasba.<br />
(La porte de la rivière). Se trou<br />
vait plus bas que la porte Valée,<br />
vis-à-vis le milieu du square n° I.<br />
A élé supprimée.<br />
Voir Hammam.<br />
Voir Souk.<br />
(Le puits des ruchers), nommé<br />
vulgairement Bine-eUMenahel. Ce<br />
nom s'applique au trajet suivant :<br />
Au bas de la rue de l'Arc (Bab-el-<br />
Djabiaj, on entre dans la rue des<br />
Corneilles, qu'on suit jusqu'à la<br />
rencontre de la rue des Tanneurs;<br />
on remonte la rue des Tanneurs<br />
jusqu'à l'angle de la ruelle qui la<br />
fait communiquer avec la rue de<br />
l'Arc. Tout cet espace porte le nom<br />
de Bir-el-Menahel. La rue appelée<br />
par nous El-Menahel et qui débou<br />
che dans la rue des Tanneurs, se<br />
trouve donc pour la plus grande<br />
partie en dehors de ce trajet.
Blate<br />
Bordj-Assous. . .<br />
(j»y-J\ £j-><br />
Carrefour.<br />
Casernes . .<br />
Chek-Badandjala. ,<br />
Dar.<br />
Dar-Ahmed-Bey .<br />
.<br />
^Lyy|_,|j<br />
Dar-Amine-Kjoudja.<br />
Dar-Bach-Tarzi. . . .<br />
Dar-Braham-Khoudja<br />
Ai<br />
.^lyiy<br />
21<br />
Voir El-Blâte.<br />
(Le fort d'Assous). La tour ro<br />
maine qui avait donné son nom à<br />
la rue de la Tour et qui a disparu<br />
dans la rectification du rempart de<br />
l'ouest.<br />
Voir Houma, Hara et Mahla.<br />
Voir Kasba, Dar-Ahmed-Bey, Dar-<br />
ben-Baba, Dar-bou-Baaïa, Dar-el-<br />
Bey.<br />
(L'aubergine fendue en quatre).<br />
Le croisement des rues Combes et<br />
Sérigny.<br />
Maison.<br />
(La maison d'Ahmed-Bey). La<br />
vaste construction que nous appe<br />
lions caserne des janissaires et qui<br />
a été démolie pour faire place au<br />
nouveau théâtre.<br />
(d'Amine-Khoudja). A été démo<br />
lie pour l'établissement du collège.<br />
(de Bach-Tarzi). Rue Arbaïn-<br />
Cherif, à son débouché rue Vieux,<br />
dans l'impasse portant le nom de<br />
la famille Bach-Tarzi.<br />
(de Braham-Khoudja). Au bas de<br />
la rue Madier, à l'angle de la place<br />
de l'Asile. A, disparu.
- Dar ben - Abd<br />
Latif<br />
- el -<br />
,>y-C %Jjli<br />
Dar- benAïssa ....<br />
Dar-ben-Baba<br />
Ly Ly t J<br />
jyj<br />
Dar-ben-Dali......<br />
yr^.y.J^<br />
Dar-ben-Douïb-ez-<br />
ZÏATE<br />
obyl! y^>„y .y jb<br />
DAR-BEN-EL-BEDJAOUi<br />
Dar-ben-el-Feggoun (ou Lefgoun)<br />
J_jhM-'t J-fj ^<br />
Dar-ben-el- Moufti.<br />
jy^yy^<br />
Dar-ben-el- Ounissi.<br />
y<br />
. I û<br />
Dar-ben-el-Razali. .<br />
Dar-ben-K\ïd-Kasba.<br />
— 22 —<br />
(de Ben-Abd-el-Latif;. A l'angle<br />
des rues Dali-Moussa et des Abys<br />
sins.<br />
(de Ben-Aïssa). 1° rue Abd-Allah-<br />
Bey, n°<br />
10; —<br />
2° rue Vieux, 88.<br />
(de Ben-Baba). La caserne de la<br />
rue Sidi-Nemdil. A disparu et a<br />
fait place à un bain maure.<br />
(de Ben-Dali). Impasse de la rue<br />
Abd-Allah-Bey, au-dessous de la<br />
rue de Cirta.<br />
(de Ben-Douïb, le marchand<br />
d'huile). Rue des Tanneurs, 6 (Bab-<br />
el-Djabia).<br />
(de Ben-el-Bedjaoui). Rue des<br />
Zouaves).<br />
(de la famille Ben-Lefgoun ou<br />
Ben-Cheïkh). Rue Fontanilhes.<br />
(de Ben-el-Moufti). Rue Perre<br />
gaux,<br />
vis-à-vis Arbaïn-Cherif.<br />
(de Ben-el-Ounissi). Rue des<br />
Abeilles (Bab-el-Djabia).<br />
(de Ben-el-Rezali). A donné son<br />
nom à la rue. Rue de l'Écurie, 15<br />
(Bab-el-Djabia).<br />
75.<br />
(deBen-Kaïd-Kasba). Rue Vieux,
Dar-ben-Kenak<br />
Dar- (ou Diar) ben-<br />
y<br />
Koutchouch-Ali<br />
' C/--' "<br />
Dar-ben-Ouareth .<br />
.<br />
Dar-ben-Oudina. . . .<br />
Dar-ben-Roum<br />
Dar-ben-Zekri<br />
Dar-bou-Baaïa<br />
ïyLx-j y Aà<br />
Dar-bou-Chettabïa. .<br />
î-jLLî «*?'->'<br />
Dar-bou-Khoubza . .<br />
Byy. yl . |0<br />
23<br />
(de Ben-Kenak). Rue Perregaux,<br />
entre la rue de Mila et Arbaïn-<br />
Cherif.<br />
(de Ben-Koulchouk-Ali). Dans la<br />
Kasba, au fond, vis-à-vis de la<br />
porte. Disparu.<br />
(de Ben-Ouareth). Dans une im<br />
passe au sommet de la rue de<br />
l'Échelle, sous la place des Cha<br />
meaux.<br />
(de Ben-Oudina). Impasse rue de<br />
l'Echelle, au-dessus de la rue de<br />
Cirla.<br />
(de Ben-Roum). Rue Damrémont,<br />
en face de la Kasba. A disparu.<br />
(de Ben-Zekrij. Rue du Tribunal,<br />
dans la partie qui débouche rue<br />
du 26e de Ligne.<br />
(de Bou-Baaïa). Rue Perregaux,<br />
n° 52. A servi de caserne et de<br />
bain. Le nom de Hammam lui est<br />
aussi appliqué.<br />
(de Bou-Cheltabïa). Impasse rue<br />
Fontanilhes à El-Batha.<br />
(de Bou-Khoubza). Dans l'im<br />
passe de la rue Vieux, à laquelle<br />
elle a donné son nom.
Dar-bou-Mezoura<br />
is,,;.^ l)JJ- yljli<br />
Dar-ed-Debar.<br />
iyjJljli<br />
Dar-el-Abadi.<br />
Dar*el-Bey.<br />
'^U_Ji<br />
Dar-el-Biskm<br />
Jljb<br />
Dar-el-Bou-Chibi. .<br />
Dar-el-Euldjïa . . .<br />
L_j_srLjtJI ,li<br />
Dar-el-Hadj- Brahim<br />
—yyjt L-xr'ïj<br />
I 0<br />
Dar-el-Hadj-Saïd .<br />
J__y-«,?.Lsr'!J!0<br />
.<br />
I<br />
— — 24<br />
(de Bou-Mezoura). Occupait par<br />
tie de l'emplacement du vieux<br />
théâtre,<br />
rue Basse-Damrémont.<br />
(La tannerie). Nom donné aux<br />
tanneries bordant le ravin au sud.<br />
(La maison.d'El-A<br />
Dans<br />
l'impasse de la rue du 26° de Ligne,<br />
au-dessous de la rue du Tribunal.<br />
(La maison du bey). Vaste pâté<br />
de constructions ayant servi de<br />
palais aux beys et de casernes,<br />
ayant une façade sur la rue Cara<br />
man et une sur la rue Rouaud.<br />
(du Biskri). Dans l'impasse de la<br />
rue l'Huillier,<br />
Conseil de guerre.<br />
en remontant vers le<br />
(d'El-bou-Chibi). Rue de l'Arc,<br />
4. (Bab-el-Djabia).<br />
(de la renégate). La maison Ben-<br />
Zagouta,<br />
Fontanilhes.<br />
ayant servi de collège rue<br />
(d'EI-Hadj-Bfahim). Impasse rue<br />
du 26e de Ligne, n° 21.<br />
(d'El-Hadj-Saïd). Rue des Abys<br />
sins, à laquelle elle a donné son<br />
nom, Zenket-el-Hadj-Saïd.
Dar-el-Khalifa..<br />
Dar-el-Khouachemi .<br />
..-«.-àys^jb<br />
Dar-Engliz-Bey.. . .<br />
J£ Ljy-jJ._tJjl 0<br />
Dar-Grina ,<br />
— »-s 1<br />
y<br />
0<br />
j<br />
Dar-Housseïn-Bey..<br />
Dar-Kaïd-Chaïr. . . .<br />
j-y-iJI J.yLàj<br />
Dar-Kelal<br />
JiLijti<br />
Dar-Salah-Bey. .<br />
Dar-Saïri<br />
I 0<br />
„jLaJ!_,b<br />
^<br />
.<br />
25 —<br />
(du Khalifa). Il existait deux<br />
maisons de ce nom : 1° l'une<br />
occupée maintenant par le Trésor,<br />
rue Basse-Damrémont ; 2° et l'au<br />
tre à l'angle de la rue Traversière<br />
et de la rue Morland (Bab-el-Dja<br />
bia).<br />
(d'El-Khouachemi). Impasse de<br />
la rue du 26a de Ligne, plus bas<br />
que celle de Dar-el-Abadi.<br />
(d'Engliz-Bey). Appelée mainte<br />
nant Dar-Salah-Bey,<br />
la voûte.<br />
rue d'Israël à<br />
(de Grina). Rue de Bagdad et<br />
boulevard de l'Ouest (Bab-el-Dja<br />
bia).<br />
(de Housseïn-Bey). Rue Béraud.<br />
(du Caïd de l'orge). Près Rahbet-<br />
es-Souf.<br />
(des cruches). Rue Perregaux,<br />
entre la rue Nationale et la rue de<br />
Mila. (A disparu).<br />
(de Salah-Bey). 1° Au bout de la<br />
rue Caraman, sous la voûte ; 2° rue<br />
.d'Israël à Mekâd-el-Hout.<br />
(de l'orfèvre). Rue Damrémont,<br />
en face de la Prison militaire. (A<br />
disparu).
Dar-Sekfali<br />
Dar-Tchaker-Bey . .<br />
— 26<br />
^£L)jjLa.j\<br />
Dar-Tchanderli-<br />
Braham<br />
yyl^Jj^-^yO<br />
Dar-Zaouche<br />
Djama<br />
(jijyJtjb<br />
y-?\—=?-<br />
I<br />
Djama- - -<br />
Arbaïn Che<br />
rif<br />
^Jriy ^yé->.J £f^<br />
Djama-el-Akhdar. .<br />
Djama-el-Biazri<br />
(de Sekfali). Rue des Zouaves,<br />
près d'El-Mouilha.<br />
(de Tchaker-Bey). Dans le carre<br />
four situé au milieu de la rue de<br />
Mila.<br />
(de Tchanderli-Braham). Sous la<br />
voûte de ce nom, rue Vieux.<br />
(de Zaouche ou des moineaux).<br />
Impasse rue Perregaux,<br />
rue de Mila et Arbaïn-Cherif.<br />
entre la<br />
(Mosquée). Les édifices affectés<br />
au culte se divisent, par rang d'im<br />
portance, en Djamâ, Mesdjed et<br />
Zaouia. Ces édifices ne sont sou<br />
vent désignés que par le nom de<br />
leur patron : Sidi un tel. Dans les<br />
Djamâ se faisaient la Khotba (ser<br />
mon) et la prière au nom du prince<br />
régnant.<br />
(La mosquée des 40 cherifs). Rue<br />
Perregaux. Occupée maintenant par<br />
la Mahakma du Cadi de la lre cir<br />
conscription.<br />
(d'El-Akhdar). Au bas de la rue<br />
Sidi-L'Akhdar).<br />
(de l'épicier). Se trouvait rue<br />
Grand, à Souk-el-Djemâa. (A dis<br />
paru).
Djama-el-Djouar .<br />
jl_j^srJ'yy<br />
Djama-el-Djouza .<br />
Bl_j-ar- ' yy<br />
Djama-el-Kasba. . . .<br />
JLy__fiJl y La<br />
Djama-Khelil<br />
J;..La. y La<br />
Djama- Rahbet -es -<br />
Souf<br />
*y£j] y.Ai &J3 La.<br />
Djama-Souk-el-Re-<br />
zel<br />
jy*A\ J_,_J"> La<br />
Deroupj-bab-el- Dja-<br />
BIA<br />
yy Lar-'l v__» Lj t-jj ^<br />
Ech-Chara<br />
ç>j L_a»J!<br />
Ech-Chebarlïïne .<br />
> I.LusJt<br />
.. .. j •<br />
— — 27<br />
(des femmes). Rue Caraman, au<br />
débouché de la rue d'Aumale. (A<br />
disparu).<br />
(du noyer) , appelée aussi de<br />
Sidi-Ahmed-Zerroug. Rue Caraman,<br />
près le débouché de la rue Riche-<br />
panse et place de l'Asile. (A dis<br />
paru).<br />
(de la Kasba). A disparu pour<br />
faire place aux constructions de<br />
l'Hôpital militaire.<br />
(de Khelil). Vers le trajet de la<br />
rue Leblanc. (A disparu).<br />
(de Rahbet-es-Souf). A disparu<br />
pour faire place à l'ancien Hôpital<br />
civil.<br />
(de Souk-el-Rezel). La Cathédrale<br />
actuelle, rue Caraman.<br />
(Les escaliers de Bab-el-Djabia).<br />
Actuellement la rue de l'Échelle.<br />
(La rue Marchande). Ce nom<br />
s'appliquait au quartier qui avait<br />
été assigné aux Juifs par Salah-<br />
Bey; il est traversé par les rues<br />
Grand et de Constantine.<br />
(Les fabricants de chaussures de<br />
femme). Voir à Souk.
-f<br />
Ech-Chott . . .<br />
Ed-Derb<br />
____,JI<br />
Ed-Dréïba . . .<br />
El-Attarine<br />
yj LJLxJ!<br />
El-Batha ,<br />
El-Blate<br />
iJL_,JL<br />
El-Bradaïïne<br />
i-j^cO ly.)l<br />
El-Djezzarine . . .<br />
El-Fahhamine . . .<br />
v-«-j»L.aik_sJI<br />
El-Guessaaïne, . .<br />
28 —<br />
(Le bord). Quartier bordant le<br />
ravin à l'angle de la rue Nationale,<br />
sous la Poste.<br />
(Le palais). L'ancien palais du<br />
Bey, occupé maintenant par le<br />
Général de Division.<br />
(Le petit palais). Nom donné aux<br />
dépendances du palais, au-dessus<br />
et au-dessous, et notamment à l'an<br />
cienne subdivision et à la partie<br />
voisine de Dar-el-Bey qui a servi<br />
au campement, rue Caraman.<br />
(Les droguistes). Voir à Souk.<br />
(L'emplacement uni). La rue<br />
Fontanilhes et la rue Nationale, en<br />
face de la grande Mosquée.<br />
(Le pavage en dalles). Le par<br />
cours de la rue Caraman, depuis<br />
l'angle-<br />
place Négrier.<br />
derrière l'Église jusqu'à la<br />
(Les fabricants de bâts). Voir<br />
Souk.<br />
(Les bouchers). Voir Souk.<br />
(Les charbonniers). Voir Souk.<br />
(Les fabricants de plats en bois).<br />
Voir Souk.
El-Habs et El-Habsa<br />
{y-y*"' ^A\<br />
El-Haddadine<br />
j_prj._sJt<br />
El-Hara-el-Hamra<br />
El-Haouch<br />
A\ (yy*<br />
El-Kantara<br />
El-Kasba<br />
S,_L_x_ft_J|<br />
£_x_^_à_J|<br />
El-Kazzazine<br />
El-Khaddarine ....<br />
El-Kharrazine ....<br />
El-Kous<br />
29<br />
(La prison). Dans la Kasba, à<br />
droite de l'entrée.<br />
(Les forgerons). Voir Souk.<br />
(Le quartier rouge). Rue Vieux,<br />
vis-à-vis du débouché de la rue du<br />
3e Bataillon-d'Afrique.<br />
(Le parc). Le boulevard de l'Est,<br />
au-dessus de la porte d'El-Kantara.<br />
Le pont). Nom du pont et du<br />
quartier situé au-dessus. (V. Hou-<br />
met).<br />
(La Kasba). Réunion de cons<br />
tructions particulières, de mos<br />
quées et fortifications, etc., dont<br />
nous avons fait la Kasba actuelle.<br />
(Les passementiers). Voir Souk.<br />
(Les marchands de légumes). Voir<br />
Souk.<br />
(Les cordonniers). Voir Souk.<br />
(L'arceau). Ce nom était donné<br />
à deux endroits : 1° l'un situé vers<br />
la rue Sittius; 2° et l'autre au bas<br />
de la rue de l'Arc,<br />
Akouas-ben-Nedjda.<br />
appelée aussi
El-Merma<br />
y-O-41<br />
El-Milïïne.<br />
El-Mouilha<br />
JL-Jl<br />
'L-^-A->,j^\<br />
El-Moukof<br />
El-Mourr ou Marr.<br />
j<br />
li<br />
El-Rerablïïne<br />
j-j^JLy [ykj<br />
En-Nedjarine<br />
Er-Recif<br />
- 30<br />
—<br />
(L'endroit où l'on jette). Echan-<br />
crure sur le bord du ravin, au-<br />
dessous du Chott, d'où l'on jetait<br />
les immondices. On l'appelait aussi<br />
Merma-el-Azbal (des fumiers).<br />
Les Miliens). Voir Zekak.<br />
(La petite (source)<br />
des Zouaves,<br />
salée). Rue<br />
au-dessous de la rue<br />
Damon, où se trouvait, paraît-il,<br />
une source salée.<br />
(Plusieurs étymologies sont pro<br />
posées au sujet de ce nom,<br />
qui pa<br />
raît vouloir dire : le lieu de réunion,<br />
l'endroit où l'on se tient). Cet em<br />
placement se trouvait au débouché<br />
de la rue Cahoreau dans la rue<br />
Nationale, derrière l'hôtel de Paris.<br />
(Reg4 El-Memarr (Le passage).<br />
^lue Damrémont, à l'entrée de la<br />
rue du 26e de Ligne.<br />
(Les tamisiers). Voir Souk.<br />
(Les menuisiers). Voir Souk.<br />
(Le tas). Sous le fondouk aux<br />
huiles, entre la rue Rouaud et la<br />
rue Nationale, près de Sidi-Abd-er-<br />
Rahmane-el-Menatki.
Er-Rekkakine<br />
^riUjJl<br />
Es-Sar'a<br />
î-à L_*aJt<br />
Es-Sebbarine<br />
^-.yL^Jt<br />
Es-Serradjine<br />
Fondouk<br />
fondouk- - - ben noui<br />
OUA<br />
zy,y J-? sj)-*-*-*<br />
FONDOUK-- EL- HAFSI<br />
OU Ez-Zite<br />
^<br />
^yjJ\y\<br />
Fondouk-Kissarli . .<br />
Frane-Barro . . ,<br />
Hadjeret-el-Bir .<br />
- 31<br />
—<br />
(Les parchemineurs). Voir Souk.<br />
(Les bijoutiers). Voir Souk.<br />
(Les teinturiers). Voir Souk.<br />
(Les selliers). Voir Souk.<br />
(Ecurie publique), pV W<br />
(de Ben-Nouioua). Rue Béraud,<br />
derrière le service des Mines.<br />
(d'El-Hafsi ou de l'huile). Démoli<br />
pour la percée de la rue Nationale,<br />
en face du service des Mines.<br />
(de Kissarli). Son emplacement<br />
est occupé en partie par le Tribu<br />
nal de lre Instance, place Négrier.<br />
(Birrou ou Barroum) (les fours<br />
de Birrou). Rue Perregaux, des<br />
deux côtés de la rue Dali- Moussa.<br />
D'anciens fours à chaux ou à plâtre<br />
se trouvaient, paraît-il,<br />
droit.<br />
en cet en<br />
(La pierre du puits). Place<br />
d'Aumale,<br />
paronne).<br />
devant la pharmacie Sca
Hammam<br />
y*<br />
Hammam-ben-Charif.<br />
tf-> fL-^<br />
Hammam-ben- Djel<br />
loul<br />
Hammam-ben-Namane<br />
Hammam-bou-Baaïa<br />
L-> L_x_! y\ /> I— ç»-<br />
•v_5 •<br />
Hammam-Deggoudj .<br />
7r_?_si ^L-?-<br />
Hammam-el-Haoua. .<br />
Hammam- - - Kaa el At-<br />
TAR1NE .<br />
♦y.L-kjeJ) ç- Ls A p.<br />
Hammam-Soul-el-Re-<br />
ZEL<br />
Jy*JI ^___y_u) j I—55.<br />
Hammam-es-Soultan.<br />
^LkJLJI ;U<br />
i<br />
— - 32<br />
(Bain, étuve).<br />
(de Ben-Charifj. Sous la place<br />
des Chameaux.<br />
(de Ben-Djelloul). Rue Sérigny,<br />
sous la rue de France.<br />
(de Ben-Nâmane). Dans la ruelle<br />
faisant correspondre la rue des<br />
Zouaves avec la rue Abd-Allah-Bey.<br />
(de Bou-Baaïa). A servi aussi de<br />
caserne et est devenu une maison<br />
particulière, portant le n" 52 de la<br />
rue Perregaux.<br />
(de Deggoudj). Rue des Bains, à<br />
l'angle de la rue du<br />
d'Afrique.<br />
3J Bataillon-<br />
(du ravin). Au-dessous de Dar-<br />
Jfelal au Chott. (Disparu).<br />
(du bas du quartier des dro<br />
guistes). A disparu dans la percée<br />
de la rue Nationale, sous la. rue<br />
Rouaud.<br />
(de Souk-el-Rezel). Rue du 47e<br />
de Ligne, sous la rue de France.<br />
(du sultan). Rue Desmoyen,<br />
maison dite de Salth-Bey.
(El-, Hammam-es-<br />
Sréïr<br />
Houma (Houmet). .<br />
A j>j—a<br />
Houmet-bab-el-Dja-<br />
bia<br />
yULLi-y<br />
Houmet-Bab-el-Kan-<br />
TARA<br />
Js.JaJ_fi.JI v >L; "i—f 5—a<br />
HoUMET-ClIARA<br />
Ç-<br />
(<br />
ï<br />
, I i-J! i i=__j_a<br />
Houmet-el-Kasba . .<br />
Houmet-Keddida . . .<br />
8 _x_9 jy Ly_,_a<br />
Houmet-Messassa . .<br />
4._j*> L..O-; •*~y_5-<br />
Houmet -<br />
Maza<br />
Sidi<br />
-bou-<br />
sy» ylyy^.. k'./ya<br />
Houmet-Souari ....<br />
33<br />
Le petit bain). Occupait un<br />
angle des dépendances de la grande<br />
Mosquée, rue Nationale. (A disparu)<br />
Quartier.<br />
(de Bab-el-Djabia). S'applique à<br />
tout l'espace compris entre le bou<br />
levard de l'Ouest, la rue Nationale<br />
jusqu'à son coude et le ravin.<br />
(de Bab-el-Kantara). L'espace<br />
compris entre le boulevard de l'Est,<br />
la rue de Mila el le ravin.<br />
Voir Chara.<br />
(de la Kasba). S'applique à l'em<br />
placement occupé par la Kasba<br />
actuelle.<br />
(de Keddida). Dans la Kasba, en<br />
face de la porte.<br />
(de Massinissa?). L'entrée de la<br />
rue Massinissa,<br />
mont.<br />
rue Basse-Damré-<br />
(de Sidi-Bou-Maza). Le bout de<br />
la rue Perregaux, depuis la rue<br />
Sidi-Bou-Maza jusqu'à El-Kantara.<br />
(des piliers). Rue Desmoyen,<br />
derrière le Palais.
Houmet-Tabia<br />
yy L_L_tl 'À-j>y-=<br />
Houmet-Tobbala<br />
i—JL-A—LJI A-J»<br />
Impasse<br />
Kaa-ech-Chara<br />
*j\ !uA\ oLj<br />
Kahouet-ed-Debbane<br />
^Ly ôX\ Ïy+J<br />
Kehef-Ciiekoura . . .<br />
tjjJS-i,<br />
Kherbet-el-Arab.<br />
Kerbet-Tina.<br />
I—i-jj—L i->-j—à<br />
— 34<br />
(de Tabia;. Partie<br />
comprise entre<br />
le boulevard du Nord, la rue Dam<br />
rémont et la rue du Bocher. Se<br />
divisait enTabia-el-Kebira et Tabia-<br />
el-Berrania.<br />
(des timbaliers). Rue des Abeilles<br />
(Bab-el-Djabia).<br />
Voir Zenka (le mot propre esl<br />
Raïr'a).<br />
(Le bas de Chara). La rue de<br />
Constantine,<br />
tara.<br />
au-dessus d'EI-Kan-<br />
(Le café des mouches). Rue des<br />
Mouches,<br />
parlie occupée par les<br />
boutiques de l'établissement des<br />
Jésuites.<br />
(Le rocher des sacs). Kasba, le<br />
bord du rocher dominant les cas<br />
cades. Selon la tradition,<br />
c'est de<br />
là qu'on précipitait, sous les Turcs,<br />
les femmes dont les beys voulaient<br />
se débarrasser.<br />
(La ruine (ou l'écurie)<br />
bes). Rue Sidi-Bou-Rar'da,<br />
Sidi-Rached (Bab-el-Djabia).<br />
des Ara<br />
près de<br />
(La ruine de Tina?). Partie tou<br />
chant le rempart de l'Ouest, à côté<br />
de Kherrara (Bab-el-Djabia).
Kherrara<br />
l>tj~-<br />
Kobbet-Beciiir<br />
KOUCHA<br />
I y<br />
K0UC[lETrBEN-N0UA-<br />
RA<br />
b]yJtfi-s'sJ<br />
Kouchet-el-Djebs ou<br />
El-Djoss<br />
Kouchet-el-Meceb-<br />
BAH<br />
;_'t i_i_y_S<br />
Kous-Tabia<br />
i-y î—L—M tyj—s<br />
Maison<br />
Mahlet-el-Amamra.<br />
3»_i» L_yt_j|<br />
A-l-s"9<br />
35<br />
(L'égout). La dépression située<br />
au-dessous de Bab-el-Djabia, bou<br />
levard de l'Ouest.<br />
'Le dôme de Bechir). A l'angle<br />
de la rue du Rocher et de la rue<br />
Damrémont.<br />
(Kouchet). Four et boulangerie.<br />
(Le four de Ben-Nouara). Au<br />
débouché de la rue Namoun, rue<br />
Sidi-Nemdil.<br />
(Le four à plâtre). Rue d'Israël,<br />
vers l'entrée de la rue Varna.<br />
(Le four ou boulangerie d'EI-<br />
Mecebbah). Rue Rabier.<br />
(du sellier). Rue Abd-Allah-Bey,<br />
au-dessous de la rue de Cirta.<br />
(du marchand d'huile). Petite<br />
place au milieu de la rue Morland<br />
(Bab-el-Djabia).<br />
(L'arc de Tabia). Vers la rue<br />
Leblanc. (A disparu).<br />
Voir Dar.<br />
(Quartier des Amamra). La partie<br />
inférieure de la rue du 26e de<br />
Ligne.
Marché .<br />
Medraca.<br />
ïi-.u.jj.-.-5<br />
Medrach ....<br />
yyi ^-fj-j><br />
Mesdjed fc.<br />
Mesdjed-Hafça . . . .<br />
Mila-Sreïra<br />
ïj-.-x-^a-}) A-J—y<br />
36<br />
Voir Souk et Rahba.<br />
(École supérieure). Il n'y avait à<br />
Constantine que celle de Sidi-el-<br />
Keltani,<br />
que nous avons conservée<br />
et dont nous avons refait la façade<br />
sur la place Négrier, entre le Tri<br />
bunal et la mosquée de Salah-Bey,<br />
portant aussi le nom de Sidi-el-<br />
Kettani.<br />
l'Ecole israélite). Près de Sidi-el-<br />
Biazri, à Souk-e!-Djemâa.<br />
(Le siège du poisson). Rue<br />
d'Israël, près la place de Rahbel-<br />
es-Souf.<br />
(Le siège des Zouaoua). Dans la<br />
rue qui monte de la rue de France<br />
à la place Négrier.<br />
Voir El-Merma.<br />
(Mosquée). Ce nom était donné<br />
aux mosquées de moindre impor<br />
tance que les Djama. On n'y faisait<br />
que la prière.<br />
(La mosquée de (madame) Hafça).<br />
Rue Abd-Allah-Rey, au-dessus de<br />
la rue de Cirta.<br />
(La petite Mila .<br />
milieu de la rue"<br />
Carrefour<br />
au<br />
de Mila, devant<br />
la maison de Tchaker-Bey.
Mosquée.<br />
Oulad-bet-Hasseïn -<br />
ij -<br />
Palais<br />
Porte<br />
Quartier<br />
Rahba<br />
(J<br />
A k_a ,<br />
Raiibet-ben-Saïd. . .<br />
Jl_^_x_^- yj A_X_à ,<br />
Rahbet-el-Djemal. .<br />
Rahbet-es-Souf. . . .<br />
Ras-el-Kharrazine .<br />
j-ij]y^cyb<br />
•<br />
— 37<br />
Voir Djama, Mesdjed et, Zaouia.<br />
loir aussi à Sidi, rétablissement<br />
étant souvent désigné par le nom<br />
du saint sous le vocable duquel il<br />
est placé.<br />
Groupe de bâtiments portant, le<br />
!e nom de cette famille,<br />
Kasba. (A disparu).<br />
Voir Ed-Derb et Ed-Dreïba.<br />
Voir Bab.<br />
dans \s<br />
\'oir Houma, Hara et Mahla.<br />
(Rahbet). Halle ou marché.<br />
(La halle de Ben-Sains, Ancien<br />
nom de la place des Chameaux.<br />
(La halle des Chameaux). Nous<br />
en avons fait la place des Cha<br />
meaux.<br />
(La halle de la Laine,. Nous en<br />
avons fait la place Rahbet-es-Souf,<br />
appelée vulgairement place des<br />
Galettes.<br />
(La tête (de la rue) des Cordon<br />
niers). A l'angle des rues Combes<br />
et Rouaud,<br />
où se trouve la Zaouia<br />
de la famille Ben-el-Feggoun fHani-<br />
mouda .
Ras-Souk-el-Acer. .<br />
Redir-bou-el-Rarate<br />
.L. ]y.y-<br />
Rous-ed-Douamès. .<br />
_j<br />
Rue<br />
—Ajxn yjjj<br />
Sabate<br />
- -<br />
Sabate-ben-el Bou<br />
Chibi<br />
y<br />
A" *<br />
Sabate-ben-el-Ham -<br />
LAOUI<br />
*"'<br />
Sabate-ben -Fellous<br />
-ben- Sabate Tchan-<br />
derli-Bbaham. . .<br />
^<br />
- 38<br />
(La tète de Souk-el-Acer). A<br />
l'entrée de la place Négrier.<br />
(La mare de l'endroit des caver<br />
nes). La place d'Orléans et la rue<br />
Damrémont,<br />
rue d'Aumale.<br />
vis-à-vis l'entrée de la<br />
(Les tètes des souterrains). Rue<br />
du Palais. Les Indigènes placent à<br />
cet endroit l'entrée des souterrains<br />
qui, d'après eux, sillonneraient une<br />
partie de la ville.<br />
Voir Zenket, Zekak, Souk et<br />
Chara.<br />
(Voûte,<br />
passage couvert;.<br />
de Ben-el-Bou-Chibi). Entrée de<br />
la rue de l'Arc (Bab-el-Djabia .<br />
(de Ben-el-Hamlaoui). Rue de<br />
l'Aima, au-dessus de la rue Sidi-<br />
Bou-R'arda (Bab-el-Djabia .<br />
(de Ben-Fellous). Au bout de la<br />
rue Rouaud, derrière la Poste ac<br />
tuelle. (A disparu).<br />
(de Ben-Tchauderli-Braham).<br />
Longue voûte au débouché de la<br />
rue Vieux sur Rahbet-es-Souf.
Sabate-Cheïkh- el-<br />
Arab<br />
. ysJ! i>L__._^<br />
_y^<br />
Sabate-Dar-Bach-<br />
A_C]<br />
Agha<br />
_<br />
Ù,L)jli 451 A—*o<br />
Sabate-Dar-ben-<br />
Aïssa<br />
,,a^u^£ y , ]J h LXw<br />
Sabate-Dar-el-Bey<br />
Sabate-Dar-el-Kha-<br />
lifa<br />
JLyJ.sJ'<br />
,b i L_w»<br />
Sabate-Dar-el<br />
Kheïtmi<br />
Sabate- Dar-Hous -<br />
seïn-Bey<br />
yb<br />
2 ■» 4-»<br />
y<br />
Sabate-Draa-es-S'eïd<br />
,;v~aJl Ajb<br />
h l-\-~.-<br />
39<br />
(du Cheïkh-el-Arab). Rue Perre<br />
gaux entre les numéros 72 et 64<br />
(Bab-el-Djabia).<br />
(de la maison du Bach-Agha).<br />
Au-dessus de Dar-el-Bey, vers la<br />
rue Combes. (A disparu).<br />
(de la maison de Ben-Aïssa). Bue<br />
Vieux, à l'angle de la rue de<br />
l'Aigle.<br />
(de Dar-el-Bey). La voûte don<br />
nant accès à Dar-el-Bey sur la rue<br />
Caraman.<br />
(de la maison du Khalifa). Près<br />
de l'hôtel du Trésor, rue Damré<br />
mont. A disparu. Il existe une<br />
autre voûte du même nom, rue<br />
Morland, avant d'arriver à Kouchet-<br />
ez-Zïate (Bab-el-Djabia).<br />
(de la maison d'El-Kheïtmi). Rue<br />
Cahoreau, derrière l'hôtel d'Orient.<br />
(A disparu).<br />
(de la maison de Housseïn-Bey).<br />
A l'entrée de la rue Abd-Allah-Bey,<br />
rue Béraud. On l'appelle également<br />
du nom suivant.<br />
(de la patte du lion). La même<br />
que la précédente.
Sabate-Djama-el-<br />
Djouza<br />
S" * 5 *— s—PLa j J» t—».—*u<br />
Sabate-ed-Dréïba<br />
A_.; Jj Ji Il h I—j— "><br />
i/\ Sabate-el-Hanencha<br />
i_*U_J L-À_ar ' h I—»—«<br />
Sabate- el-Khalifa<br />
i_H_«JLsr"<br />
L L-Ji-u,<br />
Sabate-el-Khammar.<br />
j LJy—sr' il v_«<br />
Sabate -el-Kheroufi<br />
yj i_àr ' i I «._«,<br />
Sabate-el-Koura. . .<br />
Sabate-Mekad-el-<br />
Hout<br />
Sabate-Souk-el-<br />
ACER<br />
Setti-Frikha<br />
Am.SC,,<br />
h—9 y\_A—AV<br />
— 40<br />
(De la mosquée d'EI-Djouza). La<br />
voûte rue Caraman entre la rue<br />
des Cigognes et la place d'Asile.<br />
(du petit palais). Derrière l'é<br />
glise. A disparu).<br />
(Des Hanencha). Rue du Trésor.<br />
(A disparu).<br />
(du Khalifa). Rue Morland, avant<br />
d'entrer à Kouchet-ez-Zïale Bab-<br />
el-Djabia).<br />
(du marchand ou du buveur de<br />
vin). Rue Bagdad (Bab-el-Djabia).<br />
(A disparu).<br />
(d'EI-Kheroufi). Rue du Mouton<br />
(Bab-el-Kantara).<br />
(du boulet). Longue voûte au<br />
débouché de la rue Combes sur<br />
Rahbet es-Souf.<br />
fe (de Mekad-el-Houl), rue d'Israël.<br />
(de Souk-el-Acer). Appelée aussi<br />
Sabate-Dar-Salah-Bey. Au bout de<br />
la rue Caraman.<br />
(Oratoire de madame Friklia;.<br />
Sous la place Négrier. Est occupé<br />
actuellement par la Sous-Inten<br />
dance militaire.
Sidi.<br />
?j__<br />
Sidi-Abd-el-Hadi..<br />
^[^.bfj;y<br />
Sidi-Abd-el-Kader. .<br />
pis}] yc^y^,<br />
Sidi-Abd-el-Malek .<br />
oXi[t ys<br />
Sidi-Abd -<br />
_çy<br />
el-Moumen<br />
•y_,_4l yc jj-y»<br />
Sidi-Abd-er-Rhaman-<br />
el-Karoui<br />
jjLy^j) yc ^-y»<br />
Sidi-Abd-er-Rhaman-<br />
el-Menatki<br />
jLçy1! y ^y»<br />
Sidi-Adj<br />
x_fi_iL_U!<br />
Sidi-Ahmed-Zerroug<br />
^_^Jl j^-I ^-w-<br />
- - Sidi-Ali ben<br />
Makh-<br />
louf<br />
41<br />
(Monseigneur). Tous les noms<br />
commençant par ce mot s'appli<br />
quent à des mosquées ou chapelles<br />
portant le vocable qui suit.<br />
A l'entrée de la rue de ce nom,<br />
rue Nationale. (A disparu).<br />
Au fond de la Kasba,<br />
trouve l'Artillerie. (A disparu).<br />
où se<br />
Entre la rue des Bains et la rue<br />
Baby.<br />
Au-dessous de la rue Perregaux,<br />
dans le carrefour au-dessus de la<br />
rue des Tanneurs.<br />
Rue Hackell, derrière l'hôtel<br />
d'Orient. (A disparu).<br />
Vis-à-vis du Fondouk aux huiles,<br />
rue Rouaud.<br />
A l'angle des boulevards de<br />
l'Ouest et du Nord. (A disparu).<br />
Voir Djama-el-Djouza.<br />
A été englobé dans la Mairie.<br />
(Disparu).
Sidi-Ali-el-Kafci. . .<br />
ys-2à'l<br />
J?->-s"><br />
Sidi-Amor- el-Ouz-<br />
ZANE<br />
Sidi-ben-Alennas. . .<br />
'^w£->s<br />
Sidi-bou-Abd-Allah-<br />
Cherif<br />
s_ y'IsJilycy! sy<br />
Sidi-bou-Annaba .<br />
. .<br />
ly L-X.c_._jl ^y<br />
Sidi-bou-Annaba . . .<br />
AyL.j_c_._jt y*»'<br />
Sidi-bou-Cheddad .<br />
.<br />
J IJ «j__J —31 ^Jwj A<br />
Sidi-bou-Maza .....<br />
Byjsyy t ,__Cy_<br />
Sidi-bou-Mendjel. . .<br />
J—sr^<br />
jyl<br />
Sidi-bou-Rar'da....<br />
B^_i_,__yl__gy_<br />
42<br />
Boulevard de l'Est,<br />
rue de Constantine.<br />
derrière la<br />
A disparu dans la construction<br />
du Marché aux légumes.<br />
Au bas de la rue de l'Échelle<br />
(Bab-el-Djabia). A changé de des<br />
tination.<br />
A l'entrée de la rue des Abeilles<br />
(Bab-el-Djabia).<br />
Vers le haut de la rue du de<br />
Ligne. On ajoutait « de la Kasba »<br />
pour le distinguer du suivant. (A<br />
disparu).<br />
Rue des Zouaves. Sert à la con<br />
frérie des Khouan Aïssaoua.<br />
A Zenket-el-Amamra (Bab-el-<br />
Djabia).<br />
Rue Perregaux, à l'angle de la<br />
rue Sidi-bou-Maza (Rab-el-Kantara).<br />
(A disparu).<br />
Rue du 26e de Ligne, au-dessous<br />
du débouché de la rue L'Huillier.<br />
(A disparu).<br />
Dans la rue du même nom (Bab-<br />
el-Djabia).
Sidi-Brahim-ben-<br />
Maïza<br />
Sidi-Chekfa<br />
Sidi-Debbi<br />
Sidi-Derrar<br />
—Jî Jr-V-<br />
Sidi-el-Beïad<br />
43<br />
yl £-•>■—'> 1^£-^"'<br />
Sidi-el-Biazri .<br />
. . .<br />
___,i I L-a—î I ^^Xauo<br />
Sidi-el-Djelis . . . .<br />
Sidi-el-Foual<br />
SlDl-EL-HoUARl .<br />
Sidi-el-Kettani.<br />
. .<br />
Sidi-el-Khezri. . . .<br />
J?AS»<br />
Sidi-el-Ouarda. . . ,<br />
is'ij yJ!<br />
_5y<br />
Rue Sidi-bou-Maza,<br />
(Bab-el-Kantara) .<br />
sur le ravin<br />
A l'entrée de la rue Damon, rue<br />
des Zouaves.<br />
Près de la porte Bab-el-Ouad, à<br />
l'angle du nouveau théâtre. (A<br />
disparu).<br />
Dans la ruelle de ce nom, rue<br />
Combes. (A disparu).<br />
A El-Kous de Tabia ; vers la rue<br />
Leblanc. (A disparu).<br />
)'o;r Djama.<br />
Sur la place de ce nom. Sert<br />
d'école arabe-française.<br />
A l'angle des rues Caraman et<br />
Cahoreau. (A disparu).<br />
A Zenket-ben-Titah,<br />
rue de France. (A disparu).<br />
près de la<br />
Mosquée de Salah-Bey, place<br />
Négrier.<br />
Près de la porte d'EI-Kantara,<br />
au bout de la rue Perregaux. (A<br />
disparu).<br />
A été démoli pour l'établissement<br />
de la place Nemours.
Sidi-Fat ah- Allah .<br />
Sidi-Ferg'ane. . .<br />
Sidi-Fliou<br />
0--uta-X-_.9 £_X* U."<br />
Sidi-Hassoun<br />
. ) 9 —«*_a L C, Xmv<br />
Sidi-Heddjam<br />
Sidi-Hidane<br />
>!j—;>a y^y~<br />
Sidi-Iasmine<br />
Sidi-Iasmine<br />
Sidi-Ioumen<br />
Sidi-Kaïs<br />
.<br />
y-%-3 yy_<br />
.<br />
Sidi-Kemmouche. . . .<br />
— — M<br />
Impasse de la rue d'Israël entre<br />
les rues de Varna et Richepanse.<br />
A été démoli pour l'établissement<br />
de la place du Palais.<br />
Rue Salomon,<br />
(A disparu).<br />
en face la Kasba.<br />
Occupait une partie de l'empla<br />
cement du vieux théâtre, rue Basse-<br />
Damrémont. (A disparu).<br />
Rue Caraman,<br />
entre la rue Des<br />
moyens et l'impasse. (A disparu).<br />
Au-dessus du Chott, à l'angle de<br />
la rue Nationale. (A disparu).<br />
A l'angle des rues Dali-Moussa<br />
et des Abyssins. (A disparu).<br />
Au bout de la rue Perregaux,<br />
au-dessus d'El-Kanlara. (A disparu).<br />
Rue d'Israël, près de la rue de<br />
Varna.<br />
Mila.<br />
Carrefour du milieu de la rue de<br />
L'oratoire dit Zaouiet-ben-Badis,<br />
au fond de la première impasse de<br />
la rue du 23e de Ligne, derrière<br />
la pharmacie.
Sidi-Kenniche<br />
S^ir<br />
Sidi-Khezer<br />
" ' ^<br />
JJ<br />
Sidi-Krama<br />
'à—t ]yS<br />
Sidi-Mahammed ou<br />
M'hammed-Azouaou<br />
Sidi-Mahammed-ben-<br />
Neïmoun<br />
&+?&•*-& ^^tr<br />
Sidi- - -<br />
Mahammed En<br />
Neddjar<br />
jLyJI j__ç? ,y_<br />
Sidi-Meïmoun<br />
SlDI-MûGREF<br />
«y—^ £^£*"<br />
Sidi-Mouferredj.. .<br />
— .<br />
i_2_j»<br />
£«3-J— ■<br />
Sidi-Nar'r'ache.. . .<br />
Sidi-Nemdil<br />
45<br />
1 Parlie inférieure de la rue Ma-<br />
dier. (A disparu).<br />
Au bas de la rue des Tanneurs,<br />
n° 14 (Bab-el-Djabia).<br />
Rue du 3e Bataillon-d'Afrique,<br />
n" 10. (A disparu).<br />
Rue Rouaud, n° 91. (A disparu).<br />
Rue Vieux,<br />
près de la rue de<br />
Mila, sert de Mahakma à la 2e cir<br />
conscription.<br />
Rue Perregaux, n°<br />
de Sidi-Abd-el-Moumen.<br />
52, au-dessus<br />
Rue des Bains. (A disparu).<br />
Au bas de la rue Abd-Allah-Bey<br />
(Bab-el-Djabia).<br />
Rue Damrémont,<br />
du Lion. (A disparu).<br />
près de la rue<br />
Rue Morland (Bab-el-Djabia),<br />
Rue Sidi-Nemdil (Bab-el-Djabia).
Sidi-Offane<br />
^La-c<br />
Sidi-Rached<br />
Sidï-Remmah<br />
yyj\£-*v<br />
Sidi-Saffar<br />
SlDl-S_BÀÏNI<br />
,__ÇJy><br />
Sîw-Yabïa-el-Fecïm<br />
Sla<br />
eAy«aJ| 4_rf ,^V"<br />
Sla-ben-Deguiga . . .<br />
-&..ft.,»-J 3 »i Le|<br />
Sla-David-el-Dje-<br />
ZAÏRI<br />
ysrJl<br />
,___££><br />
Jy;-y<br />
Sla-Dar-Rebbi- Mes-<br />
SAOW» . *<br />
Jy y.J l_v"°<br />
SfcA*_4)ï£DlDA (Es).<br />
Sjyju-ar't<br />
46 -<br />
Rue Morland, n° 17 (Bàb-el-<br />
Djabia) .<br />
A la pointe méridionale de Cons<br />
tantine,<br />
sur le ravin. A donné le<br />
nom à ce quartier.<br />
Rue Dali-Mou ssa. Sert d'école<br />
aux filles musulmanes.<br />
Au bas de la rue »fe Constantine.<br />
Ancienne école des filles (Bab-el-<br />
Kantara).<br />
Au bout de la rue de France,<br />
sous la place Négrier, (Â dispanU).<br />
Rue Damrémont, eu face de la<br />
rue Sassi. (A disparu).<br />
(Synagogue).<br />
(de Ben-Deguiga). Au-dessus de<br />
Sidi-el-Biazri,<br />
rue de la Synagogue.<br />
(de David l'Algérien). A Sîdi-el-<br />
Biazri, à Souk-el-Djemaa.<br />
(de la maison du rabbin Mes-<br />
saoud). A Mekaad-el-Hout, rue<br />
d'Israël.<br />
gue.<br />
(La neuve]. Rue de la Synago
Sia-el-Keoimâ (Es).<br />
L_yjLjJliJ__J1<br />
S_a.-Rebbi-Chlomou-<br />
Ammar<br />
jl^yjlt-<br />
^yj<br />
Su.-Rebbi-Natak . . .<br />
souika ou souiket-<br />
«ab-el-Djabia<br />
*L_r_xr'' v__ju ÏJLj_ju,<br />
Souïket-ben-Mega-<br />
ILBF<br />
Souk<br />
jJLjy<br />
y ï-à-_y<br />
Souk-ech-Chebar-<br />
LÏINE<br />
Souk-ech-Ghoït<br />
souk-el-acer<br />
Souk-el-Attabine . .<br />
__. — 47<br />
gue.<br />
(La vieille). Rue de la Synago<br />
(du rabbin Salomon- Ammar). A<br />
Kaa-Chara,<br />
rue de Constantine.<br />
(du rabbin Natan). A Kaa-Chara,<br />
rue de Constantine,<br />
(Le petit marché de Bab-el-Dja-<br />
bîa). Rue Perregaux,<br />
en face du<br />
carrefour de Sidi-Abd-el-Moumen.<br />
(Le petit marché de Ben-Megâlef),<br />
Entre Djama-Kbelil et Sidi-Mou-<br />
ferredj (Tabia).<br />
Marché, bazar ou rue marchande.<br />
(Des fabricants de ehaussures de<br />
femme). La rue du 17e Léger, près<br />
Dar-el-Bey.<br />
(3n Chott). A l'angle de la rue<br />
Nationale,<br />
près du ravin.<br />
(de quatre heures du soir). La<br />
place Négrier.<br />
(des droguistes). Entrée de la<br />
rue Rouaud. Occupé maintenant<br />
par l'hôtel d'Orient et la rue Na<br />
tionale;<br />
au-dessous se trouvait le<br />
Sowk-el-Attarine-el-Asfel (d'en bas).
Souk-el-Bradaïïne. .<br />
^yj_y My-^JI ^_,_-.<br />
Souk-el-Djemaa. . . .<br />
'
uk-el-Kharrazine<br />
vrOï<br />
o3~<br />
uk-el-Kiierache-<br />
fïïne<br />
JI<br />
,-*-y.&!y£r i. . —w<br />
uk-el-Moukof. .<br />
ij-41 o>-<br />
uk-el-R'erablïïne<br />
yy*J| ^jy~»<br />
uk-el-Rezel. . . .<br />
)uk-en-Neddjarine<br />
>uk-er-Rekkakine.<br />
j___->t3yj| y^--<br />
)uk-es-Sar'a ....<br />
i._cL_*_Jl à._»_u><br />
)UK-ES-SERRADJ1NE.<br />
*-«_-a —_<br />
|j-xu,J\ à._^<br />
)UK-ET-TEDDJAR . . .<br />
)UR-ED-DERK .<br />
— — 49<br />
(des cordonniers). A l'entrée de<br />
la rue Combes.<br />
(des marchands de cœurs d'arti<br />
chaut sauvage) .<br />
de la rue des Mouchas.<br />
Partie<br />
inférieure<br />
(d'El-Moukof). Le bas de la rue<br />
Cahoreau, derrière l'hôtel de Paris.<br />
(des tamisiers). Rue Rouaud,<br />
vers le fondouk aux huiles.<br />
(de la laine filée). Rue Caraman,<br />
derrière l'église.<br />
(des menuisiers). Rue Vieux.<br />
(des parchemineurs). Rue Vieux<br />
en approchant de la voûte.<br />
(des orfèvres). Le bas de la rue<br />
du 23e de Ligne, au-dessus du pas<br />
sage Jaïs.<br />
(des selliers). Rue Rouaud, avant<br />
d'arriver en dessous de Dar-el-Bey.<br />
(du commerce). Comprenait les<br />
différents Souk établis dans la cir<br />
conférence décrite par les rues<br />
Combes, Rouaud et Vieux, jusqu'à<br />
Rahbet-es-Souf.<br />
(Le rempart des guenilles). Rue<br />
Damrémont,<br />
et de l'Hôpital.<br />
entre les rues Salomon
Sour-el-Mehaoula<br />
'L.}yl _srg jj-<br />
Stah-el-Mouadjene.<br />
j~wlj4l
Terbïat-el-Fahha-<br />
mine<br />
w_y^r_-csJI SL.*-..;<br />
Terbïat-el-Madjen<br />
Terbïat-Houka<br />
i—Ty-a S_.3l_j__J._J<br />
7"^r-<br />
- Terbïat Rahbet- el-<br />
Djemal........<br />
*-*-£-j<br />
lJtj^<br />
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£~H*-_j<br />
TûBBANA<br />
VOUTE<br />
Zaouïa<br />
iLJL___LJ!<br />
ï—<br />
>J ]\<br />
Zaouïet-ben-Abd -ER-<br />
Rahman<br />
c)l_^y,!yc(j.yyy,j<br />
Zaouïet-ben-Badis. .<br />
- -- Zaouïet ben Djel<br />
loul<br />
Zaouïet-ben-Namoun<br />
— 51<br />
- Ctr<br />
—<br />
-<br />
*•-*<br />
(des charbonniers)<br />
"Mouches. (A disparu).<br />
"'f<br />
. Rue des<br />
(de la citerne). Rue Perregaux,<br />
près de celle de Ben-Gana.<br />
'des métiers à tissage). Se trou<br />
vait dans la Kasba. (A disparu).<br />
(de la place des Chameaux). (A<br />
disparu).<br />
Ou mieux Toppana (en turc la<br />
batterie). Au-dessous de Bab-el-<br />
Djabia,<br />
sur le rempart de l'Ouest.<br />
Voir Sabate, Kous el Akouas.<br />
Chapelle et école.<br />
Au bout de la rue Vieux en ar<br />
rivant, à Chara. Serl aux Khouan<br />
de Sidi-Abd-er-Rahman.<br />
Au fond de la première impasse<br />
de la rue du 23e de Ligne, der<br />
rière la pharmacie;<br />
aussi Sidi-Kemmouche.<br />
est appelée<br />
Au bas de la rue Desmoyen,<br />
près de la rue Caraman, appelée<br />
aussi Zaouïel-Souari. (A disparu).<br />
Rue Perregaux, 76. Sert aux<br />
Khouan de la secte de Tedjini.
Zaouïet-ben-Re-<br />
douane<br />
.\*<br />
Zaouïet-el-Hanafïa.<br />
L-*.2-J— 3sr'<br />
_j'j<br />
Zaouïet-el-Khera-<br />
chefïïne<br />
lyyij<br />
^yyhyJi<br />
Zaouïet-en- Neddja-<br />
R1NE<br />
Zaouïet-Moulaï-<br />
,<br />
Taïeb<br />
A--y-<br />
_y_y l-ij<br />
\j<br />
Zaouïet-Ras-el-<br />
Kharrazine<br />
Zaouïet-Souari ....<br />
Zaouïet-Tlemçani . .<br />
._j !___LxJI ï-yj II<br />
Zekak.<br />
—<br />
àj<br />
Zekak-el-Blate. . .<br />
_._y_Jl_jL_*j<br />
52<br />
Rue Combes,<br />
douk aux huiles.<br />
au-dessus du fon-<br />
(des Hanafites). Rue Fontanilhes.<br />
Rue des Mouches, au-dessous<br />
de la rue Vieux. Sert à la secte<br />
des Khouan Fogra de Sidi-Ammar.<br />
Appelée aussi Zaouïet-Hensala.<br />
Rue Vieux;<br />
sala.<br />
Rue des Zouaves,<br />
sert aux Khouan Hen-<br />
en face, de<br />
l'entrée de la rue Damon. Sert aux<br />
/Khouan de la secte de Moulaï-Taïeb.<br />
(Ou des Oulad-Cheïkh-el-Feg-<br />
goun). A l'angle des rues Combes<br />
et Rouaud, la mosquée dite de<br />
Hamouda.<br />
(ou de Ben-Djelloul). Voir Zaouïet-<br />
ben-Djelloul.<br />
Bue de Conslantine. Est occupée<br />
maintenant par les Sœurs du Bon-<br />
Secours.<br />
Rues.<br />
Les rues d'El-Blàle). Rue Cara<br />
man, depuis l'église jusqu'à la rue<br />
des Cigognes.
Zekak-el-Milïïne. . .<br />
..jj-jj-yj!<br />
_JLJj<br />
Zellaïka<br />
Zenka<br />
ï—iyVyJî<br />
i k—ij<br />
Zenket -Ahtchi-Ba-<br />
KIR<br />
..J..C.J xs"! i_fl_j;<br />
Zenket-Arbaïn- Ché<br />
rif . .<br />
^jH.y^J LàJj<br />
Zenket-Bar'la<br />
ï 1-x.j L.à-jj<br />
Zenket-ben-Cheïkh .<br />
.j £_iJj<br />
Zenket-ben-Dali-<br />
Moussa<br />
Zenket- ben- el- R'a-<br />
ZALl<br />
^JlyiJl^ï-iJj<br />
Zenket-ben-Sammar .<br />
jl_.^aJl^j ÏJUJ<br />
- 53<br />
(La rue des Miliens). Rue des<br />
Zouaves, au-dessous de Sidi-bou-<br />
Annaba.<br />
(La glissante). Entrée de la rue<br />
Rhumel, rue Perregaux (Bab-el-<br />
Djabia).<br />
Rue et impasse.<br />
(L'impasse d'Ahtçhi-Bakir). Rue<br />
Perregaux,<br />
Barrou.<br />
'<br />
au-dessus de Frane-<br />
(des 40 cherifs). Rue Arbaïn-<br />
Chérif dans la partie tombant rue<br />
Perregaux.<br />
(de la mule). Impasse de la rue<br />
de Conslantine.<br />
(de Ben-Cheïkh). Rue des Cigo<br />
gnes, au-dessus de la rue de France.<br />
(A disparu).<br />
(de Ben-Dati-Moussa). La rue<br />
Dali-Moussa,<br />
Ali-Moussa.<br />
appelée improprement<br />
(de Ben-el-Razali). Rue de la<br />
Coite,<br />
près Bab-el-Djabia.<br />
(de Ben-Sammar). L'impasse Sidi-<br />
el-Djelis.
Zenket-ben-Si-el-<br />
Hacen<br />
Zenket-ben-Tarzi . .<br />
Zenket-ben-Titah .<br />
-JX-*Ji \i
Zenket-Dar-Braham-<br />
Khoudja<br />
A-ay-a yj-Aj!_<br />
A_fl.jJ<br />
Zenket-Dar-el-Hadj-<br />
Brahim<br />
yy)<br />
_.L_""<br />
.o ï.iJj<br />
Zenket-Dar-el-Hadj-<br />
Saïd<br />
jL_jy___L_-'l<br />
,t_ X_£yj<br />
Zenket-ed-Derdaf. .<br />
s|j>j_xJ| ïjljj<br />
Zenket-el-Amamra. .<br />
B._j»LyJI X_jyj<br />
Zenket-el-Hadj-Saïd<br />
X- a, ---L-r ' ï_i.j J<br />
Ze.nket-el-Rouamel.<br />
Zenket-es-Soultane<br />
\l __!-_,Jl __à_;j<br />
Zenket-Halmougha .<br />
- 55<br />
—<br />
(de la maison de Braham-Khou-<br />
dja). A l'angle de la rue Madier et<br />
de la place de l'Asile. (A disparu).<br />
(de la maison d'El-Hadj-Brahim).<br />
Impasse rue L'huillier.<br />
(de la maison d'El-Hadj-Saïd).<br />
La rue des Abyssins.<br />
(des petits pas). Ainsi nommera<br />
cause de la pente. Impasse près la<br />
porte Djabia,<br />
et celle de la Cotte.<br />
entre la rue Morland<br />
(des Ammar). Rue Abd-Allah-<br />
Bey, au-dessous de la rue Perre<br />
gaux.<br />
Voir Zenket-Dar.<br />
(des marchands de sable). La rue<br />
du Sud,<br />
au-dessous de la rue Na<br />
tionale (Bab-el-Kantara).<br />
(du Sultan). Impasse rue Perre<br />
gaux, entre les rues de l'Échelle et<br />
près de Bab-el-Dja<br />
Abd-Allah-Bey,<br />
bia.<br />
(des baies de myrte). La rue des<br />
Alises.
Zenket-Khera—<br />
s)^-_r-'<br />
à-S-i<br />
A<br />
Zenket-Mekaïs.<br />
/<br />
yy I<br />
&-/> i_i_j :<br />
Zenket-Salah-Bey ; .<br />
.çls ^_.'L_/_> 'ÀJs-i ;<br />
c<br />
Zenket-Sari<br />
Q, L—*_> A__t_jl<br />
Zenket-Sidi-Derrar.<br />
_J)<br />
. J'J<br />
£X- iï-flyl<br />
Zenket-Sidi-Offane.<br />
—a_c Ç_^_j>__, i_i_j J<br />
Zenket-Terbïat- EL-<br />
DjEZZAR<br />
•<br />
Jt , .<br />
)_yJ| ,1<br />
~_—> ,.j ~_a_j i<br />
,Zerzaïh'a.<br />
r'.y<br />
«>jjy<<br />
— — 56<br />
(de l'ordure). Ruelle donnant rue<br />
Perregaux, vis-à-vis de l'Arc, et re<br />
joignant en montant la rue Abd-<br />
Allah-Bey.<br />
(des coupures). Impasse rue des<br />
Cigognes,<br />
partie inférieure. A été<br />
en partie englobée dans la percée<br />
de la rue.<br />
(de Salah-Bey). Impasse au bout<br />
de la rue Caraman,<br />
(de Sari). Rue Sari,<br />
Nationale.<br />
sous la voûte.<br />
sous la rue<br />
(de Sidi-Derrar). Impasse de la<br />
rue Combes,<br />
de Ligne et Sérigny.<br />
entre les rues du 23e<br />
(de Sidi-Offane). La rue Morland,<br />
partie supérieure.<br />
d"<br />
(de la Terbïa d'EI-Djezzar). Rue<br />
ravin,<br />
sous la rue Nationale.<br />
(La glissade). Au bas de la rue<br />
Traversière, près du boulevard de<br />
l'Ouest (Bab-el-Djab»r-7^<br />
/é-A-^
{Ay
CHUTE DE LA DYNASTIE<br />
DES<br />
GOUVERNEURS A'RLEBITES<br />
EN AFRIQUE.<br />
ÉTABLISSEM ENT<br />
DE<br />
L'EMPIRE OREÏDITE.w<br />
(886-912)<br />
FRAGMENT HISTORIQUE.<br />
La conquête de l'Afrique septentrionale par les Arabes, achevée<br />
vers la fin du 1er siècle de l'Hégire, et suivie aussitôt de l'enva<br />
hissement de l'Espagne (710), donna au Khalifat ce vasle territoire<br />
que les Orientaux désignèrent sous le nom de Mag'reb (Occident).<br />
Les conquérants, en lançant l'élément actif berbère à la curée<br />
des riches provinces de la Péninsule Ibérique,<br />
surent tirer un<br />
merveilleux parti du peuple vaincu, tout en assurant la tranquil<br />
lité de l'Afrique.<br />
Cependant, lorsqu'il ne resta plus rien à piller en Espagne,<br />
lorsque les peuples chrétiens, revenus de leur stupeur eurent<br />
(1) Ces deux chapitres sont extraiis d'un ouvrage d'ensemble sur l'his<br />
toire de l'Afrique septentrionale auquel nous mettons la dernière main.<br />
Nous les offrons aux lecteurs de la Revue Africaine, parce que ce recueil<br />
a déjà publié différents documents sur la fondation de l'empire d'Obeïd-<br />
Allah,<br />
notamment une excellente traduction d'Ibn-Hammad, enrichie de<br />
notes par M. Cherbonneau.
4<br />
organisé la résistance, lorsque, enfin, les nouveaux arrivés ne<br />
trouvèrent plus la même facilité pour s'établir, parce que les pla<br />
ces étaient prises, l'émigration se ralentit en Afrique, et l'esprit<br />
d'indépendance se réveilla chez les Berbères. Le schisme Khared-<br />
jite, dans lequel ils s'étaient tous jetés,<br />
servit de prétextelï<br />
levée de boucliers qui prit naissance dans l'extrême Mag'reb<br />
(Maroc actuel),<br />
nale.<br />
et s'étendit bientôt à toute l'Afrique septentrio<br />
A partir de ce moment, le rôle des gouverneurs arabes, repré<br />
sentants du khalifat à Kaïrouàn,<br />
devint précaire. Contraints de<br />
faire venir leurs troupes de l'Orient, ils se trouvèrent isolés au<br />
milieu des indigènes,<br />
contre lesquels il leur fallut combattre<br />
à outrance. La guerre entre les armées arabes et les Berbères-<br />
Kharedjiles ensanglanta de nouveau l'Afrique, erTêTîrpôur<br />
"d'arrêter net l'émigration des Maures (1) en Europe. Ce fut le salut<br />
de la chrétienté.<br />
y <<br />
. )<br />
Sur ces entrefaites, la dynastie omeïade ayant été renversée en<br />
Orient par celle des Abbacides,<br />
un membre de la famille déchue<br />
se réfugia en Espagne et y fonda une royauté indépendante<br />
(755j. Ainsi le khalifat perdit en Mag'reb une première province.<br />
Pendant de longues années, les Berbères d'Afrique combattirent<br />
avec des chances diverses et firent éprouver de rudes échecs aux<br />
milices syriennes envoyées d'Orient. Plusieurs fois, même, ils<br />
s'emparèrent de Kaïrouàn et ne laissèrent échapper, que par<br />
leurs dissensions inteslinesÉt leur manque d'union, l'indépen<br />
dance un moment reconquise.<br />
Enfin, vers l'an 800, un excellent général arabe, nommé Ilira-<br />
him-ben-Abou-1'Ar'leb,<br />
réussit à rétablir la paix dans l'Est. Dési<br />
gné comme gouverneur de l'Afrique par Haroun-er-Rachid, il<br />
obtint de ce prince les prérogatives d'une vice-royauté hérédi<br />
taire, sous la suzeraineté directe du khalifat.<br />
Mais si cette habile mesure devait relarder d'un siècle la chute<br />
complète de l'autorité arabe en Afrique, elle consacrait la perte<br />
de tout le Magreb-extrême, qui, suivant l'exemple de l'Espagne,<br />
s'était entièrement détaché pendant les guerres des Kharedjites.<br />
(1; Habitants de la Mauritanie, autrement dits les Berbères du Mag'reb.
5<br />
Un arabe de la famille d'Ali, nommé Edris-ben-Abd-Alluh,<br />
après avoir échappé au désastre de sa famille el de ses partisans,<br />
écrasés à Fekh par les Abbacides, avait trouvé un refuge dans<br />
l'Ouest de l'Afrique et, avec l'appui des Berbères, avait fondé en<br />
773, la ville de Fès et l'empire edricide.<br />
Dans le Mag'reb central, la famille berbère des Ben-Rostcm,<br />
régnait à Tehert (Takdemt),<br />
sur les Kharedjites. Enfin à Sidjil-<br />
massa (Tafilatat), la tribu berbère des Miknaça avait fondé la dy<br />
nastie des Beni-Midrar, dont l'autorité s'étendait sur les contrées<br />
du Sud-Ouest.<br />
Il ne restait donc en Afrique, aux Kalifes d'Orient représentés<br />
par les gouverneurs ar'lebiles, queîTIfrikïa,<br />
c'est-à-dire la<br />
Tunisie, la Tripolitaine ei la province actuelle de Constantine.<br />
En vain le 'premier Ar'lebite essaya d'étendre son influence<br />
vers le couchant; en vain Haroun-er-Rachid envoya d'Orient<br />
à Fès un émissaire pour empoisonner Edris ; l'Ouest de l'Afrique,<br />
de même que l'Espagne, demeura perdu pour le khalifat.<br />
Renonçant donc à reconquérir ces provinces, Ibrahim-ben-el-<br />
Ar'leb s'attacha à maintenir la paix dans les siennes Pour con<br />
trebalancer l'influence de la milice syrienne, dont l'indiscipline<br />
avait antérieurement causé bien des malheurs, il créa un corps<br />
de troupes nègres, en fesant acheter des esclaves qu'il affranchit.<br />
Avec ces forces régulières et en employant l'appui des tribus<br />
berbères soumises, contre celles qui se lançaient dans la révolte,<br />
les princes arlebites surent maintenir leur autorité et faire bril<br />
ler d'un certain éclat les derniers jours de la domination arabe<br />
en Afrique. La conquête de la Sicile, de Malte el d'une partie de<br />
la Sardaigne augmenta leur puissance, tout en ajoutant à leur<br />
gloire.<br />
Vers l'an 886,<br />
I.<br />
Abou-Ish'ak-Ibrahim ben-el-Ar'leb régnait à<br />
Kaïrouàn. Successeur de son frère Abou-1-R'aranik,<br />
ce prince<br />
avait été porté au pouvoir par le peuple en 875, et, comme avant<br />
la mort de son frère, il lui avait juré solennellement de ne pas-
s'emparer de l'autorité,<br />
6<br />
il ne s'était décidé à l'accepter que pour<br />
ne pas la voir passer aux mains d'une autre famille.<br />
Les premiers actes d'Ibrahim avaient été empreints de justice<br />
et de bonté. Etabli dans le château de Rokkada (1 ), qu'il fit cons<br />
truire à quatre milles de Kairouan, afin d'y être à l'abri des sédi<br />
tions de la milice, il dirigeait la guerre sainte alors concentrée en<br />
Sardaigne,<br />
et s'occupait de régulariser l'administration de ses<br />
provinces. Mais l'esprit d'insubordination, sinon d'indépendance<br />
semblait s'être réveillé chez les Berbères. Les indigènes de l'Au<br />
rès, de la Tripolitaine et même du pays de Barka, sur la frontière<br />
de l'Egypte se lancèrent tour-à-tour dans la révolte, firent<br />
essuyer de sérieuses défaites aux généraux ar'lebites et forcèrent<br />
le gouverneur à de sévères mesures de répression.<br />
Dès lors,<br />
le caractère du prince ar'lebite changea. Naturelle<br />
ment soupçonneux , irrité par la résistance qu'il rencontrait<br />
autour de lui, on peut-être, perverti par l'exercice du pouvoir, il<br />
devint d'une cruauté inouie, exerçant ses caprices sanguinaires<br />
tant sur ses parents ou ses favorites, que sur ses ennemis (2).<br />
Tandis qu'Ibrahim se livrait ainsi aux écarts de son étrange<br />
nature, donnant successivement l'exemple d'une véritable gran<br />
deur d'âme ou d'une lâche cruauté, la secte des Ch'iaïtes dont le<br />
siège était en Orient et qui, depuis quelque temps avait envoyé<br />
des missionnaires en Afrique, y gagnait de nombreux adhérents.<br />
De même que lors de l'appuilion du Kkaredjisme, les Berbères<br />
accueillaient avec empressement un schisme qui leur offrait un<br />
motif de résistance contre leurs dominateurs.<br />
'<br />
',,<br />
s<br />
,? } .<br />
'• La base de la secte chj__aïte, «^SSlï^É^faB^^ée^^Khared-<br />
jile était que l'Imam, ou chef de la religion, ne pouvait être pris<br />
"que parmi les descendants du prophète par sa tille Fatima et son<br />
'gendre Ali JEn outre de cette divergence, dit M. Si de Sacy (3),<br />
y/ 4 '%-^y.M^ .<br />
"' ~l<br />
,.<br />
'<br />
.■/,-■ ■<br />
. .<br />
(1) Rokkada: ta dormeuse. Ce château était construit dans le lieu de<br />
l'Ifrikia où l'air était le plus pur, le elimat le plus tempéré et les<br />
champs les mieux fleuris. L'on y souriait sans motif et l'on y était<br />
» gai sans cause. » (En-Notteïri, appendice 1" 11, page 425, tome d'ibn-<br />
Khaldoun).<br />
(2i Voir En-Noueiri, toc. cit. p. 436 et suivantes<br />
(3) Rfligion des Druses.
1<br />
7<br />
ils contestaient certains points de dogme et surtout de rite, rame<br />
nant, par leurs leçons, la religion musulmane au matérialisme.<br />
Vaincus en l'an 41 de l'Hégire par les Oméiades, ces schismati<br />
ques se répandirent dans tout le monde musulman, où ils firent<br />
une propagande active, et reçurent le nom de Chiàïtes 'sectaires1.<br />
Peu après l'établissement de la dynastie abbacide (132 de l'Hé<br />
gire), ils se crurent assez forts pour lui disputer le pouvoir; mais,<br />
vaincus par le khalife El-Hâdi à la bataille de Fekh, où tous<br />
leurs chefs tombèrent (1), ils durent rentrer dans l'ombre. Ils se<br />
formèrent alors en sociétés secrètes et envoyèrent des agents dans<br />
toutes les directions, même en Afrique,<br />
exercée contre eux par les Abbacides.<br />
malgré la surveillance<br />
Le schisme chiaïte se divisait en plusieurs sectes dont les<br />
principales étaient : les Zïadïa, partisans de Zeïd,<br />
— et de Fatima ; les Keiçanïa,<br />
petit-fils d'Ali<br />
enseignant que l'Imamat passa des<br />
enfants de Fatima à"un autre fils d'Ali dont la mère se nommait<br />
Kêîçân; '— les Imamïa (Imamiens), formant les Ethna-Acherïa<br />
^Duodécemains) et les\lsmaïlïa (Ismailiens) .<br />
Les Ethna-Acherïa comptaient douze Imam et enseignaient que<br />
le douzième, ayant disparu mystérieusement,<br />
devait reparaître<br />
plus tard pour faire renaître la justice sur terre. Il serait ainsi le<br />
Mehdi (ou êtrejdirigé), prédit par Mahomet (2).<br />
Lés Ismaïliens ne comptaient que six Imam, successeurs d'Ali,<br />
ayant régné; le septième, Ismaël, désigné pour succéder à son<br />
père était, selon eux, mort avant lui. A partir de ce septième,<br />
leursdmam étaients dits cachés » (mektoum),<br />
ne transmettant<br />
leurs ordres au Monde que par l'intermédiaire des D'aï (invileurs,<br />
missionnaires) (3). Le troisième Imam-caché, nommé Mohammedel<br />
Habib, vivait à Salemïa, ville du territoire d'Emesse en Syrie,<br />
à l'époque où nous commençons ce fragment historique. De sa<br />
(1) L'un d'eux, Edris, put cependant échapper et se réfugier en Mag'reb;<br />
v. ci-devant n?_..„<br />
(2) C'est leQIoul-es-Sad (le maître de l'heure)'<br />
que les indigènes de l'Al<br />
gérie attendent encore, quoiqu'on puisse compter par vingtaines ceux<br />
qui se sont déjà présentés comme tels en Afrique.<br />
(3) ,V.<br />
Ibn-Khaldoun,<br />
chïïtes i<br />
t. 11, append. II, ■ du Khalifat et des sectes
"<br />
8<br />
Vlmam-<br />
retraite, car il ne se montrait pas aux yeux des profanes,<br />
carhé lançait des D'aï dans différentes directions. Les uns, sous<br />
la conduite d'Ibn-Haucheb,<br />
surnommé El-Mansour (le victorieux),<br />
obtinrent dans l'Iémen de grands avantages et envoyèrent des<br />
émissaires jusqu'au fond de l'Inde. D'autres gagnèrent l'Afrique.<br />
Deux de ces D'aï s'établirent en Mag'reb : l'un à Mermadjenna)<br />
au N.-E. de Tebessa jjl'autre dans le pays des Ketamajj), non loin<br />
i*du Souf-DjimarJ,2). fis firent de nombreux prosélytes et en déci<br />
dèrent quelques-uns à faire le pèlerinage de Salemïa.<br />
Averti des heureux résultats obtenus en Mag'reb par ses mis<br />
sionnaires, Mohammed-el-Habib résolut d'y<br />
envoyer un de ses<br />
plus fidèles adhérents, nommé Abou-Abd Allah-el-Hoceïn-ben-<br />
Mohammed-ben-Zakarïa. Cet homme de mérite, qui devait rendre<br />
de si grands services à la cause fatémide, avait d'abord été<br />
/ Mohtacib, c'est-à-dire receveur d'un marché de Bassora ; puis, il<br />
avait enseigné publiquement les doctrines des Imamiens, ce qui<br />
lui avait valu le l\lt%A'El-M'allem (le maître) (3). Il partit pour<br />
jle Mag'reb en compagnie de chefs des Ketâmâ qui lui avaient été<br />
adressés en Orient, et, comme les Abbacides faisaient, avec soin,<br />
surveiller les routes, les voyageurs passèrent par les déserts<br />
de l'Egypte, afin d'éviter leurs agents, puis traversèrent ceux de<br />
la Tripolitaine, et enfin, pénétrèrent par les montagnes, dans le<br />
Tel de Constantine. De là, ils gagnèrent les chaînes des Ketâma<br />
et s'établirent au lieu dil\Ikdjan, ou plutôt Guedjal (4), localité<br />
du territoire des Beni-SekiaÉ tribu des Djimela, près Sétif. ^ J<br />
(1)<br />
Bône.<br />
Grande tribu berbère établie entre Bougie, Sétif, Constantine et<br />
(2) En Berbère , la rivière du sable, que les Arabes ont traduit littéra<br />
lement par Ouad-er-Remel. C'est la rivière qui passe à Constantine.<br />
(3) V. Ibn Khaldoun, t: II, append. 11, p. 509, et aussi l'historien Ibn-<br />
Hammad, dont M. Cherbonneau a publié une excellente traduction dans<br />
la Revue Africaine, n0><br />
72 et 78.<br />
(4) M. Carette (notice sur les migrations, etc,), place cette localité, dont<br />
il ne peut préciser l'orthographe, dans les montagnes du golfe de Bougie,<br />
et cela, h cause d'une analogie de noms, du reste inexacte. M. Cherbon<br />
neau a établi d'une manière incontestable {Bévue Africaine, n°<br />
72), que<br />
cette localité est nommée aujourd'hui Guedjal et se trouve, comme l'in<br />
diquent l'Gdrisi, El-Hekri, lbn-Hammad et Ibn-Khatdoun lui-même, h<br />
quelques milles au Nord de Sétif.
Le chef de ces indigènes, Mouça-ben-Horeïlh, un de ceux qui<br />
avaient fait connaissance du Chiâïte en Orient, protégea son éta<br />
blissement dans cette localité, qui fut appelée le ravin des gens de<br />
bien (Feddj-el-Akhiar). Ce nom ne fut pas pris au hasard ; Abou-<br />
Abd-AlTâb"annonça ert'éffet que le Mehdi lui avait révélé qu'il<br />
serait forcé, comme le Prophète, de fuir son pays (d'avoir une<br />
hégire), et qu'il serait soutenu par des gens de bien (ses Ansars),<br />
dont le nom serait un dérivé du verbe katama (cacher;.<br />
1 Ces moyens, habilement choisis, devaient réussir auprès de<br />
gens ignorants tels que les montagnards du Mag'reb. Aussi,<br />
les Berbères-Kelama, flattés de voir leur nom prendre une origine<br />
arabe et d'être désignés pour le beau rôle d'Ansars du nouveau<br />
prophète, vinrent-ils en foule se ranger sous la bannière du D'aï<br />
chiaïle.<br />
Ces faits se passèrent sans doute entre les années 890 et 893,<br />
car la date de l'arrivée en,Afrique d'Àbou-Abd-AUah est incer<br />
taine.<br />
Vers le même temps, le gouverneur ar'lebite Ibrahim, qui<br />
venait de fajre périr ses propres filles et un grand nombre de ses<br />
esclaves (1),<br />
attira par ses promesses les principaux chefs berbères<br />
du Zab et de Belezma (2), à Rokkadypuis il les fil massacrer et<br />
s'empara déleurs richesses. Un millier d'indigènes périrent, dit-<br />
on, dans ce guet-apens,<br />
qui eut pour effet de jeter un grand<br />
nombre de Ketama dans les bras des Chiaïtes, car les gens de<br />
Belezma étaient leurs suzerains (3).<br />
Cependant Ibrahim, apprenant la propagande que faisait Abou-<br />
Abd-Allah,<br />
lui écrivit pour lui enjoindre d'avoir à cesser toute<br />
prédication. Le Chiaïte répondit par une lettre injurieuse, et le<br />
(1) En-Noueïri, p. 427<br />
(2) Le Belezma-des-Mezata de Bekri, le K'çar-Belezma actuel, au Sud de<br />
Constantine, sur le versant de l'Aurès qm"â pris son uom.(V. l'Annuaire<br />
de la Société achéologiqne de Constantine, 1856-7, p. 172. V. aussi<br />
Abou-<br />
Obeïd-el-Bekri, Géographie de l'Afrique.)<br />
~(3) Selon le Baîau, les habitants de Belezma étaient de race arabe, des<br />
cendant, soit des premiers conquérants soit des anciens miliciens. Ce<br />
serait donc un des rares groupes arabes laissés dans l'intérieur par la<br />
conquête de l'an 650, qu'il ne faut pas confondre avec l'immigration de<br />
1050. |<br />
~
10<br />
gouverneur donna aussitôt aux commandants des provinces voi<br />
sines, l'ordre de marcher contre les rebelles. Les chefs de Sétif,<br />
de Belezma et de Mecila, ville qui semble dès lors avoir remplacé<br />
Tobna comme capitale du Zab, se préparèrent donc à attaquer les<br />
champions de l'agitateur. A l'approche du danger, les Ketama<br />
commencèrent à se repentir de leur audace, et plusieurs cheiks<br />
émirent l'avis d'expulser IeChiâïte, mais les Djimela prirent sa<br />
défense, et, soutenu par eux, Abou-Abd-Allah vint.se retrancher<br />
à Tazrout, non-loin de Mila où habitait la tribu ketamienne des<br />
R'asman (1).<br />
Tandis que ces événements s'accomplissaient dans les monta<br />
gnes des Ketama, une révolte importante éclatait en Tunisie. La<br />
\ péninsule de Cherik (2), la ville de Tunis, celles de Badja et<br />
"iïé~Laribus (3), enfin la ville et la montagne de Kammouda (4),<br />
au Sud de Kairouan, s'étaient lancées dans la rébellion contre le<br />
gouverneur ar'lebite. Inquiet des proportions que prenait cette<br />
révolte, Ibrahim fit renforcer d'abord les retranchements de<br />
Rokkada, afin d'y trouver un refuge contre toute éventualité,<br />
puis il envoya dans la péninsule de Cherik une armée qui dis<br />
persa les insurgés el s'empara de leur chef, lequel fut mis en croix<br />
à Kairouan . En<br />
même temps, l'eunuque Meimoun et le général<br />
Ibn-Nâked, commençaient le siège de Tunis, pendant que l'eu<br />
nuque Salah allait faire rentrer dans le devoir la province de<br />
Kammouda . A<br />
Bientôt, les troupes arTebites entrèrent victorieuses à Tunis et<br />
mirent cette ville au pillage. Douze cents des principaux citoyens<br />
furent réduits en esclavage et envoyés à Kairouan. Les morts,<br />
même, furent, par l'ordre d'Ibrahim, chargés sur des charretles<br />
pour être promenés, dans les rues de la capitale, aux yeux des<br />
habitants.<br />
Peu de temps après, c'est-à-dire en 894, le gouverneur ar'lc-<br />
(1) lbn-Khaldoun, t. II, p. 512 et suivantes.<br />
(2) Le point de la Tunisie le plus rapproché de la Sicile.<br />
f3) Ces localités sont au S.-O. de Tunis, non loin du poste actuel du<br />
Kaf ; la première est la Vacca de Salluste.<br />
(4) Gammouda selon la prononciation actuelle.
f<br />
ii<br />
bile transporta le siège de gouvernement à Tunis; puis, lorsqu'il<br />
y fut complètement installé,<br />
il résolut la mise à exécution d'un<br />
projet qu'il méditait depuis longtemps, et qui n'était rien moins<br />
que de déclarer la guerre aux Toulounites gouverneurs de l'E<br />
gypte. Ayant donc rassemblé un grand nombre de troupes, il se<br />
"nuTâ leur tête, et prit la route de l'Est (896) (1). Parvenu dans la<br />
province de Ncfonça près Tripoli, il se heurta contre une révolte<br />
des indigènes de cette localité. Un combat sanglant s'ensuivit et,<br />
comme les Nefouça avaient l'avantage de la position, les troupes<br />
ar'lebites plièrent après avoir vu tomber leur chef Miuioun. Mais<br />
Ibrahim ayant lui-même rallié ses soldats, attaqua les rebelles<br />
avec vigueur et les mit en déroule. Le plus grand carnage suivit<br />
cetle victoire ; le gouverneur ayant, par extraordinaire, manifesté<br />
quelque regret de voir couler tant de sang musulman, ses cour<br />
tisans le rassurèrent en lui faisant remarquer que les Nefouça<br />
étaient hérétiques (kharedjites). La conscience ainsi tranquillisée,<br />
; Ibrahim fit amener devant lui les principaux prisonniers el<br />
s'amusa à les percer lui-même de son javelot, II ne s'arrêta dit-on<br />
qu'au nombre de cinq cents (2).<br />
Le prince ar'lebile continuant sa marche, arriva à Tripoli, où<br />
il fit crucifier le gouverneur de cette ville dont le seul crime<br />
consistait à avoir, par ses talents et son érud i lion, excité la jalousie<br />
d'Ibrahim.<br />
Mais tant de crimes devaient à la fin retomber sur leur auteur.<br />
Parvenu à Aïn-Taourg'a au fond du golfe de la grande Syrte, le<br />
gouverneur se vit abandonner par son armée à la suite d'une<br />
dernière cruauté commise sur des soldats. Force lui fut alors de<br />
rentrer à Tunis et de renoncer à son projet. L'année suivante, il<br />
envoya son fils Abou-l 'Abbas en Sicile où une révolte venait<br />
d'éclater et le chargea, après avoir rétabli l'ordre, de prendre la<br />
direction de la guerre sainte en Sardaigne.<br />
Ainsi le gouverneur ar'lebite s'occupait fort peu des progrès<br />
du schisme chiaïte parmi les Ketama, méprisant trop ces indignes<br />
(1) En-Nouéiri,<br />
(2)<br />
p. 429 et suivantes<br />
Selon Ibn-Khaldonn, le gouverneur se serait donne ce passe temps<br />
après son retour à Kairouan.
12<br />
adversaires ; el cependant, le moment était proche où le triomphe<br />
de la secte fatemide allait anéantir sa dynastie et délivrer l'Afri<br />
que de la domination arabe.<br />
Après le mouvement hostile qui s'était prononcé parmi lés Ke<br />
tama, contre Abou-Abd-Allah, sous l'empire de la terreur produite<br />
par l'annonce de l'attaque prochaine des Ar'lebilés, plusieurs<br />
combats avaient été livrés entre les tribus fidèles et les partisans<br />
du Chiaïte. L'avantage étant resté à ce dernier, il avait vu le<br />
noyau de ses adhérents se grossir de ces masses qui suivent tou<br />
jours le vainqueur. Les gens de Belezma, les Lehiça et Addjana,<br />
tribus ketamiennes, quelques fractions des Sanhadja (I), tribu<br />
qui jusque-là était restée fidèle aux Ar'lebites, et enfin des<br />
Zouaoua, montagnards du Abou-<br />
Djerdjera, se déclarèrent pour<br />
Abd-Allah.<br />
Pendant que le Chiaïte recueillait ces soumissions, un chef de<br />
la fraction kelamienne des Latana, nommé Ftah-ben-Yahïa, qui<br />
s'était montré l'adversaire déclaré du novateur, se rendit à Rok<br />
kada dans l'espoir de décider le gouverneur à entreprendre une<br />
campagne sérieuse contre les rebelles. Au même moment, Abou-<br />
Abd-Allah, prenant l'offensive,<br />
s'empara par trahison de Mila et<br />
mit à mort le commandant ar'lebitc de cette ville.. Le fils du chef<br />
qui avait évité, par la fuite, le sort de son père, vint à Kairouan<br />
où il retrouva Flah,<br />
obtenir vengeance. *<br />
Ibrahim était alors en Sicile,<br />
et tous deux redoublèrent d'efforts pour<br />
par suite des événements que<br />
nous raconterons plus loin. Abou-l'Abbas qui gouvernail en l'ab<br />
sence de son père, se décida à envoyer contre les Ketama un corps<br />
de troupes sous la conduite de son fils Abou-l'-Kaoual (902).<br />
Abou Abd-Allah fit marcher à leur rencontre un groupe de ses<br />
adhérents ; mais les troupes régulières les ayant dispersés avec la<br />
plus grande facilité, il dut évacuer précipitamment la place forte<br />
de Tazrout,<br />
pour se réfugier dans son quartier-général de Guedjal<br />
situé au milieu d'un pays coupé et d'accès, difficile (2). Abou-<br />
(1) Cette puissante tribu berbère était cantonnée entre le méridien de<br />
Bougie, celui de Tenez et la mer. D'autres groupes des Sanhadja habi<br />
taient le Magreb et le désert.<br />
(2) lbn-Khaldoun, t. 11, p. 51 :> cl suivanles.
13<br />
l'Kaoual, après avoir démantelé Tazrout,<br />
essaya de relancer son<br />
cnnnemi dans sa retraite; mais en s'avançant au milieu du dédale<br />
des montagnes ketamiennes, il reconnut bientôt qu'il ne pourrait,<br />
sans s'exposer à une perte certaine, poursuivre la campagne dans<br />
un tel lerrain. Les Berbères surent profiter habilement de son<br />
indécision et du découragement qui gagnait son armée pour le<br />
harceler, surprendre les corps isolés, el enfin le forcer à évacuer<br />
leur pays. Débarrassé de ses ennemis, le Daï chiaïte s'établit<br />
d'une façon définitive à Guedjal, dont il fit sa ville sainte et qu'il<br />
appelaAQar-el-Hidjera (la maison du refuge);<br />
Pendant que les montagnes ketamiennes étaient le théâtre des<br />
faits que nous venons de rapporter, voici ce qui avait eu lieu en<br />
Tunisie. Quelque temps auparavant, les habitants de Tunis, qui<br />
gémissaient sous la tyrannie d'Ibrahim,<br />
avaient réussi à faire<br />
parvenir au Kalife une supplique dans laquelle ils lui exposaient<br />
tous leurs griefs contre son représentant. En apprenant de tels<br />
excès, le souverain de Bag'dad, El-Moladhed, décida de suite la<br />
révocation d'Ibrahim el lui envoya un de ses officiers pour lui<br />
signifier l'ordre de remettre le pouvoir entre les mains de son<br />
fils Abou-1'Abbas,<br />
puis de se rendre en personne à Bag'dad pour<br />
expliquer sa conduite. Mais Ibrahim était trop prudent pour aller<br />
ainsi se livrer à la colère de son suzerain . Après<br />
avoir fait le<br />
plus brillant accueil à l'envoyé, il déclara qu'il venaitd'êlre touché<br />
de la grâce divine, se revêtit d'habillements grossiers, fit mettre<br />
en liberté les malheureux qui gémissaient dans les prisons, puis<br />
annonça son intention d'abdiquer et de faire le saint pèlerinage.<br />
Ayant donc remis la direction des affaires à son fils Abou-1'Abbas,<br />
il prit le chemin de l'Orient. Mais, parvenu à Souça, il s'arrêta et<br />
fit prévenir le Khalife qu'il renonçait à se rendre aux Villes<br />
Saintes, car, disait-il, il n'aurait pu en traversant l'Egypte, évi<br />
ter un conflit avtc les Toulounites,<br />
auxquels il avait précédem<br />
ment déclaré la guerre- Il lui annonçait, en outre,<br />
qu'il allail<br />
prendre la direction de la guerre sainte en Sicile. Effectivement,<br />
il partit de Souça pour celte île, et se signala dès son arrivée par<br />
de brillants succès.<br />
i Ibrahim était depuis quelques mois en Sicile el se trouvait<br />
'occupé au siège dc.Kasna (Cosenza?), lorsqu'il tomba gravement
14<br />
malade. Bientôt, tout espoir de lui conserver la vie fut perdu, et<br />
peu de jours après (octobre 902), il expira, âgé de 52 ans, sur<br />
lesquels il avait régné 28 ans et demi. Avant sa mort, il décida<br />
que le commandement de la guerre serait pris par son petit- fils<br />
Ziadel-Allah. Par l'ordre de ce prince, une trêve fut accordée aux<br />
assiégés, et on rentra à Palerme, où le corps d'Ibrahim fut enterré<br />
en grande pompe.<br />
La mort du gouverneur ar'lebite coïncida avec la défaite de ses<br />
troupes dans le pays des Ketama.<br />
A Kairouan, le prince Abou-1'Abbas qui n'avait pas encore osé<br />
prendre le titre de gouverneur, craignant la violence de son père,<br />
se fit reconnaître officiellement. Ses premiers actes furent em<br />
preints d'une grande modération et l'on pul croire qu'une ère de<br />
justice allait succéder à la lerreur du règne précédent. Malheu<br />
reusement, il fut bientôt obligé de sévir contre son propre fils<br />
Ziadet-Allah et de le jeter dans les fers, avec un grand nombre de<br />
ses partisans pour prévenir un attentat qui ne devait que trop<br />
bien s'exécuter plus tard (1).<br />
Malgré les embarras qui l'assaillirent ainsi au début de son<br />
règne, Abou-1'Abbas comprenant toute la gravité des progrès des<br />
Chiaïtes, envoya contre eux, pour la seconde fois, son fils Abou-<br />
l'Kaoual. Mais le jeune prince n'eut pas plus de succès dans cette<br />
campagne que dans la précédente el dut se contenter de s'établir<br />
dans un poste d'observaliwi (2).<br />
Quelque temps avant cm événements, le chef de la secte des<br />
Ismaïliens, Mohammed-el-Habib, troisième Imam-caehé était<br />
mort en Orient, laissant sa succession à son fils Obeïd-Allah. Se<br />
sentant près de sa fin, il lui avait adressé ces paroles : « C'est toi<br />
» qui est le Mehdi ; après ma mort, tu dois te réfugier dans<br />
» un pays lointain où lu auras à subir de rudes épreuves (3).<br />
Pour se conformer à ces recommandations, Obeïd-Allah<br />
qui était alors âgé de 19 ans, quitta, après la mort de son<br />
père, la ville de Salemïa et voulut d'abord se diriger vers<br />
(Il En-Noueïri,<br />
p. 439.<br />
l2) Ibn-Khaldoun, t. 11, p. 514.<br />
(3) Ibn-Khaldoun, t. II, p. 515.
15<br />
t'Iemen. Il était accompagné de son jeune fils Abou-l'Kacem et<br />
de quelques serviteurs. En chemin, il apprit que les partisans<br />
de son père dans l'Iemen avaient à peu près abandonné sa doc<br />
trine et paraissaient peu disposés à le recevoir. Il était donc fort<br />
indécis, lorsqu'il reçut un message d'Abou-Abd-Allah, apporté<br />
du Mag'reb par Abou-l'-Abbas, frère de celui-ci et quelques chefs<br />
Ketamiens. Le fidèle missionnaire le félicitait de son avènement<br />
comme Imam el l'engageait à venir le rejoindre en Afrique, où<br />
son parti devenait de jour en jour plus puissant.<br />
Ces bonnes nouvelles décidèrent Obeïd-Allah à gagner l'Occi<br />
dent. Mais l'annonce de l'apparition du Mehdi attendu par les<br />
Chiaïtes s'était répand ue;)Je kalife El-Moktefi le fit rechercher<br />
avec le plus grand soin. Son nom et son signalement furent<br />
envoyés aux gouverneurs des provinces les plus reculées avec<br />
ordre de le saisir partout où on le découvrirait. Obeïd-Allah par<br />
vint cependant à passer en Egypte mais en se déguisant en mar<br />
chand, car, selon l'énergique expression arabe, les yeux étaient<br />
aiguisés sur lui (1). Arrêtés au Caire par le gouverneur de cette<br />
ville, les voyageurs ne recouvrèrent la liberté que grâce à l'ha<br />
bileté de leurs réponses. Ils purent alors continuer leur route,<br />
mais en redoublant de prudence.<br />
Vers celle époque, c'est-à-dire dans le mois de juillet_903J_ le<br />
g_ojrve£ne.ur ar'lebile to^baA_àJ_unis, sous les poignards de trois<br />
de ses eunuques poussés à ce crime par son fils Ziadet-Allah.<br />
Après a^ir^commïs leur forfait, les assassins vinrent annoncer à<br />
celui qui les avait gagnés que son père n'existait plus; mais<br />
Ziadet-AUah, craignant quelque piège,<br />
ne voulut pas se laisser<br />
mettre en liberté avant d'avoir la certitude du meurtre. Les<br />
eunuques étant donc retournés auprès du cadavre, lui coupèrent<br />
la tête el l'apportèrent à son fils, qui, devant cette preuve irré<br />
cusable, consentit à ce qu'on brisât ses fers.<br />
Abou-l'-Abbas avait montré, pendant son court passage aux<br />
affaires,<br />
des qualités remarquables. C'était un prince instruit et<br />
digne, en tout point, du nom ar'lebite (2).<br />
(1) Ilm-Hammad {Revue Africaine).<br />
(2) En-Noueïri, p. 440.<br />
~~
16<br />
Quant à Ziadet- Allah qui n'avait pas craint d'arriver au pouvoir<br />
par le meurtre de son père, il était facile de prévoir ce que sérail<br />
son règne. Un de ses premiers actes fut d'ordonner le supplice<br />
des eunuques qui avaient assassiné Abou-l'-Abbas. Il se livra<br />
ensuite à tous les déportements de son caractère, qui avait la féro<br />
cité de celui d'Ibrahim, sans en avoir le courage et l'intelligence.<br />
Vingt-neuf de ses frères et cousins furent, par son ordre, dépor<br />
tés dans l'île de Korrat, puis mis à mort. Cela fait, il envoya,<br />
à son frère Abou-l'-Kaoual qui opérait dans le pays des Ketama,<br />
une lettre écrite au nom de leur père, lui enjoignant de rentrer<br />
de suite. Abou-l'-Kaoual s'étant conformé à cet ordre, subit à son<br />
arrivée le sort de ses parents.<br />
Tandis que tous ces meurtres ensanglantaient Tunis, Obéïd-<br />
Allah, le mehdi, continuait sa route vers l'Ouest. Parvenu au<br />
près de Tripoli, il garda avec lui son fils,<br />
et envoya en avant ses<br />
compagnons avec sa mère, sous la conduite d'Abou-l'Abbas, frère<br />
d'Abou -Abd-Allah, pour annoncer son arrivée aux Ketama. La pe<br />
tite caravane, accompagnée de quelques marchands,négligea toute<br />
précaution, et, au lieu de prendre la roule du Sud, vint passera<br />
Kairouan. Mais des ordres sévères étaient donnés : personne ne<br />
pouvait rester inaperçu. Abou-1'Abbas fut donc arrêté avec tout<br />
son monde, el conduit à Ziadet-AUah. Devant ce prince, le frère<br />
du Dâï fut impénétrable : ni promesses, ni menaces ne purent lui<br />
arracher son secret . Quelu^'un<br />
de la suite ayant déclaré qu'il<br />
venait de Tripoli, le gouverneur arlebite devina sans doute que<br />
le Mehdi devait y être resté, car il envoya au commandant de<br />
cette ville l'ordre de l'arrêter (1).<br />
Cette fois encore, Obeïd-Allah, prévenu par quelque émissaire<br />
secret,<br />
put échapper par une prompte fuite. Il gagna probable<br />
ment l'intérieur, et, reprenant sa marche vers l'Ouest, vint<br />
passer près de Constantine. De là, il pouvait très-bien se rendre<br />
chez les Ketama, etcependant, il continua sa marche, ne voulant<br />
pas, s'il se découvrait, sacrifier Abou-1'Abbas qui était resté entre<br />
les mains de Ziadet-Allah (2) ; ne devait-il pas, du reste, ac-<br />
(1) Ibn Khaldoun, t. il, p. 516.<br />
(2) C'est, du moins, l'opinion d'Ibn-el-At'ir.
17<br />
complir la prophétie de son père : ... "Tu dois te réfugier dias<br />
un pays lointain, où tu subiras de rudes épreuves. U fallait<br />
au Mehdi des aventures extraordinaires, et opérer de suite sa<br />
jonction avec Abou-Abd-Allah, c'était le triomphe sans les épreu<br />
ves. Il continua donc à errer en proscrit.<br />
Cependant Abou-Abd-Allah, son apôtre, achevait de lui con<br />
quérir un empire. Après le départ d'Abou-l'Kaoual, seul obstacle<br />
qui s'opposait à sa marche, il réunit tous ses adhérents el vint<br />
audacieusement mettre le siège devant Sétif.<br />
Le gouverneur de cette ville soutenu par quelques chefs<br />
kelamiens demeurés fidèles, essaya une résistance désespérée,<br />
mais lorsqu'ils furent tous morts en combattant, la place capitula<br />
et fut rasée par les Chiâïtes vainqueurs.<br />
A cetle nouvelle, le prince de Tunis envoya contre les rebel<br />
les, un de ses parents, nommé Ibn-Hobaïch, avec une armée de<br />
quarante mille hommes (1). Ces troupes vinrent se masser près<br />
de Constantine, où elles perdirent un temps précieux; puis, elles<br />
s'avancèrent jusqu'à Belezma, et, non loin de cette ville, offri<br />
rent le combat aux Ketama, qui avaient marché en grand nom<br />
bre à leur rencontre. La victoire se déclara pour les Chiâïtes.<br />
Ibn-Hobaïch dut se replier en désordre avec les débris de ses<br />
troupes à Bar'aïa (2), d'où il gagna ensuite Kairouan.<br />
Profitant habilement de cet avantage, Abou-Abil-Allah se<br />
porta sur Tobna avec une partie de son armée, el divisa le reste<br />
en deux corps qu'il envoya opérer dans différentes directions .<br />
Tobna, puis Belezma tombèrent en son pouvoir. En même temps,<br />
un de ses généraux s'emparait de la ville de Tidjest en accor<br />
dant à la garnison une capitulation honorable . (3) Mais,<br />
d'un<br />
autre côté, le général ar'lebite Haroun-et-Tobni ayant poussé<br />
une pointe audacieuse, vint, sur les derrières des Chiâïtes, sur<br />
prendre et brûler la place de Dar Melloul (4) .<br />
(1) Ce chiffre est très-probablemen exagéré.<br />
(2) Bar'aï. dans l'Aurès. V. Notice sur les Amamra, Annuaire archéol.<br />
V 1868.<br />
(3) Tidjiet est sans doute l'ancienne Tigisis à dix ou onze lieues S. E.<br />
de Constantine.<br />
(4) Bekri place celte ville à une journée de Tobna.<br />
2
18<br />
En somme, la cause des Chiâïtes obtenait de<br />
constants avanta<br />
ges, et les populations, attirées, tant par l'appât de la nouveauté<br />
que par la clémence el la justice déployées par Abou-Abd-Allah»<br />
accouraientse ranger aulourde lui. Le gouverneur ar'lebite voyait<br />
bien le danger approcher, mais ses prédécesseurs avaient négligé<br />
d'écraser l'ennemi quand il était sans forces, et maintenant, il<br />
était trop tard. Les rebelles tenaient déjà les principales places de<br />
l'Ouest,<br />
. jour à l'autre et mettre le siège devant Kdirouan Dans<br />
et Ziadet-Allah pouvait s'allendre à les voir jparaUre d'un<br />
cette<br />
prévision, il s'empressa faire réparer les fortifications 4e la ville<br />
ainsi que des places environnantes; en même temps, il vidait le<br />
trésor public pour lever des troupes el les opposer à l'ennemi.<br />
En 907, fl se porta avec une armée contre lesGhiaïles qui opé<br />
raient sur les versants de l'Aurès ; mais, parvenu à Laribus., il<br />
ne jugea pas prudent de s'avancer plus loin et rentra à Tunis,<br />
laissant le général lDrahim-ben-Abou-1'Ar'lcb en observation<br />
avec un corps de troupes<br />
Quant à Abou-Abd-Allah, il s'empara successivement de Ba-<br />
r'aïa et de Mermadjenna ; puis, il réduisit les tribus Nefzaouien-<br />
nes (1 ) , et s'avança jusqu'à Tifech (2), dont il obtint la soumission<br />
et où il laissa un gouverneur. Il rentra alors vers son centre<br />
d'opérations afin de préparer une nouvelle campagne ; mais<br />
aussitôt le général Ibrahim s'avança à sa suite et reprit une par<br />
tie du territoire qu'il avaitgxmquis, avec la ville de Tifech.<br />
Bientôt le Dâï chiaïle réparai dans l'Est, laissant derrière lui<br />
Constantine, qu'il n'osa attaquer en raison de sa position inex<br />
pugnable, et vint, à la tête d'une nouvelle armée,<br />
kiana et Tebessa. Delà, il pénétra en Tunisie,<br />
enlever Mis-<br />
réduisit la ville<br />
et le canton de Kammouda, et, continuant sa marche victorieuse,<br />
s'avança sur Rokk'ada. Mais il avait trop présumé de ses forces.<br />
Bientôt, en effet, le général Ibrahim étant accouru avec toutes les<br />
(1) La grande tribu berbère des Nefzaoua occupait le versant K. E.<br />
de l'Aurès, les plaines de la. province de Constantine jusqu'à Éône et une<br />
partie de la Tunisie.<br />
(2) La ville de Tifech est construite sur les ruines de l'antique Tipasa<br />
de l'Est. (V. à ce sujet les travaux de M. Chabassière, Annuaire Ar-<br />
chéol., 1866.)
Î9<br />
troupes disponibles pour lui barrer le passage, lui infligea une<br />
défaite complète : les Chiâïtes s'enfuirenl en désordre par lotis<br />
les défilés ; Abou-Abd-Allah, lui-même, ne s'arrêta qu'à Guedjal.<br />
Celte victoire des Ar'lebites eut pour effet do faire rentrer mo<br />
mentanément sous leur domination la plupart des places con<br />
quises par les révoltés, y compris Bar'aïa .<br />
Mais l'échec des Chiâïtes,<br />
qui aurait pu avoir les suites les plus-<br />
graves si leurs adversaires avaient su profiter de Ienr succès en<br />
prenant vigoureusement l'offensive, ne devait retarder que de-<br />
bien peu de jours la ehute définitive des Ar'lebites. Sitôt, en<br />
effet, qu'Abou-Abd-Allah eut appris qu'Ibrahim,<br />
au lieu de le<br />
poursuivre, était rentré dans son poste d'observation de Laribus,<br />
il vint mettre le siège devant Constantine, et s'en empara ainsi<br />
que du pays environnant ; puis il alla reprendre Bar'aïa, et,<br />
après y avoir laissé un commandant,<br />
rentra dans son quartier-<br />
général de Guedjal. Ibrahim marcha alors sur Bar'aïa, mais le<br />
chef des Chiâïtes lança contre lui un corps de douze mille<br />
hommes,<br />
défilé d'El-Arâr (1).<br />
qui repoussa les Ar'lebites et les poursuivit jusqu'au<br />
Cependant Abou-Abd-Allah ne restait pas inaelif à Guedjal . Il<br />
avait adressé un appel à tous ses adhérents et alliés el s'occupait<br />
de réunir une armée formidable. De tous eôtés arrivaient les<br />
contingents: Zouaoua du Djerdjera, Sanhàdja du Mag'reb central,<br />
Zenala du Zab, Nefzaoua de l'Aurès,<br />
venaient se joindre aux<br />
vieilles bandes ketamiennes. Au moisde mars 909 (2), Abou-Abd-<br />
Allah se mit en matche à la tête d'une armée innombrable,<br />
portée par Ibn-Khaldoun à deux cent mille hommes,<br />
divisés en<br />
sept corps (3). Avec de telles forces', il se dirigea en ligne droile<br />
sur la capitale de son ennemi. En vain Ibrahim essaya de re<br />
pousser les Chiâïtes : vaineu dans plusieurs rencontres, il dut<br />
(t) Sans doute un des dejlés voisins de Tebessa.<br />
(2) M. Cherbonneau, dans sa traduction d'Ibn-Hammad, donne la date<br />
de 907, mais nous pensons que c'est par erreur, car le manuserit de cet<br />
historien porte bien 296 {de TH.). comme le texte d'Ibn-Khaldoun .<br />
(3)<br />
lbn-Hammad donne même le chiffre de trois cent raille combat<br />
tants, tant infanterie que cavalerie. Il est inutile désister sur l'exagéra<br />
tion de ces chiffres.
20<br />
abandonner son camp et se replier sur Kairouan où se tenait le<br />
gouverneur ar'lebite. L'armée d'Abou-Abd-Allah s'arrêta à Lari-<br />
nus le temps nécessaire pour mettre cette ville à sac, puis péné<br />
tra comme un torrent en Tunisie il).<br />
Dans cetle circonstance solennelle, Ziadet-Allah se montra ce<br />
qu'il avait toujours été, c'est-à-dire, lâche, cruel et incapable.<br />
Lorsqu'il eût appris la défaite de son général, et qu'il fut con<br />
vaincu qu'il ne lui restait aucun moyen de résister à la tourbe<br />
de ses ennemis, il tit courir, dans la ville de Rokkada, le bruit<br />
que ses troupes avaient remporté la victoire ; puis, il ordonna<br />
de mettre à mort toutes les personnes qu'il retenait dans les fers,<br />
et de promener leurs têtes à Kairouan, au Vieux-Château (2) elà<br />
Rokkada,<br />
en annonçant qu'elles provenaient des cadavres en<br />
nemis (3). En même temps, il s'empressa de réunir tous les<br />
objets précieux et les trésors qu'il possédait et se prépara à fuir<br />
avec ses courtisans et ses favorites. En vain un de ses meilleurs<br />
officiers, nommé Ibn-es-Saïr',<br />
s'efforça de le retenir et de l'ex<br />
horter à la résistance en lui rappelant les exploits de sesayeux.<br />
Le dernier des Ar'lebites ne répondit à ces généreux efforts que<br />
par des paroles de défiance et de menace, accusant le conseiller<br />
de vouloir le livrer à son ennemi.<br />
Bientôt,<br />
tout fut prêt pour le départ: les plus fidèles serviteurs<br />
esclavons reçurent chacun une ceinture contenant mille pièces<br />
d'or;<br />
on plaça les autres objets précieux el les femmes sur des<br />
mulets, et, à la nuit close,*iadet-Allah sortit de Rokkada, pre<br />
nant la route de l'Egypte. Al'heure du coucher du soleil, dit En-<br />
Noueïri (4), il avaitappris la défaite de ses troupes ; à celle de la<br />
prière de A'El-Acha (de huit à neuf heures du soir)y il prenait la<br />
fuite (5). -----<br />
Ce fut ainsi que le descendant des Ar'lebites quitta le pouvoir.<br />
(I) Ibn Khaldoun v. u, p. 519, et aussi Abou-Obeïd-el-Bekri, qui rap<br />
porte que les habitants de Laribus furent massacrésdans<br />
la mosquée où<br />
ils s'étaient réfugiés.<br />
(21 Résidence des premiers Ar'lebites à peu de distance de Kairouan.<br />
(3) En-Noueïri, p. 441.<br />
(4) Ibid. p. Vil.<br />
(.">) Il prît ta mttlpimr monture, dit Ibn-Hammad.
21<br />
La population de Rokkada l'accompagna quelque temps à la<br />
lueur des flambeaux ; un certain nombre d'habitants suivit<br />
même sa fortune .<br />
Aussitôt que la nouvelle de la fuite du gouverneur fut con<br />
nue à Kairouan, le peuple se porta en foule à Rokkada, et mit<br />
cette ville, et surtout le palais, au pillage. En même temps, le<br />
général Ibrahim arriva à Kairouan, ramenant les débris de ses<br />
iroupes qui achevèrent de se débander en apprenant la fuite de<br />
Ziadel-Allah. Malgré l'état désespéré des affaires, Ibrahim voulut<br />
tenler un dernier effort pour sauver l'empire. S'étant rendu au<br />
Divan, à la tête de partisans dévoués, il se fit proclamer gouver<br />
neur et adressa à la population des paroles pleines de noblesse et<br />
de courage pour l'engager à la résistance. Mais la lerreui: des<br />
règnes précédents avaient éteint tout sentiment d'honneur chez<br />
ce peuple opprimé. Après avoir, d'abord, obtenu l'adhésion de<br />
la foule, le général ar'lebite la vit bientôt, par uude ces revire<br />
ments fréquents chez les masses, se tourner contre lui, et dut,<br />
pour sauver sa vie, s'ouvrir un passage à la pointe de son épée.<br />
Il partit alors, avec ses compagnons, pour rejoindre Ziadet-Allah.<br />
Sur ces entrefaites, l'avant-garde des Chiâïtes, commandée par<br />
Arouba-ben-Youçof et El-Hacen-ben-Abou-Khanzir, chefs keta-<br />
miens, apparut sous les murs de la ville. U ne fallut rien moins<br />
que la terreur inspirée par les farouches Berbères,<br />
cesser le pillage qui durait depuis une semaine à Rokkada.<br />
pour faire<br />
Peu de joursaprès, c'est-à-dire dans le mois d'avril 909, Abou-<br />
Abd-Allah fit son entrée triomphale dans la ville. Il était précé<br />
dé d'un crieur psalmodiant ces versets du Coran (Sourate delà<br />
fumée) : C'est lui qui a chassé les infidèles de sa maison... —<br />
— Combien de jardins et de fontaines abandonnées ? Combien<br />
a de champs ensemencés et d'habitations superbes ! —<br />
« de délices où ils passaient agréablement leur vie !... (1).<br />
Combien<br />
(I) Ibn-Hammad. Selon cet auteur, Abou-Abd-Allah, à son arrivée à<br />
Rokkada, ordonna te massacre de la garde nègre, « dont les cadavres<br />
furent placés la face contre terre. Ce fait est assez dans les mœurs du<br />
temps; cependant, il ne s'accorde pas avec l'amnistie dont parie Ibn-<br />
Khaldoun. Il faut remarquer, en outre, que les Chiâïtes occupèrent la<br />
ville avant l'arrivée de leur chef et que Ziadet-Allah avait emmené pres<br />
que tous ses esclavons.
22<br />
L'avant-garde avait déjà pris possession de Kairouan ; mais,<br />
comme la plupart des habitants de cette, ville et des cités voisines<br />
s'étaient enfuis, Abou-Abd-Allah proclama une amnistie géné<br />
rale qui rassura les esprits et fit rentrer les émigrés. Il prit sous<br />
sa protection les quelques esclaves que le prince n'avait pu em<br />
mener, et distribua des logements dans la ville à ses principaux<br />
officiers. Un de ses premiers soins fut aussi de mettre en liberté<br />
son frère Abou-1'Abbas et la mère du Mehdi qui, jusqu'alors,<br />
étaient restés en prison.<br />
Tous les adhérents du gouverneur déchu étaient venus se<br />
grouper autour de lui à Tripoli. Ibrahim qui l'avait également<br />
rejoint dut aussitôt prendre la fuite pour éviter le supplice que<br />
Ziadet-Allah voulait lui infliger, comme coupable de tentative<br />
d'usurpation du pouvoir. Après avoir passé dix-sept jours à Tri<br />
poli, pendant lesquels il fit trancher la tête d'Ibn-es-Saïr', le mi<br />
nistre qui avait en vain tenté d'arrêter sa lâche fuite, le prince<br />
ar'lebite continua sa roule vers l'Egypte. Parvenu au Caire, il<br />
écrivit au kalife El-Moktader-bTllah en sollicitant de lui une<br />
entrevue. Pour toute réponse, il reçut l'ordre d'attendre à Rakka,<br />
en Syrie, des instructions ultérieures. Quelque temps après, il<br />
obtint de rentrer en Egypte où il finit misérablement sa vie dans<br />
les plus honteuses débauches.<br />
Ainsi s'éteignit la dynastie ar'lebile qui avait fourni des princes<br />
si remarquables à l'Afrique* Avec elle disparaissait le dernier<br />
reste de l'autorité arabe imposée aux Berbères deux siècles et<br />
demi auparavant. Le Mag'reb qui avait alors été conquis, mais<br />
non colonisé, reprenait possession de lui-même et. les indigènes,<br />
délivrés de la suprémaiie du Khalifat allaient former de puissants<br />
empires berbères.<br />
Mais l'Afrique, pour son malheur, ne devait pas être, à jamais,<br />
délivrée des Arabes. Un danger bien plus sérieux que la couquêie<br />
de 650 la menaçait : c'était l'immigration Hilalienne, évé<br />
nement qui devait avoir pour résultat de rompre définitive<br />
ment l'unité du peuple berbère et d'arabiser l'Afrique septen<br />
trionale.
23<br />
H<br />
Après sa rapide victoire, Abou-Abd-Allah s'occupa de l'orga<br />
nisation de l'empire qu'il avait conquis, et, pour cela, envoya,<br />
dans toutes les provinces, des gouverneurs pris dans la tribu des<br />
Ketama. II congédia les auxiliaires, qui retournèrent chez eux<br />
chargés de butin, puis s'appliqua à faire rentrer dans Kairouan<br />
el dans Rokkada même, les populations émigrées. Etabli dans le<br />
palais des princes ar'lebites, il s'entoura des insignes du pouvoir.<br />
fit frapper des monnaies nouvelles (1), et s'occupa de l'organi<br />
sation des troupes régulières, auxquelles il donna des armes<br />
et des étendards portant des inscriptions à la louange des Fate-<br />
mides.<br />
Lorsqu'il eut, de cetle manière, solidement établi le gouver<br />
nement, il songea à faire profiter de ses conquêtes,<br />
celui pour<br />
lequel il avait travaillé, son maître Obeïd-Allah. Celui-ci<br />
n'avait cessé d'errer en proscrit, tenu, dit-on,<br />
au courant des<br />
succès de ses partisans, par des émissaires secrets. Continuant<br />
donc sa marche vers l'ouest, toujours accompagné de son fils<br />
Abou-1-K'acem, il arriva un dimanche de la fin d'août 909 (2) à<br />
Sidjilmassa,<br />
oasis de l'intérieur du Magreb, qui étaitalors le siège<br />
de la pelite royaulé des Beni-Midrar, tribu miknacienne (3). Le<br />
prince régnant, Eliça, avait reçu du kalife de Bagdad l'invita<br />
tion de saisir le Mehdi s'il entrait dans ses Etats. Les deux voya<br />
geurs lui ayant donc élé signalés, il devina de suite leur carac<br />
tère et les fil arrêter. Ainsi,<br />
après avoir échappé pendant sept<br />
années aux recherches de ses ennemis, Obeïd-Allah trouvait<br />
la captivité dans une oasis de l'extrême sud du Magreb, à plus<br />
de mille lieues de son point de départ.<br />
(1) Ces monnaies portaient les inscriptions suivantes: (d'un côté) Hoddja-t-Allahi<br />
(la preuve de Dieu), et (de l'autre) Tafarraka-'Ada-ou llahi<br />
(que les ennemis de Dieu soient dispersés!)<br />
(2) Cette date précise est donnée par Ibn-flammad. Ibn-Khaldoun (t. I,<br />
p. 263, et t. il, p. 516), n'en indique aucune.<br />
(3) Sidjilmassa est l'oasis moderne de Tafilalat, au sud du Maroc. (V. à<br />
ce sujet1 la notice que nous avons publiée dans ta Revue africaine, iv<br />
63 et 64).
24<br />
Aussitôt que cette nouvelle fut parvenue en Ifrikïa, Abou-<br />
Abd-Allah résolut d'aller délivrer son maître. Ayant donc réuni<br />
■<br />
un corps de troupes < dont le nombre inondait la terre dit ,<br />
Ibn-flammad, il se mit en marche vers l'ouest, laissant à Kai<br />
rouan, pour gérer les affaires, son frère Abou-PAbbas, assisté du<br />
chef ketamien Abou Zaki-Temmam (1). Les populations zenètes<br />
que les Chiâïtes rencontrèrent sur leur passage, se retirèrent<br />
devant eux ou offrirenl leur soumission, et enfin, l'armée par<br />
vint sous les murs de Sidjilmassa. Abou-Abd-Allah ayant envoyé<br />
à Eliça un message pour l'engager à éviter les chances d'un<br />
combat en rendant les prisonniers, le prince midraride, pour<br />
toute réponse, fit mettre à mort ceux qui composaient la dépu-<br />
lation.<br />
Après cette tentative infructueuse d'arrangement,<br />
aux mains non loin de la ville,<br />
de leur roi,<br />
on en vint<br />
car les Miknaça, sous la conduite<br />
s'étaient avancés à la rencontre des guerriers keta-<br />
miens. La victoire se déclara, dès les premiers engagements,<br />
pour les Chiâïtes : les troupes d'Ellça furent taillées en pièces/<br />
et ce prince dut prendre la fuite, suivi seulement de quelques<br />
serviteurs. Le lendemain de la bataille, les principaux habi<br />
tants de la ville vinrent au camp des assiégeants implorer leur<br />
clémence et leur offrir de les mener à la prison où était détenu<br />
le Mehdi (2).<br />
Abou-Abd-Allah se réserâp le soin de mettre lui-même en li<br />
berté les prisonniers. Il les revêtit ensuite d'habits somptueux,<br />
les fit monter sur des chevaux de parade et salua Obeïd-Allah du<br />
titre d'Imam. Puis il le conduisit au camp en marchant à pied<br />
devant lui, et pendant le chemin, il s'écriait en versant des<br />
larmes de. joie: Voici votre Iman! voici notre Seigneur!<br />
C'était, pour le Mehdi, le triomphe après les épreuves.<br />
Les troupes ketamiennes ne tardèrent pas à se saisir d'Eliça,<br />
qui fut mis à mort. Après un repos de quarante jours à Sidjil-<br />
(1) Ibn-Hammad confond ces deux personnages, en disant qu'il laissa le<br />
commandement à son frère Abarek-ben-Temmam.<br />
(2) 1,1 est probable que Sidjilmassa, de même que la Tafilatat moderne<br />
était une agglomération d'oasis.
25<br />
massa, l'armée reçut l'ordre du retour. En quittant la ville, le<br />
Mehdi y<br />
laissa comme gouverneur Je ketamien Ibrahim- ben-<br />
R'âleb. Lorsque, en revenant, on fui arrivé à Guedjal, le fidèle<br />
Abou-Abd-Allah remit à son maître les trésors qu'il avait amassés<br />
dans cette place. Ces richesses provenaient du bulin des précé<br />
dentes campagnes, et avaient été religieusement conservées pour<br />
que le Mehdi en opérât lui-même le partage.<br />
Dans le mois de décembre 909, Obeïd-Allah fit son entrée à<br />
Rokkada. Quelques jours après, il reçut dans une séance d'inau<br />
guration solennelle, le serment des habitants de Kairouan.<br />
En attendant qu'il eut bâti une ville pour lui servir de rési<br />
dence royale (I), Obeïd-Allah s'établit dans le palais de Rokkada.<br />
Son empire se composait de la plus grande parlie du Mag'reb<br />
central, de toute l'Ifrikïa et de la Sicile. Vingt années, à peine,<br />
avaient suffi pour arracher aux Ar'lebites cet immense territoire;<br />
mais, en raison même de la rapidité de cette conquête,<br />
la fidé<br />
lité des populations n'était rien moins que bien établie; en<br />
maints endroits l'autorité chiaïte n'était pas officiellement re<br />
connue. C'est pourquoi le Mehdi envoya dans toutes les pro<br />
vinces des agents kelamiens chargés de sommer les populations<br />
de faire acte d'adhésion au nouveau souverain. Grâce à ces me<br />
sures et à la sévérité déployée dans leur application,<br />
car tout<br />
opposant était mis à mort, l'ordre fut établi et le fonctionnement<br />
de l'administration assuré (2).<br />
Pour trancher complètement avec le régime tombé,<br />
les an<br />
ciennes places-fortes, sièges des commandants ar'lebites, furent<br />
rasées, et les préfets fatemides s'établirent dans d'autres localités<br />
élevées ainsi au rang de chefs-lieux. La tribu des Ketama qui avait<br />
assuré le succès d'Obeïd-Allah, fut comblée de faveurs. Elle<br />
fournit les premiers officiers du gouvernement et des généraux<br />
pour les postes importants de Sicile et de la Tripolitaine.<br />
(1) El-Mehdïa<br />
(2! Ainsi se trouva accomplie une prédiction annonçant pour la fin du<br />
III» siècb de l'Hégire la chute de la domination arabe dans l'ouest. « Le<br />
soleil se lèvê.ra à l'occident », tel était le texte ambigu de cette prédic<br />
tion répandue dans le Magreb et qu'on faisait remonter à Mahomet. (V.<br />
llaretle : Migrations, tic, p 386).
- Dans<br />
26<br />
le courant de l'année 910, le général kelamien Arouba-<br />
bert-Youçof qui n'avaii cessé d'opérer dans le Mag'reb contrai,<br />
renversa la dynastie des Rostemides,<br />
en s'emparant de leur capi<br />
tale, Tehert (1). Ce centre du kharedjisme Eibad'ire une fois<br />
détruit, Àrouba obtint promptement I» soumission des tribus<br />
schismatiques voisines, telles que les Lemaïa, Azdadja, Louata,<br />
Malmata (2). Puis, laissant un gouverneur kelamien à Tehert, il<br />
vint mettre le siège devant Oran, ville qui, depuis sept ans, était<br />
au pouvoir desOméïades d'Espagnî_. Il ne tarda pas à s'en rendre<br />
maîlre, et, après l'avoir abandonnée à la fureur du soldat, la li<br />
vra aux flammes. Ayant ainsi étendu l'autorité de son maître<br />
sur presque tout le Mag'reb eentral, Arouba entra en relation<br />
avec Messala-ben-Habbous,<br />
de la Moulouia;<br />
rouan.<br />
Cependant,<br />
chef de la grande Iribu des Miknaça<br />
puis il ramena ses troupes victorieuses à Kai<br />
un grave dissentiment s'était élevé à Rokkada<br />
entre Obeïd-Allah et son fidèle serviteur Abou-Abd-Allah. Ce<br />
dernier, sous l'influence de son frère Abou-lVAbbas, avail voulu<br />
s'appuyer sur les services rendus pour conserver une grande<br />
influence dans la direction des affaires. Mais le Mehdi n'enten<br />
dait nullement partager son autorité avec qui que ce fut. Abou-<br />
Abd-AIIah voyant donc ses avis repoussés, montra d'abord une<br />
grande froideur envers son maître. Puis, il se mil, avec plusieurs<br />
autres chefs, à conspirer co^re lui. Ces méconti-nis répandirent-<br />
le bruit que le Mehdi în'èrail pas l'instrument de la voloiîié<br />
divine, l'être surnaturel dont le caractère devait se révéler aux<br />
mortels par des miracles. Nous nous sommes trompés à son<br />
sujet,<br />
— —<br />
disaient-ils<br />
car il devrait avoir des signes pour<br />
« se faire reconnaître; le vrai Imam doit faire des miracles et<br />
imprimer son sceau dans la pierre comme d'autres le feraient<br />
27<br />
pour lui seul les trésors de Guedjal. La plupart des chefs ke-<br />
lamiens, qui érvfient toute confiance en Abou-Abd-Allah, prê<br />
tèrent l'oreille à ses discours et chargèrent leur grand cheikh de<br />
présenter leurs observations à Obeïd-Allah lui-même.<br />
Le danger était pressant pour le Mehdi;, puisque ses adhérents<br />
commençaient à s'apercevoir que celui qu'ils avaient soutenu<br />
comme un être surnaturel,<br />
n'était qu'un homme. Obeïd-Allah<br />
comprit que sa seule porte de salut était l'énergie, qui impose<br />
toujours aux masses, et, pour toute réponse, il fit mettre à mort<br />
le grand Cheikh des Ketama . Puis,<br />
comme la conspiration faisait<br />
des progrès, il -envoya les principaux chefs occuper -des comman<br />
dements éloignés, de sorte qu'ils se trouvèrent dispersés et sans<br />
force avant d'avoir eu le temps d'agir. Les plus compromisfurent<br />
tués au loin et sans bruit, par des émissaires dévoués.<br />
L'auteur de là Conspiration restait à punir : le Mehdi n'hésita<br />
pas à sacrifier à sa sécurité l'homme auquel il devait le pouvoir.<br />
Dans le mois de janvier 911, Abou-Abd-Allah se promenait avec<br />
son frère Abou-1-Abbas dans les jardins du palais, lorsque, deux<br />
autres frères, Arouba el Hobacha (1) ben-Youçof,<br />
coup des massifs,<br />
sortant tout-à-<br />
se précipitèrent sur eux. Abou-l'-Abbas fut<br />
frappé le premier. En vain Abou-Abd-Allah essaya d'imposer son<br />
autorité aux deux chefs qui avaient été autrefois ses lieutenants.<br />
Celui à qui tu nous a ordonné d'obéir nous commande de<br />
luer (2) », répondirent-ils, et Abou-Abd-Allah lomba, percé de<br />
coups, sur le cadavre de son frère.<br />
Obeïd-Allah. fit enterrer avec honneur les deux frères : Il pré<br />
sida lui-même au lavage de leurs corps; puis, après la récitation<br />
des prières des morts, il dit à haute voix, en s'adressant au cada<br />
vre d'Abou-Abd-Allah : Que Dieu te pardonne et qu'il te récom<br />
pense dans l'autre vie,<br />
grand zèle ! —<br />
i Quanl à toi,<br />
Se<br />
car tu as travaillé pour moi avec un<br />
tournant ensuite vers Abou-1-Abbas ,<br />
— — dit il, qu'il ne t'accorde aucune pitié, car tu<br />
es cause des égarements de ton frère : c'est toi qui l'as conduit<br />
(!) Ibn-Hammad écrit ce nom Hôçaba ce qui est peut-être la bonne<br />
leçon.<br />
(2) Ibn-Khaldoun, t. II, p. 522.
28<br />
aux abreuvoirs du trépas ! Les deux victimes furent enterrées<br />
au lieu même où elles étaient tombées sous le prflg^hard des assas<br />
sins (1).<br />
Des troubles partiels, chez les Ketama, suivirent ces exécutions ;<br />
mais ils furent promptement réprimés par le supplice de ceux<br />
qui en étaient les promoteurs. Grâce à ces mesures énergiques,<br />
léTîouvoir d'Obeïd-Allah,<br />
loin de ressentir aucune atteinte, se<br />
renforça de tout l'effet produit par l'échec de ceux qui avaient<br />
voulu le renverser.<br />
Tels furent les commencements de la dynastie obeïdite, qui,<br />
après avoir régné sur toute l'Jfrikïa, devait,<br />
bères du Mag'reb,<br />
pire des Fatémides d'Orient.<br />
(1) Ibn-Hammad.<br />
avec l'appui des Ber<br />
conquérir l'Egypte et la Syrie et fonder l'em<br />
/■?-<br />
E. Mercier.<br />
Inpe0r§tç judiciaire.<br />
.<br />
-
di^W»^y-I:/_^_ _.<br />
7^/<br />
:<br />
■~"-€?~?-__*_fyz'£*/<br />
LA CONFRERIE DES KHOUAN<br />
de -ol.r-.fv [y^ ay4^y<br />
K
ÉTUDE<br />
SUR<br />
LA CONFRÉRIE DES KHOUAN<br />
DE<br />
SIDI ABD EL-KADER EL-DJILANI<br />
A PROPOS D'UN CATÉCHISME A L'USAGE DE LADITE SECTE<br />
L'influence des religions sur les destinées des peuples<br />
a toujours été considérable. Les grandes guerres, les per<br />
sécutions, les conquêtes, les invasions, les émigrations,<br />
toutes ces causes de modifications ethnographiques ont<br />
eu, le plus souvent, pour point de départ ou, au moins,<br />
pour prétexte, l'idée religieuse. Il n'entre pas dans noire<br />
cadre de faire la balance du mal et du bien produits ;<br />
nous constatons seulement un fait,<br />
n'est, peut-être, aucune religion,<br />
fluence sur ses sectateurs,<br />
et nous ajoutons qu'il<br />
ayant eu autant d'in<br />
que le mahomélisme. Etudier<br />
la pratique de cette religion, c'est donc étudier le peuple<br />
du nord de l'Afrique.<br />
Bien peu de temps après l'établissement de l'islamisme<br />
et la mort de Mahomet, de grandes querelles divisèrent
les musulmans,<br />
— — 6<br />
pour la succession au khalifat, trône du<br />
chef spirituel et temporel des vrais croyants. Ali, fils<br />
d'Abou T'aleb, cousin du prophète et son unique gendre,<br />
puisque Mahomet, sur le grand nombre de ses épouses,<br />
d'obtenir la<br />
n'obtint qu'une fille, essaya, par la force,<br />
reconnaissance de ce qu'il appelait ses droils à l'ima<br />
mat ; mais, il rencontra une résistance des plus tenaces<br />
de la part des habitants de la Mecque,<br />
la famille des Oméïades. Vaincu,<br />
ayant à leur tête<br />
après plusieurs batailles<br />
sanglantes, Ali ne put empêcher l'Oméïade Moaouïa de<br />
prendre la succession de Mohammed.<br />
Renonçant alors à la guerre ouverte,<br />
organisèrent la résistance occulte,<br />
les partisans d'Ali<br />
et fondèrent la pre<br />
mière société secrète religieuse musulmane. Cet exemple<br />
devait être largement imité,<br />
puisqu'on compte mainte<br />
nant, en Orient, jusqu'à trente-deux sectes. Les partisans<br />
d'Ali prétendaient que le khalife ne pouvait être pris que<br />
dans la descendance de Mahomet par sa fille Fatima ;<br />
presque en même temps, une autre secte,<br />
se fondant sur<br />
ce que le chef de la religion devait êlre pris dans la to-<br />
talilé des fidèles, se forma, et,<br />
djisme (schisme),<br />
sous le nom de khare-<br />
acquit bientôt une grande puissance.<br />
Comment l'islam^me, ayant à lutter, dès son début,<br />
contre cetle triple cause de dissolution,<br />
ne sombra-t-il<br />
pas, à la suite des batailles acharnées, entre musulmans,<br />
qui en furent la conséquence ?<br />
C'est là un de ces problèmes historiques, pour lesquels<br />
la raison humaine chercherait en vain une solution plau<br />
sible.<br />
Le nord de l'Afrique, très peu de temps après avoir été<br />
conquis et converti par les armées arabes, se jeta, avec
_ 7<br />
—<br />
une sorte de rage, dans toutes les hérésies qui signalè<br />
rent les premiers siècles de l'islamisme. Les Berbères y<br />
trouvaient un prétexte toujours renaissant de secouer le<br />
joug<br />
de leurs maîtres. Il fallut deux siècles de luttes pour<br />
éteindre, dans le sang, le kharedjisme en Afrique. C'est<br />
assurément à ces guerres, qui arrêtèrent le courant de<br />
l'émigration berbère sur l'Espagne,<br />
que la chrétienté dut<br />
son salut. Le khalifat d'Orient usa ses forces et perdit son<br />
prestige dans ces combats,<br />
où les indigènes de l'Afrique<br />
apprirent à lutter avec les Arabes et aies vaincre. Aussi,<br />
à peine les kharedjites étaient-ils à peu près domptés,<br />
qu'ils furent remplacés par les chiâïtes (sectaires), par<br />
tisans de la famille d'Ali.<br />
Ce schisme, que nous avons vu se fonder sous la forme<br />
de première société secrèle,<br />
Orient, malgré les efforts des Abbacides,<br />
Oméïades,<br />
avait continué à s'étendre en<br />
successeurs des<br />
et malgré la défaite des petit-fils d'Ali. Divisé<br />
en cinq sectes principales, il avait des pontifes établis<br />
dans différentes villes saintes, et, de là,<br />
envoyait des mis<br />
sionnaires (daï), jusque dans l'Inde, au Levant, et dans<br />
au Couchant.<br />
l'extrême Mog'hreb (Maroc actuel),<br />
Le chef d'une de ces sectes, celle des Ismaïliens, nommé<br />
Obeid Allah, dit le mehdi, n'eut qu'à paraître en Afrique,<br />
pour renverser ce qu'il y restait de l'autorité arabe. Les<br />
sectes chiâïtes se répandirent alors chez les indigènes du<br />
nord de l'Afrique, et y<br />
religieuses qui y existent maintenant.<br />
furent le principe des confréries<br />
Le rôle de ces sociétés secrètes, dont les membres sont<br />
désignés, de nos jours, sous le nom de khouan (frères),<br />
est encore très important. Ce sont elles, en grande partie,<br />
aveu-<br />
qui entretiennent, parmi les indigènes, ce fanatisme
— — 8<br />
gle qui conduit le peuple arabe à sa perte. Certains admi<br />
nistrateurs ont essayé d'employer en notre faveur l'in<br />
fluence de ces secles; mais il y<br />
aurait folie à compter sur<br />
de tels auxiliaires, qui sont, bien plutôt, nos ennemis<br />
nés. De bons esprits y voient, au contraire, un des plus<br />
grands obstacles à notre domination dans le pays.<br />
L'étude de ces confréries religieuses a déjà attiré<br />
l'attention d'écrivains de talent,<br />
parmi lesquels nous cite<br />
rons M. Brosselard, auquel l'Algérie scientifique doit tant,<br />
et M. de Neveu. On peut se reporter aux ouvrages de ces<br />
auteurs,<br />
autorité.<br />
qui ont traité la question avec la plus grande<br />
Nous offrons aujourd'hui au lecteur le résumé d'un<br />
curieux manuscrit, sorte de catéchisme el de formulaire,<br />
à l'usage des khouan de Sidi Abd el-Kader el-Djilani, une<br />
des neuf ou dix sectes répandues en Algérie. Ce factum<br />
est écrit sur une longue bande,<br />
composée de feuilles de<br />
papier larges de quatorze centimètres environ, sur qua<br />
rante de long, et collées les unes aux autres par une bande<br />
de papier appliquée en-dessous, à la jonction de chaque<br />
feuille. Le tout forme un rouleau qui mesure quatre mè<br />
tres quarante-huit centimètres de longueur,<br />
centimètres, largeur"e chaque feuille.<br />
sur quatorze<br />
Avant de donner un aperçu de ce document, quelques<br />
détails ne seront peut-être pas superflus.<br />
La secte de Sidi Abd el-Kader el-Djilani est une des plus<br />
anciennes et des plus répandues, tant en Orient qu'en<br />
Afrique. Elle doit son nom à Sidi Abd el-Kader, natif de<br />
Djilan, ou Gaïlan, en Perse, célèbre marabout, mort vers<br />
561 (1165-6 de J. -C.) à Bagdad. C'est dans celte ville<br />
qu'est le siège de la secte, laquelle fait remonter son
- 9<br />
—<br />
origine à Ali, el dérive du soufisme,<br />
comme la plupart<br />
des autres. En Algérie, Sidi Abd el-Kader est le patron<br />
des pauvres et des affligés, qui sollicitent sans cesse la<br />
charité en son nom.<br />
Le supérieur (khalifa) de la secte, habite Bagdad. C'est<br />
de là qu'il envoie son mot d'ordre, dans tout le monde<br />
musulman,<br />
à ses mokaddem ou cheikh (représentants).<br />
Ces lieutenants sont revêtus de l'autorité spirituelle dans<br />
laur ressort ; ils ont un cachet, et possèdent le droit de<br />
nommer sous leurs ordres des nekib ou naïb (vicaires).<br />
lyse,<br />
A la suite de la pièce dont nous allons donner l'ana<br />
nous verrons un diplôme conféré par le mokaddem.<br />
Les khouan se réunissent en assemblée présidée par<br />
le cheikh, qui confère Youerd (certificat d'admission) au<br />
néophyte,<br />
après différentes scènes mystiques et un inter<br />
rogatoire dont notre manuscrit nous donne le formulaire.<br />
Le néophyte reçoit ensuite la ceinture (chedd) symboli<br />
que, image de l'union de la confrérie et de sa fermeté ;<br />
puis un festin commémoratif termine la séance.<br />
Les principales règles de la secte sont : l'obéissance<br />
absolue aux chefs de l'ordre, le renoncement au monde,<br />
la retraite, la veille, l'oraison conlinue et l'obligation<br />
d'assister aux réunions périodiques. Ces règles sont énon<br />
cées de la manière suivante, dans le catéchisme qui suit:<br />
« rejeter les mauvaises paroles ; prononcer sans cesse le<br />
nom de Dieu ; mépriser les biens de la terre ; repousser<br />
les amours humaines,<br />
et craindre le Dieu très-haut. »<br />
Des noms allégoriques servent à désigner chaque chose;<br />
ainsi, la secte s'appelle : t'rik'a ('ij_j J-)'), c'est-à-dire,<br />
la voie droite ou la règle. Les frères ( .i„3_l), s'intitu<br />
lent :
— — 10<br />
As'h'âb el-feloua (__„.a)tv A-sr**!), c'est-à-dire com<br />
pagnons de la décision (1);<br />
As'h'âb<br />
el-beçat'<br />
(_5L.__JK jLs^I), compagnons<br />
du tapis ou de la natte ;<br />
As'h'âb ech-chedd ou el-ied (_ujL_\.,£j^ ,<br />
compagnons de la ceinture (fermeté),<br />
^Lsr'^l).,<br />
et de la main (puis<br />
sance) ;<br />
Ahel el-t'rik'a (Sjy Jaîl ysA), gens ('e 'a voie ;<br />
Aoulâd el-menn ( ViS^iJi), enfants de la douceur.<br />
Bien d'autres noms désignent encore les frères. Les<br />
affiliés à la confrérie se reconnaissent à des signes et à<br />
des mois de convention.<br />
Notre manuscrit commence par un long récit, fort<br />
embrouillé,<br />
ayant pour but d'expliquer les mystères reli<br />
gieux sur lesquels s'appuie la secte, et d'en donner l'ori<br />
gine. Nous ne reproduirons de ce long<br />
texte que ce qui<br />
pourra servir à l'intelligence du questionnaire suivant,<br />
qui est la partie la plus intéressante du manuscrit. L'écri<br />
ture est peu élégante,<br />
mais assez lisible. Malheureuse<br />
ment, le copiste, soit négligence, soit ignorance,<br />
mis de nombreuses fautes, répétitions,<br />
positions,<br />
passages,<br />
a com<br />
erreurs ou trans<br />
qui renden"indécise l'intelligence de certains<br />
puisqu'on manque de poinl de comparaison.<br />
Aussi est-ce avec la plus grande raison, que l'écrivain,<br />
dans un moment d'humilité s'écrie :<br />
.L__iùMj ioljjJI y iSJu.J<br />
(t) Le mot fetoua nom d'action de la quatrième<br />
„y?)> ( forme du<br />
verbe fêta, signifie : la décision, la marche à suivre, donnée par un doc<br />
teur,<br />
le sens d'oraison.<br />
en réponse à une consultation. Les khouan semblent l'employer dans
— — 11<br />
(Je prie Dieu de m'éviler les répétitions et les oublis).<br />
Nous avons divisé ce que nous appellerons l'exposi<br />
tion en trois parties :<br />
La première, contient le récit de la fondation du tem<br />
ple de la Mecque,<br />
par Dieu aux enfants d'Adam ;<br />
et les détails du pacte d'alliance accordé<br />
La deuxième, l'abrégé des faits relatifs à la nuit de<br />
l'ascension (mâradj),<br />
pendant laquelle Mohammed est allé<br />
de la Mecque à Jérusalem, et de là au Irône de Dieu ;<br />
La troisième, le récit du retour du pèlerinage d'adieu,<br />
et des cérémonies dans lesquelles le prophète est censé<br />
avoir transmis sa succession à son gendre Ali.<br />
C'est sur ces faits principaux que sont basées les règles<br />
des khouan, de Sidi Abd el-Kader el-Djilani.<br />
Vient ensuite le catéchisme proprement dit,<br />
suivi de<br />
la généalogie de Sidi Abd el-Kader, et enfin un diplôme<br />
de mokaddem, conféré au frère El-Hadj<br />
hammed ben bel-Kheïr.<br />
RÉSUMÉ PRÉLIMINAIRE<br />
Au nom du Dieu clément et miséricordieux !<br />
Ahmed ben Mo<br />
Que Dieu répande ses grâces sur N. S. Mohammed, sur<br />
sa famille et sur ses compagnons !<br />
(Empreinte effacée d'un cachet mesurant 22 millimètres<br />
de diamètre).<br />
O vous qui aurez recherché cette décision (feloua), et<br />
cette règle de conduile (t'rik'a), puisse Dieu vous diriger
— — 12<br />
pour le bien dans les deux maisons : celle de cette vie,<br />
et celle de l'autre vie !<br />
Les auteurs primitifs de celte feloua, les maîtres de la<br />
règle de conduite sont au nombre de quatre. Ce sont les<br />
quatre docteurs des œuvres : le premier est Adam; le se<br />
cond, Noé ; le troisième, Abraham,<br />
el le quatrième Mo<br />
hammed (1). Adressons à Dieu quatre tekbirat (2) pour<br />
chacun d'eux.<br />
Adam se trouvait dans le paradis,<br />
ceurs et ayant Eve à ses côtés. Or, Salan, —<br />
maudit ! —<br />
I<br />
environné de dou<br />
qu'il soit<br />
vint vers eux ; il les détourna de manger les<br />
friandises du paradis,<br />
et les incita à manger du fruit dé<br />
fendu. Et ils en mangèrent, et aussitôt le diadème (tadj),<br />
s'envola de la tête d'Adam,<br />
d'Eve disparut.<br />
et le vêtement de chasieté<br />
Ils cherchèrent alors parmi les arbres du paradis, afin<br />
de trouver de grandes feuilles pour couvrir leur nudité ;<br />
mais ils arrivèrent jusqu'au figuier,<br />
sans qu'aucun arbre<br />
leur eut donné de se&feuilles. Alors le figuier leur donna<br />
huit feuilles : trois plur Adam et cinq pour Eve.<br />
Dieu cria alors à cet arbre : t Pourquoi, ô figuier,<br />
lorsque tous les arbres du paradis ont refusé leurs<br />
feuilles, donnes-lu les tiennes sans mon ordre ? »<br />
Le figuier répondit en invoquant la bonté de Dieu.<br />
(t) Nous supprimons la formule : qu» Dieu répande sur lui ses grâces<br />
etc., qui accompagne toujours la mention du prophète.<br />
(2) La tekbira consiste à prononcer celte invocation: Allabou Akbar<br />
(Dieu est très grand 1 ).
— — 13<br />
La vérité (Dieu) lui cria alors, disant : « Réjouis-toi,<br />
ô arbre, car je l'élève en noblesse au-dessus des arbres<br />
du paradis.... »<br />
Après leur faute, Adam et Eve furent chassés du pa<br />
radis, et Dieu leur dit,<br />
paradis et soyez ennemis ! »<br />
Aussitôt,<br />
rèrent.<br />
en les renvoyant: « Descendez du<br />
Adam el Eve devinrent ennemis et se sépa<br />
Adam alla dans l'Inde,<br />
tagne de Derbh'an.<br />
et Eve se réfugia dans la mon<br />
Cependant, après 350 ans, Dieu eut pitié d'Adam, et<br />
lui enseigna une parole de repentir. Adam la prononça,<br />
puis il dit : «O! Seigneur, pourquoi m'as-lu chassé du pa<br />
radis ? »<br />
Dieu lui répondit : « Parce que tu m'as irrité. »<br />
Adam reprit : « O! Seigneur, je me repens, accueille<br />
mon repentir ! -><br />
Mais Dieu lui dit : « 0! Adam,<br />
sept cents ans avant de<br />
l'avoir créé, j'avais résolu que je te chasserais du paradis.<br />
— « O! Seigneur, répéta Adam, daigne accepter mon<br />
repentir. »<br />
La vérité (Dieu) lui dit alors : « J'ai sur terre une<br />
demeure (1); va vers elle, fais-en le tour,<br />
et adore-moi<br />
en ce lieu ; alors, j'accueillerai ton repentir el j'exauce<br />
rai tes vœux, car je suis le miséricordieux des miséricor<br />
dieux; alors,<br />
œuvres. »<br />
j'effacerai tes péchés et j'écrirai les bonnes<br />
Aussitôt, Adam partit de l'Inde,<br />
précédé d'un ange en<br />
voyé par Dieu, lequel lui indiqua la route et le conduisit<br />
auprès d'Eve.<br />
(1) Le temple de la Mecque.
- 14<br />
—<br />
Mais Eve, à sa vue, s'enfuit jusqu'à la monlagnc d'A<br />
rafat. Adam l'y ayant rejoint, lui dit: « O! Eve, je suis<br />
Adam! » Mais elle lui répondit: « Non, lu n'es pas<br />
Adam ! » En effet, la figure d'Adam était complètement<br />
changée; ses cheveux avaient poussé,<br />
les yeux.<br />
el lui couvraient<br />
Elle refusa donc de le reconnaître. Mais Adam s'étant<br />
prosterné, s'écria: « 0! mon Dieu, si (u acceptes mon<br />
repentir, fais que la reconnaissance s'opère entre moi et<br />
Eve, ta servante. »<br />
Aussitôt, l'ange Gabriel descendit des cieux, apportant<br />
la pierre, le rasoir et le bassin ; puis il rasa la tête d'A<br />
dam, lui coupa la barbe el la nelloya. 11 lui enseigna<br />
ensuite celte invocation : « O ! mon Dieu, il n'y a d'au<br />
tre Dieu que loi ; sois-tu exalté ! —<br />
vers; pardonne-moi,<br />
Mon<br />
cœur a élé per<br />
toi qui es le refuge miséricordieux!»<br />
En même temps, Eve reconnut Adam,<br />
rejoignit dans les montagnes d'Arafat.<br />
et celui-ci la<br />
Alors descendirent du ciel vers lui, Gabriel, Michel et<br />
Asrafil, accompagnés de soixante-dix mille anges;<br />
et ils<br />
lui annoncèrent que son repentir et son pèlerinage étaient<br />
acceptés.<br />
^<br />
C'est à partir de cr moment que les montagnes où se<br />
passèrent ces faits reçurent le nom d'Arafat (1).<br />
Alors les anges emmenèrent Adam à une station prés<br />
de la Mecque, —<br />
que Dieu l'ennoblisse! — nommée<br />
Ouad Nâman. Eve séjourna à la Mecque.<br />
Le diadème fut replacé sur la tête d'Adam,<br />
puis on le<br />
(1) Ce nom, en arabe, signifie connaissance. La montagne qui le porte<br />
est siluôe à quelques lieues de la Mecque ; on y passe la journée du 9 de<br />
Dhou l'Heddja.
— 15<br />
—<br />
revêtit d'un riche manteau, qui fut, pour cela, appelé<br />
manteau de la décision ((cloua).<br />
Dieu s'adressa alors à Adam, et lui dit: «0! Adam, je<br />
veux recevoir l'engagement de fidélité et d'alliance de<br />
toi et de ta postérité, afin que vous m'obéissiez et que<br />
vous ne transgressiez pas mes ordres.<br />
Adam répondit : « 0! mon Seigneur, tu demandes mon<br />
alliance et celle de ma postérité ; mais où est ma posté<br />
rité ?<br />
— « Dans ton dos ! » lui dit Dieu; puis, de sa main<br />
puissante, il frotta le dos d'Adam et en retira une petite<br />
boule dont il forma sa postérité. Il reçut ensuite d'eux<br />
l'engagement de fidélité et d'alliance et leur dit : « Ne<br />
suis-je point/votre Seigneur?<br />
— « Si! » répondirent-ils.<br />
C'est à/cela que se rapporte cette parole divine (du<br />
Coran):* Je contracterai alliance avec vous,<br />
dorezpas le démon,<br />
tels/mais si vous m'adorez,<br />
droite. »<br />
si vous n'a-<br />
car c'est pour vous un ennemi mor<br />
vous serez dans la voie<br />
Gabriel écrivit cet événement; Michel, Asrafil, Mah'laïl<br />
et un grand nombre d'anges,<br />
l'engagement d'Adam et de sa postérité.<br />
portèrent témoignage sur<br />
Dieu ordonna alors à la pierre noire (1) de s'ouvrir, et<br />
lorsqu'elle se fut ouverte, il y plaça l'écrit,<br />
et referma la<br />
pierre. Cet écrit restera dans la pierre jusqu'au jour de<br />
la résurreclion.<br />
Et le jour de la résurrection, on retirera cet écrit, et<br />
on le lira à la postérité d'Adam ; or, quiconque aura ac-<br />
(1) La pierre noire est conservée à la mosquée de la Mecque; les pè<br />
lerins doivent la loucher.
— — 16<br />
compli l'engagement contracté sera parmi les heureux ;<br />
et quiconque ne l'aura pas accompli sera parmi, les gens<br />
de l'enfer.<br />
Et la pierre portera témoignage pour quiconque aura<br />
fait le pèlerinage et l'aura touchée.<br />
Ensuite, Gabriel, par l'ordre de Dieu,<br />
ceinture de coton mélangée de laine,<br />
présenta une<br />
et dit : « O! Adam,<br />
ceci s'appelle la ceinture de l'accomplissement; ceins-là<br />
à les reins, en disant : accomplissez l'engagement ! ne<br />
suivez pas la voie du démon,<br />
votre ennemi ! ne vous at<br />
tachez pas à la terre et à ce qu'elle contient! désirez<br />
ce qui est entre les mains de Dieu ! suivez les<br />
commandement du Dieu très-haut ! »<br />
Adam répondit : « J'accepte ! »<br />
Gabriel apporta alors à Adam le lapis du khalifat, el<br />
le fit asseoir dessus ;<br />
puis il alla chercher au paradis du<br />
lait et du miel, les mélangea ensemble et en lit une<br />
friandise qu'il mit sur un plateau et déposa sur la pierre<br />
noire.<br />
Adam se mit à manger de ce mets, bouchée par bou<br />
chée, et en laissa un peu pour Eve;<br />
rivée,<br />
et celle-ci étant ar<br />
mangea de la friandise et remercia Adam.<br />
Ensuite, Adam retourna vers le pays de l'Inde,<br />
el de<br />
puis, chaque année, il accomplit le pèlerinage. Telle est<br />
l'origine de cetle sainte coutume.<br />
Plus tard, Adam s'étant fâché avec son fils Chit (Seth?),<br />
Dieu lui ordonna de remettre la fetoua à son fils Nouch<br />
(Enoch 1). Elle se transmit ensuite de l'un à l'autre et<br />
arriva à Noé, lequel vécut mille et cinquante ans, prê<br />
chant la foi aux gens de sa famille, dont le nombre élait<br />
de quarante hommes et quarante femmes.
— - 17<br />
Noé remit ensuite la fetoua à son fils Sern,<br />
et elle se<br />
transmit de l'un à l'autre, jusqu'à ce qu'elle arriva à<br />
Abraham, l'ami de Dieu (1). Et lorsque Dieu lui donna<br />
ordre de bâlir la Kâba, Gabriel, accompagné des autres<br />
anges,<br />
radis,<br />
apporta un plateau chargé des friandises du pa<br />
elle déposa à la place que devait occuper la Kàba.<br />
Gabriel dit alors à Abraham : « Ton Seigneur l'envoie<br />
le salut et te fait dire d'employer ton fils Ismaël à re<br />
construire la maison sacrée de Dieu, à la place où elle<br />
doit s'élever. î<br />
Abraham fit ce que Gabriel lui avait ordonné, el alla<br />
chercher une pioche ; mais une vieille femme vint alors<br />
vers lui et lui dit: « Le salut soit sur toi, ô Abraham!<br />
— » Sur toi soit le salut, répondit-il.<br />
— » Que veux-lu faire ici? Abraham, reprit-elle.<br />
— d Dieu,<br />
— qu'il soit loué et exalté,<br />
—<br />
désire que je lui élève une maison en ce lieu.<br />
répondil-il,<br />
— » Cependant, reprit-elle, Dieu ne peut léser les<br />
hommes pour la valeur du poids d'un atome, et j'ai un<br />
droit réel sur ce terrain.<br />
— » Veux-lu donc, dit Abraham,<br />
du Dieu très-haut ?<br />
résister aux volontés<br />
— » 0 ! Abraham, répondit la vieille, Dieu ne peut vou<br />
loir celte construction sur lerre. »<br />
Alors Gabriel descendit du ciel et dit : « 0! Abraham,<br />
donne-lui ce qu'elle demandera. »<br />
La vieille élant revenue,<br />
Abraham lui dit : « Je le de<br />
mande celte parcelle de terrain et t'offre en échange,<br />
des chameaux, des moutons, des vaches el tout ce que<br />
lu voudras! »<br />
(t) Surnom d'Abraham (El-Khelil).
— — 18<br />
Mais la vieille continua de refuser, jusqu'à ce qu'A<br />
braham lui dit: « Mais, vieille femme,<br />
que veux-tu donc?<br />
— » Abraham, répondit-elle, il faut donc absolument<br />
que lu me prennes ce terrain pour y bâtir la maison sa<br />
crée de Dieu?<br />
— » Oui,<br />
» dit-il.<br />
— » Eh bien! reprit-elle, je le le donne;<br />
mais c'est à<br />
la condition que, lorsque tu en auras pris possession et<br />
que la maison de Dieu sera achevée, tu me remettras<br />
les clefs de la maison,<br />
en compensation de ma parcelle.<br />
Celle clef sera pour moi et pour ma postérité, jusqu'au<br />
jour de la résurrection. En t'imposant cette condition, je<br />
m'appuie sur celle parole divine: « Dieu vous ordonne<br />
» de remettre le dépôt à son maître. »<br />
Gabriel étant alors descendu du ciel, dit à Abraham :<br />
t Le salut soit sur loi ; Ion Dieu t'envoie le salut, et te<br />
fait dire d'accorder à la vieille tout ce qu'elle désirera. »<br />
C'est pourquoi Abraham accéda à sa demande,<br />
jura d'exécuter la promesse qu'il lui faisait.<br />
et lui<br />
Mais la vieille ne se contenta pas de ce serment : « Si<br />
lu es sincère dans tes paroles, dit-elle, contracte avec<br />
moi un engagement au nom de Dieu! »<br />
Abraham refusa ^e s'engager de la sorte, se souvenant<br />
de ce qui lui était arrivé, par suite de la promesse faile<br />
au nom de Dieu, à Sara,<br />
au sujet de l'émigration d'Ismaël.<br />
La vieille lui dit alors: « Si tu ne contractes pas avec<br />
moi cet engagement, tu ne bâtiras pas sur mon terrain. »<br />
Aussitôt, Gabriel descendit du ciel el dit à Abraham:<br />
« Dieu l'ordonne de t'engager pour cela, en son nom,<br />
envers elle, »<br />
Abraham, se conformant à ces paroles, s'engagea are-
— — 19<br />
mettre les clefs à la vieille et celle-ci lui permit de cons<br />
truire.<br />
Or,<br />
sachez que la Kâba a élé construite en sept fois.<br />
Elle a été édifiée premièrement par les anges; secon<br />
dement par Adam; troisièmement par Abraham; qua<br />
trièmement par Djorhem (?); cinquièmement par Koreïch;<br />
sixièmement par Abd-Allah ibn-Zobeïr ; et septièmement<br />
par Haddjadj, —<br />
ses désirs!<br />
que Dieu le fasse atteindre au but de<br />
On demanda un jour à l'envoyé de Dieu (Mohammed)<br />
quel était le péché le plus laid que pussent commettre<br />
les gens destinés au feu.<br />
— a C'est, répondit-il, de manquer à l'engagement<br />
pris envers Dieu et de rompre son alliance. « O ! mes<br />
compagnons, ajouta-t-il, selon ce que rapporte Abou-<br />
Dhorra, —<br />
ayez le plus grand respect pour le pacle, car<br />
c'est l'engagement contracté envers le Dieu magnifique.<br />
Les infidèles eux-mêmes respectent leur engagement.<br />
Aussi Dieu a-t-il rendu le pacte sacré dans ce monde et<br />
dans l'autre. »<br />
L'Envoyé de Dieu a encore dit : s Gabriel est venu vers<br />
moi et m'a dit : « Ton Seigneur t'envoie le salut, et l'offre<br />
ses bénédictions et ses grâces; il me charge, en outre,<br />
de te révéler cetle parole : la pire des fautes, le jour do<br />
la résurrection, sera d'avoir rompu le pacte d'alliance;—<br />
et cette autre parole: ceux qui,<br />
après avoir reçu l'al<br />
liance de Dieu, rompront l'engagement contracté envers<br />
lui;<br />
ceux qui refuseront d'exécuter ce que Dieu a or<br />
donné et commettront le péché,<br />
dants (ou les égarés). »<br />
ceux-là seront les per<br />
L'Envoyé de Dieu a dit, en outre : « Ceux qui rompront
— — 20<br />
l'engagement et le pacte d'alliance,<br />
perdront la vie de ce<br />
monde et l'autre vie, el n'obtiendront pas mon interces<br />
sion le jour de la résurrection. »<br />
— » O ! Envoyé de Dieu, lui dit Abou-Dhorra,<br />
vole et si l'on commet l'iniquité,<br />
si l'on<br />
mais qu'on ne rompe<br />
pas l'alliance, entrera-t-on néanmoins au paradis ? »<br />
Le Prophète lui répondit : « Certes, Dieu pardonnera<br />
tous les péchés sauf celui de rompre l'alliance el l'enga"<br />
gement qu elle entraîne,<br />
cl celui de donner à Dieu un<br />
associé. La terre est aux hommes, prenez donc garde, ô<br />
vous qui rompez l'alliance et le pacte,<br />
si vous donniez un associé à Dieu ! »<br />
car c'est comme<br />
Or, celui qui, le premier, a reçu le pacte d'alliance,<br />
est Gabriel, lequel l'a transmis à Adam. D'Adam il est<br />
passé à Seth, de Selh à Enoch, d'Enoch à Noé, de Noé à<br />
Abraham, d'Abraham à notre Seigneur Mohammed, de<br />
noire Seigneur Mohammed à i'Imam Ali, de l'Imam Ali<br />
à Sliman-el-Farsi , et de Sliman à tous ceux qui se sont<br />
transmis après lui l'alliance et l'initiation.<br />
II<br />
Ce qui suit est rapporté dans la Sonna du Seigneur<br />
des Envoyés : La nuit du mâradj (1), Dieu dit à Gabriel :<br />
« Va au paradis; prends -y un coffre el relires- on la<br />
foudre el les éclairs;<br />
med,<br />
ensuite tu te rendras vers Moham<br />
et lu l'inviteras à venir auprès de moi. » Il ajouta :<br />
« Emmène avec toi un certain nombre d'anges, j><br />
(I) Nuit de l'ascension , dans laquelle les mûsulmaus rapportent que<br />
Mohammed a voyagé à travers les airs, depuis la Mecque jusqu'à Jérusa<br />
lem,<br />
et de là au trône de Dieu.
21<br />
Voici donc que Gabriel vint vers Mohammed et lui dit :<br />
« Le salut soit sur toi, ô Mohammed! Ton Dieu l'envoie<br />
le salut,<br />
et t'invite à te rendre auprès de lui. »<br />
En entendanl ces paroles, le prophète récita deux<br />
rikâ (1)<br />
et célébra les louanges du Dieu très-haut.<br />
Lorsqu'il eut fini ses prières, Gabriel le coiffa du dia<br />
dème, le revêtit de la tunique et lui ceignit les reins de<br />
la ceinture; puis, il le fit monter sur la foudre, et, après<br />
avoir volé avec lui un certain temps à travers les airs,<br />
il lui dit : « Descends,<br />
éloigné (2). »<br />
et prie deux rikâ dans le temple<br />
Le prophète descendit alors et, ayant regardé autour<br />
de lui, à droite et à gauche,<br />
il aperçut les anges. Il leur<br />
adressa le salut, et ils le lui rendirent; puis il dit:
—<br />
— 22<br />
tenu dans une de ces trois coupes, et laisse les deux au<br />
tres. »<br />
Or, Mohammed prit la coupe du lait et en but la moitié.<br />
— « Sois en paix ! ô Mohammed, dit Gabriel, car, si<br />
tu avais bu le miel, ton peuple aurait pris davantage le<br />
goût du vin, et si lu avais bu le vin, ton peuple aurait,<br />
bien plus encore, mangé el bu ce qui est défendu. Mais<br />
puisque tu as bu le lait, Dieu fera entrer tout ton peuple<br />
au paradis, par ton intercession. »<br />
III<br />
Le prophète entreprit le pèlerinage d'adieu dans le mois<br />
de dhou l'heddja. Il sortit alors de Médine, la noble, et<br />
se rendit à la Mecque. Le pèlerinage achevé, il reprit le<br />
chemin de sa noble ville,<br />
et tandis qu'il était à la moitié<br />
de la roule, Gabriel descendit du ciel devant lui,<br />
révéla ce verset : « 01 envoyés,<br />
et lui<br />
proclamez ce qui vous a<br />
élé révélé de la part de Dieu ; car si vous ne proclamez<br />
pas ce que vous avez reçu comme message, Dieu éloignera<br />
de vous les gens. »<br />
Le prophète ordonna alors qu'on lui élevât une chaire<br />
avec les bâts des chameaux, et, lorsqu'on les eûl entassés<br />
de manière à faire une chaire, il y monta et prononça<br />
une khotba (allocution) éloquente. Il dit ensuile,<br />
en s'a<br />
dressant à ses auditeurs : « 0! gens, qui vous a dolés<br />
d'une âme dont vous êtes les maîtres ?» —<br />
prophète,<br />
» répondit-on.<br />
« Dieu et son<br />
L'envoyé de Dieu ajouta : « Ali et moi, nous sommes<br />
une même lumière; Ali est à moi, comme je suis à lui;
— - 23<br />
nous sommes les successeurs de Moïse et d'Aron. O! mon<br />
Dieu,<br />
sois avec Ali partout où il ira. »<br />
Il dit ensuite : « Chaque prophète a un disciple qui<br />
devient son successeur; or, toi Ali, fils de mon oncle, tu<br />
seras l'héritier de mes sciences,<br />
et celui qui tiendra ma<br />
place après ma mort. Je suis le sceau des prophètes; toi<br />
Ali, tu seras le prince des croyants et le pontife (imam)<br />
des fidèles. Seul, le vrai croyant sera ton appui ; seul,<br />
l'infidèle t'allaquera ! »<br />
Ensuite,<br />
pagnons,<br />
le prophète dirigea son visage vers ses com<br />
—<br />
— que la faveur de Dieu soit pour eux tous,<br />
el leur dit : s O! mes compagnons, je suis le sceau des en<br />
voyés, le plus grand des prophètes,<br />
grand de mes amis. »<br />
et Ali est le plus<br />
« Sois le bienvenu, ô! Ali, s'écrièrent tous les compa<br />
gnons, puisses-tu être l'ami (1)<br />
croyante. »<br />
Ensuite, le prophète récita deux rikâ,<br />
prière du d'ohôr (midi). Il s'assit alors,<br />
gnons,<br />
heures); puis,<br />
de lout croyant et de toute<br />
et prononça la<br />
avec ses compa<br />
jusqu'au moment de la prière d'el-acer (trois<br />
il se leva el ses compagnons firent de même.<br />
Alors, le prophète retira son manteau de dessus ses<br />
épaules, el l'étcndit sur le tapis à prières ; puis il dit:<br />
« O! mon Dieu, je te prends à témoin ; je prends à té<br />
moins tes envoyés, tes prophètes, les anges, toute ta tribu,<br />
les mystères de les cieux et de ta terre,<br />
objets créés qu'ils renferment,<br />
sur ce que toi, Dieu,<br />
es unique et n'as pas d'associé ;<br />
exalté sans cesse ! »<br />
(1)<br />
Ou le chef (ouali).<br />
avec lous les<br />
— que je porte témoignage<br />
es le souverain très-saint, que lu<br />
puisses-tu être béni et
Ensuite,<br />
— — 24<br />
il prit le manteau et le plaça sur les épaules<br />
d'Ali en disant : « Ali, lève-toi. »<br />
Et Ali se leva devant le prophète.<br />
Le prophète récita alors les versets suivants : « 0 ! noire<br />
seigneur, nous sommes croyants ;<br />
pardonne-nous donc<br />
nos fautes, et évite- nous le châtiment de l'enfer. —<br />
qui seront patients.... etc. — Il<br />
lui ; il est le glorieux, le juste. »<br />
Ensuite, il retira le ahram (1)<br />
Ceux<br />
n'y a d'autre Dieu que<br />
de dessus les épaules<br />
d'Ali, en disant : « O! Ali, de même que Gabriel m'a ceint<br />
les reins, la nuit du mâradj (ascension), lorsqu'il m'a<br />
— conduit en présence de la justice (Dieu), que sa gloire<br />
—je veux le ceindre les reins. — Louange<br />
soit proclamée,<br />
à Dieu, ajouta-t-il; car, après avoir créé Adam,<br />
il l'a ins<br />
titué son vicaire ; ensuite, il lui a envoyé Gabriel, qui<br />
lui a sanglé la ceinture, après avoir reçu de lui l'engage<br />
ment, et lui a légué les sciences, en lui recommandant<br />
d'éviter ce qui est défendu. »<br />
— « Sachez que le Sirat est un passage que les gens<br />
pieux el ceux dont la langue est sincère peuvent seuls<br />
franchir.<br />
— » Sachez,— que Dieu vous fasse miséricorde! — que<br />
la feloua est la décisi% légale et le résumé de ce qu'on<br />
doit exécuter. »<br />
Ayant achevé ces paroles, le prophète prit la ceinture,<br />
la fit passer du côté droit de l'imam Ali,<br />
el la lui cei<br />
gnit à la taille. Au premier nœud, il dit : « Au nom de<br />
Dieu clément et miséricordieux ! au nom de Dieu, à cause<br />
de la certitude, el louange à Dieu pour l'accomplisse<br />
ment! » Au second nœud, il dit: « Au nom de Gabriel! »<br />
(1) Vêtement des pèlerins.
— Il<br />
— — 25<br />
boucla enfin la ceinture en disant: « Il est écrit à la<br />
porte du paradis ces mots : Il n'y a d'autre Dieu que<br />
Dieu, Mohammed est le prophète de Dieu (1). » — « Cetle<br />
ceinture, ajouta-t-il, ce pacte et cette confrérie,<br />
âme commune. »<br />
Les gens de la feloua,<br />
soirée de la ceinture.<br />
ont une<br />
nomment cette après-midi : la<br />
Ensuite, le prophète invoqua Dieu en faveur de l'imam<br />
Ali; puis, il le fit asseoir sur le sedjada (tapis à prières),<br />
et tous les assistants s'assirent autour. Le prophète dit<br />
alors :
— — 26<br />
et de te faire devenir l'ami de Dieu. » — Puis,<br />
l'ayant<br />
revêlu du manteau de la fetoua, il ajoula :
Le 7e, Haçan el-Bas'ri.<br />
Lo 8e, Kêmïa Ibn....<br />
— — 27<br />
Le 9e, Le page (fêta) d'Ali.<br />
Le 10e, Abd Allah Ibn Abbas.<br />
Le 11°, Ahmed....<br />
Le 12°, (Manque).<br />
Le 13% Abou Dhorra el-R'effar.<br />
Le 14e,<br />
Abou Dhorra el-K'ader.<br />
Le 15e, Abou Obeïda el-Heridi.<br />
Le 16e, Abou en-Nous Abd Allah.<br />
Et le 17e, El-Heddja.<br />
Cela fait, l'imam Ali s'assit sur le tapis,<br />
et ordonna à<br />
Sliman el-Farsi, de ceindre le reste des compagnons et<br />
de les recevoir,<br />
Dieu.<br />
selon le rite établi par le prophète de<br />
Dix-sept des compagnons avaient élé reçus par l'imam<br />
Ali ; le reste fut ceint par Sliman el-Farsi.<br />
Ce furent :<br />
1° Omar Ibn el-Bridi ;<br />
2° Adassi Ibn ben Yameni ;<br />
3° Abou Omar Ibn Abd el-Bouasti ;<br />
4° Sliman el-Koufi ;<br />
5° Obéïd el-Mosri ;<br />
6° Mahçen Ibn Othman ;<br />
7 L'Emir, frère de Baïa, sultan ele la ville d'Arouan ;<br />
8° Zahed el-Kaltani;<br />
9° Daoud Ibn Abd er-Rah'man ;<br />
10° H'âmed Ibn Abd Allah ;<br />
11° Amran Ibn A mm ;<br />
12 Daoud Ibn Saïd ;<br />
13° Akil Ibn Menïa ;
14° Mentour Ibn Mi'ad ;<br />
15° K'acem el-Koufi ;<br />
16° Abd Allah Ibn Tirai ;<br />
17° El-Yemeni ;<br />
18° Abou Yezid el-Hendi ;<br />
19° Habib Ibn Medjia ;<br />
— — 28<br />
20° Abou K'acem el-Mobarek ;<br />
21« El-Tedjani Ibn K'acem el-Bettar<br />
22° Nacer Ibn el-Abed ;<br />
23° Nacer Ibn Nacer ;<br />
24» Hâm Ibn Abd Allah el-Basri ;<br />
25» Obéïd Ibn Djâfer el-Teïar ;<br />
26" Sâad ;<br />
27" Mohammed Ibn Asir ;<br />
28° Ammamou Ibn Dïas ;<br />
29° Abou Nacer ;<br />
30° Acer el-Hendi es-Sïaf ;<br />
31» Abou l'Ftah'<br />
Ibn Abd Allah ;<br />
32« Nacer ibn Abd Allah el-Mekki ;<br />
33° Ibn Obéïd Allah el-Hendi ;<br />
34° Hacen el-Fettal el-Màadi ;<br />
35° Amram el-Hou» ;<br />
36" Noçr Allah ;<br />
37° Abou K'acem el-Houni ;<br />
38° Abd Allah Ibn Habib ;<br />
39° Ibn Nacer ;<br />
40° Ibn Abou Ouakas ;<br />
41° Abou Mohammed Ibn 'Amran ;<br />
42° Amer Ibn Abd Allah ;<br />
43« El-Milani ;<br />
44° (Manque) ;
45° R'ialh Ibn el-Harani ;<br />
46° Abou Zeïd el-Hendi ;<br />
— — 29<br />
47° Mohammed Ibn el-Kebir el-Oustani ;<br />
48° Derraga Ibn el-Melladi ;<br />
49° In 'Amran ;<br />
50° Abou Charbi el-Iraki ;<br />
51° Abd Allah Ibn el-Haurani ;<br />
52» Ahmed Ibn Abd Allah ;<br />
53° Mohammed Ibn Abd Allah ;<br />
54° (Manque) ;<br />
55° Nocr ed-Din el-Hendi ;<br />
56° Ech Chadeli, -—<br />
que<br />
Dieu l'accueille !<br />
Cela fait, l'imam Ali s'écria : « Dieu soit loué ! lui qui<br />
répand ses grâces sur un grand nombre de créatures et<br />
spécialement sur ses serviteurs les vrais croyants ! »<br />
Puis,<br />
il se leva et entra dans la tente. Il en rapporta<br />
des dattes et du miel,<br />
qu'il remit au prophète. Celui-ci<br />
pétrit ces aliments ensemble, dans ses doigls,<br />
une sucrerie qu'il divisa, de sa noble main,<br />
et en fit<br />
en deux<br />
parts. Il les remit à Ali, en disant: « Sois en paix, Ali ,<br />
car tu es le maître de tous les musulmans et de toutes<br />
les musulmanes. »<br />
Alors, l'imam Ali entra dans la tente, et le prophète<br />
invita ses compagnons à entrer tous, un par un, auprès<br />
d'Ali,<br />
Tous les compagnons,<br />
pour eux ! —<br />
pour lui rendre hommage.<br />
entrèrent<br />
l'imam Ali. Et en entrant,<br />
— que le paradis de Dieu soit<br />
alors, successivement, auprès de<br />
chacun lui rendait hommage<br />
et recevait de lui un morceau de la friandise.<br />
Ali enveloppa ce qui resta de cette sucrerie,<br />
scella le<br />
paquet et le remit à Sliman el-Farsi, en lui ordonnant
— — 30<br />
de le porter à Médine, à El-Haçan et El-Hoceïn (1),<br />
leur mère Fatima-ez-Zohra, —<br />
eux !<br />
et à<br />
que le paradis soit pour<br />
C'est en commémoration de ce fait que, de nos jours,<br />
on envoie de ville en ville, la friandise du banquet.<br />
RITUEL DE LA SEANCE DE RECEPTION<br />
DU NÉOPHYTE.<br />
Tout d'abord, le cheïkh rasera la tête du néophyte;<br />
puis, il recevra de lui l'acte de contrition et l'engage<br />
ment (âhed).<br />
Ensuite il le coiffera du diadème et le revêtira du man<br />
teau. Il le liera à tel frère qu'il voudra, lui ceindra aux<br />
reins la ceinture et l'initiera à la science.<br />
Cela terminé, il le fera asseoir sur le tapis, lui prépa<br />
rera la friandise et chacun en mangera. On en enverra en<br />
différents endroits, et de ville en ville, à ceux qui n'auront<br />
pu être présents, afin de leur prouver l'intérêt constant<br />
que leur portent les frères. Il y aura un interprète de<br />
langue pour expliquer les mystères.<br />
Il est nécessaire qiie le compagnon de la ceinture et de<br />
la main relienne par cœur les préceptes et les questions<br />
qui suivent, lesquels lui vaudront des grâces divines et<br />
le rendront glorieux auprès des maîtres de la connais<br />
sance.<br />
Il devra, tout d'abord, réciter celte invocation: « Je<br />
cherche, auprès de Dieu, un refuge conlre sa colère, et<br />
le prie de me détourner de rejeter la ceinture, de rom-<br />
(1) Les deux fils d'Ali.
— - 31<br />
pre le pacte et de méconnaître la confrérie établie au<br />
nom de Dieu. Car quiconque conservera la ceinture, le<br />
pacte et la confrérie, sera conservé par Dieu, et obtien<br />
dra ses bénédictions; mais quiconque les rejetera, irri<br />
tera Dieu contre lui; aussi, le jour de la résurrection, il<br />
se présentera le visage noir, de sorte que les anges du<br />
ciel le maudiront! »<br />
Le néophyte devra aussi apprendre tout le résumé qui<br />
précède.<br />
Comme il est essentiel que le compagnon du tapis soit<br />
versé dans la loi, la justice, la voie droite et la connais<br />
sance,<br />
voici les réponses qu'il devra donner aux questions<br />
qui lui seront posées. C'est avec le questionnaire suivant<br />
que le cheikh initiera à la connaissance du Dieu très-<br />
haut.<br />
D. —<br />
R. —<br />
D. —<br />
R. —<br />
D. —<br />
R. —<br />
Qui, le premier,<br />
Gabriel.<br />
Où<br />
Au<br />
Qui<br />
Les<br />
QUESTIONNAIRE (1)<br />
l'a-t-il reçue ?<br />
ciel.<br />
l'en a ceint ?<br />
a reçu la ceinture?<br />
anges du ciel, par l'ordre de la Vérité, —<br />
que sa gloire soit proclamée !<br />
D. —<br />
Qui,<br />
R- — N.<br />
le second,<br />
S. Mohammed.<br />
a reçu la ceinture?<br />
(t) La formule interrogative est celle-ci : s-_^>_3 1J l_3 I _<br />
1^ ',<br />
la réponse s'énonce par le mot:<br />
.._ A*sr
D. —<br />
Qui<br />
R. —<br />
D. —<br />
R. —<br />
D. —<br />
R. —<br />
D. —<br />
R. —<br />
D. —<br />
R. —<br />
D. —<br />
l'en a ceint?<br />
Gabriel,<br />
— — 32<br />
par l'ordre du Maître de l'univers.<br />
Qui, le troisième,<br />
Ali, fils d'Abou Taleb.<br />
Qui<br />
l'en a ceint ?<br />
Mohammed.<br />
Qui,<br />
Sliman<br />
le quatrième,<br />
el-Farsi.<br />
Qui l'en a ceint ?<br />
Ali.<br />
A<br />
a reçu la ceinture?<br />
a reçu la ceinture ?<br />
qui appartient la ceinture (au fig. fermeté),<br />
et à qui la main (puissance) ?<br />
R. —<br />
La<br />
ceinture est à Ali, fils d'Abou Taleb,<br />
main à Mohammed,<br />
mettront à toi,<br />
el la<br />
car Dieu a dit : « Ceux qui se sou<br />
seront comme s'ils se soumettaient à<br />
Dieu, et ceux qui se révolteront contre toi,<br />
se révolteront<br />
contre eux-mêmes, car la main de Dieu est au-dessus<br />
d'eux. —<br />
Celui<br />
qui accomplira ce que Dieu lui a imposé<br />
comme engagement, je le récompenserai d'une manière<br />
magnifique (1). »<br />
D. —<br />
R. -<br />
Combien<br />
- Deux<br />
férieure.<br />
D. —<br />
R. —<br />
A<br />
La<br />
y a-t-il de ceintures ?<br />
: k ceinture supérieure et la ceinture in<br />
'<br />
qui appartiennent-elles ?<br />
ceinture supérieure est à Gabriel ; elle est<br />
dans le ciel ; la ceinture inférieure est à Ali, fils d'Abou<br />
Taleb ;<br />
D. —<br />
La<br />
elle est sur la terre : c'est la confrérie.<br />
elle composée ?<br />
ceinture (secte), de combien d'éléments est-<br />
(1) Ces deux phrases sont des citations plus ou moins altérées du Coran,<br />
comme la plupart de celles que nous mettons entre guillemets.
R. —<br />
De<br />
— — 33<br />
trois éléments. Le premier est Gabriel ; le<br />
second, Mohammed, et le troisième, Ali, fils d'Abou<br />
Taleb.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Sur<br />
Sur<br />
ceïn, fils d'Ali.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Qu'est-ce<br />
C'est<br />
combien de bases repose la ceinture?<br />
deux bases, qui sont : El-Haçan et El-Ho-<br />
que la voie (t'rik'a) ?<br />
la science, la continence, la sagesse, la pa<br />
tience et l'excellence des successeurs.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Quelles<br />
De<br />
sont les obligations de la voie ?<br />
rejeter les mauvaises paroles ; de prononcer<br />
sans cesse le nom de Dieu ; de mépriser les biens de la<br />
terre ; de repousser les amours humaines et de craindre<br />
le Dieu très-haut.<br />
D. —<br />
voie ?<br />
R. —<br />
A<br />
Ces<br />
quels signes se reconnaissent les gens de la<br />
signes sont : la bienfaisance, la retenue de<br />
langue, la piété, la douceur et l'éloignemcnt pour les<br />
péchés.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Quel<br />
La<br />
est ton ouerd (1), et que t'impose-l-il ?<br />
recherche du fealut et de la nourriture di<br />
vine ; la douceur des paroles, la confraternité et la sin<br />
cérité du langage el des œuvres.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Qu'est-ce<br />
C'est<br />
que le tapis de la voie ?<br />
le tapis à prières du cheikh,<br />
se prosterne et on est purifié ;<br />
passent les mystères.<br />
D. —<br />
R. —<br />
D. —<br />
Le<br />
sur lequel on<br />
c'est sur lui que se<br />
tapis de la voie, combien a-t-il d'attributs ?<br />
Quatre.<br />
Quels<br />
sont-ils ?<br />
(1) L'ouerd est le certificat d'admission dans la secte.
R. —<br />
Loi<br />
— — 34<br />
divine, vérité suprême, voie droite, con<br />
naissance du Dieu très-haut.<br />
D. —<br />
Le<br />
quels sont-ils ?<br />
R. —<br />
Quatre<br />
tapis, combien a-t-il de mois symboliques, et<br />
: le premier est Gabriel, le second Mi<br />
chel, le troisième El-Haçan et le quatrième El-Hoceïn.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Combien<br />
Il<br />
a-t-il y de lettres, el quelles sont-elles ?<br />
en a quatre : la première est ta (, la<br />
deuxième mim (A)<br />
noun<br />
( .).<br />
I<br />
• la troisième ha (s) ;<br />
et la quatrième<br />
D. -^Quelle est la signification de ces quatres lettres ?<br />
R. —<br />
La<br />
première, ta, veut dire que le compagnon<br />
du tapis doit être la poussière (^__^ J)<br />
voie ;<br />
— le<br />
des gens de la<br />
mim, qu'il doit-être semblable à l'eau<br />
( £__.-)> courante et pure —<br />
; le ha, qu'il doit être comme<br />
le zéphir (.£j*), soufflant dans le feuillage des arbres;<br />
le compagnon du tapis doit, en effet, être un esprit ré<br />
pandant sur les gens de la voie la perfection et les fa<br />
veurs légales ;<br />
le feu (.U)><br />
D. —<br />
R. —<br />
D. —<br />
Vers<br />
Vers<br />
Quelle<br />
dessus d'elle,<br />
R. —<br />
La<br />
— le<br />
nom indique qu'il doit être comme<br />
1u' embrase la maison du pervers.<br />
qui jnarchez-vous ?<br />
la pUce d'Ali.<br />
est la forme de cette place, qu'y a-t-il au<br />
que contient-elle ?<br />
place d'Ali est tracée par les vieillards, com<br />
pagnons de la fetoua; sur elle, est le tapis, et, au dessus<br />
d'elle, est la vérité (Dieu), le Tout-Puissant, le Généreux,<br />
qui domine ses esclaves.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Combien<br />
Quatre<br />
faul-il de pas, pour la traverser ?<br />
pas ; un pour chacun des saluts que con-<br />
'
naît l'interprète de langue,<br />
les mystères.<br />
D. —<br />
Combien<br />
la place d'Ali,<br />
R. —<br />
Trois<br />
— — 35<br />
qui en explique les secrets et<br />
doit-on passer de ponts pour arriver à<br />
ponts.<br />
et s'asseoir sur le tapis ?<br />
D. Qu'y a-t-il à votre droite, à votre gauche, derrière<br />
vous, devant vous, sur votre tête et sous vos pieds ?<br />
R. —<br />
A<br />
ma droite est Gabriel ; à ma gauche, Michel ;<br />
derrière moi, Azraïl ; devant moi, Asrafil ; au-dessus de<br />
moi, le Souverain Glorieux ; et sous mes pieds, la mort,<br />
qui est plus proche de nous que la veine jugulaire ne<br />
l'est de la gorge,<br />
conformément à cetle parole divine :<br />
« Toute âme doit goûter de la mort ; vous recevrez<br />
voire salaire le jour de la résurrection (Coran) .<br />
— D. Qu'y a-l-il dans votre tête, dans votre oreille,<br />
dans votre œil, dans votre bouche, dans votre poitrine<br />
et dans vos pieds ?<br />
R. —<br />
Dans<br />
»<br />
ma têlc, la noblesse des pensées, l'intel<br />
ligence el la connaissance ;<br />
— dans<br />
mon oreille, les pa<br />
roles de celui qui m'a dirigé vers l'obéissance de Dieu ;<br />
— dans<br />
mon œil, la vue de la face du Seigneur Généreux<br />
(Dieu) ;<br />
— dans<br />
ma bouche, la loi divine, la vérité, la<br />
règle, la connaissance el les paroles de bien ;<br />
— dans<br />
ma poitrine (cœur), la patience pour supporter les cala<br />
mités et les mauvaises paroles ;<br />
— et dans mes pieds, un<br />
moyen de me rendre auprès des maîtres de la connais<br />
sance, sur le tapis de la voie droite,<br />
gens de la vérité.<br />
D. —<br />
Qu'y<br />
a-t-il dans votre cœur?<br />
R. — L'impureté et l'ignorance,<br />
en présence des<br />
que je dois racheter<br />
par l'humilité et la soumission devant mon maître.
D. —<br />
R. —<br />
Quels<br />
Ma<br />
— — 36<br />
sont vos témoins ?<br />
main droite et ma main gauche ; elles por<br />
teront témoignage, le jour de la comparution suprême<br />
par devant le Maître de l'univers et les deux anges écri<br />
vant par son ordre.<br />
D. —<br />
En<br />
se rendant vers la place d'Ali, d'où vient-on,<br />
et par où s'en va-l-on ?<br />
R. —<br />
On<br />
vient de la maison périssable, et on se rend<br />
jers la maison de l'éternité. Accorde-moi la richesse, ô<br />
Riche ! et l'éternité,<br />
D. —<br />
Quelle<br />
ô Eternel !<br />
est la maison périssable ? Quelle est la<br />
maison éternelle ?<br />
R. —<br />
La<br />
terre est périssable, avec tout ce qu'elle con<br />
tient, car c'est la maison de l'illusion,<br />
conformément à<br />
cette parole divine : « La vie de la terre n'offre que des<br />
jouissances trompeuses (Coran). » — Quant<br />
éternelle, c'est la maison de l'autre vie,<br />
à la maison<br />
et ne l'habi<br />
tera pour l'éternité que celui qui aura fait les bonnes<br />
œuvres, multiplié les bienfaits,<br />
moralité, méprisé les amours terrestres,<br />
rejeté l'impureté et l'im<br />
et détourné ses<br />
regards des choses illicites. C'est la réunion des serviteurs<br />
au plus haut des cieux ; c'est en ce lieu qu'ils obtiendront<br />
l'intercession effi^ce de Mohammed, l'envoyé de Dieu,<br />
le Maître des miracles.<br />
D. —<br />
Lorsque<br />
vous entrez sur la place el que vous<br />
vous avancez au milieu des vieillards, compagnons de la<br />
voie,<br />
comment vous accueille le cheikh ?<br />
R. — 11 m'accueille avec une invocation sincère, et<br />
m'enveloppe de son regard bienfaisant.<br />
D. — Quels sont vos initiateurs pour enlrer dans la<br />
voie de la pureté?
R. —<br />
Ce<br />
— 37 —<br />
sont les vieillards sages qui sont mes inter<br />
médiaires auprès d'Ali. C'est en leur présence et dans<br />
leur généreuse société qu'on est reçu.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Où<br />
Sur<br />
est-on reçu?<br />
le tapis de la vérité, sous les pieds du trône<br />
de Dieu, sur la place d'Ali,<br />
gnons de la fctoua.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Combien<br />
Deux,<br />
et en présence des compa<br />
avez-vous de frères dans la voie droite?<br />
qui sont ma ceinture et mon pacte, que<br />
je tiens dans ma main,<br />
vie et dans la mort.<br />
D. —<br />
Par<br />
sort-on ?<br />
R. —<br />
On<br />
quelle porte enlre-t-on,<br />
et qui m'accompagnent dans la<br />
entre par la porte de l'amour,<br />
et par quelle porte<br />
et on sort par<br />
celle de la miséricorde et de l'accueil des compagnons de<br />
la fetoua.<br />
D. —<br />
Où<br />
qui l'apporte?<br />
R. —<br />
Elle<br />
est cuite notre bouchée,<br />
qui l'a humeclée et<br />
est cuite au foyer du miséricordieux, et est<br />
apportée par les anges du paradis de délices.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Où<br />
Sur<br />
la dépose-l-on ?<br />
le tapis de la puissance, entre les mains des<br />
compagnons de la décision.<br />
D. —<br />
droite,<br />
R. —<br />
lui!<br />
D. —<br />
R. —<br />
En<br />
Sur<br />
arrivant dans la réunion des gens de la voie<br />
sur quoi s'assied-on?<br />
le lapis d'Ismaël ; que le salut soit sur<br />
Comment s'assied-on sur le tapis de la voie ?<br />
Par<br />
la permission qne le cheïkh en donne, et<br />
avec le cœur rempli d'humilité et de modestie,<br />
sence des intermédiaires.<br />
en pré
D. —<br />
Qu'est-ce<br />
— — 38<br />
que la foula (pièce d'étoffe)? Quelle est<br />
son origine, et quelle largeur a-t-elle ?<br />
R. —<br />
La première foula a élé formée des feuilles de<br />
figuier dont se sont couverts Adam et Eve. La largeur<br />
de la foula est celle de votre bras droit,<br />
et sa longueur<br />
celle de votre bras gauche. Son origine revient à Omar<br />
Ibn Omeïa el-Medorri,<br />
l'imam Ali.<br />
D. —<br />
Comment<br />
sort-on ?<br />
R. —<br />
On<br />
car c'est lui qui en fit présent à<br />
entre- t-on dans la voie,<br />
et comment en<br />
y entre avec l'âme humble de l'imnlfrant,<br />
et on en sort avec le cœur joyeux de celui qui a obtenu.<br />
D. —<br />
Lorsqu'on<br />
vous boucle la ceinture, qu'y a-l-il<br />
dans votre main droite?<br />
R. —<br />
Nous<br />
tenons dans notre main droite le livre de<br />
notre destin, selon cette parole divine: « 0 ! mon Dieu,<br />
donne-moi mon livre (destin), dans ma main droite, et<br />
non dans ma main gauche ! »<br />
D. —<br />
gauche.<br />
R. —<br />
Il<br />
Qu'y<br />
baut. a<br />
D. —<br />
R. —<br />
Il<br />
a-t-il entre votre main droite et votre main<br />
y a, entre les deux, l'alliance du Dieu trés-<br />
Qu'y<br />
a-t*<br />
entre vous el votre initiateur ?<br />
y a, entre nous, le pardon du Dieu magnifi<br />
que, seigneur de Moïse et d'Abraham; selon celte parole<br />
divine : « O! vous qui croyez, offrez, en entier, votre re<br />
pentir à Dieu,<br />
Et cetle autre parole : « Celui qui accomplira l'engage<br />
et demandez-lui le pardon de vos fautes. »<br />
ment contracté envers Dieu, je le récompenserai magnifi<br />
quement. »<br />
D. —<br />
Par<br />
quoi est-on affranchi?
R. —<br />
Par<br />
— — 39<br />
la pureté du cœur de l'initiateur et la sin<br />
cérité du néophyte.<br />
D. —<br />
Qui<br />
courte ?<br />
R. —<br />
L'homme<br />
possède la chose longue,<br />
et qui la chose<br />
juste a la langue longue, et le pécheur,<br />
dans son avilissement, a la langue courte.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Quelle<br />
La<br />
est la clef du ciel?<br />
profession de foi: « Il n'y a de Dieu que Dieu,<br />
Mohammed est le prophète de Dieu;<br />
sur lui ses grâces et lui accorde le salut!<br />
D. —<br />
Quelles<br />
—<br />
choses sont venues du ciel,<br />
est supérieure à l'autre ?<br />
R. —<br />
Le<br />
que Dieu répande<br />
et dont l'une<br />
blé el la viande. La viande est supérieure au<br />
blé, car le blé a élé apporté du paradis par Adam, tandis<br />
que le bélier a été envoyé du ciel pour servir de rançon<br />
à Ismaël,<br />
D. —<br />
Quelle<br />
que son père allait immoler.<br />
est la maison sans porte, la mosquée sans<br />
mihrab (1) et le prédicateur sans livre?<br />
— R. La maison sans porte, c'est la terre,<br />
qu'un séjour d'illusions trompeuses; —<br />
la<br />
qui n'est<br />
mosquée sans<br />
mihrab, c'est la kâba, que le Dieu très-haut la protège !—<br />
et le prédicateur sans livre, c'est Mohammed,<br />
car il prê<br />
chait sans livre, et on écrivait, au contraire, ses paroles<br />
sur le livre.<br />
D. —<br />
Le<br />
la votre?<br />
R. —<br />
Il<br />
diadème de l'islam est-il sur ma tête,<br />
est sur ma tête,<br />
ou sur<br />
sur la vôtre et sur celle de<br />
tous les serviteurs; car Dieu l'unique, le puissant, est<br />
celui qui dit à une chose : « Sois ! » et elle est.<br />
(1) Le mihrab, dans les mosquées, est le renfoncement, dirigé du côté<br />
de la Mecque, dans lequel se met le prédicateur.
— - 40<br />
D. — En quoi espérez-vous ?<br />
R. —<br />
En<br />
la miséricorde de Dieu,<br />
afin qu'il me fasse<br />
admettre, ainsi que vous, au paradis.<br />
— D. Par quoi s'obtiennent la loi, la justice, la règle<br />
et la connaissance.<br />
R. —<br />
La<br />
loi s'obtient par le travail et l'élude; la jus<br />
tice, par la volonté du Dieu très-haut ,<br />
de pareil,<br />
celui qui n'a pas<br />
le dispensateur de loul bien, le créateur de<br />
toute chose, le vivificaleur et l'exterminateur de ce qui<br />
existe;<br />
on arrive à la règle en suivant la voie de la vé<br />
rité et de la sincérité; enfin, la connaissance consiste<br />
dans la science des paroles de Dieu, de son livre, et dans<br />
les efforts pour rester dans l'obéissance de Dieu.<br />
D. —<br />
rure?<br />
R. —<br />
Quelle<br />
Sa<br />
est la clef de la loi,<br />
et quelle est sa ser<br />
clef est cetle parole : « Au nom de Dieu, clé<br />
ment et miséricordieux! » et sa serrure, celte aulre pa<br />
role : « Louange à Dieu, maître de l'univers! i<br />
D. —<br />
R. —<br />
En<br />
Elle<br />
quoi consiste l'observance?<br />
consiste à se nourrir de ce qui est permis,<br />
rejeter ce qui est illicite,<br />
obéir aux deux fils (Haçan et<br />
Hoceïn), et se rapprocher de Dieu.<br />
— D. Si la viandlse gâte, par quoi la reclifie-t-on ?<br />
R. —<br />
D. —<br />
R. —<br />
D. —<br />
R. —<br />
Par<br />
le sel.<br />
Et si le sel se gâte, comment le rectifie-t-on ?<br />
Par<br />
Quelle<br />
l'assemblée sur la place d'Ali.<br />
est la signification de ces réponses ?<br />
La viande représente les gens de notre sainte so<br />
ciété; le sel est le cheikh. Si les membres de la confrérie<br />
de la voie se gâtent, le cheikh les guérit ; et si le cheïkh<br />
se gâte, ou le remplace dans l'assemblée.
D. —<br />
R. —<br />
Quels<br />
Il<br />
— — 41<br />
sont les mystères qui enveloppent le lapis ?<br />
est entouré par quatre fatiha (1) ; on le déroule<br />
avec une fatiha ; ou le roule avec une fatiha,<br />
porle avec une fatiha.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Que<br />
11<br />
fait le cheikh en approchant du lapis ?<br />
et on l'em-<br />
commence par invoquer le salut et indiquer<br />
les prescriptions de la voie. Puis,<br />
il avance son pied droit<br />
et soulève le pied gauche ; il récite alors une fatiha, et<br />
fait pour le pied gauche comme il a fait pour le pied droit.<br />
Il s'avance ainsi peu à peu,<br />
mine par la bénédiction,<br />
en récitant la fatiha et ter<br />
et l'appel des faveurs divines et<br />
du salut sur N. S. Mohammed, le maître des envoyés.<br />
D. —<br />
R. —<br />
Comment<br />
En<br />
Dieu très-haut,<br />
le cheikh se retire-t-il du tapis ?<br />
prononçant trois falika, la tekbira pour le<br />
l'appel de la bénédiction et du salut sur<br />
N. S. Mohammed, maître des envoyés,<br />
sur ses compagnons,<br />
sur sa famille et<br />
et l'invocation du salut pour tous.<br />
Enfin, il implore Dieu de nous pardonner,<br />
ainsi que vous<br />
et que tous les musulmans elles musulmanes, les croyants,<br />
cl les croyantes, Amen ! Amen,<br />
med,<br />
le seigneur des envoyés !<br />
par les mérites de Moham<br />
Fin du questionnaire ainsi que de la fetoua,<br />
grâce de Dieu.<br />
(1) La fatiha est le premier chapitre du Coran.<br />
par la
—<br />
— 42<br />
ORAISON FINALE<br />
Revenons maintenant vers notre père et'notre<br />
ancêtre<br />
le cheikh 'Abd el-Kader el-Djilani,<br />
— vers celui qui l'a<br />
reçu et l'a ceint, et qui est Abou l'Haçan ech-Chadeli,<br />
que Dieu l'accueille! —<br />
reçu par l'imam Ali,<br />
Il<br />
ceint cinquante cinq compagnons ;<br />
avait lui-même élé ceint et<br />
que Dieu lui soit propice ! et avait<br />
qui a été ceint et reçu par l'Envoyé de Dieu,<br />
— vers l'imam Ali,<br />
que Dieu<br />
répande sur lui ses grâces et lui accorde le salut, ainsi<br />
qu'à tous les prophètes, les ouali, les gens purs, les<br />
maîtres de l'oraison, de la scienee et du Coran,<br />
famille et ses compagnons,<br />
les grâces les plus complètes!<br />
— à<br />
sa<br />
auxquels il puisse accorder<br />
Répétons sans cesse cette parole de l'envoyé de Dieu :<br />
« Notre voie (t'rik'a),<br />
quiconque y montera sera sauvé,<br />
gnera sera perdu ! »<br />
Notre cheikh,<br />
— que<br />
est comme le vaisseau de Noé :<br />
Dieu l'accueille ! —<br />
et quiconque s'en éloi<br />
a vécu quatre-<br />
vingt-quatre ans ; il ast mort dans le Ve siècle de l'hégire<br />
(de 1009-10 à 1106-1 de l'ère ch.).<br />
Voici la liste de ses ancêtres, en remontant jusqu'au<br />
prophète. Il se nomme : AbJ el-Kader,<br />
Fils d'Abd Allah,<br />
de Salah,<br />
de Mouça ez Zahed,<br />
de Mohammed,<br />
Fils de El-Djoud,<br />
de Mohammed,<br />
d'Abd Allah,<br />
de Mohammed,<br />
d'Abd Allah el-Kâmel,<br />
d'El-Haçan el-Moulhin,<br />
d'El-Haçan ch-Beçal',<br />
d'El-Haçan,<br />
— — 43<br />
et de la dame glorieuse, chaste et pure, Falima, fille<br />
de l'envoyé de Dieu, —<br />
grâces et lui accorde le salut !<br />
Après sa mort,<br />
ses bénédictions, Amen ! —<br />
liste de ses successeurs :<br />
Le premier fut : Abd er-Rezzak,<br />
Auquel succéda Abd el-Ouahhab,<br />
Sid Abd er-Rahman,<br />
Sid Mohammed,<br />
Sid Salah,<br />
Sid Ali,<br />
Sid Djâfer,<br />
Sid El-Haçan,<br />
Sid Djemal ed-Din,<br />
Sid Mohammed,<br />
Abd es-Somd,<br />
Sid Aïça,<br />
Abd el-Flah',<br />
Ce dernier Laissa Ifois filles,<br />
1° Madame Hfcmma, à Bag'dad ;<br />
2° Madame Salh'a, en Syrie ;<br />
que Dieu répande sur lui ses<br />
— que Dieu nous fasse profiler de<br />
voici, d'après Ibn Frah, la<br />
qui sont :<br />
Et 3° Madame El-T'ahâra, connue à Tlemcen.
— — 44<br />
C'est d'elles que descendent tous les chérif établis dans<br />
les différentes localités.<br />
Nous avons, abrégé la chaîne (selsela) ci-dessus, qui<br />
nous eut entraînés trop loin, en la donnant en entier.<br />
Salut !<br />
Écrit à la date des dix derniers jours de Redjeb de<br />
l'année 1269, (du 29 avril au 9 mai 1853).<br />
(Empreintes de deux cachets mesurant,<br />
l'un 23 milli<br />
mètres de diamètre, el l'autre 15 millimètres ; lous deux<br />
entièrement illisibles).<br />
DIPLOME DE MOK'ADDEM,<br />
CONFÉKÉ AU FIIÈRE<br />
EL-IUDJ AHMED BEN MOHAMMED BEN BEL-KHEÏU.<br />
Louange au Dieu unique ! etc.<br />
(Empreinte effaqâe d'un cachet).<br />
Louange à Dieu r<br />
Nous sommes guidés vers la voie droite, el, certes, nous<br />
ne serions pas dans le droit chemin, si Dieu ne nous y<br />
avait dirigés,<br />
car les envoyés de Notre Seignenr nous ont<br />
apporté la vérité et nous ont dit : « Vous hériterez du<br />
paradis,<br />
selon ce que vous aurez fait sur la terre.<br />
« 0! mon Dieu,<br />
place-nous au nombre de ceux qui se<br />
ront sauvés ! Dirige-nous vers l'abreuvoir du prophèle,<br />
et, de là, au paradis !
»0! mon Dieu, dirige-nous vers le bien ella voie droite! »<br />
Nous accordons à El-Hadj Ahmed ben Mohammed bon<br />
bel-Kheïr, la faveur entière; nous lui conférons le di<br />
plôme authentique, complet, général, conformément à la<br />
règle du cheïkh Abd el-Kader.<br />
Nous l'élevons au rang de Mok'addem, de telle sorte<br />
qu'aucune main ne sera au-dessus de la sienne parmi les<br />
Mok'addem.<br />
Il conférera Youerd, donnera le titre de na'ib (vicaire)<br />
â qui lui en fera la demande,<br />
cevoir cet honneur.<br />
Les frères devront avoir confiance en lui,<br />
avons eu, nous-même, confiance ;<br />
et s'il le juge digne de re<br />
comme nous<br />
et quiconque parmi les<br />
frères lui obéira, obéira au cheïkh Abd el-Kader ; mais<br />
quiconque lui désobéira,<br />
se rendra criminel.<br />
Il (El-Hadj Ahmed) se servira de ce pouvoir exécutoire<br />
comme il le, voudra, dans l'intérêt de la vérité, de la loi,<br />
et de la secte.<br />
Il ne fera pas de distinction entre les frères,<br />
vront tous être sur le même rang.<br />
S'il est d'un avis contraire aux frères,<br />
vront pas le contredire.<br />
qui de<br />
ceux-ci ne de<br />
Lorsque les frères auront résolu une entreprise, il<br />
faudra absolument qu'ils prennent son avis, et quiconque<br />
parmi les frères lui désobéira dans ce qu'il aura dit pour<br />
Je bien,<br />
ne sera plus des nôtres.<br />
O! frères, vous écoulerez sa parole,<br />
et aucun de vous<br />
ne devra mettre opposition aux droits que lui confère<br />
son diplôme, lequel devra être lu publiquement,<br />
du festin,<br />
Mok'addem susdit !<br />
le jour<br />
afin de rehausser et de répandre la gloire du
— - 40<br />
O! enfants de la grâce, il faut absolument que vous<br />
obéissiez à notre Mok'addem El-IIarlj Ahmed ,<br />
et que nu'<br />
de vous ne lui fasse obstacle dans l'accomplissement de la<br />
bonne œuvre, car il a élé nommé par le Sid Mohammed<br />
Efendi, descendant des saints, le cheïkh Abd el-Kader><br />
— que Dieu nous fasse profiter, ainsi que vous, des fa<br />
veurs, dont il est entouré, Amen ! ô ! maître "de l'univers !<br />
Salut !<br />
Écrit dans les dix derniers jours du mois de Dieu, re-<br />
djeb,<br />
année 1269 (du 29 avril au 9 mai 1853).<br />
(Empreinte d'un cachet sur lequel on lit : El-Hadj,<br />
plus bas : Sid, ou peut-être Efendi,<br />
et au-dessous : Mo<br />
hammed ; ce qui donne: Sid El-Hadj Mohammed,<br />
Hadj<br />
Mohammed Efendi).<br />
ou El-<br />
Pour conférer l'alliance du cheïkh Abd el-Kader, vous<br />
prendrez la main du néophyle,<br />
verset: « Je cherche, auprès de Dieu,<br />
Satan le lapidé (Coran). »<br />
Puis,<br />
et vous lui réciterez ce<br />
un refuge contre<br />
vous lui ferez prononcer ce serment : « Je m'en<br />
gage envers Dieu, el je le prends à témoin,<br />
que je ne<br />
me délournerai ni ne me retirerai de la règle du cheïkh<br />
Abd el-Kader ! » — Celte<br />
phrase sera répétée trois fois.<br />
Vous lui direz ensuite, par trois fois : « Acceptez-vous,<br />
acceptez-vous ? t<br />
Il vous répondra : « J'accepte. »<br />
Vous lui conférerez alors l'ouerd selon la règle.<br />
Salut !<br />
(Suit une prière.)<br />
Ici s'arrête le manuscrit dont nous venons de donner<br />
un aperçu. Les différents points, tant de dogme que de
- 47<br />
—<br />
rite, sur lesquels s'appuie la confrérie, y<br />
vement traités,<br />
l'ordre de Sidi Abd el-Kader.<br />
sont successi<br />
et en font une véritable monographie de<br />
Le lecteur pourra donc y prendre une idée assez pré<br />
cise de l'esprit et du but de cette secte, et comprendre<br />
quelle influence pernicieuse de telles associations peuvent<br />
avoir,<br />
dans le milieu de fanatisme et d'ignorance où elles<br />
exercent leur action.
y^c* 'ct£3
CONSTANTINE AU XVIe SIÈCLE<br />
ÉLÉVATION DE LA FAMILLE EL-FEGGOUN<br />
Par Ernest MERCIER<br />
I.<br />
Au commencement du xvie siècle de notre ère, Cons<br />
tantine, dont les dynasties hafside,<br />
zeyanite et méri-<br />
nide (1) s'étaient, pendant de longues années, disputé la<br />
possession, vivait dans une sorte d'indépendance, ou<br />
d'autonomie,<br />
sous la suzeraineté des sultans hafsides de<br />
Tunis, qui lui envoyaient des gouverneurs, et sous la domi<br />
nation plus réelle des tribus arabes du Sud. Ces étrangers<br />
avaient profité de l'affaiblissement des trois empires ber<br />
bères, auxquels ils offraient tour à tour leurs bras, dans<br />
leurs guerres incessantes, pour se faire accorder des<br />
concessions (Iktâ) et dés villes où ils ne s'étaient fixés<br />
qu'à demi, forcés'qu'ils étaient de conserver la vie no<br />
made; puis, des faveurs telles que le droit de percevoir<br />
les impôts au nom du prince, et, enfin, des dons en<br />
(t) Régnant : la première à Tunis, la seconde à Tlemcen et h troisième<br />
à Fès.
_ 4<br />
—<br />
argent et en nature qu'ils venaient chercher dans les<br />
villes du Tel (1).<br />
Nous voyons, dans Ibn-Khaldoun, que les Daouaouida,<br />
tribu rïahide (2) établie dans le Zab et le Hodna, tou<br />
chaient, vers 1385, à Constantine,<br />
« une somme fixe à<br />
litre de don et cela en sus des concessions qu'ils tenaient<br />
du sultan, et qui consistaient en villes et territoires situés<br />
les uns dans le Tel, les autres dans le Zab (3). » Et si,<br />
par hasard, il prenait fantaisie au gouverneur de leur<br />
refuser leur don, les Arabes,<br />
oubliant les haines particu<br />
lières qui les divisaient en temps de paix,<br />
masse s'établir .à<br />
sac la province. « On pillait,<br />
l'entrée<br />
du Tel et, de là,<br />
venaient en<br />
mettaient à<br />
on dévastait les moissons el<br />
on revenait les mains pleines, les montures chargées de<br />
butin (4). »<br />
Ce fut ainsi que s'établit cette situation anormale d'un<br />
^peuple étranger<br />
et usurpateur, imposant son autorité à la<br />
nalion aborigène dix fois plus nombreuse; ce fut ainsi<br />
qu'une poignée de brigands arabes, vivant sur les confins<br />
du Désert, établit sa prépondérance dans la grande ville<br />
berbère de Conjlantine, à plus de soixante lieues au nord<br />
de ses cantonnements. Ces Arabes étaient de véritables<br />
pirates de terre, tenant le pays par la terreur et jouant,<br />
dans l'intérieur, le même rôle que les corsaires d'Alger^<br />
de Tunis ou de Tétouan sur la Méditerranée. Ce sont les<br />
(I) Ibn-Khaldoun, flist. des Berbères, 1 1 ad . de<br />
117. 150, etc., el T. m. p. 31, etc.<br />
Slane, T. i, p. 90, 103,<br />
t_) Les llïali formaient une des tribus Italiennes qui envahirent l'Afri<br />
que septentrionale en 1049 de notre ère.<br />
(3) T. m, page IU et suiv.<br />
(i) Ibn-Khaldoun, T. m, p. 115.
— — 5<br />
Turcs qui ont mis fin à cette situation, et c'est un fait qui,<br />
croyons-nous, n'a encore élé relevé par aucun historien ;<br />
cependant il doit être porté à leur actif.<br />
Pendant le xv6<br />
siècle, cet état,<br />
si bien caractérisé par<br />
Ibn-Khaldoun à la fin du siècle précédent, ne fit que<br />
s'aggraver. Les Arabes de la Tunisie (1), qui, depuis<br />
longtemps, tenaient celte province dans la plus grande<br />
anarchie (_), pénétrèrent sur le territoire de Constantine,<br />
el,<br />
unis aux nouvelles tribus aborigènes qui avaient pri^<br />
les mœurs et la langue des Arabes,<br />
cha, Harakta, etc.,<br />
telles que les Hanen<br />
ou même aux tribus hilaliennes de<br />
la famille de Athbedj, telles que les Dréïd, Karfa (ou<br />
Garfa), etc.,<br />
étendirent leurs ravages sur le pays. C'est<br />
alors que les Oulad-Soula [Sj commencèrent à exercer<br />
leur autorité sur Constantine, en concurrence avec les<br />
Daouaouida du Zab et du Hodna; selon que les péri<br />
péties de la guerre ou les intrigues des chefs accordaient<br />
la suprématie aux uns ou aux autres,<br />
la vieille cité ber<br />
bère subissait la tyrannie des Arabes du Sud-Est ou dW,<br />
ceux du Sud-Ouest.<br />
Au commencement du xvte<br />
siècle, une famille religieuse<br />
venue du sud du Maroc, de Saguiet-el-flamra, dans le<br />
pays de Derâa,<br />
occupait à Constantine une position in<br />
fluente. Le pays de Derâa a été une véritable pépinière de<br />
marabouts qui,<br />
sans doute dans le cours du xve<br />
siècle, a<br />
(1) Tribu des Soléïm.<br />
(2) El-Kaïrouani, Histoire de l'IfrUâa, trad. Pélissier el de Ilemiisat,<br />
442. Cet auteur donne le nom de guerre sainte<br />
p. 264, 273, 39-, 393,<br />
(Djrhad)<br />
aux expéditions entreprises contre les Arabes de la Tunisie.<br />
(3) Fraction de la iribu arabe de î-oleïm. Un petil groupe, perdu dans lo<br />
Sahara, représente, de nos jours, le dernier reste des Oulad-Soula, naguère<br />
si puissants.
couvert la Berbérie de missionnaires dont l'action a été<br />
grande au point de vue religieux et même ethnographi<br />
que; car ces saints personnages, accueillis d'abord, quel<br />
quefois à peiné tolérés au milieu des populations berbères<br />
déjà en partie arabisées,<br />
ont formé le noyau d'agglomé<br />
rations d'éléments divers, devenues plus tard des tribus<br />
qui ont pris le nom du marabout fondateur. Ils ont ainsi<br />
contribué à modifier la physionomie de la population<br />
autochthône en lui donnant celle qu'elle a maintenant.<br />
Les blanches koubbas (dômes), semées partout, en Algérie,<br />
sont les tombeaux de ces missionnaires.<br />
Mais fermons cette parenthèse et revenons à Constan<br />
tine. Si l'action prépondérante exercée dans les campagnes<br />
par les marabouts de l'Ouest s'explique par la supériorité<br />
de leur culture<br />
intellectuelle,'<br />
il est bien surprenant que<br />
des étrangers soient parvenus à se faire accepter, d'abord<br />
par la population d'une des plus vieilles villes berbères,<br />
et ensuite à la dominer. La famille qui a su obtenir ce<br />
résultat est celle des Oulad Abd-el-Moumen, qui subsiste<br />
encore et a des représentants à Constantine (1), où elle<br />
possède une mosquée vénérée qui a donné son nom à<br />
une partie du quartier de Bab-el-Djabia (_), à Biskra et<br />
à Saguiet-el-Hamra. Elle était soutenue par les tribus<br />
arabes et notamment par les Oulad-Soula. A une époque<br />
qu'il est assez difficile de préciser, mais que l'on ne peut<br />
faire remonter au delà du xive<br />
siècle, elle avait reçu,<br />
(1) Le chef de la famille, Sidi-Abd-el-Malek, âgé acluellement d'environ<br />
quatre-vingis ans. est père d'un grand nombre de fils dont les aînés sont<br />
déjà presque des vieillards. Il vit depuis longtemps dans une retraite<br />
absolue.<br />
(2) Dans le carrefour au-dessus de la rue des Tanneurs.
— — 7<br />
probablement des sullans hafsides de Tunis, le titre de<br />
Chéikh-el-Islam ou chef de la religion islamique, vicaire<br />
de l'Imam dans le Mag'reb;<br />
outre Emir-er-Relceb,<br />
pèlerins de l'Ouest,<br />
et les lieux saints.<br />
un de ses membres était en<br />
ou conducteur de la caravane des<br />
allant chaque année visiter La Mekke<br />
C'était une mission importante que celle de conduire<br />
les pèlerins en Orient. Le moment fixé pour le départ<br />
était annoncé longtemps à l'avance dans chaque localité;<br />
puis la caravane de l'Ouest arrivait à Constantine, où se<br />
trouvaient déjà réunis les voyageurs du pays; quand tout<br />
était prêt, on partait en grande pompe,<br />
bours, drapeaux déployés,<br />
en tête.<br />
au son des tam<br />
avec l'Emir-er-Rekeb ou Rokkas<br />
De grands privilèges étaient attachés à ces fondions, et<br />
l'on se rend facilement compte de l'influence qu'elles<br />
devaient donner à la famille qui en était titulaire, d'autant<br />
plus que le caractère religieux de sa charge la plaçait en<br />
dehors et au-dessus des luttes politiques, intestines et<br />
étrangères dont l'empire hafside était sans cesse le théâtre.<br />
Cetle situation devait lui attirer les faveurs de tous les<br />
partis,<br />
en la tenant à l'abri des revers de fortune aux<br />
quels chacun était alors grandement exposé dans la Ber-<br />
bérie.<br />
II.<br />
L'on sait comment un obscur corsaire, Baba-Aroudj,<br />
profitant de l'affaiblissement de la puissance berbère,<br />
s'empara, en 1516, d'Alger,<br />
ville sur laquelle les Zeya-<br />
nites de Tlemcen et les Hafsides de Tunis exerçaient des.
'8<br />
prétentions, et qui, par sa situation centrale, était mar<br />
quée pour devenir la capitale d'une partie du littoral<br />
africain de la Méditerranée. A ce moment, les attaques<br />
réitérées des Espagnols contre les Barbaresques, leurs<br />
conquêtes de Melila (14-96), de Mers-el-Kebir (1505),<br />
d'Oran (1509) et de Bougie (1510); leur établissement sur<br />
l'îlot du Pegnon, dans le port même d'Alger, indiquaient<br />
une intention bien arrêtée de conquérir la Berbérie.<br />
Bientôt, en effet, Tlemcen, Mostaganem, Tenès, Vêlez,<br />
puis Tunis, Bônev Djerba, Tripoli, tombaient devant les<br />
armes espagnoles, et, malgré l'échec mémorable de Charles-<br />
Quint devant Alger (1541),<br />
on pouvait s'attendre à voir<br />
le drapeau chrétien flotter avant peu sur toutes les villes<br />
du littoral barbaresque. Des circonstances de diverse na<br />
ture devaient empêcher cetle présomption de se réaliser;<br />
pendant trois siècles, la Méditerranée et son littoral allaient<br />
être en proie à la tyrannie des corsaires africains, et c'est<br />
à la France qu'il était réservé de mettre fin à celte into<br />
lérable situation.<br />
Après la mort du premier Barberousse (1518), son<br />
frère Kheïr-ed-Dine,<br />
qui avait en vain essayé de rétablir<br />
son autorité et o% se défendre par ses propres forces<br />
contre les Espagnols et contre les Indigènes, car il avait<br />
des ennemis à l'intérieur et à l'extérieur, Kheïr-ed-Dine,<br />
donl la position n'était plus lenable,<br />
offrit au Grand-<br />
Seigneur la souveraineté de la Berbérie, dans l'espoir<br />
d'en être nommé vice-roi et de recevoir des secours en<br />
hommes et en argent. Les Turcs s'empressèrent d'ac<br />
cepter un royaume dont l'acquisition leur coûtait si peu<br />
cher^ Bientôt Kheïr-ed-Dine reçut,<br />
des renforts au moyen desquels il sut tenir les Espagnols<br />
avec le titre de Pacha,
•9<br />
en échec, renverser définitivement la dynastie hafside,<br />
dont le trône avait élé relevé par les Chrétiens, et sou<br />
mettre les Indigènes. Avant la fin du siècle, les Espagnols<br />
étaient chassés de leurs conquêtes et ne conservaient<br />
qu'Oran et Vêlez sur le littoral africain.<br />
Telle fut l'origine de l'établissement de la suzeraineté<br />
turque sur l'Afrique. Peu de conquêtes furent aussi fac<br />
tices et eurent aussi peu d'attaches dans le pays conquis;<br />
il n'a rien moins fallu que l'état de désorganisation pro*<br />
fonde où se trouvait la Berbérie pour que l'autorité tur<br />
que, représentée par quelques milliers de janissaires,<br />
pût s'y établir d'abord et s'y maintenir ensuite pen<br />
dant trois cents ans. Les Turcs, il est vrai, employèrent<br />
comme procédé de gouvernement,<br />
rité exemplaire,<br />
des grandes familles indigènes,<br />
en outre d'une sévé<br />
une politique qui consistait à se servir<br />
à les opposer les unes<br />
aux autres, à profiter de leurs rivalités et à faire naître<br />
leurs conflits; du reste,<br />
d'administration,<br />
peu scrupuleux sur les détails<br />
laissant leurs créatures user et abuser<br />
des pouvoirs qu'elles tenaient d'eux et s'appliquant à pa<br />
raître ignorer ce qu'ils ne pouvaient empêcher.<br />
Selon M. Vayssettes (1),<br />
dont les arguments, en l'état<br />
de la question, paraissent probants, la puissance otto<br />
mane s'établit pour la première ibis à Constantine, vers<br />
l'an 1534,<br />
après la prise de Tunis par Kheïr-ed-Dine. Les<br />
documents précis manquent absolument sur cette période,<br />
mais tout donne à penser que,<br />
selon leur politique cons<br />
tante, ils essayèrent de s'appuyer sur la famille Ben-Abd-<br />
(I) Histoire des Beys de Constantine (Recueil des Mémoires de la Société<br />
archéologique de Constantine, 1867, p. 281 el suivantes;.
- 10<br />
—<br />
el-Moumen pour asseoir leur influence. La tradition en a<br />
conservé le souvenir et elle ajoute que ces marabouts,<br />
soit par excès de prudence,<br />
sympathie,<br />
soit par manque absolu de<br />
refusèrent de se faire les agents des usurpa<br />
teurs ou ne leur prêtèrent qu'un concours. apparent. Ils<br />
ne furent pas seuls à manifester cette attitude de résis<br />
tance,<br />
car nous voyons aussi le célèbre cheïkh Si-Amor-<br />
el-Ouezzane refuser les fonctions de Cadi dont le pacha<br />
Hassan-Aga lui offre l'investiture (I).<br />
Une autorité manquant tellement de racines devait être<br />
exposée à de fréquentes vicissitudes. En 1568, les habi<br />
tants de Constantine, oubliant leurs rivalités, s'unirent<br />
pour chasser la garnison turque et mettre à mort leur<br />
gouverneur. La répression ne se fit pas attendre; dans<br />
le cours de la même année, selon Marmol, le pacha Ali,<br />
renégat, surnommé El-Fortas (le chauve),<br />
s'étant porté<br />
avec des troupes nombreuses sur Constantine, Jofça la<br />
ville,<br />
châtia rigoureusement ses habitants çt'leur imposa<br />
une forte rançon. En 1572, nouvelle révolte, suivie d'une<br />
répression terrible. « Les maisons des particuliers furent<br />
livrées au pillage, les enfants furent impitoyablement mas<br />
sacrés et les habitau(| vajncus durent plier sous le joug<br />
de l'étranger (_). »<br />
Quelle fut, pendant ces mouvements, l'attitude de la<br />
famille Abd-el-Moumen? Selon la tradition,<br />
elle continua<br />
d'être hostille aux Turcs. M. Cherbonneau a raconté (3)<br />
les récits qu'il a recueillis à ce sujet et d'après lesquels<br />
(I) Voir, à ce sujet, sa curieuse lettre dans l'histoire de M. Vaisselles,<br />
p. 397 el suivantes.<br />
(2) Ibld.,<br />
p. 310.<br />
(3) Annuaire de la Société atchéologique de Constantine (1856-57).
- 11<br />
—<br />
Sidi-Abd-el-Noumen, qui s'était compromis en aidant les .<br />
Oulad-Soula dans leur résistance, fut attiré au camp des<br />
Turcs et mis à mort, comme un simple ennemi, en dépit<br />
de son caractère religieux. On dit même que son cadavre<br />
aurait été écorché et que i sa peau bourrée de paille<br />
aurait été envoyée à Alger en manière de trophée. »<br />
Quoi qu'il en soit de l'exactitude des détails transmis<br />
par ce souvenir populaire, et du degré de créance qu'il<br />
faut y attacher, il subsiste un fait positif, c'est l'hostilité<br />
de la famille Abd-el-Moumen contre l'établissement de<br />
l'autorité turque,<br />
et nous n'en voulons pas d'autre preuve<br />
que sa dépossession du titre de Cheïkh- el-Islam etd'Emir-<br />
er-Rekeb et l'élévation d'une famille rivale (1).<br />
111.<br />
Au commencement de ce même xvie<br />
siècle,<br />
vivait à<br />
Constantine une famille de jurisconsultes distingués, con<br />
nue sous le nom patronymique de famille des Oulad-el-<br />
Feggoun (2). D'après un auteur indigène estimé, mais<br />
non dépourvu de malice, Sidi-Abd-el-Kader-er-Rachedi,<br />
les Ben-et-Feggoun, qui se sont, plus tard, créé des généa<br />
logies les rattachant aux races nobles de l'Arabie, seraient<br />
simplement des Berbères, originaires de Feggouna? bour<br />
gade de l'Aourès, et se seraient appelés,<br />
dans le prin<br />
cipe, El-Feggouni, adjectif relatif de Feggouna; mais<br />
c'est là un point sans importance pour nous.<br />
(1) Après la mort du cheïkh Sidi-Abd-el-Malek, il sera peut-èlte possible<br />
d'obtenir quelques détails précis à<br />
conservé des documents de l'époque.<br />
cet égard, si toutefois la famille a<br />
(2) Vulgairement : Lefgoun,<br />
*<br />
f
- 12<br />
-<br />
Cette famille se trouvait-elle déjà en rivalité avec celle<br />
des Oulad-Abd-el-Noumen? C'est probable,<br />
car nous<br />
voyons, en 1535, Yahïa-el-Feggoun, chef de la famille,<br />
réfugié à Tunis,<br />
périr lors de la prise de cette ville par<br />
Charles-Quint : il fut mis à mort par. un soldat, dans une<br />
mosquée où il était en prières. Son fils Kassem, de retour<br />
à Constantine, fut Imam de la grande mosquée d'EI-<br />
Batha (I), puis cadi,<br />
mourut le 9 juillet 1558.<br />
tenant son investiture des Turcs. Il<br />
A quelle époque la dignité de Cheikh-el-Islam fut-elle<br />
conférée aux Ben-el-Feggoun? Nous ne pouvons le dire,<br />
car, dans les annales de cetle famille, le premier diplôme<br />
manque; on y<br />
trouve seulement que le premier Emir-er-<br />
Rekeb fut Sidi-Abd-el-Kerim, troisième fils de Sidi-Yahia.<br />
Cet Abd-el-Kerim est mort le 13 août 1580.<br />
D'autre part, nous savons qu'en 1563,<br />
un membre de<br />
la famille Abd-el-Moumen est mort avec le titre d'Emir-<br />
er-Rekeb (2). C'est donc entre ces deux dates qu'il faut<br />
placer l'élévation de la famille Ben-el-Feggoun. M. Vays-<br />
selles choisit celle de 1567 ou 1568; quant à nous, nous<br />
proposons de la placer en 1572, c'est-à-dire après la<br />
grande révolte, suivi! probablement de la mise à mort du<br />
chef de la famille Abd-el-Noumen, événement dont la tra<br />
dition à conservé le souvenir.<br />
Ce n'est pas sans motifs que M. Vayseltes préfère la<br />
date de 1567,<br />
et nous ne pouvons mieux faire que de<br />
donner ici le passage relatif à cette question : « La ville<br />
était divisée en deux sof ou partis. D'un côté, les Abd-el-<br />
(I) Actuellement la grande mosquée rue Nationale.<br />
|2) Histoire des Beys (Vaysseitesi, Ioc. c. p. 323.
13<br />
Moumen avec tous les habitants du quartier de Bab-el-<br />
Djabia, ou de la basse ville, représentant le parti de la<br />
résistance; de l'autre, les Ben Lefgoun avec les habitants<br />
de la haute ville, depuis le quartier d'El-Belaha,<br />
où est<br />
située la grande mosquée, jusqu'à la Kasba, représentant<br />
le parti nouveau. Lors de la révolte de 1567, dont les<br />
principaux instigateurs se trouvaient dans le camp des<br />
Abd-el-Moumen, le cheïkh Abd-el-Kerim, qui,<br />
occasion,<br />
en cette<br />
avait pris ouvertement fait et cause pour les<br />
Turcs, dut profiter de son séjour à Alger pour gagner<br />
entièrement les bonnes grâces du Pacha qui y comman<br />
dait. De retour à Constantine, il aida de tout son pouvoir<br />
à la restauration du gouvernement turc el rallia à lui<br />
tous les membres de la Djemaâ, alors au nombre de qua<br />
rante. Le titre de Cheïkh-el-Islam,<br />
retiré aux Abd-el-<br />
Moumen, qui venaient de succomber dans la lutte, lui<br />
fut donné en récompense de ses services (I). »<br />
Celte argumentation ne manque pas de valeur; mais, k<br />
ce qui nous fait pencher pour la date de 1572, c'est juste<br />
ment la proximité de cette nouvelle révolte et l'énergie<br />
des mesures de répression qui l'ont suivie. Le vainqueur<br />
a pu pardonner une première fois aux Abd-el-Moumen<br />
dans l'espoir de les rallier, mais, à coup sûr, après la<br />
seconde révolte, le châtiment a dû être inexorable.<br />
Ainsi donc, soit après la révolte de 1567,<br />
soit après<br />
celle de 1572, la famille El-Feggoun arrive au pouvoir dans<br />
la personne de son chef Sidi-Abd-el-Kerim, nommé par les<br />
Turcs Emir-er-Rekeb. Abd-el-Kerim meurt en 1580 (2),<br />
Ul Histoire des Beys,<br />
p. 327.<br />
(2) M. Cherbonneau a donné son épitaphe dans l'Annuaire de la Société,<br />
1856-57, p. 87.
— - u<br />
et, par diplôme délivré par le pacha Djafer, dans les<br />
derniers jours d'août 1581,<br />
son fils Abd-AUah-Mohammed<br />
le litre, —<br />
la<br />
— le remplace. « Il est nommé, dit à<br />
dignité d'Imam (prêtre) et de Khatib (prédicateur) de la<br />
grande mosquée, en remplacement de son père, décédé.<br />
Il y fera les cinq prières, prononcera la Khotba (sermon)<br />
et remplira toutes les fonctions occupées par son père<br />
En conséquence,<br />
nous lui donnons pleins pouvoirs pour<br />
l'administration des, biens de la mosquée il pour<br />
voies à ses dépenses et dirigera tous ses employés et nul<br />
ne pourra s'opposera ce qu'il aura jugé utile, ni les fonc<br />
tionnaires de ladite mosquée, ni les cadis,<br />
ni les repré<br />
sentants (de notre autorité), ni l'administration des hobous,<br />
ni personne autre ....<br />
»<br />
On le voit, les titres de Cheïkh-el-Islam el d'Emir-er-<br />
Rekeb ne sont pas encore prononcés. Ces fonctions dès<br />
lors appartiennent-elles de droit à l'Imam de la grande<br />
mosquée, comme les Ben-el-Feggoun le prétendent; c'est<br />
possible; peut-être aussi les Turcs tenaient-ils à s'assurer<br />
de la fidélité du titulaire tout en lui laissant quelque<br />
chose à désirer^lls la nomment Imam de la grande mos<br />
quée et le chargent de prononcer la Khotba ou prône du<br />
vendredi, dans laquelle les bénédictions divines sont appe<br />
lées sur le Prince des Croyants ou sur son représentant.<br />
C'est, en pays musulman, la plus haute fonction reli<br />
gieuse, et l'imam, dans ce cas, est bien le vicaire de<br />
l'Imam de La Mekke. Ce qui démontre l'importance de la<br />
position, c'est que le titulaire se trouve placé au-dessus<br />
du cadi représentant la loi et au-dessus du chef adminis<br />
tratif représentant le pouvoir temporel, le pacha.<br />
A partir de cette époque, tous les pachas qui se sont
15<br />
succédé à Alger ont, en prenant le pouvoir, envoyé au<br />
Cheïkh-el-Islam de Constantine,<br />
un diplôme de renouvel<br />
lement, et, au décès de chaque titulaire, un diplôme d'in<br />
vestiture à son successeur. Tous se sont plu à augmenter<br />
ses prérogatives et à créer ainsi une puissance qui, dans<br />
un pays oîj l'autorité était si éphémère,<br />
a traversé les<br />
siècles et a été trouvée par nous intacte. Malgré la pru<br />
dence qui a été de tradition chez les Oulad-el-Feggoun,<br />
celte famille s'est trouvée, dès lors, mêlée aux événements<br />
politiques,<br />
purement religieux.<br />
sans cependant se départir de son caractère<br />
Voici un aperçu des avantages accordés successivement<br />
au Cheïkh-el-Islam :<br />
Mission de conduire, comme Emir-er-Rekeb, la cara<br />
vane des pèlerins du Mag'reb,<br />
avec droits absolus sur<br />
loutes les personnes la composant et profits de toute<br />
sorte résultant de cette fonction.<br />
Administration sans contrôle des biens considérables de<br />
la grande mosquée d'El-Batha.<br />
Exemption d'impôts et de toutes charges pour leurs<br />
biens hobous et leurs propriétés urbaines et rurales :<br />
maisons, fours, bains, moulins, ateliers de tisserands,<br />
boutiques, jardins, etc.<br />
Exemption des charges, corvées, prestations, droits<br />
d'entrée et de sortie, fourniture de la nourriture et du<br />
logement aux troupes et aux fonctionnaires,<br />
tous avan<br />
tages dont profitaient aussi leurs domestiques, tenanciers,<br />
bergers, colons partiaires, khammès,<br />
religieux).<br />
Dons et apanages en immeubles, etc.<br />
khoddam (serviteurs
16<br />
Droit de décime sur les tapis et bois apportés de<br />
l'Aourès à Constantine.<br />
Droit de perception des redevances sur le marché aux<br />
fruits et légumes.<br />
Enfin, droit d'asile non-seulement dans leurs maisons,<br />
mais même dehors', toute personne sur laquelle le Cheïkh-<br />
el-Islam étendait le pan de son manteau devenant invio-<br />
ble,<br />
« eût-elle commis le plus grand crime. »<br />
Le Cheïkh-el-Islam avait en outre des prérogatives im<br />
portantes dans là pratique du<br />
Le dernier titulaire a élé Sid-M'hammed-el-Feggoun,<br />
trouvé par nous investi de cette fonction lors de la prise<br />
de Constantine,<br />
en 1837. Il a été traité par nous avec<br />
considération et est mort peu de temps après en laissant<br />
huit fils dont sept existent encore. Naturellement, il n'a<br />
pas été remplacé.<br />
Nous donnons, pour finir, le texte et la traduction de<br />
quelques-uns des diplômes accordés à la famille Ben-el-<br />
Feggoun.
- 17<br />
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TRADUCTION. —<br />
Louange a dHu! (1).<br />
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J<br />
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I.<br />
Wj b.<br />
Quiconque parmi les caïds et administrateurs et tout<br />
le monde, en particulier et en général, dans le pays de<br />
Constantine, —<br />
que<br />
Dieu dirige les actes de tous ! —<br />
notre présent ordre généreux, etc.,<br />
suit :<br />
verra<br />
soit averti de ce qui<br />
Nous renouvelons au Cheïkh, au savant, au pieux, à<br />
celui qui craint Dieu, etc., au pèlerin pieux, à l'expéri-<br />
(i\ Nous supprimons les formules surabondantes et inutiles qui encom<br />
brent le texte.
- 19<br />
—<br />
mente, à l'auteur d'ouvrages, etc.,<br />
suasif, Sidi-Abd-el-Kerim-el-Feggoun, —<br />
au prédicateur per<br />
que Dieu lui<br />
perpétue son assistance favorable et nous fasse profiter<br />
de ses grâces! — l'octroi<br />
de nos faveurs, conformément<br />
aux dispositions des diplômes dont il est possesseur.<br />
Et,<br />
attendu qu'il a déjà fait le voyage de la noble terre<br />
et a visité le tombeau du choisi (Mahomet), —<br />
soient la bénédiction et le salut! —<br />
demandé (dans ses prières) l'avis de Dieu, —<br />
sur<br />
lui<br />
après avoir à ce sujet<br />
qu'il soit<br />
glorifié! — et qu'il est disposé à suivre la voie tracée par<br />
l'Imam de la certitude, le Cheïkh des Cheïkh,<br />
connaissait que Dieu, le très-précis,<br />
celui qui ne<br />
celui dont les béné<br />
dictions se répandent dans toutes circonstances de mou<br />
vement et de repos, Sidi-Ahmed-Zerrouk (1); —<br />
nous fasse profiter de ses grâces! —<br />
etc.<br />
que<br />
Dieu<br />
L'autorisons a faire retentir les timballes, à emmener<br />
les Musulmans comme cela se faisait et à être le courrier<br />
(Rokkas) du Prophète;<br />
salut !<br />
sur lui soient la bénédiction et le<br />
Personne ne lui suscitera d'empêchement,<br />
d'opposition et ne le repoussera,<br />
de cetle mission, etc.<br />
ne lui fera<br />
car c'est le plus digne<br />
Nous lui recommandons de. bien exécuter le mandat<br />
qui lui est confié et de bien accomplir les devoirs de la<br />
charge dont il est investi ; de suivre les errements établis<br />
et la voie consacrée;<br />
d'être bienveillant pour les com<br />
pagnons et ceux qui désirent se rendre à la maison anti<br />
que ; de conformer sa marche à la leur et de ne pas pro-<br />
(1) El-Faci-el-Berneci,<br />
grand chef religieux professant le soufisme et<br />
dont l'influence s'étendait au xv« sièqfe sur toute la Berbérie. Il amenait<br />
la caravane de l'Ouesl el était reçu che_ les BeiirAbd-el-Moumen.
20<br />
léger les uns à l'exclusion des autres, etc.<br />
Par cet acte,<br />
nous avons en vue la face du Dieu admi<br />
rable et l'espoir de sa récompense abondante, t Car<br />
Dieu. . . ele, »<br />
Ecrit par l'ordre du serviteur de Dieu, de celui qui<br />
combat dans sa voie, Abou-el-Hacen-Ali-Pacha; —<br />
Dieu l'assiste!<br />
que<br />
A la date du premier tiers de Ramadan, le magnifique<br />
de l'année 104-8 (du 5 au 15 janvier 1639).<br />
(En tête figure un cachet où on lit) : Le plus faible des<br />
serviteurs de Dieu, Ali.<br />
Ce diplôme mérite d'attirer l'attention; il en résulte en<br />
effet que des désordres s'étaient produits dans la con<br />
duite des pèlerins, puisque le pacha énonce, comme con<br />
sidérant de sa décision,<br />
que Sid-Abd-el-Kerim se dépose<br />
à reprendre les errements établis par Sidi-Ahmed-Zer-<br />
rouk, décédé depuis un siècle environ ; et cependant, les<br />
Oulad-el-Feggoun étaient en possession du titre d'Emir-er-<br />
Rekeb depuis près de 80 ans. On remarquera aussi les<br />
prescriptions charitables el égalitaires imposées à l'Emir.<br />
Le voyage en Ori^pt était alors une grande entreprise qui<br />
créait des liens d'égalité étroite entre ceux qui en par<br />
tageaient les fatigues et les dangers.<br />
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Louange a Dieu ! etc.<br />
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II.<br />
Quiconque parmi les Caïds, etc.,<br />
ordre généreux, etc., soit averti :<br />
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Lywl ^J te J Lo_<br />
verra notre présent
- 23<br />
—<br />
Que nous avons octroyé nos faveurs au porteur du pré<br />
sent, le très-magnifique, le légiste, etc., Abou-Abd-Allah-<br />
Mohammed, fils du feu Cheïkh,<br />
Sidi-Abd-el-Kerim-el-Feggoun ;<br />
profiter de ses grâces! etc.,<br />
— en<br />
— que<br />
source de bénédictions<br />
Dieu nous fasse<br />
lui renouvelant les<br />
avantages résultant des ordres dont il est porteur et qui<br />
sont émanés de nos frères les pachas qui nous ont pré<br />
cédé.<br />
En conséquence, il tiendra la place de son père, le<br />
défunt susdit, comme imam agréé de tous, homme revêtu<br />
de la confiance générale et prédicateur à la grande mos<br />
quée.<br />
Il y prononcera, pour le public, les cinq prières, exac<br />
tement, régulièrement et obligatoirement, aux heures<br />
consacrées.<br />
Il y fera la Khotba les vendredi et jours de fête.<br />
La direction de tous les biens hobous de ladite mos<br />
quée,<br />
se trouvant tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la<br />
ville, lui appartiendra; il en appliquera les revenus à<br />
pourvoir aux besoins de la mosquée,<br />
c'est-à-dire à l'achat<br />
de l'huile, des appareils d'éclairage et des nattes, au<br />
paiement du salaire des Mouedden (crieurs), Hezzab (réci-<br />
tateurs du Koran), balayeurs,<br />
gens chargés de l'éclairage<br />
et de l'approvisionnement de l'eau; il exécutera tout ce<br />
qui sera nécessaire comme constructions,<br />
démolitions et<br />
réparations et profitera de ce qui lui restera comme excé<br />
dant, selon l'usage suivi précédemment, l'habitude con<br />
sacrée et les errements établis par son père susdit et les<br />
imam ses prédécesseurs,<br />
et conformément encore à l'usage<br />
suivi par les imam d"<br />
Alger, la ville bien gardée par Dieu.
__ _ 24<br />
Il sera traité avec respect et vénération, etc., et l'on<br />
n'agira pas vis-à-vis de lui de la même manière que vis-<br />
à-vis d'une personne ordinaire.<br />
De même, tous les serviteurs de ladite mosquée, tous<br />
ses khammès et ses associés jouiront du respect qui l'en<br />
vironne, conformément à l'usage, etc.<br />
Cet octroi de faveurs est complet; c'est un renouvelle<br />
ment béni, etc.<br />
Ecrit par l'ordre du serviteur de Dieu,<br />
celui qui com<br />
bat dans la voie du très-haut, le très-glorieux Abou-es-<br />
Sedek, notre maître Ismaïl-Pacha ;<br />
—- que Dieu l'assiste!<br />
A la date du second tiers de Safar le bon de l'année<br />
1074 (du 13 au 23 septembre 1663).<br />
(En tête se trouve un cachet portant) : Ismaïl-ben-<br />
Khelil.<br />
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Louange a Dieu! etc.<br />
III.<br />
Quiconque parmi les Caïds, etc., et les personnes revê<br />
tues de fonctions en la ville de Constantine, verra notre<br />
présent ordre généreux, etc., soit averti de ce qui suit :<br />
Le légiste, le très-glorieux Emir-er-Rekeb des Musul<br />
mans, courrier du prophète du maître de l'Univers, Sidi-<br />
Abd-el-Kerim-el-Feggoun, étant venu vers nous, nous a<br />
présenté un écrit émané des très-magnifiques, très-estimés<br />
Farhate-bey et Redjeb-bey (1), établissant qu'ils lui ont<br />
(1) Ont tous deux représenté l'autorité turque à Constantine : le premier,<br />
de 1047 à 1653, et le second, oncle du précédent, probablement après<br />
celui-ci, ou peut-être concurremment avec lui.
26<br />
concédé le produit des droits sur le marché des fruits et<br />
des légumes.<br />
En conséquence, tout son périmètre sera entre les<br />
mains du Seigneur susmentionné qui en disposera pour<br />
les besoins de la mosquée.... (lacune) en huile, appa<br />
reils d'éclairage, nattes, etc., et pour les réparations, sans<br />
que personne puisse lui faire d'opposition à cet égard, etc.<br />
Ecrit par l'ordre du serviteur de Dieu, combattant dans<br />
la voie de notre maître, Abouel-Felah-Mourad-Pacha, —<br />
que Dieu l'assiste!<br />
A la date du premier tiers de Chaoual de l'année 1060<br />
(7-17 août 1650).<br />
En tête figure un cachet où on lit : Le plus humble des<br />
esclaves : Mourad.<br />
Ce diplôme, fort abîmé,<br />
plusieurs lacunes;<br />
1<br />
est difficile à lire et présente<br />
il est d'ailleurs mal rédigé et incorrect.<br />
(M<br />
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Louange a Dieu ! etc.<br />
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IV<br />
A___. ,<br />
Quiconque, parmi les Caïds, etc.,<br />
verra notre présent<br />
écrit délivré en vertu des ordres de notre maître le Pacha,<br />
— que Dieu lui accorde la victoire ! —<br />
qui suit :<br />
soit<br />
averti de ce<br />
Le porteur du présent, le très-magnifique, le légiste, etc.,<br />
Emir-er-Rekeb des Musulmans, Rokkas du prophète du<br />
maître de l'Univers, le seigneur maître, l'appui le plus<br />
haut, le pèlerin pur, la source de bénédictions, le cheïkh<br />
Mohammed, fils du défunt Sid-El-Hadj-Abd-el-Kerim-el-<br />
Feggoun, etc., est investi par nous, en renouvellement, du<br />
litre d'émir agréé, d'homme de confiance incorruptible<br />
et d'Amin pieux pour la conduite de la caravane des Mu<br />
sulmans et de Rokkas du prophète du maître de l'Univers.<br />
11 s'occupera de leurs affaires et veillera à tous leurs<br />
intérêts et à ce qui pourra leur être profitable.<br />
En conséquence, tous les Musulmans composant la cara<br />
vane et se dirigeant avec lui vers le séjour de toute no<br />
blesse (La Mekke),<br />
— sur<br />
son maître soient la plus géné<br />
reuse des prières et le plus pur des saluts! — seront
sous sa direction,<br />
sance.<br />
30<br />
sous ses ordres el soumis à son obéis<br />
Personne ne pourra contrevenir à ses prescriptions, ni<br />
enfreindre ses défenses : ses paroles devront être écoutées<br />
par eux et ses décisions seront exécutoires pour ceux<br />
auxquelles elles s'appliqueront.<br />
Il suivra à cet égard la voie tracée par son père, le<br />
défunt susdit, et les errements établis dans le passé par<br />
les très-glorieux seigneurs, les purs, très-glorieux,<br />
très-<br />
pieux Emir-er-Rekeb des Musulmans qui l'ont précédé, et<br />
cela pour l'exécution des charges imposées à son profit<br />
et la perception de ses bénéfices, en observant à cet égard<br />
l'usage consacré et en suivant la voie pratiquée et suivie.<br />
L'autorisons, en conséquence (1), lorsqu'il se disposera<br />
à partir pour visiter le tombeau du choisi, du porteur de<br />
bonne nouvelle,<br />
à inviter les gens à se rendre en pèleri<br />
nage et, à cet effet, à faire retentir les timballes pour<br />
■avertir ceux qui désirent aller accomplir l'obligation im<br />
posée (par la religion),<br />
nobles.<br />
en se rendant aux lieux élevés et<br />
Aucune opposition ne lui sera faite à ce sujet, car c'est<br />
lui le plus digne d'en être chargé, étant de ceux auxquels<br />
appartient cetle mission,<br />
et élant à même de l'accomplir.<br />
Le Prophète a dit : « Ne donnez pas le pouvoir à ceux<br />
« qui ne sont pas dignes de le recevoir, car vous lui<br />
« feriez tort; et n'en privez pas ceux qui en sont dignes,<br />
« car vous leur feriez tort (2). »<br />
(1) Il doit y avoir ici une erreur dans le lexle arabe, l'écrivain ayant<br />
écrit v<br />
/.~~_-J<br />
au lieu de O^s^<br />
(2) Hadilb ou recueil de traditions sur le Prophète.
— — 31<br />
Ce qu'il aura décidé sera exécutoire. Il lui est recom<br />
mandé de suivre la voie de ceux qui servent de modèle<br />
et ont atteint leur but; d'être bienveillant pour les com<br />
pagnons; de traiter avec douceur ceux qui font le voyage<br />
vers la maison antique; de conformer sa marche à la leur;<br />
de ne pas. rapprocher de lui les uns à l'exclusion des<br />
autres, etc.<br />
Par cet acte, etc.<br />
Il (le titulaire) sera traité avec respect, vénération, hon<br />
neur, considération et protection pour sa personne, de<br />
telle sorte que les honneurs dont il jouit ne pourront<br />
être réduits et que sa grandeur ne pourra être diminuée.<br />
De même, tous ses serviteurs, gens de sa maison,<br />
khammès, colons partiaires, seront traités avec un respect<br />
abondant.<br />
Tout ce qui viendra chez lui,<br />
en passant par la porte<br />
de la ville susdite ou ce qui sortira de chez lui, sera<br />
exempt de tout contrôle de la part -du Caïd-el-Bab (per<br />
cepteur des droits)*<br />
On ne pourra en rien réduire les honneurs dont il jouit;<br />
personne ne pourra lui faire subir d'injure ni de vexation.<br />
En tout cela, on se conformera à l'usage établi pour<br />
lui et aux errements suivis vis-à-vis de ses ancêtres, sans<br />
que personne puisse lui faire d'opposition.<br />
Ce renouvellement est complet, etc.<br />
Ecrit par l'ordre du très-mâgnifique Moustafa, agha<br />
(général)<br />
de l'armée victorieuse par l'appui de Dieu.<br />
A la date du dernier tiers de Ramadan de l'année 1075<br />
(6-16 avril 1665;.<br />
(Au dos se trouve un cachet portant ce qui suit) : Celui<br />
qui recherche la grâce, Moustafa-ben-Khelil.
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36<br />
Quiconque parmi les beys, les très-doctes oulama, les<br />
aghas, les khalifas et tous les personnages de race arabe<br />
ou appartenant à la milice (turque),<br />
fonctions dans le pays,<br />
verra le présent écrit,<br />
— que<br />
qui remplissent des<br />
Dieu les dirige tous! —<br />
soit averti :<br />
Que nous avons octroyé nos faveurs au savant, au très-<br />
glorieux, etc., au Cheïkh, au généreux<br />
Abou-Abd-Allah-<br />
Sid-Mahammed-Cheïkh, de la descendance du légiste, etc.,<br />
le défunt, le bienheureux Sid-Abd-el-Kerim-el-Feggoun, et<br />
que nous lui avons renouvelé les avantages établis par<br />
les ordres dont il est porteur et qui sont émanés de nos<br />
seigneurs les pachas et de nos frères les beys du temps<br />
passé.<br />
Ces diplômes relatent qu'il est Emir-er-Rekeb des pèle<br />
rins, Rokkas de l'auteur du Miaradj (ascension), notre<br />
seigneur Mohammed; —<br />
que<br />
Dieu., etc.<br />
il suit la trace laissée par ses pieux ascendants et est<br />
réputé comme pratiquant leur voie droite et éclatante.<br />
Il est juste dans sa manière d'être personnelle; ses<br />
actes sont dignes d'approbation; il porte les caractères<br />
de ceux qui sont 4ms la voie du salut; tout ce qui<br />
émane de lui mérite successivement la louange; il suit la<br />
Sonna (loi traditionnelle) de Mohammed;<br />
soient. . . etc.<br />
— sur<br />
son auteur<br />
11 ordonne de pratiquer le bien et est célébré pour sa<br />
générosité et sa douceur.<br />
Il fournit la nourriture; il sert de médiateur pacifique<br />
entre les gens; il est l'ami des gens de bien, de paix et<br />
d'équité; il est l'ennemi des gens vicieux et de désordre;<br />
ii offre sa personne en don au Dieu très-haut; il dépense<br />
sa fortune dans l'intérêt de ce qui est bien.
- 37<br />
-<br />
Il est donc obligatoire qu'il soit protégé avec les soins<br />
les plus assidus ; qu'il soit traité de la manière la plus<br />
extraordinaire;<br />
qu'il soit accueilli par tout le monde en<br />
particulier et en général, avec les signes du contentement<br />
et de la joie.<br />
Nous disons tout cela en raison de la tendresse que<br />
nous lui portons à cause de ce qui précède et parce qu'il<br />
est de la famille des nobles de race, des purs, des légistes,<br />
des bons, de ceux qui connaissent Dieu,<br />
qui se gardent<br />
des choses défendues par lui et qui craignent son châtiment.<br />
Or, la protection à accorder aux savants, aux oualis<br />
(saints), les honneurs dont on doit les entourer, sont<br />
d'obligation étroite pour tous les hommes, surtout lors<br />
qu'il est question de quelqu'un se rattachant par sa filia<br />
tion au Prophète ;<br />
sur lui . . . etc.<br />
Il est l'imam agréé, le prédicateur indiquant bien la<br />
voie et l'orateur- triomphant de la grande mosquée située<br />
à El-Batha (1), laquelle est célèbre par le nom de son<br />
aïeul ;<br />
— que Dieu lui fasse miséricorde !<br />
Il y prononce la prière les vendredis et jours de fête<br />
et est chargé de veiller à ce qu'elle soit dite aux heures<br />
consacrées.<br />
Il a l'administration de la mosquée susdite et de ses<br />
dépendances, et. notamment de la zaouia située à Ras-el-<br />
Kharrazine (2), ainsi que de tous ses biens hobous.<br />
Il doit veiller également à ce que le Hizb (section du<br />
Koran), dit de Ben-Hassein (3), soit récité,<br />
affectés à cette fondation étant entre ses mains.<br />
(t) La grande mosquée de la rue Nationale.<br />
(2) Actuellement la mosquée dite de Hamouda, rue Rouaud.<br />
tous les hobous<br />
(3) Il est sans doute question d'une tondation hobous établissant la réci<br />
tation d'un certain nombre de Hizb.
— — 38<br />
C'est lui qui perçoit les fruitsxles hobous constitués au<br />
profit de ce qui précède; c'est par ses soins que le mon<br />
tant est dépensé pour les besoins de la mosquée susdite<br />
et de la zaouia : il fait réparer ce qui a besoin de répa-<br />
tions; achète ce qui est nécessaire comme nattes, eau et<br />
huile pour les lampes; il solde le salaire des employés,<br />
des tolba qui récitent les Hizb, des surveillants et autres,<br />
conformément à l'usage et aux règlements établis.<br />
(Après avoir pourvu à ces dépenses), l'excédant est<br />
employé par lui dans son intérêt, à son profit et pour ses<br />
affaires,<br />
suivant en cela la règle consacrée par ses an<br />
cêtres très-généreux et ses pères défunts.<br />
cela.<br />
Personne, en dehors de lui,<br />
n'a le droit de s'occuper de<br />
U est recommandé en outre de le traiter avec respect,<br />
vénération, protection el générosité ; d'entourer, de même,<br />
sa maison du respect le plus complet et de protéger qui<br />
conque vient y chercher asile, car, depuis les temps les<br />
plus reculés, elle est inviolable;<br />
pour ceux qui fuient;<br />
c'est un lieu de refuge<br />
un abri pour ceux qui ont un sujet<br />
de craindre; un IieÉ sûr pour ceux qui implorent secours;<br />
un gîte pour les pauvres et les misérables, étrangers et<br />
voyageurs.<br />
Tous les gens qui viennent y chercher un refuge, ceux<br />
qui se trouvent dans ses parvis, ont droit à la paix, à la<br />
sécurité et aux bons traitements,<br />
eussent-ils commis la<br />
faute la plus grave : personne ne peut les en laire sortir,<br />
ni violer les droits sacrés de cette demeure,<br />
et cela con<br />
formément à l'usage anciennement établi et à la voie an<br />
térieurement et constamment observée.
De même,<br />
39<br />
nous avons donné des instructions pour la<br />
protection de tous ses khoddam, ses zaouia, tels que les<br />
Oulad-Djebara, les Beni-Ouftine et les Thouara et tous ses<br />
khammès, etc. Personne ne pourra leur faire subir de<br />
vexation ni d'avanie, etc.<br />
Les Beys ne pourront rien exiger de ses zaouïa, etc.<br />
Cet octroi de faveurs est complet. C'est un renouvelle<br />
ment béni, etc.<br />
Salut de la part de l'humble devant son Dieu,<br />
son ser<br />
viteur Ahmed-Bey;<br />
— que Dieu l'assiste par sa bonté!<br />
Donné dans le tiers de Moharrem, premier mois de<br />
l'année 1242 (24 août-4 septembre 1826).<br />
En marge est apposé le sceau de Sid-El-Hadj-Ahmed-<br />
bey-ben-Mohammed-bey,<br />
avec la date de 124-1 (1825-26).,<br />
Ce diplôme, émané d'El-Hadj-Ahmed, le bey auquel<br />
nous avons arraché Constantine, représente le type des<br />
derniers diplômes. On remarquera le très-curieux passage<br />
relatif au droit d'asile dont jouissait la maison des Ben-el-<br />
Feggoun « depuis les temps les plus reculés. »
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HISTORIQUE<br />
DES CONNAISSANCES DES ANCIENS<br />
SUR<br />
LA GEOGRAPHIE DE L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE<br />
Résumé de leur système (t)<br />
Les premiers renseignements précis que les Grecs reçu<br />
rent sur l'Afrique septentrionale leur parvinrent par l'E<br />
gypte. Vers 660 avant J.-Ch., Psammétik Ier, ayant ouverl<br />
les ports de son empire aux Grecs d'Ionic, ceux-ci, pat<br />
leurs rapports avec les Phéniciens, apprirent qu'à l'occi<br />
dent de l'Egypte s'étendait, une vaste contrée appelée Li<br />
bye (Libué), du nom de ses habitants, les Louba (Lou-<br />
birn de la Bible),<br />
Nil (sans doute le Niger),<br />
nale, et, au-delà,<br />
ou Libues (identifiés aux Louata). Le<br />
en formait la limite méridio<br />
s'étendait l'Ethiopie ou pays des noirs.<br />
Antérieurement à cette époque, les Grecs ne possédaient<br />
que de vagues traditions sur ces contrées, traditions dont<br />
certains passages des chants d'Homère nous ont transmis<br />
l'écho.<br />
Ces premières notions se précisèrent par les rapports<br />
(l) Le bel ouvrage de M. Vivien de Saint-Martin a Le Nord de l'Afriqui<br />
dans » l'antiquité, nous a fourni la plus grande parlie des matériaux de<br />
cet article.
_ 4- —<br />
de plus en plus fréquents des Grecs avec l'Afrique, et,<br />
notamment,<br />
par la fondation de leur colonie do Kyrèno<br />
(vi° siècle avant J.-Ch.) ; mais ùïïA s'étendirent surtout<br />
au littoral de la mer Rouge et à la vallée du Nil. Enfin,<br />
Hérodote étant venu lui-même en Egypte, y recueillit des<br />
renseignements certains et les produisit dans ses ouvrages<br />
(vers 420 avant J.-Ch.).<br />
Les données précises d'Hérodote s'élendent, à l'Ouest,<br />
jusqu'au territoire de Karthage; au-delà, ses notions n'ont<br />
rien de défini. Pour lui,<br />
la Libye comprend « le territoire<br />
« situé entre l'Egypte et le promontoire de Soleïs (sans<br />
« doute le cap Cautin). Elle est habitée par les Libyens<br />
« et un grand nombre de peuplades libyques,<br />
et aussi<br />
« par des colonies grecques et phéniciennes établies sur<br />
« le littoral. Ce qui s'étend au-dessus de la côte (le Tel],<br />
« est rempli de bêtes féroces ; puis, après cette région<br />
« sauvage, ce n'est plus qu'un désert de sable, prodi-<br />
« gieusement aride et tout à fait désert. »<br />
Après avoir décrit assez minutieusement le littoral de<br />
la Kyrénaïque et des Syrtes, Hérodote s'arrête au lac<br />
Triton (le Chot-el-Djcrid). Il ne sait rien, ou du moins<br />
ne parle pas spéci^ement de Karthage, qui était alors<br />
dans toute sa puissance. « —<br />
Au-delà du lac Triton,<br />
« —<br />
dit-il, on rencontre des montagnes boisées, habitées<br />
« par des populations de cultivateurs nommés Maxyes.. »<br />
Enfin, il a entendu dire que, bien loin, dans la même<br />
direction, était une montagne fabuleuse appelée Atlas et<br />
dont les habitants se nommaient Atlantes (1).<br />
(1) Variante: Alarantes. On a comparé les noms d'Atlas et Ataranles, à<br />
VAdrar berbère (pi. Idraren}, qui signifie montagne et s'applique encore<br />
et spécialement à la chaîne du Grand-Atlas.
y /<br />
v-t<br />
Parmi les principaux noms do peuplades cités par<br />
Hérodote,<br />
nous reproduirons :<br />
1° Les Adyrmakhides, demeurant aux environs de<br />
Kyrène ;<br />
^y w**/v*a_v. y ,Xt^ a '>■>*/. •<br />
2° Les Auskhises, au-dessous de Barka;<br />
3° Les Nasamons,<br />
sur le littoral de la Grande-Syrte et<br />
s'étendant jusqu'à l'oasis d'Audjelcs (Audjela) ;<br />
4° Les Psylles, voisins des précédents,<br />
Grande-Syrte .<br />
au fond de la<br />
(Renommés comme charmeurs de serpents;<br />
leur nom semble même une onomatopée destinée à rap<br />
peler le sifflement çlc cet animal; ;<br />
5» Les Garamantes, divisés en Garamantes du Nord, ,,<br />
habitant les montagnes au midi de Tripoli, et Garamantes Wjis,e<br />
du Sud, vtisins de l'oasis de Garama (Djerma, dans le^»*?<br />
Fezzan), dont ils ont pris le nom; """ry: «,<br />
6° Les Tj_ogl______vJ_3s,<br />
voisins des précédents (qui seront<br />
reportés, plus tard, beaucoup plus à l'Est). Ils parlaient ^.^<br />
un langage différent, vivaient dans des cavernes (1) et<br />
étaient renommés pour, leur légèreté à la course. Les<br />
Garamantes leur donnaient la chasse;<br />
7° Les Makcs, dans le territoire traversé par le Kinyps<br />
(Ouad-Souf-Djin) ;<br />
8J Les Lotophages, dans l'île Mcninx (Djerba)<br />
littoral voisin;<br />
9° Les Makhlyes,<br />
et sur le<br />
jusqu'au fleuve Triton (le débouché<br />
du lac du Djcrid, qui, alors, communiquait avec la mer);<br />
10° Les Auses, des deux côtés du lac Triton;<br />
11°, 1_° et 13° Les Maxyes, les Zaouckcs et les Ghy-<br />
.(I) Il est à remarquer que la tribu berbère des llïen (Ifiï signifie ca-Yi<br />
verne dans cette langue) sera placée dans les mêmes localités que les ''<br />
Troglodytes.<br />
"lH"*1"
— 6 —<br />
zantesv, au nord du lac Trilon et sur le littoral, vis-à-vis.<br />
les îles Ccrcina (Kcrkinna).<br />
Telles sont les principales notions laissées par Hérodote<br />
sur l'Afrique. Pendant longtemps,<br />
ces détails servirent<br />
aux auteurs anciens qui, tous, les reproduisirent (1).<br />
Vers l'époque où écrivait Hérodote, Karthage, —<br />
l'avons dit,<br />
nous<br />
— atteignait l'apogée de sa puissance. Elle<br />
étendait ses colonies au loin vers le couchant, et,<br />
ordre,<br />
par son<br />
l'amiral Hannon parlait avec une flotte de soixaate<br />
navires à rames,<br />
portant trente mille colons phéniciens<br />
et libyens, dans le but de reconnaître les côtes africaines<br />
de l'Océan et d'y<br />
fonder des établissements. L'amiral<br />
karlbaginois parvint, en suivant la côte, jusqu'à une vaste<br />
dépression, dont la pointe reçut le nom de Corne du Midi<br />
(le cap des Palmes, à l'extrémité du golfe de Guinée). En<br />
voyant cetie vaste mer qui s'étendait au levant, Hannon<br />
revint sur ses pas, « n'osant pas s'aventurer plus loin,<br />
« de crainte de manquer de vivres. » Ce voyage audacieux<br />
qui ne devait être renouvelé que deux mille ans plus tard<br />
(1462;, par les Portugais, donna aux Karthaginois une<br />
connaissance assez c^cte des côtes occidentales de l'A<br />
frique. Les concitoyens d'Hànnon en furent tellement<br />
frappés d'admiration, qu'ils décidèrent qu'une inscription,<br />
relatant les principaux faits du voyage, serait placée dans<br />
le temple de Karthage. Longtemps après, cette inscrip<br />
tion, qui était en langue punique, fut traduite par un<br />
(I) « Il faut remarquer,<br />
— dit<br />
M. Vivien de Saint-Martin,— que, chei<br />
lous les géograplies de l'époque romaine, on troffve, exactement repro<br />
duit, le fond dus notions d'Hérodote sur les peuples de la Libye, saut<br />
l'addilion de circonstances et de détails nouveaux que les rapports des<br />
Romains avec ces contrées fournissaient aux auteirrs. » P. '7, noie l.<br />
'
__ — 7<br />
voyageur étranger, dont le nom est demeuré inconnu.<br />
Elle nous est parvenue sous le nom de périple d'IIannon (1).<br />
Les découvertes importantes d'IIannon ne firent pas<br />
avancer les connaissances des Grecs et des Romains sur<br />
l'Afrique, puisque, ainsi que nous l'avons dit, l'ins<br />
cription de Karthage ne fut traduite que beaucoup plus<br />
lard.<br />
Les notions des Grecs se complétèrent cependant, dans<br />
le cours du ive siècle avant notre ère,<br />
par les voyages<br />
des navigateurs grecs, tant dans la mer Rouge que sur<br />
l'Océan. Parmi ces périples, le plus remarquable fut celui<br />
de Skylax, lequel s'avança sur les côtes occidentales<br />
d'Afrique jusqu'à une distance qui n'avait pas encore été<br />
atteinte par ses concitoyens.<br />
Peu de temps après, éclatèrent les guerres puniques<br />
qui se , terminèrent, en 146 avant J.-Ch.,<br />
par la chute<br />
de Karthage. Dès lors, le voile qui cachait aux Romains<br />
l'Afrique septentrionale fut déchiré. Aussitôt après avoir<br />
achevé sa conquête, Scipion Emilicn envoya Polybe vers<br />
l'Ouest pour reconnaître les établissements karthaginois.<br />
Ce voyageur, qui avait déjà exécuté, dans l'Est de la Mé<br />
diterranée, un voyage de circumnavigation, rapporta, de<br />
sa course sur l'Océan les notions les plus précises. Par<br />
malheur, toute cetle partie de son grand ouvrage manque,<br />
et. nous n'en connaissons que les extraits rapportés par<br />
Pline.<br />
(I) Au sujet de l'époque probable du voyage d'IIannon, nous ne pos<br />
sédons que celle phrase de Pline commentant le périple : « Hanno, Car-<br />
thaginensium dux, punicis rébus florentissimis,<br />
explotare ambitum Africœ<br />
jussus, ele. ; t ce qui induit a le placer entre l
— — 8<br />
Voici qu'elles furent, dès lors, les notions générales<br />
des Romains sur la géographie et l'ethnographie du pays<br />
auquel ils conservèrent le nom de Libye,<br />
en le restrei<br />
gnant toutefois aux parties orientale et méridionale.<br />
qae,<br />
A l'Est, sur le littoral méditerranéen,<br />
était la Cyrénaï-<br />
s'étendant de l'Egypte aux Syrtcs et occupée par les<br />
tribus dont Hérodote a donné les noms. *"<br />
Les Styles étaient habitées par des tribus nomades<br />
libyennes, et, notamment,<br />
comme pirates.<br />
Puis, venait le territoire de Karthage,<br />
par les Nasamons renommés<br />
comprenant la<br />
Tunisie actuelle et formant Y Afrique proprement dite. Ce<br />
nom parait avoir été trouvé par les fondateurs de la<br />
colonie phénicienne, s'appliquant,<br />
soit à la localité soit à<br />
la peuplade qui l'occupait et qui a dû disparaître.<br />
A l'Ouest de Karthage, jusqu'au fleuve de Molochalh<br />
(la Moulouia), était la Numidie,<br />
mides (1).<br />
ou territoire des Nu<br />
Au-delà de la Molochath, jusqu'à l'Océan, était la<br />
Maurusie ou Mauritanie, pays des Maures, nom qui leur<br />
avait élé donné par les Phéniciens, et qui parait avoir eu<br />
la signification d"ccidcnlaux ,(2). La Mauritanie était<br />
habitée par deux peuples principaux : les M^ssyli (Massy-<br />
(li Nous nous conformons, pour celle limite occcidcnlale de la Nu-<br />
mirlie, aux indicalions fournies par les auteurs du temps Cependant<br />
il parait résulter de l'étude comparée de la géographie .et de l'histoire<br />
antiques, que celte limite s'arrêtait au méridien de Bougie. Au-delà<br />
étaient les deux Mauritanies, comme plus lard les deux Mag'reb.<br />
12) En Hébreu et en Clialdéen, occident se dit Maa'rab; or, le Phéni<br />
cien parait avoir eu. la plus grande alfiniié avec le Clialdéen. De même,<br />
en arabe, le Maroc actuel est appelé Mag'reb _j ,i.j et les Marocains<br />
Mag'roba (occidentaux).
liens), à l'Est,<br />
s'<br />
— — 9<br />
avançant sans doute jusque vers le méri<br />
dien de Bougie (voir la note 1 de la page 24),<br />
sœsyli (Massœsyliens), à l'Ouest.<br />
et les Mas-<br />
Tels étaient les contrées et les peuples des régions<br />
littorales.<br />
Dans l'intérieur, les Romains connaissaient :<br />
Au sud des Syrtes, la Pltazame, habitée par les Gara<br />
mantes (le Fezzan actuel) ;<br />
Et, au sud de la Numidie et de la Mauritanie, la Gétulie,<br />
habitée par les Gétules nomades.<br />
Le Nil ou le Niger,<br />
car les auteurs anciens confondent<br />
sans cesse ces deux fleuves, supposant même, souvent,<br />
qu'ils n'en font qu'un, forme la limite méridionale du<br />
désert. Au-delà est YÉlhiopie, dont ils n'ont aucune<br />
notion précise et qu'ils croient baignée par l'Océan, bor<br />
nant l'Afrique en ligne directe de la Corne du Midi (la<br />
pointe du golfe de Guinée) au Cap<br />
mité du golfe d'Adcn).<br />
des Aromates (extré<br />
Après la conquête de Karthage, les rapports des Ro<br />
mains avec l'Afrique deviennent de plus en plus fréquents,<br />
et, bientôt, de nouvelles guerres portent leur domination<br />
à l'est et à l'ouest de la colonie phénicienne.<br />
La guerre de Jugurtha (111 à 106 avant J.-Ch.), étend,<br />
d'abord, l'influence romaine sur les contrées de l'in<br />
térieur et la Numidie. En 74, la Kyrénaique devient<br />
de la Grande République. En 46, la guerre de<br />
Juba l'ancien est suivie de la prise de possession de la<br />
Numidie. En 30,<br />
c'est l'Egypte entière qui tombe sous lo<br />
joug de Rome. A la mort de Bocchus, la parlie de la<br />
Mauritanie comprise entre Saldse (Bougie) et la Molo-
— — 10<br />
cliath est réduite en province romaine (vers l'an 25).<br />
Enfin, vers l'an 40 de J.-Ch., la prise de<br />
nitive de la Mauritanie occidentale (Tingilanc),<br />
possession défi<br />
l'Afrique septentrionale aux mains du Peuple-Roi.<br />
met toute<br />
Pendant cet espace de deux siècles qui sépare la chute<br />
de Karthage de la conquête de la Mauritanie, la géogra<br />
phie do l'Afrique se complète par de nouveaux documents.<br />
Salluste, qui fut le premier proconsul de la Numidie,<br />
écrit son histoire de la guerre de Jugurtha, où, au milieu<br />
de la surabondance de détails inutiles, se trouvent<br />
quelques renseignements à noter, comme représentant<br />
les traditions ayant cours dans le pays à celte époque.<br />
L'expédition de Cornclius-Balbus en Phazanic (19 avant<br />
J.-Ch.),<br />
apporte un grand nombre de noms de peuplades<br />
et de localités ayant figuré à son triomphe (1). Celle<br />
de Suetonius Paulinius (41 de J.-Ch.), fait connaître le<br />
Grand-Atlas et le cours du Ger, le Guir actuel (2;, en<br />
plein Sahara. Malheureusement,<br />
cette expédition ne nous est pas parvenue,<br />
la relation importante de<br />
et nous n'en<br />
connaissons que les extraits si caractéristiques donnés<br />
parpar<br />
Pline : « L'Atlas a une grande élévation (3) ; les<br />
« tics inférieures son^couvertes d'épaisses et profondes<br />
a forêts ; le sommet est revêtu, même en été, d'une<br />
« grande quantité de neige (4)... Il Suetonius; l'atteignit<br />
(I) Ces noms sont tellement altérés sous leur forme latine, que nous ne<br />
croyons pas devoir reproduire les synonymies pioposécs par M. Vi\ien<br />
de Saint-Martin.<br />
(_j Où une expédition a été conduite, il y a doux ans, par le général do<br />
Wimpfea.<br />
(3) Les sommets du Giawl-Ulas dépassent 3,500 inè; res.<br />
14) Voir la description de l'Atlas d'Ibu-Khaldoun (ï. Il, p 159), comme<br />
terme de comparaison.
- 11<br />
—<br />
« en dix marches, et, au-delà, il arriva â une rivière<br />
« appelée le Ger, à travers des solitudes couvertes d'une<br />
« poussière noire, d'où surgissent, çà et là, de? rochers<br />
« qui semblent noircis par le feu (1). Ces lieux sont<br />
« inhabitables, même en hiver,<br />
à cause do la grande<br />
« chaleur. Les gens qui vivent dans les forêts voisines<br />
« (de l'Atlas), remplies d'éléphants, de bêtes féroces et<br />
« de serpents, se nomment Canarii, parce que le chien<br />
« est leur nourriture (2),<br />
ainsi que la chair des bêtes<br />
« fauves, etc.. »<br />
Ces rapports militaires sont complétés par les études<br />
de savants écrivains grecs et latins. Strahon, vers l'an 25<br />
de Jésus-Christ, donne une description générale de l'Afri<br />
que qu'il nomme Libye. Il prend, comme toujours, le<br />
Nil pour limite orientale; puis, il suit le littoral méditer<br />
ranéen, depuis le Delta jusqu'aux colonnes d'Hercule.<br />
Au-delà du détroit, il s'avance jusqu'au fleuve Lyxus<br />
(Ouad-cl-Kous). Là s'arrêtent ses notions, qui, dans cette<br />
partie occidentale, sont très-peu précises. Il parle d'une<br />
grande montagne se trouvant dans la Mauritanie, « mon-<br />
« tagne que les Grecs nomment Allas et les barbares<br />
« Dyrin (3). » 11 sait qu'au-delà se trouvent des peuples<br />
nomades appelés Éthiopiens occidentaux; puis, « qu'à<br />
« partir des Ethiopiens,<br />
la côte prend sa direction enlrc<br />
« l'Orient et le Midi. » Quant à la distance approximative,<br />
(1). . eminentibus inlcrdum veînt exuslis caulibns...<br />
(2) Ibn-Haukal,<br />
géographe arabe du X'<br />
siècle, donne aux habitants de<br />
Sidjilmassa Talîlalai, oasis peu éloignée de l'Atlas, l'habitude de manger<br />
du chien. C'est aussi cette coutume qui a valu aux lies Canaries leur<br />
nom.<br />
(3) On reconnaît le Deren berbère.
— — 12<br />
il n'en a aucune idée et ne possède que des données<br />
très-vagues sur les peuples de l'intérieur : « tout ce<br />
« qu'on sait,<br />
— — dit-il,<br />
c'est que les Ethiopiens sont le<br />
« plus au Sud et qu'ils onl, au Nord, les Garamantes, les<br />
« Pbarnsions et les Nigritcs, et, plus près de nous, les<br />
« Gétulcs. »<br />
Il divise les pays du littoral de la manière suivante :<br />
1° La Kyrénaïque,<br />
habitée par les Kyrénéens et diffé<br />
rentes tribus dont les noms sont conformes à ceux rap<br />
portés par Hérodote. Puis les Syrtcs, habitées par les<br />
Nasamons et les Psyllcs ;<br />
2° Le territoire de Karthage qu'il appelle Byzacène,<br />
pays des Byzaciens (les Ghyzantos d'Hérodote) et des<br />
Si nies;<br />
3° La Numidie, habitée par des peuples numides, parmi<br />
lesquels il compte les Massyliens et les Massœsylicns ;<br />
4° La Maurusie ou Mauritanie.<br />
Telle est l'Afrique de Strabon (1).<br />
Pomponius Mcla,<br />
du ior<br />
siècle,<br />
écrivain latin de la première moitié<br />
nous a laissé un précis géographique com<br />
plet du littoral africain. Il fait In périple des côtes depuis<br />
le détroit de Gadès ju<br />
u'à l'Egypte,<br />
et depuis le golfe<br />
arabique, revient par l'Ouest au détroit de Gadès, en sui<br />
vant une ligne imaginaire qui traverse le Sahara.<br />
Sa description géographique ne s'éloigne pas du littoral;<br />
elle est d'une précision assez satisfaisante. Ses divisions<br />
par provinces sont les mêmes que celles de Slrabon.<br />
Quant aux populations qu'il cite, elles sont idenliques à<br />
(I) C'est à Strabon que l'on doit celte comparaison, si peu exacte, et<br />
depuis si répélée, du désert, à une peau de panthère dont les mouche<br />
tures forment les oasis.
- 13<br />
-<br />
celles indiquées par Hérodote;<br />
mais il ajoute à sa<br />
nomenclature quelques peuples fabuleux : les Binnyes,<br />
ayant le visage au milieu de la poitrine; les Gumphazan-<br />
les, habitant les contrées situées au midi des Syrles, et<br />
les Egypmis. moitié hommes et moitié animaux, à l'Ouest<br />
des précédents.<br />
Mêla dit de l'Afrique en général : « C'est une terre<br />
« merveilleusement fertile, là où elle est cultivée; mais<br />
« qui est restée inculte et inhabitable dans sa plus grande<br />
« étendue, à cause des sables dont elle est envahie, des<br />
« animaux malfaisants qui l'infestent, de son ciel sans<br />
« pluie et de son sol sans eau (1). »<br />
Pline clôt brillamment la liste des géographes du pre<br />
mier siècle (il écrivait vers 70). Ses notions ne s'étendent<br />
pas beaucoup au-delà de la région tellienne. Il suit,<br />
comme Mêla, le périple de la Méditerranée en commen<br />
çant par l'Ouest, et cite successivement : la Mauritanie, la<br />
Numidie, l'Afrique propre, les Syrtcs et la Kyrénaïque.<br />
Il suit ensuite le littoral égyptien, pénètre dans la mer<br />
Rouge et rejoint le détroit de Gadès,<br />
par l'Atlantique.<br />
Les dimensions qu'il donne sont prises sur la grande<br />
carte du monde connu, dressée par les soins d'Agrippa<br />
vers l'an 15 de J.-Ch.<br />
Pline qui avait pu consulter,<br />
l'apprend,<br />
— les<br />
—<br />
c'est lui qui nous<br />
ouvrages de Juba II et les relations de<br />
Polybe et de Suetonius Paulinius,<br />
entre dans des -détails<br />
assez précis sur les habitants, les mœurs, la flore et la<br />
faune du pays qu'il décrit; malheureusement, il répète,<br />
sans examen, la plupart des fables ayant cours de son<br />
(1) Chap IV.
— — 14<br />
temps. Le tout est écrit dans ce style concis et nerveux<br />
qui lui est propre.<br />
« L'Afrique,<br />
— dil-il<br />
(1), —<br />
n'est<br />
« que sous le nom de Libye, et cela,<br />
connue des Grecs<br />
parce qu'ils ont<br />
« trouvé les populations où ils ont fondé la colonie de<br />
« Kyrènc, portant le nom de Loul'a (2). De même, le<br />
« premier territoire où les Romains ont mis le pied en<br />
« Afrique était habile par les Afarikas (3). i><br />
Ces quelques lignes de Pline nous donnent,<br />
en peu de<br />
mots, l'origine très probable, sinon certaine, des deux<br />
anciennes appellations du pays.<br />
Les peuplades du littoral sont indiquées par Pline dans<br />
le même ordre que par Mêla, Strabon et même Hérodote,<br />
pour la partie décrite par ce dernier. Dans l'intérieur, il<br />
cite aussi les peuples fabuleux relatés par Mêla (4j ; mais<br />
il ajoute, pour le Sud-Ouest,<br />
thiopes;<br />
les Libya?gypti et les Leucœ-<br />
au midi des Gélules et au-delà de ces deux peu<br />
plades, les NigriUe, les Gymnètcs et les Pharusii, voisins<br />
de l'Océan. Il cite encore les Pcrorsi dans la Mauritanie.<br />
Après la période des géographes dont nous venons d'a<br />
nalyser les ouvragÀ, les connaissances des Romains sur<br />
le Sud-Est de l'Afrique se complètent par de nouvelles<br />
(I) Liv. V, sect. I.<br />
(2) Loubim de la Bible, Libues des Grecs, Lebalhaï de Procope, lia—<br />
guaten de Corippus, Louata des autcuis arabes.<br />
(3)<br />
M. Vivien de Saint-Martin identifie les Afaiikas aux Aouriria des<br />
auteurs arabes. Nous pensons qu'en présence d'une double altération du<br />
nom primitif, par les Latins et par los Arabes, on ne saurait être trop<br />
prudent dans la recherche de ces synonymies.<br />
(4) Le géographe arabe Abou-Ohcïd-el-Bckri parle aussi de peuplades<br />
fantastiques, moitié hommes, moitié animaux, habitant l'intérieur de l'A<br />
frique, ce qui prouve que, pour la géographie, cpmme pour les autres<br />
sciences, les Arabes avaient puisé aux sources antiques.
- 15<br />
-<br />
expéditions militaires et par les périples entrepris parles<br />
navigateurs grecs de l'Egypte,<br />
tions commerciales.<br />
pour étendre leurs rela<br />
Vers l'an 140, Ptolémée d'Alexandrie réunit tous les<br />
documents nouveaux et écrit son grand travail géogra<br />
phique, le plus complet que l'antiquité nous ait légué.<br />
La partie relative à l'Afrique forme huit chapitres :<br />
1° Mauritanie;<br />
2° Numidie;<br />
3° Afrique propre;<br />
4° Kyrénaïquc;<br />
5° Marmariquc;<br />
6° Zone libyque;<br />
7° Egypte;<br />
Et 8° Zone intérieure, divisée en Libye intérieure,<br />
Ethiopie et Ethiopie intérieure.<br />
La description générale de Ptolémée rappelle celle de<br />
tous les auteurs anciens,<br />
en ce sens qu'il n'a aucune idée<br />
du prolongement méridional de l'Afrique. Cependant, il<br />
sait que ce continent s'étend, au Midi, beaucoup plus<br />
loin que ne l'indiquent ses prédécesseurs, et il en porte<br />
les limites au-delà de l'équateur.<br />
Relativement à la Mauritanie, ses connaissances sont<br />
beaucoup<br />
plus précises que celles des autres auteurs.<br />
Après avoir donné les principales rivières de celte con<br />
trée,<br />
et décrit la côte de l'Océan jusqu'au mont Théôn<br />
ocltèma, ou char des dieux,<br />
point reconnu par Hannon à<br />
peu de distance de la Corne du Midi (la pointe du golfe<br />
de Guinée), il désigne les principales tribus parmi les<br />
quelles nous indiquerons :
— 16 -<br />
Dans la Mawilanie-Tingilane :<br />
1° Les Masikes (1);<br />
2° Les Rakouates (2) ;<br />
3° Les Makanites (3) ;<br />
4° Les Zegrensii;<br />
5° Les Baniurœ;<br />
Dans les montagnes :<br />
Les Arokkes.<br />
Au Sud :<br />
Les Daraclœ,<br />
actuel).<br />
A l'extrême Sud :<br />
1° Les Perorsi ;<br />
2° Les Pharusii ;<br />
3° Les Leucœthiopes.<br />
sur les bords du fleuve Darat (le Deraa<br />
Les populations de. la Mauritanie césarienne, de la Nu<br />
midie, de l'Afrique propre et de la Kyrénaïque, sont tou<br />
jours à peu près les mêmes, augmentées d'un certain<br />
nombre de tribus dont les noms sont<br />
gurés. Ê<br />
complètement'<br />
défi<br />
Dans la Libye intérieure, divisée en Libye déstrie, au<br />
(1) Nous nous conformons à l'habitude qui devient générale de rendre<br />
la lettre K par le k qui reproduit, en français, beaucoup mieux sa pronon<br />
ciation. On remarquera l'analogie de Masikes avec Amaz-ir'<br />
ou Amazik',<br />
fém Tamazik't, qui s'emploie actuellement chez nos berbères du Sud et<br />
de l'Ouest, pour signifier grand, noble. La langue elle-même se nomme<br />
l'amacliekt ou Thamazik't.<br />
(2) Identifiés aux Uerg'ouata cités par les auteurs comme habitant les<br />
mêmes localités, sur les bords de l'Océan.<br />
(3j Identifiés aux Miknaca.
- 17<br />
—<br />
sud de la Kyrénaïque et de l'Afrique, et Gélulie,<br />
des Mauritanies, il cite :<br />
au sud<br />
1° Les Garamantes, s'étendant des sources du Bagradas<br />
(Medjerda) au lac Nouba, à l'est de la Phazanic ;<br />
2° Les Gétules, au midi des Mauritanies;<br />
3° Les Mclano-Gétules, au midi des Gétules;<br />
4° Et, enfin, les Ethiopicns-Ganges, les Éthiopiens-Nigri-<br />
tes et les Ethiopiens-Odrangides, à l'extrême Sud.<br />
Telle est, en résumé, l'Afrique de Ptolémée. C'est l'ex<br />
posé le plus complet des connaissances des anciens sur<br />
l'Afrique. Les tables de Pcutinger et d'Antonin,<br />
postérieures,<br />
son avec ses cartes.<br />
qui sont<br />
peuvent servir d'utiles points de comparai<br />
Après les travaux de ces auteurs, les documents pou<br />
vant être utiles se trouvent semés dans les ouvrages qui<br />
retracent les opérations militaires ou les faits se ratta<br />
chant à l'histoire générale, et auxquels le hasard a donné<br />
l'Afrique pour théâtre. Parmi ces ouvrages, nous cite<br />
rons : la guerre des Vandales, de Procope,<br />
nide,<br />
et la Johan-<br />
poëme de l'Africain Corippus pour célébrer les vic<br />
toires de Jean Troglyta. Tous deux datent du vie siècle et<br />
renferment de nombreux noms de tribus dont la forme<br />
se rapproche beaucoup<br />
arabes,<br />
et sert ainsi de transition.<br />
de celle donnée par les auteurs<br />
Après avoir suivi pas à pas la marche des connaissan<br />
ces des anciens sur l'Afrique, il nous reste à résumer<br />
leurs notions et à indiquer leur système géographique et<br />
ethnographique. C'est ce que nous allons faire dans les<br />
tableaux suivants :
__ — 18<br />
L'Afrique septentrionale (moins l'Egypte), nommée<br />
Libye par les Grecs, et Afrique par les Romains, forme<br />
les divisions suivantes :<br />
RÉGION LITTORALE<br />
1° Kyrénaïque, comprenant la Mitrmarique, —<br />
les frontières occidentales de l'Egypte,<br />
la Grande-Syrte ;<br />
2° Province Proconsulaire d'Afrique,<br />
Région Syrlique et Y Afrique propre,<br />
cène et Zeugitane, —<br />
depuis<br />
sources du Bagradas (Mccljerda);<br />
3° Numidie, —<br />
depuis<br />
depuis<br />
jusqu'au golfe de<br />
comprenant la<br />
appelée aussi Dyza-<br />
la Grande-Syrte, jusqu'aux<br />
l'Afrique propre, jusqu'au 3°<br />
de longitude Est (à peu près la province actuelle de<br />
Constantine);<br />
4° Mauritanie, —<br />
depuis<br />
divisée (vers 46 avant J.-Ch.),<br />
la Numidie jusqu'à l'Océan,<br />
en Mauritanie orientale<br />
et en Mauritanie occidentale, séparées par le fleuve<br />
Molocbath, puis (vers 297)<br />
divisée de nouveau en Mau<br />
ritanie Sihfienne, depuis la Numidie jusque vers Icosium<br />
(Alger), Mauritanie Cc^iennc, jusqu'au Molochath, et<br />
Mauritanie Ttngitane, jusqu'à l'Océan.<br />
RÉGION INTÉRIEURE<br />
i° Libye déserle, comprenant la Phazanie,<br />
de la Kyrénaïque et de la Région-Syrtique ;<br />
2° Gètulie, —<br />
tanie;<br />
au<br />
— au<br />
sud<br />
sud de la Numidie et de la Mauri<br />
3° Ethiopie, comprenant la Trogloiylique, —<br />
des précédentes,<br />
au sud
— - 19<br />
Populations<br />
RÉGION LITTORALE<br />
Kyrénaïque et Région-Syrtique<br />
1° Libyens, nom générique se transformant en Ltbathai<br />
dans Procope et Ilugualen dans Corippus (identifiés aux<br />
Ilaouaten berbères et aux Louala des adtcurs arabes);<br />
2° — Adyrmachides, littoral nord de la Kyrénaïque;<br />
3° —<br />
Ghiligammcs, littoral nord de la Kyrénaïque ;<br />
4° — Asbysles, littoral nord de la Kyrénaïque;<br />
5° — Nasamons, dans l'intérieur de la Kyrénaïque,<br />
sur la ligne des oasis, jusqu'au golfe de la Grande-Syrte;<br />
puis, sur tout le littoral de ce golfe;<br />
6° Psylles, —<br />
habitant la Grande-Syrte; puis, refoulés<br />
vers la Kyrénaïque;<br />
7S — Makes, littoral occidental de la Grande-Syrte;<br />
8° Zaouekes, (Arzugues de Corippus), —<br />
littoral<br />
com<br />
pris entre la Grande et la Petitc-Syrte ; ils ont donné leur<br />
nom à la Zeugitane (identifiés aux Zouar'a) ;<br />
9° (Pour mémoire, ces populations ayant disparu fort<br />
—<br />
anciennement) Troglodytes,<br />
Tripoli, et — Lotophnges, île<br />
1° Zaouekes, —<br />
midi<br />
2° — Maxyes,<br />
3° — Byzanles et Ghyzantes,<br />
montagnes voisines de<br />
de Djerba et littoral voisin.<br />
Afrique propre<br />
du Lac Triton ;<br />
environ du lac Triton ;<br />
littoral<br />
et environ du lac<br />
Triton. Ces tribus paraissent avoir donné leur nom à là<br />
Byzacène ;<br />
4° Libo- Phéniciens,<br />
— peuplade<br />
mixte du territoire de<br />
Karthage, qui a formé plus tard,<br />
lément latin, les peuplades coloniales dites Afri.<br />
par l'adjonction de l'é<br />
:
— — 20<br />
Numidie<br />
1° Numides, nom générique de ses habitants ;<br />
2° Nabalhres,<br />
— région Nord-Est ;<br />
3° Massœiyliens, puis MassyUens, —<br />
les contrées mé<br />
ridionales et occidentales; remplacés ensuite par les peu<br />
plades suivantes :<br />
4° Kedamousiens, sur la rive gauche de l'Amsaga (Ouad-<br />
Remel), jusqu'à l'Aourès (identifiés aux Ketama) ;<br />
5° Babares ou Sibabarei, sur la rive gauche de l'Am<br />
saga (identifiés aux Babor) .<br />
Mauritanie orientale<br />
1° Maures, nom générique, remplacé ensuite par Ma-<br />
ziques ;<br />
2° Quinquegentiens, divisés en Isaflimes (identifiés aux<br />
Iflissen ou Flissa), Jubalenes, Fraxinenses et Massinis-<br />
senses, plus les Nababes,<br />
les plus anciens habitants du pays,<br />
(Djerdjera) ;<br />
ces derniers paraissant avoir été<br />
— le<br />
3° Massœsyliens, pis Mussyàens, —<br />
Ferratus, —<br />
pulations ;<br />
remplacés<br />
Mons-Ferratus<br />
au sud du Mons-<br />
de bonne heure par d'autres po<br />
4(> Makhourebes et Baniourcs,<br />
Ferratus ;<br />
— à<br />
l'ouest du Mons-<br />
i)"Makhrusii,jsm" le littoral montagneux, à l'ouest des<br />
précédents ;<br />
0° Nacmnsii, clans la région des Hauts-Plateaux, au<br />
midi des précédents (Sersou) ;<br />
7° Massœsyliens, sur la rive droite du Molochath.
1° Manrrs, —<br />
2° Ma.ssœsyliens, —<br />
- |L-<br />
Mauritanie occidentale<br />
nom générique;<br />
bassin<br />
du Molochath et littoral<br />
(peuple ancien : Mas-Isli, race d'Isli en berbère (lj ;<br />
31 —<br />
Mazikes, sur le littoral de l'Océan (identifiés aux<br />
Amazik'j ;<br />
4°<br />
\lakeniles, sur le cours du Subur (Sebou, identifiés<br />
aux Miknaça);<br />
5° Bakouates, —<br />
voisins<br />
des précédents, et ayant,<br />
pendant une période, étendu leur domination vers l'Est<br />
(identifiés aux Berg'<br />
ouata) ;<br />
6° Autololes, Baniures, etc.,<br />
l'Oum-er-Rebïa ;<br />
7° Daradœ, —<br />
versant<br />
droite du Darath (Ouad-Draa).<br />
1° Libyens,<br />
— nom<br />
— dans<br />
le bassin de<br />
méridional de l'Atlas et rive<br />
RÉGION INTÉRIEURE<br />
Libye déserte<br />
générique;<br />
2° Garamantes, appelés aussi Gamphazantes, —<br />
Pha-<br />
zanie (Fezzan), s'avançant, au Nord, jusqu'aux monta<br />
gnes de Tripoli;<br />
3° Blemyes et Troglodytes, —<br />
dents ;<br />
Gélulie<br />
1° Gélules, nom générique,<br />
au sud-est des précé<br />
— toute<br />
la ligne des Hauts-<br />
Plateaux et la lisière du Désert (identifiés aux Guezoula<br />
et aux Guedala) ;<br />
2° Melano-Gélules,<br />
— au -midi des précédents;<br />
(t) Remarquer qu'il existe, dans ces localités, un Ouad-Isli.
•<br />
3° Perorses, Pharuséeus et Machurèbes, à l'ouest des<br />
précédents, dans le désert et sur la rive gauche du Darath.<br />
Ethiopie<br />
Éthiopiens, terme générique,<br />
rouges,<br />
divisés en Éthiopiens<br />
Éthiopiens blancs et Éthiopiens noirs (1).<br />
Allas-Major. —<br />
Le<br />
Atlas, dans le Maroc.<br />
Atlas-Minor. —<br />
Les<br />
Montagnes<br />
Deren des Indigènes,<br />
notre Grand-<br />
chaînes secondaires du Grand-<br />
Atlas, où sont les sources du Sebou et du Bou-Regreg, au<br />
Maroc.<br />
Carapha. —<br />
Kinnaba. —<br />
L'Ouarensenis,<br />
Mons-Ferratus. —<br />
actuelle.<br />
Aurasius-Mons. —<br />
de Constantine.<br />
dans la province d'Alger.<br />
Le Djebel-Amour, au sud du précédent.<br />
Le Djerdjera ou Grande-Kabilie<br />
Le<br />
Gyri ou Gyigiri-Monles. —<br />
de Tripoli.<br />
Bagradas. —<br />
Medjerda,<br />
Djebel-Aourès,<br />
| Fleuves et rivières<br />
Amsagas ou Ampsagas. —<br />
Kebir,<br />
dans la province<br />
Le Djebel-R'arïan,<br />
au sud<br />
sur la limite de la Tunisie.<br />
Oued-Remel<br />
rivière passant à Constantine.<br />
ou Ouad-el-<br />
(\) Nous ne pouvons nous empêcher, avec M. Berbrugger, de rappro<br />
cher les Ethiopiens rouges ou Ganges, appelés aussi par les auteurs<br />
Agaggines el Adraggides, des Iznagen ou Santiago qui, comme eux, habi<br />
taient au midi delà Gélulie, sur les bords de l'Océan,<br />
et ont donné leur<br />
nom au Sénégal. Citons aussi le nom Ouaggag, qui se rencontre dans<br />
l'histoire des Sanhaga au Lith-m.
— Nasaoua ou Nasabath. Oued-Sahcl, dont l'embou<br />
chure est à Bougie.<br />
— Asar ou Usar. Sans doute lo Cholif,<br />
dant du Djebel-Amour. AA<br />
Chylèmalh. —<br />
Makta,<br />
rivière descan- '<br />
o^, A '
y^_>*^^__Ai_, i>-_y<br />
Zcséfcc*? ■*<br />
ETHNOGRAPHIE<br />
DE<br />
L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE<br />
NOTES SUR L'ORIGINE DI PEUPLE BERBÈRE<br />
Les tribus de race arabe (Hilal et Soléim), qui occupent actuel<br />
lement une grande parlie du Tel de l'Afrique septentrionale, se<br />
sont établies dans le pays à une époque relativement récente.<br />
Chassés de l'Arabie au commencement du onzième siècle, par les<br />
Fatemides, pour avoir soutenu la sanglante révolte des Karmat,<br />
les Béni Hilal et Soleïm séjournèrent quelque temps dans la<br />
Haute-Egypte, puis, vers 1050, furent lancés sur le Mag'reb, par<br />
le kalife El-Mostancer, dans le double btit de se débarrasser<br />
d'eux et de punir la révolte de son lieutenant de Kaïrouàn.<br />
Les nomades arabes trouvèrent,<br />
dans le pays qu'ils envahis<br />
saient, une forte race indigène ayant un langage, des mœurs et<br />
un esprit national propres. Ce_ peuple avait subi la conquête<br />
arabe du septième siècle el était resté pendant plus de deux cents<br />
ans tributaire du khalifat ; puis, en 909, il avait expulsé Jes<br />
Ar'lebites, derniers représentants du souverain de Bagdad (1), et<br />
(1) Voir notre notice Sur la chute des gouverneurs Ar'lebites et l'éta<br />
blissement de l'empire obéïditc.
de puissanls empires s'élaient formés dans son sein. Seule, la<br />
religion des conquérants était restée dans le pays comme souvenir<br />
de leur passage; aussi, la langue du Coran était-elle usitée à la<br />
cour des princes indigènes et dans les écoles célèbres de Mag'reb<br />
et d'Espagne.<br />
Se heurtant ainsi à iin peuple très-nombreux et guerrier, et<br />
rencontrant une civilisation supérieure à la leur, il semble que<br />
les envahisseurs arabes eussent dû être expulsés et exterminés<br />
jusqu'au dernier. Mais il n'en fut pas ainsi. Après avoir conquis<br />
une première place dans les déserts de la Tripolitaine et de la<br />
Tunisie, ils profitèrent des discordes qui désolaient les Indi<br />
gènes, se mirent au service de leurs princes,<br />
soutinrent tous<br />
les agitateurs, et, s'insinùànt au milieu de leurs hôtes, s'établi<br />
rent peu à peu dans les vallées,<br />
au détriment de l'élément au-<br />
tochthbne. Après Irois siècles, ils occupaient les plaines du Tel<br />
et les Hauts-Plateaux, depuis l'Egypte jusqu'à l'Atlantique, en<br />
tourés de foules parts par la race indigène,<br />
disjointe el rompue.<br />
qu'ils avaient ainsi<br />
Depuis cette époque jusqu'à nos jours, les populations et les<br />
idiomes de l'Afrique septentrionale onl, de plus en plus, subi<br />
l'influence des envahisseurs, et l'on peut dire que ce pays a été<br />
■arabisé. Cependant, pour l'observateur, il est facile de recon<br />
naître que celte transformation est encore bien incomplète. La<br />
race indigène se retrouve à chaque pas en Afrique, dans les<br />
plaines comme dans les villS, dans les montagnes comme dans<br />
les déserts, avec son type, ses mœurs et son langage.<br />
C'est l'origine de cetle race, intéressante à plus d'un titre, que<br />
nous allons étudier.<br />
Un peuple unique parait avoir habité, dès la plus haute anli-<br />
quité, l'Afrique septentrionale. Cette race autochthone se re<br />
trouve, encore intacte, sur le littoral de la mer Rouge, en<br />
Egypte, dans les déserts de la Nubie et du Sahara,<br />
sur les rives<br />
du Sénégal et les bords de l'Océan, et, enfin, dans les montagnes<br />
et les oasis du Maroc, de l'Algérie, de la Tunisie, de la Tripoli<br />
taine et de la Cyrcnaïqùe. Elle y porte les différents noms de
Berber (plur. Braber et Brabra), Tibou, Imouchar', Touareg,<br />
Chelouh, Zenèle, Kabyle, Chaouïa, Maure,<br />
ele. Nous lui conser<br />
verons l'appellation de Berbère, onomatopée que les étrangers<br />
ont, sans doute, appliquée, dans le principe, à son langage, puis<br />
à sa race, el, de là, à une partie du pays qu'elle habitait : la<br />
Berbérie, improprement désignée par nous sous le nom de<br />
Barbarie (1).<br />
Les auteurs anciens, tant Grecs que Romains, n'ont pas fait<br />
usage du terme de Berbère, pour désigner, d'une façon générale,<br />
le peuple de l'Afrique septentrionale; ils ne paraissent pas avoir<br />
apprécié cette race dans son unité et parlent successivement des<br />
peuplades habitant le pays,<br />
sans paraître se douter du lien qui<br />
les unit ; si même, tels que Ptolémée, ils ne les présentent pas<br />
comme des nations distinctes. Il ne faut pas, du resle, attacher<br />
trop d'importance à leurs nomenclatures ni cherchera les relier,<br />
par des procédés plus ou moins ingénieux, aux données précises<br />
fournies par les historiens arabes. En effet,<br />
parmi les noms<br />
qu'on trouve dans les ouvrages anciens, les uns appartiennent<br />
aux langues grecque ou latine,<br />
et s'appliquent à une circons<br />
tance physique de la peuplade qu'ils qualifient ; les autres ont<br />
été tellement défigurés, en prenant une nouvelle forme, qu'il<br />
serait léméraire de prétendre les ramener à leur véritable ori<br />
gine. Pour les premiers, nous citerons : Numides, du grec No<br />
mades (pasteurs, nomades); —Ethiopiens, de Aithôs —<br />
(brûlé)(2j;<br />
Leucœthiopiens, Melano-Gétules (Ethiopiens blancs, Gétules<br />
noirs);<br />
— Liby-œgypti,<br />
P.héniciens);<br />
—<br />
lotus), Troglodites<br />
Liby-phœnices (Liby-Egypiiens, Lib'y-<br />
— Gymnotes<br />
(nus);<br />
— Lotopbages<br />
(mangeurs de<br />
(vivant dans les cavernes (3);<br />
— Metago-<br />
—<br />
nilcs; Atlantes ou Atarantes (habitants de l'Atlas);<br />
— Gara<br />
— mantes (habitants de Garama); Daradœ (habitant les bords du<br />
(1) Les historiens espagnols du XVI- siècle n'ont pas commis celte<br />
erreur<br />
(2j Les Hébreux avaient déjà nommée l'Ethiopie Kousch, qui signifie<br />
noir, brûlé.<br />
t'S) 11 est à remarquer que les Berbères lfren sont placés par les pre<br />
miers auteurs arabes dans les mêmes localités que les Troglodytes. Or,<br />
lfren nous semble être le pluriel de Ifri, qui, en berbère, signifie<br />
caverne
0<br />
— fleuve Daradus ou Darath (le Derâa actuel); Lyxites (habitant<br />
les bords du Lyxus), etc., tous noms qui n'étaient évidemment<br />
pas usités par les Indigènes. Pour les seconds, il suffit de nom<br />
mer les Ghiligammes, les Auskhises, les Adyrïnakhides, les<br />
Odrangides, les Zegrènsii,<br />
assimilation.<br />
Mais,<br />
pour renoncer à entreprendre loute<br />
si le nom de Berber ne semble pas avoir été appliqué<br />
en terme générique aux Aborigènes de l'Afrique septentrionale,<br />
plusieurs passages des auteurs anciens prouvent cependant<br />
qu'il n'était pas ignoré dans le pays. Hérodote, qui avait voyagé<br />
en Egypte,<br />
dit : « Les Egyptiens appellent Barbar tous ceux<br />
qui parlent une autre langue que l'Egyptien (1). > Le périple<br />
de la mer Erythrée, document anonyme qui paraît remonter à 20<br />
ou 25 ans avant notre ère, donne le nom de Barbarie (Barbarihé<br />
êpeiros) au littoral africain de la mer Rouge et du golfe d'Aden.<br />
Ptolémée répèle cette assertion en étendant l'appellation île<br />
Barbarie jusqu'au-delà de l'équateur (2). Enfin, Julius Honorius<br />
cite une peuplade de Barbares près du fleuve Malva (la Moulouïa).<br />
Voici donc un fait bien établi : les géographes grecs ont eu<br />
connaissance d'un peuple de Barbar, habitant au midi de l'Egypte<br />
et sur les bords du Nil, là où, de nos jours, se trouvent des<br />
tribus appelées Brabra,<br />
qui se relient aux autres Berbères de<br />
l'Afrique du nord. Nous voyons même un auteur latin appliquer<br />
ce nom à une peuplade desgaords de la Malva. Pourquoi donc les<br />
anciens ne l'ont-ils pas employé d'une façon plus générale?<br />
Nous pensons, avec M. Vivien de Saint-Martin (3), que la raison<br />
peut en être cherchée dans l'analogie de celte appellation avec<br />
l'adjectif barbare [barbaros, Barbarus), dont le sens était beaucoup<br />
trop<br />
étendu et qui aura élé confondu avec le substantif.<br />
En somme, soit que les Arabes, à leur arrivée dans le pays,<br />
aient trouvé le nom de Barbar usité par les colons grecs et ro<br />
mains (Afri), pour désigner, comme substantif, le peuple indi<br />
gène, ou, comme adjectif, leurs voisins non civilisés; soit qu'Us<br />
(1) H. - CLV1II.<br />
(2) Ou sait que les caries du géographe alexandrin pèchent toutes par<br />
le même défaut : une grande expansion des distances vers le midi .<br />
(3) Le Nord de l'Afrique dans l'antiquité, p. 208, 209.<br />
• ■. .-<br />
. v U..A.
aient eux-mêmes<br />
7'<br />
créé"<br />
ce mot en le faisant dériver de leur racine-<br />
quadrilittère berbera(i) (yy prononcer des mots inintelligibles,<br />
bredouiller), le nom de berbère devint, dès lors, sans conteste,<br />
celui du peuple aulochthone de l'Afrique septentrionale. En<br />
l'absence d'une autre désignation aussi précise, nous continue.<br />
rons à l'employer.<br />
fLe pays des Berbères s'étend depuis la Méditerranée jusqu'au<br />
Soudan, qui a toujours formé, au sud, la limite de cetle nation.<br />
Seulement, le domaine de la race nègre parait s'être avancé, au<br />
trefois, beaucoup plus au nord, à une latitude qu'on he peut<br />
préciser, et ce peuple semble avoir été, depuis les temps les<br />
plus reculés, constamment refoulé vers le sud par l'élément ber<br />
bère! Au point de rencontre des deux races, de nombreux mé<br />
langes ont eu lieu, et ces croisements, complétés par l'influence<br />
du climat, ont produit des types intermédiaires chez lesquels,,<br />
cependant, les trails du Berbère dominent. M. Vivien de St-<br />
Marlin, dans son bel ouvrage : Le nord de l'Afrique dans<br />
l'antiquité, » dit, à propos des Tibou, une de ces races intermé<br />
diaires : ' Les Tibou sont un des anneaux d'une chaîne immense<br />
qui commence aux rivages de la mer Erythrée, enveloppe tout le<br />
couvre la<br />
bassin moyen du Nil, se développe à travers le Sahara,<br />
haute région de l'Atlas et se termine à la mer occidentale. Dans<br />
cette vaste zone de populations congénères qui s'étend d'un bord<br />
à l'autre du continent africain, l'idenlité originaire se révèle.<br />
soit par la communauté de l'appellation primordiale deBerber,<br />
qui se retrouve chez les branches les plus distinctes de la fa<br />
mille, soit par l'analogie de conformation physique, soit par les<br />
rapports que présentent encore les nombreux dialectes entre-<br />
lesquels la langue mère s'est morcelée (2). »<br />
Examinons maintenant les diverses hypothèses émises au sujet<br />
des origines de la race berbère. L'antiquité, malheureusement ,<br />
nous a légué, à cet égard, bien peu de documents sérieux ; c'est<br />
ee qui a constamment rebuté les personnes qui ont entrepris»<br />
(1) Warwar, en sanscrit a le même sens. C'est de cette racine que dé<br />
rive l'adjectif grec barbaros.<br />
(2) P. 80.
8<br />
des recherches sur cette obscure question ethnographique; c'est<br />
encore ce qui explique la grande divergence des opinions<br />
émises.<br />
Salluste,<br />
un des premiers auteurs qui aient traité cette ques<br />
tion, Salluste qui avait été proconsul d'Afrique et qui déclare<br />
avoir consulté les livres du roi Hiempsal,<br />
nique,<br />
—<br />
écrits en langue pu<br />
rare bonne fortune dont il a assez mal profilé,<br />
s'exprime en ces termes (1) : L'Vfrique fut d'abord occupée<br />
par les Gélules et par les Lybiens,<br />
peuples barbares et gros<br />
siers (2), qui se nourrissaient de la chair des bêles sauvages et<br />
paissaient comme des troupeaux. Sans mœurs, sans lois, sans<br />
chefs,<br />
ils n'étaient soumis à aucun gouvernement. Toujours<br />
en mouvement, errant à l'aventure,<br />
c'était la nuit qui déter<br />
minait leur lieu de repos. Mais Hercule (3) étant mort en Es<br />
pagne, comme le pensent les Africains, son armée, composée de<br />
diverses nations, se dispersa. Les Mèdes, les Perses et les Armé<br />
niens qui s'y trouvaient s'étant embarqués pour l'Afrique, y<br />
prirent des postes dans le voisinage de Notre Mer. Les Perses,<br />
toutefois, s'approchèrent plus de l'Océan : en renversant le corps<br />
de leurs vaisseaux, ils s'en firent des espèces de cabanes<br />
Insensiblement, ils se mêlèrent 'aux Gélules par des mariages, ej,<br />
comme ils avaient souvent changé de lieux, se nommèrent eux-<br />
mêmes Numides (4). Du resle, les habitations des paysans<br />
numides, qu'ils appellent mapalia, sont encore aujourd'hui, par<br />
Jeur longueur et par leurs^sits cintrés des deux côtés, assez<br />
semblables à des carcasses de vaisseaux (5) .<br />
Pour les Mèdes et les Arméniens, ils se fortifièrent par l'ad<br />
jonction des Lybiens,<br />
car ceux-ci étaient plus voisins de la mer<br />
d'Afrique Leur nom fut sensiblement altéré par les<br />
(t) Bell Jug., g XVII à XX.<br />
dit le texte. 11 aurait été curieux de voir Sal<br />
...asperi (2) incultique,<br />
luste employer l'adjectif barbants. .<br />
(3) C'est de l'Hercule Tyrien qu'il est question, i \ _ ( ,<br />
.<br />
, , ;<br />
,<br />
\ t<br />
(4) On sait que ce, mot est d'origine grecque, de'iVowje, pâturage.<br />
(5) On reconnaît assez la description du gourbi de nos populations<br />
indigènes.<br />
v ;<br />
—
9<br />
Lybiens qui, dans leur jargon barbare (1), les nommèrent Maures<br />
au lieu de Mèdes. »<br />
« Quant aux Perses, ils devinrent bientôt puissants, et, depuis<br />
qu'ils eurent pris le nom de Numides, s'étant considérablement<br />
multipliés, les plus jeunes se séparèrent de leurs pères, et,<br />
ayant quitté le désert, vinrent s'établir dans celte contrée voi<br />
sine de Carthage qui porte le nom de Numidie. Dans la suite, les<br />
uns et les autres, en se prêtant des secours mutuels, assujettirent<br />
leurs voisins par la forr.e des armes ou par la terreur, et acqui<br />
rent beoucoup de gloire, principalement ceux qui s'étaient<br />
avancés vers Notre Mer, parce que les Lybiens étaient moins<br />
guerriers que les Gétules. Enfin, presque toute la partie infé<br />
rieure de l'Afrique passa aux Numides; tous les peuples vaincus<br />
furent incorporés au peuple vainqueur et en prirent le nom.<br />
« Des Phéniciens, dans la suite ayant gagné des gens du<br />
bas peuple el quelques autres hommes amateurs d'aventures,<br />
fondèrent sur la côte maritime, Hippône, Hadrumet, Leptis et<br />
Carthage... etc. »<br />
Tel est à .peuprès tout le bagage que nous a transmis l'anti<br />
quité sur les origines du peuple autochthone de l'Afrique sep-<br />
tenlrionafe. Par une fatalité singulière, la partie de l'histoire<br />
de Polybe consacrée à l'Afrique manque; il en est de même de<br />
celle de l'histoire générale tle Cornélius Nepos et dé l'ouvrage<br />
historique de Juball. Strabon, Pline et Ptolémée, lui-même,<br />
n'approfondissent pas sérieusement la question de l'origine des<br />
peuples dont ils donnent les sèches nomenclatures.<br />
Le Bas-Empire, représenté par l'écrivain Procope, apporte à<br />
la cause son petit contingent de documents. Le judicieux histo<br />
rien de la guerre des Vandales reproduit, sur l'origine des Afri<br />
cains, des renseignements puisés évidemment aux traditions<br />
hébraïques. Il les représente comme chassés de la Palestine par<br />
les Hébreux, arrivés d'Egypte sous la conduite de Moïse, et à la<br />
suite des grandes guerres qui furent la conséquence de ce mou<br />
vement. Après avoir en vain cherché à s'établir en Egypte, ils se<br />
seraient jetés sur l'Afrique septentrionale et l'auraient occupée<br />
(1) Cette fois, Salluste dit : ...barbarà lingnà Maures pro Médis appellantcs.
10<br />
jusqu'au détroit de Gadès. Une inscription gravée sur deux co<br />
lonnes et rappelant ces faits, se trouvait, dit-il,<br />
Tigisis (1),<br />
en Numidie.<br />
Sans nous arrêter davantage à celte tradition,<br />
ment soutenue et attaquée par des écrivains de mérite,<br />
dans la cité de<br />
qui a élé égale<br />
nous ne<br />
pouvons nous empêcher de remarquer une certaine analogie<br />
dans ces deux documents puisés à des sources diverses et écrits à1<br />
cinq<br />
siècles de distance.<br />
Les assertions de Salluste ont donné lieu à de nombreuses<br />
légitimes critiques; il ne faut cependant pas les rejeter en entier.<br />
Nous les apprécions comme le résumé des traditions ayant cours<br />
en Numidie un demi-siècle environ avant notre ère, traditions<br />
que les Phéniciens avaient fondues avec leur légende de l'Hercule<br />
punique, génie tulélaire de Tyr. L'abbé Mignot pense que l'his<br />
torien a voulu désigner des peuplades cananéennes et syriennes,<br />
telles que les Madianiles, les Phereséens et lesAraméens. M. Mo-<br />
vers suppose que ces traditions s'appliquent aux troupes merce<br />
naires que Sidon envoyait à ses colonies de la Jléditerranée. 11<br />
est certain qu'on y voit le souvenir des mouvements de peuples<br />
orientaux qui, de tout temps, sont venus modifier l'ethnographie<br />
de l'Afrique septentrionale.<br />
T"*M. Vivien de Si-Martin combat ces systèmes,<br />
qu'il appelle « in<br />
suffisants el peu vraisemblables. » Il déclare reconnaître les noms<br />
donnés par Salluste dans ks tribus berbères citées par les au<br />
teurs arabes et notammenPdans celles de Medaça, Ourmana,<br />
Mediouna, etc.<br />
M. Tauxier (2), suivant la même voie, traduit le mot Masmoud,<br />
ancien nom des Berbères de l'Atlas, par : descendant de Moud<br />
et signale l'analogie de Moud avec les Mèdes de<br />
(Mas-Moud),<br />
Salluste.<br />
Mais, en admettant que ces identifications soient exactes, ce<br />
que nous ne contestons pas, l'origine de ces Berbères n'est<br />
(I) On est indécis sur la position exacte de cette ville antique. Les uns<br />
la placent non loin de Dellys ; d'autres, avec plus de raison, selon nous.<br />
au sud-est de Constantine.<br />
(2) Ethnographie de l'Afrique septentrionale avant Mahomet. (Revue<br />
africaine, 18f>.'l).<br />
et'
il<br />
pas indiquée et l'hypothèse de l'abbé Mignot reste entière__<br />
La littérature hébraïque, où, nous l'avons vu, Procope paraît<br />
avoir puisé ses renseignements, vient confirmer ce fait d'une<br />
émigration ancienne de peuples cananéens en Afrique. Le rabbin<br />
Maïmounide, un des plus célèbres commentateurs du Thalmud,<br />
nous apprend que, lors de la conquête du pays de Canaan, Josué<br />
extermina une partie des habitants et força le reste à s'expatrier.<br />
Les Gergéséens émigrèrent en Afrique (1).<br />
Passons aux indications fournies par les auteurs arabes.<br />
L'historien Ibn-Khaldoun,<br />
qui a résumé à peu près tout ce<br />
qu'ont écrit ses devanciers sur la matière, s'exprime en ces<br />
termes (2) : Les Berbères sont les enfanls de Canaan, filsde<br />
Cham, fils de Noë. leur aïeul se nommaient Mazir; ils avaient<br />
pour frères les Gergéséens et étaient parents des Philistins, en<br />
fants de Kasluhim, fils de Mesraïm. Le roi, chez eux, portait le<br />
titre de Goliath (3). Il y eut, en Syrie, entre les Philistins et les<br />
Israélites, des guerres rapportées par l'histoire et pendant les<br />
quelles les descendants de Canaan et les Gergéséens soutinrent<br />
les Philistins contre les enfants d'Israël. .<br />
., etc.<br />
« Vers ce temps-là, les Berbères passèrent en Afrique.<br />
Cette opinion d'Ibn-Khaldoun, comme le fait très-bien remar<br />
quer M. de Slane, dans le savant appendice placé à la fin de sa<br />
traduction, n'est appuyée sur aucune preuve certaine . Cepen<br />
dant, sans s'arrêter au système de filiation qu'elle adopte, on<br />
doit reconnaître que le même fait subsiste : la tradition de l'ori<br />
gine sémijique des Berbères. Les écrivains latins, byzantins,<br />
TTèTireux et arabes sont d'accord sur ce point. Rien, du reste,<br />
n'est impossible dans la tradition qu'ils rapportent, puisque, à<br />
une époque qui n'est séparée de nous que de huit siècles, l'émi<br />
gration hilalienne a suivi exactement les mêmes phases que celle<br />
retracée par Procope .<br />
'<br />
la Moàs, etc. (Qxanii, 1655, 1 vol. in-4-.1<br />
(1) Voir l'édition latine : Porta<br />
l/p' i8!4.' L<br />
(2) Histoire des Berbères.^ trad. i. de %?'de Slanèff.<br />
~~1A)<br />
Djaiout ou plutôt Galout, car l'on sait que les Arabes emploient la<br />
lettre djim (_-), pour rendre le g dur des Berbères ou le ghimel hé<br />
braïque,<br />
qu'ils n'ont pas.<br />
;
Enfin,<br />
12<br />
pour compléter le nombre de faits pouvant se rapporter<br />
à l'origine des Africains, rappelons que, plus de dîx-huil cents<br />
ans avant notre ère, un peuple se rattachant aux Philistins et<br />
que l'histoire nomme Hyksos ou pasteurs,<br />
rappelle le nomades des Grecs et le chaouïa (1) actuel<br />
— qualificatif<br />
qui<br />
— peuple<br />
qni habitait au-delà du Delta (comme les Hilaliens du onzième<br />
siècle), envahit l'Egypte et renversa la XIIIe dynastie. Les Pha<br />
raons se réfugièrent en Ethiopie, el ce ne fut que deux siècles et<br />
demi plus tard, qu'ils expulsèrent, après de longues luttes, les<br />
Hyksos. Que devint alors cette race asiatique? N'est-il pas admis<br />
sible qu'elle fut refoulée vers l'ouest? N'est-il même pas probable<br />
que cette invasion, dont l'histoire a conservé le souvenir, à cause<br />
de son importance, a élé précédée ou suivie de mouvements du<br />
même genre. L'Egypte a toujours élé la route et le lieu de station<br />
des peuples sémitiques dans leurs marches vers l'ouest.<br />
D'autres traits procédant du dialecte, des mœurs et de la reli<br />
gion des Berbères, viennent renforcer les présomptions qui les<br />
classent parmi les peuples d'origine asiatique. Il est évident que<br />
la langue berbère, par les sons gutturaux qu'elle renferme, par<br />
sa syntaxe, par cette particularité caractéristique de racines géné<br />
ralement trilittères, indiquant une idée primitive,<br />
des formes dérivées toujours constantes,<br />
modifiée par<br />
par ses règles de per<br />
mutation des lettres faibles, et enfin par une foule d'autres (rails,<br />
offre de grandes analogies atec les langues sémitiques. Seul, le<br />
dictionnaire s'en éloigne, etc'est ce qui a porté M. Renan(2) à<br />
classer le berbère dans une famille qu'il propose d'appeler cha-<br />
mitique, avec le copte et les dialectes non-sémitiques de l'Abys-<br />
sinie. La connaissance chaque jour plus complète que l'on ac<br />
quiert de la langue berbère, décidera certainement la question.<br />
Dans lous les cas, il est à remarquer que la domination latine,<br />
qui a imprimé des traces si profondes dans le pays; celle des<br />
Vandales qui l'a suivie,<br />
et enfin celle des Grecs de Byzance<br />
(1) Le mot chaouïa parait signifier dans le dialecte berbère de ce nom :<br />
bergers.<br />
(2) Dans son bel ouvrage intitulé : Histoire générale et système comparé<br />
des langues sémilii/ues.
13<br />
ires deux dernières fort éphémères, il esl vrai), n'ont, pour<br />
ainsi dire, laissé aucun souvenir dans la langue berbère, tandis<br />
que l'arabe l'a modifiée à un tel point que l'on compte mainte<br />
nant un tiers de mots arabes ayant pris la forme berbère et in<br />
corporés dans cetle langue (1). Celte facilité d'assimilation est<br />
un indice non équivoque d'analogie. Le phénicien paraît égale<br />
ment s'être si bien confondu avec le berbère, qu'il est souvent<br />
difficile de décider si les inscriptions constamment mises au<br />
jour en Algérie sont libyques ou puniques.<br />
Quanta la religion primitive des aborigènes, c'était, pour les<br />
contrées du littoral de la Byzacène, le culte barbare de Carthage.<br />
L'auteur chrétien Terlullien, qui écrivait vers la fin du IIe siècle<br />
de notre ère, nous apprend que, de son lemps,<br />
on sacrifiait<br />
encore des enfants ù Saturne. Il est probable que la majorité des<br />
Berbères ne suivaient pas ces rites sanguinaires, importés par<br />
les Phéniciens; néanmoins, le poète Corippus, dans la Johan-<br />
nide (2j, les représenle comme adorant Gurzil, Mastiman et autres<br />
divinités barbares.<br />
Ajl ressort de l'élude des documents fournis par les historiens<br />
v (arabes de la conquête, que la religion la plus répandue en<br />
"*<br />
Afrique était le magisme ou culte du feu,<br />
tel qu'il était pratiqué<br />
vdans l^Asie occidentale avant l'islamisme. Certaines tribus étaient<br />
'<br />
juives, et, enfin, les Indigènes voisins des colonies latines ou<br />
ifrecques étaient chrétiens.<br />
Les tribus berbères juives ont dû être d'établissement plus ré<br />
cent en Afrique. Chassés à leur tour de leur pays, lors de la<br />
dispersion des douze tribus, les Israélites ont apporté en Mag'reb<br />
leur contingent, et, tout en conservant leur religion, se sont<br />
fondus au milieu de la race du pays (3M<br />
(1) Notamment dans le dialecte des Zouaoua.<br />
(2) Poème laudatif en l'honneur des victoires de Jean Troglita (VI"<br />
siècle).<br />
(3) Nous reproduisons ici l'opinion de M. Vivien de St-Martin, lequel<br />
dit, à propos du royaume d'Axoum : 11 est très-probable que des tri<br />
bus juives ont pénétré de très-bonne heure jusqu'aux extrémités de<br />
l'Ethiopie, et, s'il nous fallait fixer une date, nous indiquerions cel{e de<br />
la chute d'Israël et de la dispersion des douze tribus (vers 721 avant J.~<br />
C.)... etc — [Le nord de l'Afrique dans l'antiquité, p. 205-206).
14<br />
-/. Pour ce qui est de la religion chrétienne, elle n'était répandue<br />
que parmi les Berbères romanisés des plaines de la Numidie;<br />
citaient, du reste, de fort mauvais chrétiens, qui, en prenant<br />
part à tous les excès des Donatistes et des Circoncellions, four<br />
nissaient à leurs voisins l'occasion d'usurper leurs places. Saint<br />
Augustin et Ibn-Khaldoun lui-même ont donc élé beaucoup trop<br />
absolus en disant : « Les Berbères sont chrétiens. » >k<br />
Avant de donner notre conclusion sur les origines de la race<br />
berbère, abordons la question de conformation physique, qui<br />
doit entrer en ligne de compte.<br />
La race aborigène de l'Afrique septentrionale présente les<br />
types les plus divers, depuis le nomade basané de l'extrême<br />
Sahara jusqu'au cultivateur blond et taché de rousseur de la<br />
Grande Kabylie, depuis le Mzabi lymphatique jusqu'au vigou<br />
reux montagnard du Rif marocain. Cependant, il est permis<br />
d'avancer que la majeure partie des Berbères rappellent bien des<br />
traits du type sémitique. De nombreux sous-genres se sont for<br />
més par le croisement avec les anciennes races africaines ou avec<br />
les divers peuples conquérants, qui, depuis les temps les plus<br />
reculés, ont envahi el occupé le pays.<br />
Celte présence du type blond aux yeux bleus parmi les Ber<br />
bères,<br />
rapprochée du sens de différentes inscriptions égyptiennes<br />
dont M. de Rougé et autres spécialistes ont donné la traduction,<br />
a porté certains savants et notamment M. le général Faidherbe,<br />
a conclure qu'une race blo^e des bords de la Baltique ou du<br />
nord de la Gaule a conquis, il y a trois mille ou trois mille cinq<br />
cents ans, l'Afrique septentrionale el s'y est établie.<br />
Il est évidemment très-difficile de se prononcer catégorique<br />
ment sur une question ethnographique si reculée. Cependant,<br />
on peut dire qu'il n'y a rien d'impossible dans cette hypothèse<br />
que nous résumons ainsi : une race blonde, originaire de l'Eu<br />
rope, a, sans doute, dans des temps très-anciens, fait invasion<br />
en Afrique et s'est établie dans les cantons du littoral nord. Les<br />
sépultures du genre dit celtique trouvées en maints endroits de<br />
l'Algérie, sont peut-être l'œuvre de celte population qu'il est<br />
permis d'appeler pré-historique. Enfin, les blonds de la Grande<br />
Kabylie sont probablement les descendants de cette race,.
15<br />
Mais il est -certain que ce peuple n'a laissé aucun souvenir<br />
tlans les mœurs et le langage du pays, et que, par conséquent,<br />
les Berbères l'ont, depuis longtemps absorbé.<br />
Après avoir successivement passé en revue les documents pou<br />
vant éclairer la question de l'origine des Berbères et les avoir<br />
discutés sans parti pris, nous arrivons au moment de conclure.<br />
Ce n'est pas sans une réelle appréhension que nous nous voyons<br />
dans la nécessité d'émettre un avis là où tant d'érudits ont hésité<br />
à se prononcer. Il est facile —<br />
l'Algérie ne saurait trop —<br />
a dit M. Lacroix, écrivain dont<br />
déplorer la perle il est facile de bâtir<br />
un ou plusieurs systèmes, de produire, à l'appui, des textes<br />
nombreux, en un mot, d'édifier, à grands frais d'érudition, un<br />
paradoxe ethnographique. . . » Cela est fort juste. Le même écri<br />
vain ajoute, avec non moins de raison : « On ne peut, sur la<br />
question de l'origine des Indigènes de l'Algérie, émettre que des<br />
conjectures (1) ».<br />
C'est donc à ce dernier titre que nous résumons notre opi<br />
nion de la manière suivante :<br />
£j° L'Afrique septentrionale a dû être peuplée par une<br />
série d'immigrations très-anciennes de peuples sémitiques<br />
venus de la Syrie, du nord de l'Arabie ou des bords de l'Eu<br />
phrate (2).<br />
2° Ces groupés araméens se sont assimilé des populations<br />
d'origines diverses —<br />
— trouvées<br />
basanées dans le sud, blondes dans le nord<br />
par eux dans le pays ou venues postérieurement à<br />
leur établissement.<br />
3° La réunion de ces éléments el leur assimilation a formé la<br />
race africaine ou berbère.<br />
4° Cette unification a dû être complète,<br />
à une époque si re-<br />
(1) Lacroix : Ouvrage inachevé, dont la Revue a publié divers ex<br />
traits.<br />
(2) Nous ne parlons pas des<br />
gration arabe hilaliennf.<br />
modifications récentes résultant de l'immi
16<br />
culée, qu'il est permis d'appliquer le litre d'autoehlhones aux<br />
Berbères de l'Afrique (1).<br />
il) M. Oppetit, dans un article sur les tombeaux celtiques, que la So<br />
ciété archéologique de Constantine vient de publier dans son Annuaire<br />
(1870), traite la question de l'origine des Indigènes de l'Afrique et conclut<br />
absolument dans le même sens que nous. Ce résultat identique, fruit de<br />
travaux distincts et de recherches toutes personnelles, doit être pour<br />
nous un grand encouragement. Nous sommes heureux de nous rencon<br />
trer ainsi, avec notre collègue, sur un terrain où l'accord a été, jus<br />
qu'ici, rarement unanime.<br />
Alger. — Typ. Bastille.
l'Afrique<br />
J_^C-C><br />
COMMENT
GOMMENT<br />
L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE<br />
A ÉTÉ ARABISÉE (*).<br />
Sur toute la zone littorale de l'Afrique du nord,<br />
depuis la Mer-Rouge jusqu'à l'Atlantique, se trouve<br />
répandue, en diverses proportions selon les localités,<br />
une race d'origine arabique, mélangée assez intime<br />
ment à l'élément indigène pour que le pays ait pris<br />
une physionomie générale arabe. Mais cet aspect n'est<br />
que superficiel, et, dès que l'observateur quitte les<br />
plaines ouvertes du Tel,<br />
tochtnone, avec son type,<br />
il retrouve la vieille race au-<br />
sa langue et ses mœurs<br />
propres. Sur les rives du Nil et sur celles du Sénégal,<br />
dans les montagnes de la Kabylie et au milieu du<br />
Désert;<br />
des Beni-Snous ;<br />
sur les sommets de l'Aurès et dans les vallées<br />
au midi de Tripoli et sur tout le ré-<br />
(*) Ce mémoire a été écrit pour les lectures publiques de la Sorbonne<br />
(1873).
_ 4<br />
—<br />
seau de l'Atlas marocain, partout,<br />
on rencontre le<br />
peuple aborigène de la Berbérie. La race arabe y est<br />
en minorité, el la prépondérance qu'elle y<br />
a acquise<br />
aurait lieu de surprendre si l'histoire des invasions ne<br />
nous offrait plus d'un exemple semblable.<br />
L'époque de l'arrivée et les phases de l'établisse<br />
ment des Arabes en Afrique ont été, jusqu'à présent,<br />
mal connues des historiens européens. En effet, c'est<br />
à l'invasion arabe du VIIe siècle, qui, de fait, n'a été<br />
qu'une conquête lointaine, que l'on a attribué les effets<br />
d'un événement historique beaucoup<br />
plus récent :<br />
l'immigration hilalienne. Ainsi, le peuple berbère,<br />
nombreux et puissant à la chute de la domination by<br />
zantine, s'est trouvé, pour nous, transformé subitement<br />
en peuple arabe, et déchu du grand rôle qu'il a joué<br />
pendant le Moyen-Age. Hâtons-nous de dire qu'il était<br />
difficile, sinon impossible,<br />
d'apprécier sainement cette<br />
question avant la correction des textes et la traduction<br />
des ouvrages des anciens auteurs arabes et notamment<br />
celles de YHistoire des Berbères, d'Ibn Khaldoun*,<br />
faites dans ces dernières années par M. de Slaae.<br />
C'est dans ces texte*<br />
et avec l'appoint de nos re<br />
cherches loeales que nous avons puise les matériaux<br />
d'une Histoire de l'établissement des Arabes dans<br />
l'Afrique septentrionale, dont nous allons essayer de<br />
donner un aperçu. Les strictes limites imposées (1)<br />
nous dispenseront d'entrer dans des détails et de four<br />
nir des justifications pour lesquels nous renvoyons à<br />
notre ouvrage.<br />
(1)<br />
heure.<br />
La lecture de chaque mémoire ne pouvait prendre plus d'une demi
— 5<br />
I.<br />
La conquête de l'Afrique septentrionale par les<br />
Arabes, ,les<br />
achevée dans premières années du VIIIe<br />
siècle et suivie aussitôt de l'envahissement de l'Es<br />
pagne, donna au khalifat ce vaste territoire que les<br />
Orientaux désignèrent sous, le nom de Mag'reb (Occi<br />
dent). Cette conquête s'était effectuée par expéditions<br />
successives dont les premières semblent n'avoir eu<br />
pour mobile que l'espoir du butin : après la victoire ,<br />
les guerriers de l'Islam rentraient, chargés de dé<br />
pouilles, en Orient, et, de là,<br />
allaient guerroyer dans<br />
d'autres directions. Plus tard, les campagnes en Afrique<br />
s'accentuèrent dans un but de conquête ; on exigea<br />
d'abord, la soumission des vaincus ; puis, on leur im<br />
posa la conversion. La ville de Kaïrouane, fondée par<br />
devinMe chef-lieu des nouvelles provinces et la<br />
Okba,<br />
résidence du gouverneur arabe chargé de les admi<br />
nistrer,<br />
avec l'appui de troupes d'Orient/Après un<br />
dem|?siècle de luttes contre les révoltes des indigènes<br />
la soumission de la Berbérie au khalifat fut assurée et<br />
la religion nouvelle se trouva acceptée de tous ; mais<br />
il ne s'introduisit pas, dans le pays, de population co<br />
loniale arabe, et la domination fut toute militaire. Les<br />
conquérants entraînèrent, alors, à leur suite, l'élément<br />
actif berbère à la curée des riches provinces espa<br />
gnoles et surent tirer un merveilleux parti du peuple<br />
vaincu, tout en assurant la tranquillité de l'Afrique. *<br />
Cependant, lorsqu'il n'y eut plus rien à piller en<br />
Espagne ; lorsque les nations revenues chrétiennes, de<br />
leur stupeur, eurent organisé la résistance ; lorsque,<br />
enfin, les nouveaux arrivés ne trouvèrent plus les<br />
mêmes facilités pour s'établir parce que lès places
— — 6<br />
étaient prises, l'émigration d'Afrique se ralentit, et<br />
l'esprit d'indépendance se réveilla chez les Berbères.<br />
Le schisme kharedjite dans lequel -ils s'étaient tous<br />
jetés,<br />
servit de prétexte à une levée de boucliers qui<br />
prit naissance dans l'extrême Mag'reb (Maroc actuel)<br />
et s'étendit bientôt à toute l'Afrique septentrionale.<br />
A partir de ce moment, le rôle des gouverneurs<br />
arabes représentants du khalifat à Kaïrouane devint<br />
précaire. Contraints de tirer leurs troupes d'Orient, ils<br />
se trouvèrent isolés au milieu des indigènes, contre<br />
lesquels il leur fallut combattre à outrance. La guerre<br />
entre les armées arabes et les Berbères kharedjites<br />
ensanglanta de nouveau l'Afrique et eut pour effet<br />
d'arrêter brusquement l'émigration des Maures en<br />
Europe. Ce fut le salut de la Chrétienté, que l'effort<br />
héroïque de Poitiers n'eût pas préservée pour long<br />
temps,<br />
si le courant qui alimentait l'invasion musul<br />
mane ne se fût tari.<br />
Sur ces entrefaites, la dynastie oméiade ayanjuété<br />
renversée, en Orient, par "celle dès Abbaciièsf urr-<br />
membre de la famille dtehue se réfugia en ËsjjÈgne, *<br />
pays qui se trouvait, alo, complètement livré aUuimême,<br />
et y fonda une royauté indépendante (755). La<br />
le commen<br />
perte de l'Espagne fut, pour le khalifat,<br />
cement du démembrement de ses possessions dans le<br />
Mag'reb.<br />
Durant de longues années, les Berbères d'Afrique<br />
firent éprouver de rudes échecs aux milices syriennes<br />
envoyées d'Orient pour les réduire. Plusieurs fois<br />
même ils s'emparèrent de Kaïrouane et ne laissèrent<br />
échapper que par le fait de leurs dissensions intestines<br />
l'indépendance un moment reconquise.<br />
Enfin, vers l'an 800, un excellent général arabe,<br />
nommé Ibrahim ben Abou l'Ar'leb, parvint à rétablir<br />
la paix dans l'Ifrikià (partie orientale de l'Afrique du
v<br />
— — 7<br />
Nord). Désigné comme gouverneur par Haroun-er-<br />
Rachid^, il obtint de ce prince les prérogatives d'une<br />
vice-royauté héréditaire, sous la suzeraineté directe<br />
du khalifat.<br />
Mais,<br />
si cette habile mesure devait retarder d'un<br />
siècle la chute de l'autorité arabe en Afrique, elle<br />
consacrait la perte de tout le Mag'reb extrême, qui, au<br />
profit des guerres des kharedjites, avait reconquis son<br />
autonomie. Un Arabe de la descendance d'Ali, nommé<br />
Edris, après avoir échappé au désastre de Fekh,<br />
où sa<br />
famille et ses partisans avaient été écrasés par les<br />
Abbacides,<br />
se réfugia en Mag'reb. Bien accueilli par<br />
les Berbères de cette contrée, qui l'avaient reconnu<br />
comme chef, il avait fondé, en 789, à Oulili (non loin<br />
de l'emplacement de Fès) l'empire édricide. Plusieurs<br />
autres principautés indépendantes s'étaient établies<br />
dans le Mag'reb central et dans le Sahara.<br />
Il ne restait donc, en Afrique,<br />
aux khalifes d'Orient<br />
l'Ifrikïa,<br />
que'<br />
représentés par les vices-rois ar'lebites,<br />
la Tunisie et la province<br />
Tripolitaine,<br />
de Constantine.<br />
-."-sîCà-dire la<br />
Pandant près d'un siècle, la dynastie arlebite régna<br />
à 1-aïrouane avec un certain éclat. Renonçant à toute<br />
action sur le Mag'reb,<br />
les princes de cette famille re<br />
portèrent leur activité contre les îles de la Méditer<br />
ranée et soumirent à leur puissance la Sicile et Malte,<br />
et, sur le continent, la Calabre et les côtes de la Cam-<br />
panie.<br />
Mais,<br />
tandis que -le nom arabe jetait ainsi un der<br />
nier reflet de.gloire en Occident, un nouvel élément<br />
de trouble s'introduisait en Afrique, et il allait en ré<br />
sulter de profondes secousses. Des émissaires de la<br />
secte chiaïte (fâtemide), arrivés d'Orient, trouvaient un<br />
refuge chez les Berbères de la tribu de Ketama, habi<br />
tant les montagnes situées entre Constantine et Bougie
et faisaient adopter promptement leur doctrine par ces<br />
indigènes. Vers 893,<br />
tandis que l'ar'lebite Ibrahim ré<br />
égnait en despote à Kaïrouane, la tribu de Ketama pre<br />
nait les armes à la voix d'un certain Abou Abd Allah,<br />
représentant du chef de lasecte, le Mehdi Obéïd Allah.<br />
En peu d'années, grâce à l'habileté de ce lieutenant<br />
et à l'enthousiasme patriotique des Berbères, les gou<br />
verneurs ar'lebites se trouvèrent réduits à la dernière<br />
les Chiâïtes<br />
extrémité, et, enfin,- au mois d'avril 909,<br />
firent leur entrée à Kaïrouane, tandis que Ziadet Allah,<br />
dernier vice-roi arlebite, prenait la fuite vers l'Orient.<br />
Dès lors,<br />
le khalifat ne conserva plus la moindre<br />
de la<br />
autorité sur la Berbérie, et l'on peut dire que,<br />
domination arabe en Afrique, il ne resta que la reli<br />
gion qu'elle y avait implantée et la langue du Coran,<br />
parlée par élégance à la cour des princes indigènes et<br />
dans les écoles du Mag'reb et de l'Espagne. Le pays<br />
reprit entièrement son autonomie, car l'empire obéïdite<br />
(ou fâtemide), qui remplaça à Kaïrouane la vice-royauté<br />
des Ar'lebites, bien qu'ayant à sa tête une faïnilètf<br />
arabe, ne s'appuya uniquement que sur l'élément in<br />
digène ; c'est ce qui avait lieu au Mag'reb^our<br />
déj^<br />
les Edricides et'en Espagne pour les Oméïades. X<br />
Bientôt, du reste, la famille obéïdite,<br />
qui ne songeait<br />
qu'à s'emparer du trône du khalifat, sur lequel elle<br />
prétendait avoir des droits comme descendante de<br />
Mahomet, tourna tous ses regards vers l'Orient. De<br />
grandes révoltes des Berbères retardèrent la réalisation<br />
de ses plans. Mais, sous le règne de l'obéïditeElMoaz,<br />
la pacification de l'Ifrikia ayant été obtenue, ce prince<br />
fit la conquête de l'Egypte,<br />
chidites, et, en 973,<br />
gouvernement fâtemide.<br />
renversa le trône des Ikh.<br />
transporta au Caire le siège du<br />
Un chef berbère de la tribu des Sanhâdja, Bolog-<br />
guine, de la famille Ziride,<br />
reçut le titre de gouver-
— — 9<br />
neur de l'Afrique pour le compte des Fâtemides, et<br />
établit sa résidence à Kaïrouane. Vers la même époque,<br />
la dynastie édricide achevait de s'éteindre dans le<br />
Mag'reb, et celle des Oméïades d'Espagne penchait<br />
vers son déclin. La race berbère, rendue à elle-même,<br />
se déchirait dans des luttes intestines et incessantes ;<br />
les vieillis tribus indigènes y consumaient leurs forces ;<br />
mais une nouvelle génération africaine, arrivant du<br />
Sud,<br />
en profitait pour s'avancer insensiblement vers<br />
le Tel et se préparer à saisir le pouvoir : c'est par elle<br />
que l'unité berbère allait se rétablir.<br />
Cependant, les bonnes relations entre les souverains<br />
fâtemides et leurs représentants de Kaïrouane n'avaient<br />
pas tardé à se troubler et à devenir des plus difficiles.<br />
Les princes zirides avaient déjà l'indépendance de fait ;<br />
ils la proclamèrent en répudiant solennellement la su<br />
zeraineté des khalifes du Caire.<br />
Cette déclaration d'indépendance eut lieu vers 1048.<br />
L'Afrique se trouvait alors en proie à une anarchie<br />
générale ; la famille ziride s'était fractionnée : un<br />
groupe, avec El Moaz pour chef, continuait de résider<br />
à Kaïrouane,<br />
mais ce prince avait perdu toute autorité<br />
sur. l'Ifrikïa ; l'autre groupe ziride avait fondé la dy<br />
nastie des Beni-Hammad, à la Kalâa, au nord de Me<br />
dia. Tout le reste de l'Afrique était en butte aux ri<br />
valités des partis. L'Espagne musulmane ne se trouvait<br />
pas dans une situation meilleure ; le trône oméiade<br />
s'était<br />
'<br />
écroulé et tous les gouverneurs de province<br />
luttaient pour s'arracher le pouvoir.<br />
Tel était l'état du pays vers le milieu du XIe siècle.
10<br />
IL<br />
Le khalife fâtemide du Caire, dans l'impossibilité de<br />
tirer une vengeance directe de la rébellion de son re<br />
présentant de Kaïrouane, lança contre l'Afrique les<br />
tribus arabes de Hilal et de Soleïm. « Je vous fais<br />
« cadeau du Mag'reîT— leur dit-il —-<br />
« d'El Moâz le Sanhadjien,<br />
« à l'autorité de son maître »<br />
et<br />
du royaume<br />
esclave qui s'est soustrait<br />
Ces tribus étaient originaires de la province deNedj^<br />
er^ Arabie,<br />
où elles s'étaient établies dans le courant<br />
du VIIIe siècle. Pendant longtemps, elles avaient par<br />
couru, en nomades, ces solitudes, vivant autant du<br />
brigandage que du produit de leurs troupeaux. Lors<br />
de la sanglante révolte des Karmate, dans le Xe siècle,<br />
les tribus de Hilal et de Soleïm prirent part à tous les<br />
excès.de cette secte dévastatrice, puis l'aidèrent à dé<br />
fendre la Syrie contre les Fâtemides. Aussi, dès que<br />
le khalife El Aziz eut a|fievé d'effectuer cetle con<br />
quête, au prix des plus grands efforts, jugea- t-il né<br />
cessaire d'éloigner les nomades indisciplinés qui lui<br />
avaient suscité tant d'embarras. Par l'ordre de ce<br />
prince, ils furent, vers le commencement du XIe siècle,<br />
transportés dans le Saïd, ou Haute-Egypte, et can<br />
tonnés sur la rive droite du Nil. Mais, bientôt, des<br />
inconvénients sans nombre résultèrent de la concen<br />
tration de ces Arabes sur un territoire trop restreint.<br />
La situation était devenue intolérable, lorsque la<br />
révolte d'El Moâz se produisit. Le khalife fâtemide<br />
trouva alors le moyen de susciter au rebelle de graves<br />
difficultés et de se débarrasser des Arabes, en les lan<br />
çant sur la Berbérie.
- 11<br />
—<br />
La tribu de Hilal formait cinq divisions principales :<br />
Athbedj;<br />
Djochem ;<br />
Riah';<br />
Zor'ba ;<br />
Makil.<br />
Celle de Soleïm formait de nombreuses subdivi<br />
sions (1).<br />
Il est impossible d'évaluer, d'une façon précise, le<br />
chiffre de la population qui passa alors en Afrique ;<br />
mais diverses raisons déduites dans l'ouvrage nous<br />
font croire qu'il n'y a pas. lieu de l'estimer à plus de<br />
deux, cent ou deux cent cinquante mille personnes.<br />
Du premier bond, les Arabes "hilaliens envahirent<br />
la Tripolitaine ; puis, les tribus de Riah'<br />
et Djochem<br />
pénétrèrent dans la Tunisie, que le ziride El Moâz<br />
leur ouvrit dans lo fol espoir de se servir d'elles pour<br />
vaincre son cousin le Hammadite de la Kalâa. Pendant<br />
que ces Arabes livraient au pillage les plaines de la<br />
Tunisie,<br />
l'ouest,<br />
le reste des Hilaliens continuait sa route vers<br />
par le Djerid et le Souf. Quelques groupes pé<br />
nétrèrent dans la province de Constantine par les dé<br />
filés<br />
des'<br />
montagnes. Quant à la tribu de Soleïm, qui<br />
sans doute, était la dernière dans l'ordre de marche,<br />
elle occupa la Tripolitaine.<br />
Du Souf, le flot des Hilaliens devenant de moins en<br />
moins compacte, entra dans le Zab et le Hodna et<br />
vint mourir à l'extrémité occidentale de cette plaine.<br />
Ce fut la première phase de l'immigration,<br />
car à ce<br />
moment, c'est-à-dire vers le premier tiers du XIIe siècle,<br />
chacun avait trouvé sa place.<br />
Les Soleïm, avons-nons dit,<br />
taine ;<br />
(1) Voir, dans notre ouvrage, les fractions de ces tribus.<br />
occupaient la Tripoli
Les Riah'<br />
— — 12<br />
et Djochem s'étaient établis dans les<br />
plaines de la Tunisie.;<br />
Les Athbedj entouraient, au sud, la province de<br />
Constantine ; une de leurs fractions, celle des Aiadh,<br />
avait pénétré dans les montagnes au nord-est de Mecila ;<br />
Les Zor'ba parcouraient, en nomades, le Zab occi<br />
dental et le Hodna ;<br />
Les Makil, avec les Amour (4es Athbedj), com<br />
mençaient à entrer dans les hauts-plateaux du Mag'reb<br />
central.<br />
Les tribus berbères avaient bien lutté isolément<br />
pour défendre leurs territoires contre les envahis<br />
seurs ; mais, réduites à leurs propres forces, trahies<br />
souvent par leurs rivales, elles avaient dû céder pied<br />
à pied ou s'ouvrir devant l'étranger. Les souverains<br />
indigènes n'avaient pas tenté d'efforts sérieux contre<br />
l'invasion ; plusieurs même n'avaient vu dans' les Hi<br />
laliens que d'utiles auxiliaires pour leurs guerres per<br />
sonnelles, et quand, revenus de leur erreur, ils avaient<br />
essayé de repousser l'étranger, lev sort des armes leur<br />
avait été contraire. Ils avaient, alors, renoncé à la<br />
lutte ; peu leur import_|fc, en effet,<br />
que les contrées<br />
du sud, les hauts-plateaux arides, fussent occupés par<br />
les nomades arabes ou par les nomades berbères.<br />
La fondation du puissant empire almoravide, en<br />
Mag'reb, par les Sanhâdja du Désert, en commençant<br />
de rétablir l'unité chez le peuple berbère, absorbait,<br />
alors, toute son attention. Celte révolution politique et<br />
religieuse fut complétée par l'Africain Abd-el-Mou-<br />
mene, qui,<br />
après avoir renversé la dynastie almora<br />
vide, sut réunir sous son autorité toute l'Afrique sep<br />
tentrionale et l'Espagne musulmane. Ainsi, en 1147,<br />
l'empire des Masmouda, montagnards du Grand-Atlas,<br />
succéda, sous le nom d'Almohâde, à celui des no<br />
mades sahariens (Almoravides).
— — 13<br />
Pendant que ces révolutions occupaient le peuple<br />
berbère, les Arabes hilaliens, dont les conditions<br />
d'existence étaient devenues bien meilleures dans leur<br />
nouvelle patrie, se multipliaient rapidement et conti<br />
nuaient, sans bruit et insensiblement, leur<br />
d'expansion vers l'ouest. Mais, partout ils se trouvaient<br />
à l'étroit : il fallait un écoulement à leur, trop plein,<br />
mouvement'<br />
un aliment à leur exubérance d'activité. La révolte<br />
des Ben-R'anïa,<br />
ravide,<br />
princes berbères de la famille almo-<br />
en fournit l'occasion et les moyens. Pendant<br />
près de cinquante ans, les deux Ben R'anïa tinrent<br />
la campagne contre les Almohades, et, soutenus par<br />
répandirent la dévastation dans le Mag'reb<br />
les Arabes,<br />
central et l'Ifrikïa. De leur quartier général, situé<br />
dans les contrées sahariennes de la Tripolitaine, ces<br />
infatigables aventuriers poussaient des pointes har<br />
dies sur le Tel : Tunis, Bougie, Alger, Tripoli, etc.,<br />
tombèrent successivement en leur pouvoir et eurent à<br />
supporter leur tyrannie et les excès des Hilaliens.<br />
Cette révolte, dont les souverains almohades finirent<br />
par triompher, porta un coup mortel à leur empire en<br />
nécessitant, à Tunis, la création d'une vice-royauté<br />
qui ne tarda pas à se déclarer indépendante ; elle eut,<br />
en outre, pour résultat d'ouvrir partout le Tel aux Hi<br />
laliens. En 1188, le khalife almohâde El Mansour,<br />
à la<br />
suite d'une victoire remportée sur Ibn R'anïa, voulut<br />
punir les Arabes de la Tunisie qui avaient soutenu<br />
l'aventurier et les mettre dans l'impuissance de nuire<br />
de nouveau. A cet effet, il fit transporter trois tribus,<br />
les Acem et Mokaddem des Djochem, et une grande<br />
partie Riah', dans les plaines de Tamesna et d'Azr'ar,<br />
sur le versant océanien du Mag'reb (Maroc) et les éta<br />
blit au milieu de populations berbères qui,<br />
fait,<br />
sans ce<br />
seraient sans doute restées jusqu'à aujourd'hui<br />
pures de tout mélange arabe. Des fractions de la tribu
— — 14<br />
de Soleïm remplacèrent ces Hilaliens en Tunisie. Les<br />
souverains almohades employèrent aussi un grand<br />
nombre d'Arabes à la guerre d'Espagne contre les<br />
chrétiens,<br />
qui avaient repris une vigoureuse offensive<br />
•et remporté de grands succès.<br />
L'empire almohâde, réduit par la séparation hafside<br />
et déchiré par les factions, s'affaiblit promptement ;<br />
en 1266, il s'écroula sous les coups d'une autre tribu<br />
indigène,<br />
celle des Beni-Merine. Trois dynasties se<br />
partagèrent alors la suprématie de l'Afrique : les Al<br />
mohades hafsides régnèrent à Tunis ; les Abd-el-Oua-<br />
dites ou Zeyanites, à Tlemcen, et les Merinides, à Fès.<br />
Ces deux derniers empires avaient été fondés par des<br />
tribus berbères-zenètes (Beni-Merine et Abd-el-Ouad)<br />
qui autrefois habitaient en les hauts-plateaux<br />
et avaient pénétré dans le Tel en profilant de l'affai<br />
blissement des vieilles tribus indigènes, pendant les<br />
guerres que les Almoravides et les Almohades avaient<br />
eu à soutenir. Les Arabes hilaliens qui avaient contri<br />
bué à leur refoulement prirent, dans les hauts-pla<br />
teaux, les places laissées par les Zenètes, et il se<br />
trouva qu'ils garnissaient toute la ligne des contrées<br />
méridionales, prêts à s'élancer dans le Tel à la première<br />
occasion.<br />
Les luîtes incessantes qui divisèrent les Hafsides,<br />
les Zeyanites et les Merinides ne tardèrent pas à leur<br />
fournir cette occasion. Offrant, tour à tour, leurs bras<br />
aux souverains berbères ou à leurs compétiteurs, les<br />
Arabes se firent donner, en récompense, des fiefs dans<br />
le Tel. Les princes indigènes s'entourèrent de ces<br />
auxiliaires étrangers,<br />
dont la fidélité leur semblait ga<br />
rantie par l'intérêt qu'ils avaient de conserver leurs<br />
territoires. Mais, une fois entrés dans cette voie, il<br />
leur fut bientôt difficile de contenter l'avidité des Hi<br />
laliens dont chaque service devait se payer par la
— — 15<br />
concession de nouveaux fiefs, au détriment de la race<br />
berbère. Si, alors, la récompense tardait, les Arabes<br />
trouvaient sans peine quelque prétendant qui, avec<br />
leur appui, s'emparait du pouvoir, régnait par leur bon<br />
plaisir et n'avait rien à leur refuser.<br />
Les souverains hafsides abandonnèrent ainsi toute la<br />
Tunisie aux Soleïm.<br />
Les plaines de la province de Constantine furent<br />
envahies par les Dréid, Dahhak, Aïadh, Kerfa, etc.,<br />
fractions des Athbedj.<br />
Le Hod'na fut occupé par les Daouaouida (des<br />
Riah');<br />
Les fractions de la tribu de Yezid (Zor'ba) : Saad,<br />
reçurent en fief<br />
Khachna, Beni-Moussa, Djouab, etc.,<br />
les plaines de Hamza et s'étendirent dans les mon<br />
tagnes environnantes.<br />
Celles de la tribu de Hocéine (Zor'ba) : Djendel,<br />
s'établirent aux environs du Titeri<br />
Kharrach, etc.,<br />
(près de Médéa).<br />
Les Thaaléba (des Makil),<br />
environs de Médéa,<br />
après avoir occupé les<br />
pénétrèrent dans la Mitidja.<br />
D'autres fractions de la tribu de Zor'ba,<br />
les Attaf, Malek et Souéid,<br />
telles que<br />
cette dernière formant :<br />
les Chebaba, Hasasna, Flitta, Sbéih', Habra, Med-<br />
jaher, etc.,<br />
et de ses environs.<br />
prirent possession de la vallée du Chélif<br />
Le reste des Zor'ba, c'est-à-dire la fraction de Oroua,<br />
formant les Obéid-Allah, Naïl, Cherifa, Sahari, Ou-<br />
lad-Slimane, etc.; celle des Dïalem, formant les Bénibou-Ziad,<br />
Akkerma, etc., et celle des Amer, s'éten<br />
dirent dans les hauts-plateaux qui environnent le<br />
Djebel-Amour.<br />
A Tlemcen,<br />
les Abd-el-Ouadites s'entourèrent com<br />
plètement d'Arabes. Yar'moracène ben Zeyane, fon<br />
dateur de cette dynastie,<br />
était allé chercher aux envi-
— — 16<br />
rons du Hod'na les Hameyane, des Zor'ba, et les<br />
Mehaia et Amer, des Athbedj, et les avait établis au<br />
midi de sa capitale (1283). Ses successeurs concédèrent<br />
aux Souéid et aux Amer toutes les plaines de la pro<br />
vince d'Oran, et, à la fraction makilienne des Doui-<br />
Obéid^Allah, formant les Djaouna, R'ocel, Metarfa,<br />
etc., la campagne au nord et â l'ouest de Tlemcen.<br />
Les autres fractions des Makil, telles que les Douipénétrèrent<br />
dans la<br />
Mansour, Beni-Mokhtar, Hedadj,<br />
vallée de la Moulouïa, ou bien —<br />
et ce fut le plus grand<br />
nombre — contournèrent le Grand-Atlas et.occupèrent<br />
la région méridionale du Maroc, jusqu'à l'Atlantique.<br />
Ce fut ainsi que toutes les plaines passèrent succes<br />
sivement aux mains des étrangers, tandis que les abo<br />
rigènes se retranchaient dans les montagnes escarpées<br />
ou dans les cantons retirés du littoral.<br />
Ce mouvement fut achevé vers la fin du XIVe siècle,<br />
et, dès lors,<br />
l'unité du peuple berbère se trouva rom<br />
pue ; le mélange intime qui se fit entre la race indigène<br />
et l'élément étranger,<br />
celui-ci,<br />
en donnant la prédominance à<br />
acheva l'œuvre de dénationalisation de la<br />
Berbérie. Les aborigènes! repoussés par leurs princes<br />
qui s'accordaient mieux de la servilité des Arabes,<br />
formèrent, par-ci par-là, des groupes indépendants,<br />
des confédérations comme ce que nous appelons la<br />
Grande-Kabilie,<br />
thône se sont conservées.<br />
où les traditions du peuple autoch-<br />
L'établissement de la domination turque ne modifia<br />
|en rien ces conditions. La seule politique des Ottomans<br />
consista à s'appuyer sur l'antagonisme des populations<br />
en les opposant les unes aux autres ; ils contribuèrent<br />
ainsi à éteindre dans le pays tout sentiment national,<br />
et c'est par ce moyen qu'ils purent, avec des forces<br />
très-minimes,<br />
le maintenir sous leur joug.<br />
Les populations de race berbère qui se trouvaient
— - 17<br />
en contact avec des groupes arabes, subirent promp-<br />
tement leur influence, se mélangèrent à eux,<br />
et fini<br />
rent par oublier, sinon renier leur origine. C'est ce<br />
qui est déjà constaté, d'une, façon três-caractéristique,<br />
par Ibn Khaldoun, qui écrivait vers 1390. « Il se<br />
« trouve des Houara —<br />
dit<br />
cet auteur (t. I, p. 278) —<br />
«. sur les plateaux, depuis Tebessa jusqu'à Badja. Ils<br />
« vivent en nomades et sont comptés au nombre des<br />
« Arabes pasteurs de la tribu de Soléim, auxquels, du<br />
« reste, ils se sont assimilés par le langage et l'habil-<br />
« lement,<br />
ainsi que par l'habilude de vivre sous la<br />
« tente. Comme eux, ils se servent de chevaux pour<br />
« montures, ils élèvent des chameaux,<br />
ils se livrent à<br />
« la guerre, et ils font la station du Tel dans l'été et<br />
« celle du Désert dans l'hiver. Ils ont oublié leur dia--<br />
« lecte berbère pour apprendre la langue plus élégante<br />
« des Arabes et à peine comprennent-ils une parole<br />
« de leur ancien langage. y><br />
Cette peuplade berbère ainsi arabisée a formé la<br />
grande tribu qui s'appelle maintenant les Hanencha;<br />
car il arriva ceci, qu'en changeant de nationalité, les<br />
vieilles tribus prirent d'autres noms. De nouvelles ag<br />
glomérations se formèrent d'épaves des anciennes<br />
tribus indigènes et de groupes arabes qui se réunirent<br />
autour de marabouts venus généralement du Maroc<br />
et dont elles prirent les noms. C'est ce qui explique<br />
que lorsque l'on questionne en Algérie les indigènes<br />
arabes ou arabisés sur leur origine, on obtient trèssouvent<br />
cette réponse : « Nous descendons de Sidi....,<br />
« marabout originaire de l'Ouest. » Ces gens n'ont,<br />
du reste,<br />
aucune notion de leur histoire et se con<br />
tentent, à cet égard,<br />
fausseté le dispute à l'absurde.<br />
de répéter des traditions où la
— — 18<br />
y /Comme conclusion à ce qui précède/ résumons les<br />
faits dans l'ordre chronologique suivant :<br />
1° De 660 à 710,<br />
les Arabes ; ./<br />
période de conquête du pays par<br />
*'<br />
.__<br />
''..^jej-i-^-Ay,'<br />
2° De 710 à 909, occupation militaire par les Arabes,<br />
réduite successivement à la possession de l'Ifrikia et<br />
cessant en 909, par l'expulsion des Arlebites, derniers<br />
représentants du khalifat ;<br />
3° De 909 elle-<br />
à 1048, l'Afrique berbère, rendue à<br />
même, obéit à des chefs indigènes sous la suzeraineté<br />
des Fâtemides; en 1048, elle se déclare indépen<br />
dante ;<br />
Et 4° 1048, immigration hilalienne qui introduit l'é<br />
lément arabe comme population en Afrique ; ces<br />
Arabes, après avoir séjourné dans les hauts-plateauxy<br />
s'établissent, peu à peu, dans les plaines du Tel. Vers<br />
1400 ce mouvement est terminé.<br />
^ / ;<br />
— Cette rapide esquisse pourra donner nous l'espé<br />
— rons une idée généraleMes conditions dans lesquelles<br />
l'Afrique septentriolale aT5té arabisée.<br />
Nulle part — croyons-nous — la question n\_e,nr3bï>_'<br />
été ainsi envisagée. L'histoire de l'Afrique du nord<br />
entre donc dans une nouvelle phase ; les voiles qui<br />
nous la dérobaient se déchirent, les erreurs disparais<br />
sent et la chaîne rompue des événements se relie.<br />
Quant à nous, si de longues années de recherches<br />
nous ont permis d'apporter notre contingent à cette<br />
œuvre de réédification, nous en reportons tout le mé<br />
rite à M. le baron de Slane,<br />
vaux l'a rendue possible.<br />
qui par ses savants tra<br />
CONSTANTINE. — IMPRIMERIE L. MARLE.
•y<br />
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