1 - Notes du mont Royal

CHANT XXIII. 000
ponant une rame facile à manier, jusqu'à ce que tu arrives cnez
des peuples ignorants des choses de la mer, et ne mêlant point
de sel à leurs aliments, ne sachant ce que c'est qu'un vaisseau
aux flancs colorés, ni une rame légère, aile d'un navire. Je vais
t'indiquer à quoi tu reconnaîtras ces peuples, gardes-en le souvenir
: c'est quand tu rencontreras sur ton chemin un autre
"voyageur qui croira que sur la noble épaule tu portes un fléau.
A ce moment tu planteras la rame en terre; tu sacrifieras solennellement
à Neptune un bélier, un taureau, un verrat. Retourne
alors à Ithaque, et immole selon leur rang à tous les immortels
qui habitent le vaste ciel de saintes hécatombes. C'est chez toi
qu'une lente mort viendra de la mer, et t'enlèvera accablé d'une
heureuse vieillesse, entouré de peuples opulents. Oui, ajouta le
devin, tout ce que je te prédis s'accomplira. »
« Ah! s'écrie la prudente Pénélope, si du moins les dieux te
promettent une vieillesse heureuse, il me reste l'espoir que tu
échapperas à ces nouvelles épreuves. »
Pendant qu'ils se livrent à cet entretien, Eurynome et la nourrice,
à la lueur des torches, couvrent la couche de moelleux tissus.
Lorsque avec zèle elles ont dressé un lit épais, Euryclée rentre
dans les appartements, et l'intendante Eurynome, un flambeau
à la main, les conduit à leur chambre nuptiale; lorsqu'elles les
y a introduits, elle s'éloigne et les époux retrouvent, pénétrés de
joie, leur couche si longtemps délaissée.
En ce moment, Télémaque et les deux pâtres fidèles suspendent
leurs danses, les femmes aussi s'arrêtent; tous vont chercher le
repos dans le palais qu'enveloppent les ténèbres.
Les deux époux cependant, lorsqu'ils se sont abandonnés aux
délices de l'amour, se charment encore par leurs mutuels récits.
La plus noble des femmes dit ce qu'elle a souffert dans le palais
en voyant l'odieuse foule des prétendants, réunis pour l'amour
d'elle, dévorer ses bœufs, ses succulentes brebis et épuiser de
nombreux tonneaux de vin. Ensuite le divin Ulysse raconte les
maux qu'il a infligés aux mortels et les traverses que lui-môme
a éprouvées. Pénélope l'écoute transportée de plaisir et le sommeil
n'approche point de ses paupières avant qu'Ulysse n'ait achevé
son merveilleux récit.
11 dit d'abord comment il détruisit la ville des Ciconiens, puis
comment il fut jeté au sein de la contrée fertile des Lotuphages ;
il dit la cruauté du Cyclope él sa vengeance sur ce monstre, qui sans
pitié dévora ses braves compagnons ; il dit la généreuse hospitalité
(l'Éole, le présent que ce roi lui fit à son départ; la destinée funeste
qui ne lui permit pas de revoir dès lors sa pairie, et la lu-