27.06.2013 Views

1 - Notes du mont Royal

1 - Notes du mont Royal

1 - Notes du mont Royal

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

CHANT XIX. 571<br />

rapproche <strong>du</strong> feu le siège d'Ulysse pour le réchauffer, et, avec ses<br />

haillons, elle cache la cicatrice. Alors la prudente Pénélope reprend<br />

l'entretien.<br />

« 0 mon hôte, je veux moi-même encore t'intèrroger peu d'instants;<br />

car bientôt viendra le moment <strong>du</strong> repos, bien doux pour<br />

celui dont s'empare le bienfaisant sommeil, quels que soient ses<br />

soucis. Hélas! pour moi une divinité funeste a comblé la mesure<br />

des afflictions. Durant tout le jour, <strong>du</strong> moins, je charme mes peines<br />

à visiter en pleurant les travaux et les femmes de ce palais.<br />

Mais lorsque la nuit arrive et que les mortels se livrent au repos, je<br />

m'étends sur ma couche, et autour de mon cœur patient de profondes<br />

et amères inquiétudes irritent mes douleurs. Telle la fille<br />

de Pandarée, Phitomèle, au verdoyant plumage, exhale ses chants<br />

au retour de la belle saison,cachée dans le feuillage le plus sombre<br />

; elle mo<strong>du</strong>le ses rapides roulades et répand au loin les éclats<br />

de sa voix sonore ; plaintive, elle pleure encore son fils chéri, son<br />

Itulos, né <strong>du</strong> roi Zéthios, que jadis par une fatale imprudence elle<br />

tua de l'airain aigu : ainsi mon âme agite tour à tour ce double<br />

dessein, ou de rester auprès de mon fils, de conserver avec constance<br />

mes richesses, mes femmes et ce palais superbe, pleine de<br />

respect pour la couche de mon époux et pour la voix <strong>du</strong> peuple ;<br />

ou de suivre bientôt, parmi les Grecs qui prétendent en cette demeure<br />

à mon hyménée,le plus noble et celui qui m'apportera des<br />

dons infinis. Aussi longtemps que mon fils fut débile, incapable de<br />

se con<strong>du</strong>ire, il ne m'était pas permis de songer à l'hyménée ni<br />

d'abandonner la maison de mon époux. Mais maintenant, déjà<br />

sorti de l'enfance, il est entré dans la florissante jeunesse, et il me<br />

conjure de quitter ce palais ; il s'irrite de ce que ses richesses sont<br />

dévorées par les Argiens.<br />

« Mais prête-moi une oreille attentive et interprète ce songe.<br />

Vingt oisons dans mes cours, en sortant de l'eau, se repaissent de<br />

froment et leur vue me réjouit, lorsqu'un grand aigle, au bec recourbé,<br />

descend de la <strong>mont</strong>agne, leur brise la tête et les tue ; ils<br />

gisent tous amoncelés dans ce palais ; l'oiseau victorieux s'élève<br />

jusqu'au divin éther, et moi, dans mon songe,je pleure et je m'écrie.<br />

Les Grecques aux belles tresses s'empressent autour de moi,<br />

comme je m'afflige amèrement de ce que l'aigle a tué mes oisons.<br />

Soudain il revient, s'arrête sur le sommet de l'édifice, et, prenant<br />

une voix humaine, il me dit : « Calme-toi, fille de l'illustre Icare,<br />

ce n'est point un songe, mais une vision heureuse qui s'accomplira.<br />

Les victimes sont les prétendants, et moi, naguère un aigle,<br />

je suis ton époux maintenant de retour pour livrer ces hommes<br />

superbes à leur sort funeste. » 11 dit : et le doux sommeil m'a-

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!