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1 - Notes du mont Royal

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CHANT XIV. SU<br />

le pain, et les pâtres rassasiés se lèvent pour gagner leurs couches.<br />

La nuit tombe triste et obscure; Jupiter ne cesse pas de répandre<br />

de la pluie, et l'humide Zéphire souffle avec violence. Alors Ulysse,<br />

pour éprouver le chef des pâtres, qui prend de lui des soins si<br />

attentifs, et voir s'il se dépouillera de son manteau pour le lui<br />

donner, ou s'il demandera celui d'un des serviteurs, raconte cette<br />

aventure :<br />

« Écoutez-moi maintenant, Eumée, et vous, ses compagnons,<br />

je veux vous rappeler des souvenirs de gloire: le vin m'excite, liqueur<br />

enivrante qui inspire des chants au sage, le livre à des<br />

rires inextinguibles, l'entraîne aux chœurs de danse, et souvent<br />

lui arrache un mot qu'il eût mieux valu taire. Oui, ma langue<br />

se dénoue, et je ne puis celer ma pensée. Que n'ai-je conservé ma<br />

florissante jeunesse et les forces qui m'animaient, lorsque, devant<br />

Iljon, nous con<strong>du</strong>isîmes une embuscade! Ulysse, Ménélas la commandaient;<br />

j'étais le troisième chef, eux-mêmes m'avaient choisi.<br />

Nous arrivons près de la ville, au pied de ses murs escarpés;<br />

nous nous étendons en armes au milieu d'épaisses broussailles,<br />

sur les herbages d'un sol marécageux. La nuit devient mauvaise;<br />

Borée lait tomber sur nous son souffle glacé et répand une neige<br />

fine et froide comme les frimas ; nos boucliers sont couverts de<br />

givre. Mes compagnons cependant, enveloppés dans leurs tuniques<br />

et dans leurs manteaux, les épaules garanties par leurs boucliers,<br />

dorment paisiblement. Mais en partant j'ai laissé sous ma tente<br />

mon épais manteau. Imprudent! j'étais loin de prévoir un froid<br />

si pénétrant; je n'avais donc que mon bouclier et une tunique<br />

brillante. Au dernier tiers de la nuit, comme les astres précipitent<br />

leur cours, je pousse <strong>du</strong> coude Ulysse, mon voisin, et lui<br />

adresse ces paroles, qu'aussitôt il comprend :<br />

a. Noble fils de Laërte, je ne serai pas longtemps encore au<br />

nombre des vivants : l'hiver va me dompter ; je n'ai point de<br />

manteau; une divinité funeste m'a trompé en me persuadant<br />

que ma tunique suffisait, et maintenant il ne peut être question<br />

de fuir. »<br />

a Je dis : et, toujours aussi prompt à conseiller qu'à combattre,<br />

déjà son plan est arrêté :<br />

« Tais-toi, me répond-il à voix basse, prends garde qu'un au- ,<br />

tre que moi ne t'entende, P Puis, la tête appuyée sur le bras, il<br />

crie :<br />

« Amis, écoutez-moi : un songe divin vient d'interrompre mon<br />

sommeil. Nous sommes loin de la flotte; puisse l'un de nous<br />

courir vers Agamemnon, pour qu'il excite un plus grand nombre<br />

de Grecs à sortir <strong>du</strong> camp ! »

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