Léon Rosenthal, Notre musée, l'art expliqué par les œuvres…

XLIII. - II. LA RÉVOLUTION ET L'EMPIRE D'APRÈS L'ŒUVRE DE DAVID
Napoléon oblige les artistes à célébrer la France et
sa propre gloire. A David, devenu son premier peintre,
il demande de commémorer Le Sacre, célébré, avec
Cl. L/ry-S eurdtm.
PERCIER ET FONTAINE. — Arc de Triomphe du Carrousel.
le pape Pie VII, à Notre-Dame, le 2 décembre 1804.
David, pour composer son œuvre, observe scrupuleusement
la réalité : il s'est guidé sur une maquette
en relief de l'église, a exécuté des portraits préparatoires
du pape, du cardinal Consalvi, des principaux
personnages; costumes, uniformes, armes, bijoux,
copiés avec fidélité sont de véritables et précieux
documents. Répartition des groupes selon le protocole.
Aucune transposition d'art apparente ; ni fougue,
ni éclat d'exécution, pas de fanfare colorée. Mais une
sincérité qui a de la grandeur, un accent de vérité,
les portraits intenses, le naturel et la variété des
attitudes. L'instant choisi pour faire dominer la
figure de l'empereur qui, déjà sacré, couronne Joséphine,
sans sacrifier le Pape qui bénit. Distribution
habile de la lumière qui, tombant de haut, frappe
d'abord le pape et laisse dans l'ombre le cortège
à gauche et les spectateurs, sauf madame Lœtitia.
Opposer cette prose française au lyrisme vénitien
(p. 61), aux envolées de Rubens (p. 43).
Les architectes de la Révolution n'ont guère eu
le temps de faire que des projets; ceux de l'Empire,
hantés, comme eux, par l'antiquité, ont exprimé
l'énergie épique de leur temps surtout en monuments
triomphaux : temple de la Gloire (La Madeleine),
colonne Vendôme, plan de l'arc de Triomphe de
l'Étoile.... L'Arc de Triomphe du Carrousel, par
PERCIER et FONTAINE, les deux plus illustres architectes
de l'Empire, n'était pas destiné à s'enlever,
isolé, sur le ciel, mais à précéder le palais des
Tuileries qui masquait l'immense perspective qui
s'étend, aujourd'hui, derrière lui jusqu'à l'arc de
l'Étoile. Inspiré par l'arc de Septime Sévère, il
emprunte tous ses éléments à l'architecture romaine,
mais il doit une grâce exceptionnelle à ses dimensions
mesurées, au bonheur des proportions, à la
polychromie des matériaux et aussi à une influence
de l'esprit de la Renaissance italienne. Les sculpteurs
des Renommées, aux écoinçons des arcs, Bosio, pour
le quadrige, ont, selon l'esthétique dominante
recherché le beau idéal conçu à travers les marbres
gréco-romains. Mais les auteurs des bas-reliefs et
ceux qui ont figuré, au-dessus des colonnes, les différentes
armes de la Grande Armée ont dû traduire
les faits et les costumes contemporains et, pour eux
comme pour David, cette contrainte a été heureuse.
Napoléon a poursuivi, avec une envergure et une
rapidité extraordinaires, à Paris et dans toutes les
parties de l'Empire, de grands travaux d'utilité
publique, d'aménagement et d'embellissement.
Le mobilier de l'Empire accentue l'évolution
marquée dès le style Louis XVI. Inspiré par David,
inauguré par Percier et Fontaine, il veut être antique:
formes très simples, architecturales et massives,
vogue de l'acajou, ufage généralisé d'appliques de
cuivre ciselé. Le goût des tentures, des vases de
Sèvres, de l'orfèvrerie, de tous les arts appliqués,
concourt à donner à l'époque impériale une physio-
Cl. Mvy-Seurdein.
Chambre à coucher de Napoléon I" au Grand Trlanon.— Versailles.
nomie caractérisée et forte, très marquée dans la
Chambre à coucher de Napoléon I er au Grand
Trianon. Les générations ultérieures vont se montrer
incapables de s'entourer d'un décor original.