Léon Rosenthal, Notre musée, l'art expliqué par les œuvres…

Le palais de Versailles, selon le dessein de
Louis XIV, demeure, dans ses parties essentielles,
l'image de la monarchie absolue à son apogée. Majesté
tranquille de cette immense façade orientée vers
l'Ouest : corps central élevé de 1668 à 1679 par Le
Vau puis J.-H. Mansard qui construisit l'aile du
La Galerie des Glaces. — Versailles.
XXVII. - VERSAILLES
Cl. BmJnt.
Midi, 1679-1680, et l'aile du nord, 1684-1688. Ni
colonnade, ni dôme, ni porte triomphale, ni polychromie,
ni matériaux précieux. Rez-de-chaussée,
étage d'honneur, attique, pas de toit apparent,
balustrade dont des trophées rompent le monotonie,
décoration sculptée discrète, un parti très simple
mais imposant qui s'étend à l'infini. Ni fossé, ni
appareil de défenses, inutiles pour une souveraineté
incontestée. Accord avec les miroirs d'eau, la terrasse,
le parc et les vastes perspectives ordonnés par
Le Nôtre. Le paysage plat qui n'arrête nulle part la
vue. Seule, la chapelle, achevée en 1710, visible audessus
de l'aile du Nord, vient rompre cette grandiose
sobriété. A l'intérieur, les grands appartements
se succèdent en enfilade, sans égard pour la commodité,
uniquement destinés aux grandes réceptions.
La Galerie des Glaces, expression suprême d'une
conception italienne, déjà appliquée à Paris (Hôtel
de Lambert, Galerie Mazarine à la Bibliothèque
Nationale, Galerie d'Apollon au Louvre), construite
par MANSART, 1679, fut décorée, 1679-1684, par
Le Brun, premier peintre du roi, avec le concours
d'une pléiade d'artistes sur lesquels il avait pleine
autorité et qui travaillaient sur ses esquisses ou
dessins. A l'ouest, de larges baies sur le Parc; par un
luxe alors inouï, de vastes panneaux de glaces leur
répondent, renvoyant la lumière et ajoutant, par
l'illusion, aux dimensions de la galerie. Les chapiteaux
des pilastres dessinés par Le Brun qui voulut
sans succès, y créer un ordre français. Au-dessus de
l'entablement, des trophées modelés parles meilleurs
sculpteurs. La voûte en berceau surbaissé, divisée
en compartiments où Le Brun a peint la vie du Roi
jusqu'en 1678, mêlant réalité et allégorie. Spectacle
magnifique quand tentures, meubles de Boulle, arbustes
rares dans des vases d'argent, candélabres d'argent
décoraient la Galerie où circulait la cour la plus
brillante de l'Europe, parée de costumes somptueux.
Le Parc a été, en plusieurs points, transformé au
18 e siècle. Nulle part il n'a gardé son aspect primitif.
L'impression d'abandon mélancolique qu'il donne
s'oppose à la grandeur régulière, à l'autorité classique,
qu'il revêtait quand les arbres taillés étaient
emprisonnés dans les murailles vertes des hautes
charmilles, que les bassins symétriquement répartis
avaient le charme d'une fantaisie mesurée et nouvelle.
La Colonnade, créée par Mansart, 1687, garde
mieux ce caractère de distinction aimable. Elle met
en valeur le groupe où GIRARDON, visiblement inspiré
de Bernin, a modelé l'enlèvement de Proserpine, avec
moins de puissance, plus de grâce élégante. Le piédestal
est orné des bas-reliefs les plus délicats.
Cl. .Iti'iutrt.
Bosquet de la Colonnade. — Parc de Versailles.
Un peuple de statues, de groupes sculptés par les
meilleurs artistes sur les indications de Le Brun,
décorent les allées et les bassins : allégories des
Saisons, des parties du monde, personnification des
Fleuves, mythologies, groupes d'enfants. Le célèbre et
dramatique Milon deCrotone, chef-d'œuvre de Puoer,
aujourd'hui au Louvre, y figura jusqu'au 19 e siècle.