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Léon Rosenthal, Notre musée, l'art expliqué par les œuvres…

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Claude Gellée, dit le Lorrain, 1600-1682, vécut à Rome. Il y<br />

subit l'ascendant de Poussin. Magicien de la lumière, dont il a<br />

rendu <strong>les</strong> effets avec une intensité que nul n'a dépassée, même<br />

Turner (p. 94), il s'est exprimé dans un langage ordonné et mesuré,<br />

avec une sobriété classique, capable de tout suggérer, grâce à<br />

l'extraordinaire justesse de sa notation.<br />

Un Port au Soleil couchant ap<strong>par</strong>tient à une série<br />

d'oeuvres caractéristiques. Des palais grandioses et<br />

imaginaires où sont mises en œuvre toutes <strong>les</strong><br />

ressources de l'architecture du temps, des vaisseaux<br />

de haut bord semblab<strong>les</strong> à ceux que Puget décorait<br />

à Toulon. Au premier plan, des personnages, ici<br />

contemporains, ailleurs empruntés à l'histoire, à la<br />

Fable ou à la Religion, sans que le caractère de<br />

l'œuvre en soit modifié; Claude ne <strong>les</strong> a pas toujours<br />

peints lui-même. Le véritable sujet est le soleil qui<br />

irradie l'horizon. Avec une gamme très restreinte,<br />

puisque le point le plus lumineux, le soleil même,<br />

n'est qu'une tache d'un gris jaunâtre et que <strong>les</strong><br />

ombres <strong>les</strong> plus profondes ne sont aussi que du gris,<br />

Claude arrive à suggérer un éblouissement; c'est que<br />

<strong>les</strong> dégradations de la lumière, <strong>les</strong> valeurs, sont calculées<br />

sans aucune erreur et que tout est composé<br />

pour concourir à l'illusion. Navires, embarcations<br />

de plaisance, barques de pêcheurs, palais, tours et<br />

colonnades ne sont ni ré<strong>par</strong>tis au hasard, ni pour<br />

le seul équilibre des masses. Perdus totalement dans<br />

CI. Hanlslatngl.<br />

CLAUDE LORRAIN. — Le Midi.<br />

la lumière, à demi visib<strong>les</strong>, nettement en vue, ils<br />

jalonnent l'espace, d'autant plus irréels qu'ils se rapprochent<br />

du foyer dont <strong>les</strong> rayons incendient la nappe<br />

des eaux. Marins, promeneurs, vagabonds querelleurs<br />

sur <strong>les</strong> <strong>par</strong>vis ou sur la grève, marins manœuvrant<br />

dans <strong>les</strong> agrès, sont des silhouettes qui, vus à jour frisant<br />

ou à contre-jour, jouent <strong>par</strong> opposition. Tout,<br />

ici, d'une valeur mise à sa place, enseigne le pouvoir.<br />

Le Midi, paysage composé avec un sens noble de<br />

XXV. — CLAUDE LORRAIN<br />

l'ordonnance, mais ce rythme grandiose et clair<br />

s'accommode de tous <strong>les</strong> hasards de la réalité, vièux<br />

pont rustique, chèvres qui broutent, bœufs qui<br />

passent un gué. Le repos de la Sainte Famille, épisode<br />

imposé <strong>par</strong> <strong>les</strong> idées du temps qui ne conçoit<br />

pas la nature en l'absence d'un sujet, est tout à fait<br />

secondaire. Ici, encore, la lumière a le rôle essentiel.<br />

Sur cette prairie, ces grands arbres, cette majestueuse<br />

ruine romaine, Claude enlève la fuite des<br />

Cl. flwU"t.<br />

CLAUDE LORRAIN. — Le Campo Vartlno. — Mu«êe du Louvre.<br />

arrière-plans que l'œil croit suivre au loin, perdus<br />

dans <strong>les</strong> nappes d'argent tombées des hauteurs du<br />

ciel bleu. Bois, fabriques se transforment en mirages<br />

et le fleuve, dont <strong>les</strong> rubans se déroulent, de la chimère<br />

des lointains à la réalité du premier plan,<br />

forme le lien mouvant du tableau. Aucun élément<br />

dramatique; rien ne trouble, n'inquiète l'esprit, ne<br />

révèle la mobilité, la complexité, <strong>les</strong> mystères de la<br />

nature. L'instant observé prend un caractère définitif<br />

et comme éternel. Tout appelle une délectation<br />

paisible et spirituelle.<br />

Le Campo Vaccino, le marché aux bœufs, c'est-àdire<br />

le Forum tel qu'il était avant <strong>les</strong> fouil<strong>les</strong> qui,<br />

au 19 e siècle ont déblayé le sol antique. De gauche à<br />

droite, l'arc de Sévère à moitié enseveli et crénelé,<br />

le temple d'Antonin et Faustine, dans le lointain le<br />

Colysée, l'arc de Titus, la colonne de Phocas au centre,<br />

<strong>les</strong> trois colonnes du temple de Castor, le temple de<br />

Saturne. Indifférents à ces émouvants souvenirs, des<br />

bouviers et leurs troupeaux, des badauds, des flâneurs.<br />

Vers la droite, trois curieux, pour qui <strong>par</strong>lent<br />

ces pierres que caresse la lumière du soir. Toile<br />

peinte avec amour, confession d'un cœur classique.

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