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Léon Rosenthal, Notre musée, l'art expliqué par les œuvres…

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XIX. - CORRÊGE, VÉRONÈSE ET TINTORET<br />

VÉRONÈSE (1528-1588) n'a ni la profondeur, ni la<br />

richesse grave du Titien, mais c'est un magnifique<br />

décorateur, capable d'ordonner, sur des surfaces<br />

immenses, ciels, perspectives, architectures, fou<strong>les</strong><br />

bigarrées, pour la joie du regard. La Glorification<br />

de Venise occupe le centre du plafond de la Salle du<br />

Grand Conseil au Palais des Doges, salle d'ap<strong>par</strong>at<br />

où, en des circonstances solennel<strong>les</strong>, se déployait<br />

un luxe sans limite. La toile de Véronèse, enchâssée<br />

dans l'or de sculptures décoratives fastueuses, tient<br />

sa place éminente dans une manifestation d'orgueil,<br />

de puissance et de richesse. Scène en dehors, à grand<br />

orchestre; architectures chimériques et vraisemblab<strong>les</strong>,<br />

tentures splendides, personnages majestueux,<br />

patriciennes opulentes, étrangers aux types et costumes<br />

pittoresques, gens du peuple dont le travail<br />

est la force de la République. La vie contemporaine<br />

magnifiée, sans transposition, <strong>par</strong> le prestige de la<br />

lumière et de la couleur, unie spontanément à<br />

l'allégorie. Venise personnifiée, vêtue comme une<br />

dogaresse. Unité de sujet, de composition, surtout<br />

d'harmonie exquise, blonde et nacrée.<br />

Plus âgé que Véronèse auquel il survécut, TIN-<br />

TORET, 1519-1594, lui oppose une âme complexe<br />

Cl. Anderson.<br />

TINTORET. — Diposilion de Croix. — Académie, Venise.<br />

où se découvre l'inquiétude moderne. Aux traditions<br />

coloristes vénitiennes, il associe <strong>les</strong> leçons de Michel-<br />

Ange; il lui emprunte l'esprit du modelé grandiose<br />

et tourmenté, la science des attitudes dans l'espace,<br />

des raccourcis, le groupement <strong>par</strong> ondulation de lignes<br />

et de volumes. Il se rapproche de lui <strong>par</strong> la puissance<br />

de sa vision et <strong>par</strong> le sens dramatique. La couleur<br />

seconde ces intentions nouvel<strong>les</strong>. Elle cesse d'être<br />

aisée, librement dispensée, avec une limpide allégresse.<br />

Comme chez Titien vieilli, le clair-obscur accentue son<br />

jeu : la couleur semble surgir des pénombres <strong>par</strong>fois<br />

troub<strong>les</strong>, elle éclate en accents fulgurants d'une intensité<br />

inattendue. Art de visionnaire dont l'âme trop<br />

riche et tumultueuse ne peut s'exprimer complètement,<br />

art romantique. La Déposition de Croix, dans<br />

son lamento pathétique d'attitudes, d'expressions, de<br />

taches, de lumière, est une page typique de Tintoret.<br />

Cl. Pullct.<br />

CORRÊOE. — Le Mariage mystique de sainte Catherine.<br />

Musée du Louvre.<br />

CORRÈGE, 14949-1534, qui a précédé ces deux<br />

maîtres, vécut à Parme dans le rayonnement de<br />

Venise à laquelle il dut le sens exquis des harmonies<br />

colorées; virtuose de la forme humaine il la fit<br />

« plafonner » <strong>par</strong> une audace inédite. Son art est<br />

imprégné d'une grâce, d'un charme sensuel dont il a,<br />

le premier, donné l'exemple : art de séduction dont<br />

l'écueil est la manière et le joli. Le Mariage mystique<br />

de sainte Catherine d'Alexandrie avec l'Enfant Jésus,<br />

peint vers 1522, respire une volupté païenne. Il est<br />

composé à la vénitienne : carnations que font valoir<br />

de riches étoffes et qui s'enlèvent sur un paysage<br />

profond. Les chairs baignées de lumière sont enveloppées,<br />

avec morbidezza, de contours flous. Les<br />

visages, selon le type corrégien, ont des fronts bombés,<br />

des paupières lourdes, des lèvres gourmandes.<br />

Rien n'évoque des idées de construction, de vigueur;<br />

tout est abandonné, avec une aristocratique élégance;<br />

tout concourt à bercer le regard; tout sourit.<br />

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