Léon Rosenthal, Notre musée, l'art expliqué par les œuvres…
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X. — LES PEINTRES FLORENTINS : MASACCIO L'évolution de la peinture florentine suit de prés celle de la sculpture. Dans une période de gestation qui dure jusque vers le milieu du 15 e siècle, les peintres, armés de la perspective, passionnés par leur science nouvelle, se livrent à une discipline rigoureuse et oublient le charme de la couleur pour accentuer les contours, définir, avec précision, les formes dans l'espace vrai. Au seuil de cette période, Masaccio (1-101-1429), dans sa carrière trop brève, devance de loin ses contemporains : ses fresques de la chapelle des Brancacci dans l'église de Carminé, à Florence, pressentent l'avenir. Fra Angelico (vers 1387-1455) conserve l'ingénuité du passé. Après les âpres leçons de Paolo Uccello, Fra Filippo Lippl (14067-1469) ouvre une période plus libre. Le Christ ordonnant à saint Pierre de payer Le Denier de César, par MASACCIO, offre encore des perspectives incertaines, trois scènes juxtaposées, mais la suppression de tout accident, un langage réduit à l'essentiel, l'autorité d'une composition grandiose avec simplicité où les personnages s'accordent avec l'austérité d'un paysage aux ondulations rythmiques et de fabriques nues, la solidité de ces corps qui posent reéllement sur le sol, la construction par larges plans de ces têtes nobles, le style des draperies à tuyaux épais, l'attitude réservée et discrète du Christ majestueux et bienveillant, les gestes mesurés, expressifs et amples de Saint Pierre, la majesté du personnage de droite du groupe central où l'on croit reconnaître Masaccio lui-même, tout confère à la page une grandeur romaine. Quatrevingts ans plus tard Raphaël viendra l'étudier et il en dégagera toute la portée. FRA ANGELICO, avec l'imagination fraîche d'un saint, conserve une curiosité naïve et le goût des Cl. Arulerion. FRA ANGFI ico.— L'Annonciation —Couvent San Marco,Florence enlumineurs pour les couleurs vives; il projette sa propre candeur sur des visages enfantins. Mais, s'il dit avec une pudeur exquise le mystère silencieux de L'Annonciation, la science des attitudes, une composition sûre, le rythme séduisant, la vérité des architectures, montrent qu'il participe, tout de même, aux progrès techniques de son temps. FRA FILIPPO LIPPI, qui n'eut aucune des vertus Cl. Huilai. FILIPPO LIPPI. — La Vierge et r Enfant. — Galerie Pilll, Florence. de l'Angelico, maîtrise la science intempérante de ses prédécesseurs et la plie à exprimer la jeunesse et la grâce. Ce tondo (tableau rond, forme qu'il a mise en honneur) développe, derrière La Vierge et l'Enfant, une composition double où se juxtaposent, d'une façon arbitraire, une scène de la rue : la rencontre de sainte Anne et de Joachim, et la naissance de la Vierge. Celle-ci est racontée avec simplicité sans vulgarité, avec une élégance native; fantaisie aimable dan? les personnages épisodiques des visiteuses. Étude d'attitudes, de mouvement, types élancés, costumes aux plis sinueux, tendance à l'arabesque; quelque chose de spontané et d'imprévu; architectures sommaires et solides; perspective compliquée et savante. L'enfant Jésus, potelé, un peu bouffi, n'est qu'un bébé, un banibino, le propre fils de l'artiste, Filippino, futur peintre luimême. La Vierge, la femme du peintre, très jeune, très parée, gracieuse, a, dans le regard, une sorte d'inquiétude vague qui tient lieu d'expression. Œuvre d'un artiste curieux des réalités,sans au-delà. Quelque chose d'arrêté et de limité, dans la facture comme dans l'inspiration.
50 o (/> P1 Z H MASACCIO. — Le Denier de saint Pierre. — Église du Carminé, Florence. Cl. Andcrson.
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X. — LES PEINTRES FLORENTINS : MASACCIO<br />
L'évolution de la peinture florentine suit de prés celle de la sculpture.<br />
Dans une période de gestation qui dure jusque vers le milieu<br />
du 15 e siècle, <strong>les</strong> peintres, armés de la perspective, passionnés <strong>par</strong><br />
leur science nouvelle, se livrent à une discipline rigoureuse et<br />
oublient le charme de la couleur pour accentuer <strong>les</strong> contours,<br />
définir, avec précision, <strong>les</strong> formes dans l'espace vrai. Au seuil de<br />
cette période, Masaccio (1-101-1429), dans sa carrière trop brève,<br />
devance de loin ses contemporains : ses fresques de la chapelle<br />
des Brancacci dans l'église de Carminé, à Florence, pressentent<br />
l'avenir. Fra Angelico (vers 1387-1455) conserve l'ingénuité du<br />
passé. Après <strong>les</strong> âpres leçons de Paolo Uccello, Fra Filippo Lippl<br />
(14067-1469) ouvre une période plus libre.<br />
Le Christ ordonnant à saint Pierre de payer Le<br />
Denier de César, <strong>par</strong> MASACCIO, offre encore des perspectives<br />
incertaines, trois scènes juxtaposées, mais<br />
la suppression de tout accident, un langage réduit à<br />
l'essentiel, l'autorité d'une composition grandiose<br />
avec simplicité où <strong>les</strong> personnages s'accordent avec<br />
l'austérité d'un paysage aux ondulations rythmiques<br />
et de fabriques nues, la solidité de ces corps qui<br />
posent reéllement sur le sol, la construction <strong>par</strong><br />
larges plans de ces têtes nob<strong>les</strong>, le style des draperies<br />
à tuyaux épais, l'attitude réservée et discrète<br />
du Christ majestueux et bienveillant, <strong>les</strong> gestes<br />
mesurés, expressifs et amp<strong>les</strong> de Saint Pierre, la<br />
majesté du personnage de droite du groupe central<br />
où l'on croit reconnaître Masaccio lui-même, tout<br />
confère à la page une grandeur romaine. Quatrevingts<br />
ans plus tard Raphaël viendra l'étudier et il<br />
en dégagera toute la portée.<br />
FRA ANGELICO, avec l'imagination fraîche d'un<br />
saint, conserve une curiosité naïve et le goût des<br />
Cl. Arulerion.<br />
FRA ANGFI ico.— L'Annonciation —Couvent San Marco,Florence<br />
enlumineurs pour <strong>les</strong> couleurs vives; il projette sa<br />
propre candeur sur des visages enfantins. Mais, s'il<br />
dit avec une pudeur exquise le mystère silencieux<br />
de L'Annonciation, la science des attitudes, une<br />
composition sûre, le rythme séduisant, la vérité des<br />
architectures, montrent qu'il <strong>par</strong>ticipe, tout de<br />
même, aux progrès techniques de son temps.<br />
FRA FILIPPO LIPPI, qui n'eut aucune des vertus<br />
Cl. Huilai.<br />
FILIPPO LIPPI. — La Vierge et r Enfant. — Galerie Pilll, Florence.<br />
de l'Angelico, maîtrise la science intempérante de ses<br />
prédécesseurs et la plie à exprimer la jeunesse et la<br />
grâce. Ce tondo (tableau rond, forme qu'il a mise en<br />
honneur) développe, derrière La Vierge et l'Enfant, une<br />
composition double où se juxtaposent, d'une façon<br />
arbitraire, une scène de la rue : la rencontre de<br />
sainte Anne et de Joachim, et la naissance de la<br />
Vierge. Celle-ci est racontée avec simplicité sans<br />
vulgarité, avec une élégance native; fantaisie<br />
aimable dan? <strong>les</strong> personnages épisodiques des visiteuses.<br />
Étude d'attitudes, de mouvement, types<br />
élancés, costumes aux plis sinueux, tendance à<br />
l'arabesque; quelque chose de spontané et d'imprévu;<br />
architectures sommaires et solides; perspective<br />
compliquée et savante. L'enfant Jésus, potelé,<br />
un peu bouffi, n'est qu'un bébé, un banibino, le<br />
propre fils de <strong>l'art</strong>iste, Filippino, futur peintre luimême.<br />
La Vierge, la femme du peintre, très jeune,<br />
très <strong>par</strong>ée, gracieuse, a, dans le regard, une sorte<br />
d'inquiétude vague qui tient lieu d'expression. Œuvre<br />
d'un artiste curieux des réalités,sans au-delà. Quelque<br />
chose d'arrêté et de limité, dans la facture comme<br />
dans l'inspiration.