Léon Rosenthal, Notre musée, l'art expliqué par les œuvres…

LX. — ARCHITECTURE DES VILLES MODERNES
Les architectes du 19* siècle, après s'être inspirés de l'antiquité
gréco-romaine, ont successivement pastiché tous les styles. Les
édifices religieux ont été des temples romains, au début du siècle;
des basiliques sous la Restauration, des églises gothiques depuis
Louis Philippe. Plus près de nous on s'est inspiré, avec un peu plus
de liberté, du roman ou du byzantin. Les bâtiments civils ont
observé, plus ou moins, les ordonnances classiques ou les exemples
de la Renaissance. On y a constamment sacrifié la distribution
intérieure à la beauté et à la symétrie des façades. Cependant
quelques esprits vigoureux sentaient la nécessité d'une inspiration
originale. La civilisation contemporaine propose des programmes
nouveaux ou renouvelés. Gares, hôtels, salles de réunion, parlements,
écoles, musées, salles de spectacles, hôpitaux, stades, si
l'aspect n'en est pas négligeable, valent par leur commodité. Ils
imposent une architecture rationnelle. D'autre part il est nécessaire.
dans la plupart des cas, de couvrir des surfaces considérables.
Les matériaux traditionnels peuvent malaisément y suffire. La
science et l'industrie donnent à la construction des possibilités inédites,
offrent des matériaux nouveaux: fer, ciment armé. De là,
malgré de vives résistances, une rénovation qui s'accomplit sous
nos yeux.
LABROUSTE (1801-1875), dès 1868, dans la Salle de
Travail de la Bibliothèque nationale, par l'utilisation
de la fonte et du fer, crée un abri adapté aux besoins
matériels des lecteurs : clarté, facilités de circulation,
de consultation des catalogues, de magasinage
et de distribution des livres, dangers moindres
d'incendie; moraux (cadre spacieux, harmonieux).
Piliers très minces qui ne rompent pas l'unité, coupoles
légères qu'on a pu élever très haut; galeries
à jour pour accéder aux rayons. Beauté qui vient :
du goût de l'artiste, courbes heureuses, noblesse de
l'hémicycle de la porte monumentale pratiquée entre
la salle de lecture et les magasins, sobriété du décor;
de l'affirmation du programme : les livres qui garnissent
les murs ont un rôle décoratif; — et aussi
de la franchise du parti : la fonte et les fermes de
TONY GARNIER. — Stade. — Lyon.
fer accusées. Beauté moderne, sans rupture violente
avec les traditions conservées pour la décoration :
médaillons, caryatides.
Le Stade élevé â Lyon par M. TONY GARNIER,
répond â un besoin disparu depuis l'époque romaine :
réunir en plein air des foules immenses autour d'une
piste organisée |i
pour les courses,
sports, évolutionsrythmiques
exécutées
parfois par des
milliers de gymnastes.Construit
en béton
et ciment armé,
les gradins revêtus
de pierre,
il n'emprunte
rien aux formes
traditionnelles
(ordres), n'offre
aucune décoration
ni peinte,
ni sculptée.
Cadre nu, dans
lequel les spectateursapportent
diversité,
mouvement,
couleurs, admir
a b I e m e n t
adapté à sa
CL C kirof*.
LES FRÈRES PERRET.
Notre-Dame. — Le Raincy.
destination : les foules y circulent, s'y installent,
l'évacuent avec rapidité. Des salles voûtées sous les
gradins peuvent accueillir une armée d'athlètes.
Quand il sera achevé, il sera entouré de dépendances
multiples : piscines, hôtels, garages, pistes
d'entraînement, terrains de tennis, au milieu desquels
il se dressera, enveloppé de talus gazonnés
et plantés d'arbres, majestueux avec ses arcs triomphaux
qui se dressent vers le ciel. Art novateur dans
ses formes et classique dans son esprit, d'une grandeur,
à la fois, moderne et romaine.
L'église du Raincy par les frères PERRET : l'application
du ciment armé et des formules neuves
à un programme traditionnel. Selon l'exemple du
Moyen âge, expression sensible de l'élan des âmes,
jet des lignes verticales, avec une hardiesse que la
pierre ne pouvait obtenir; les grandes baies obturées
avec un système ingénieux et très simple de treillage
: simplicité imposante, sobriété des tnoulurations,
jeu calculé des pleins et des vides.