Léon Rosenthal, Notre musée, l'art expliqué par les œuvres…

LV. — CLAUDE MONET ET LES IMPRESSIONNISTES : CÉZANNE
Peu après les débuts de Manet, de jeunes artistes, presque tons
influencés d'abord par Courbet et Corot, renoncèrent à peindre
dans l'atelier et usèrent de méthodes de plus en plus audacieuses
pour traduire l'impression directe et les effets du plein air. On les
Cl. Bu Ilot.
RENOIR. — La Balançoire. — Musée du Luxembourg.
appela, en 1874, les Impressionnistes. Ils ne formèrent pas une
école,mais un groupe aux tendances analogues. D'une façon générale,
ils s'interdisaient toute composition, puisaient dans la
réalité, cherchaient la m ise en page imprévue, renonçaient au
clair-obscur, surpprima ient les contours, ne donnaient pas aux
choses leur couleur permanente (ton local), mais saisissaient
leurs aspects changeant par l'éclairage, les reflets. Ils profitaient
des travaux de Chevreul sur l'optique des couleurs,
réclamaient la collaboration du spectateur : mélanges optiques
(jaune et bleu juxtaposés suggèrent vert), couleurs complémentaires
(une tache jaune crée un cerne violet). Ils bannissaient
le noir de leur palette. Longtemps inintelligibles pour
le public, raillés, persécutés, ils dominent la fin du 19* siècle.
Le plus représentatif fut Claude Monet.
CLAUDE MONET (1840-1926) avait une exceptionnelle
sensibilité visuelle, une grande rapidité
d'exécution. Il fixait des impressions fugitives par
une technique audacieuse perpétuellement renouvelée
pour chaque œuvre. Il a pu, d'après quelques
meules, la façade de la cathédrale de Rouen, les
ponts de Londres, peindre dix, vingt tableaux,
notés chacun à une heure, sous un éclairage différent.
Vétheuil, un village sous la neige, près de la
Seine, vu de l'autre rive. L'œil devine, sans les définir,
dans l'air opaque, l'église, les toits, les arbres
dépouillés, la haie le long de la berge, le fleuve qui
charrie. Aucune architecture, pas de ligne directrice,
aucun contour, des taches juxtaposées dont la photographie
ne peut rendre la variété, les rapports, l'harmonie.
Art d'équivalences, de suggestions, musical.
RENOIR (1841-1919), coloriste raffiné, séduisant.
La Balançoire, l'impressionnisme appliqué à la figure
humaine : les personnages mêlés à l'ambiance par des
influences réciproques : taches de soleil, reflets de
verdure, sur les têtes, les costumes; impression d'été,
de chaleur et, aussi, de vie élégante, de joyeux repos.
Aucun sujet précis : intérêt de la vie présente, des
mœurs, des modes.
On confondit longtemps avec les Impressionnistes des novateurs
qui ne leur ressemblaient que par l'indépendance : Degas, dessinateur
aigu, curieux de notation rare des allures et des gestes, et
Cézanne.
Cézanne (1839-1906), loin de chercher les sensations
fugitives, subtiles et la féerie impressionniste,
veut rendre l'espace, les volumes, les aspects permanents,
l'architecture des choses. Cet objet classique,
il renonce à l'atteindre par des procédés traditionnels,
supprime les ombres et met en place par des
taches colorées d'une valeur juste. L'Estaque, la côte
de Provence où il a vécu : une mer calme, des lignes
simples, grandeur et sérénité. Cézanne a exercé une
influence essentielle sur les générations qui ont réagi
contre l'emprise de l'impressionnisme. Les peintres
actuels tendent, à travers des fièvres (cubisme), à
créer un art à la fois libre et néoclassique.
CÉZANNE. — L'Eslaque. — Musée du Luxembourg.
Ct. BulUn.