Léon Rosenthal, Notre musée, l'art expliqué par les œuvres…

III. — HÔTELS ET PALAIS, 15* et 16* SIÈCLES
Les hôtels, construits, au 15 e siècle, dans les villes,
pour les seigneurs ou de riches bourgeois, sur des
emplacements restreints, mais sans contrainte stratégique,
se sont adaptés, avant les châteaux, aux exigences
nouvelles de vie large. La Maison de Jacques
Coeur, élevée à Bourges, 1443-1453, avant toute
influence étrangère, est conçue avec un sens remar-
quable de la commodité : distribution habile des
locaux, appartements, indépendants, des salles de
réception, salle à manger en liaison avec la cuisine
et l'office, dégagements assurés par huit escaliers à
vis. Les façades, selon l'esprit gothique, ne sont pas
ordonnées par un souci extérieur de symétrie. Elles
sont l'expression franche des dispositions intérieures :
répartition et dimensions variées des baies, complexité
des toitures. Relié à la porte d'entrée par
un portique surmonté d'une galerie, le corps principal
du logis offre au premier étage, à droite, des appartements,
puis à gauche de l'escalier central, une
grande salle de réception, au-dessous de laquelle est,
au rez-de-chaussée, la salle à manger. La décoration,
plus riche à gauche, souligne l'importance relative
des diverses parties. Elle est constituée par des
arcatures aveugles aux moulurations à biseau, avec
devises, emblèmes (cœur, plume, coquille). La cage
de l'escalier central, les lucarnes, le jeu des toitures
contribuent à l'aspect d'élégance.
Un siècle plus tard l'esprit est transformé : caractère
monumental de l'Hôtel d'Escoville à Caen.
Construction sévère d'esprit classique, influence non
plus, comme à Chambord, de la Lombardie (Renaissance
fleurie, dite de François I er ) mais de Rome
(Renaissance dite de Henri II). Les ordres antiques:
colonnes, entablement, porte triomphale, suppression
de tout décor sculpté, en dehors des grandes
statues pseudo-antiques. Les meneaux des fenêtres,
les toits élevés, les grandes lucarnes préservent le
caractère français.
La Galerie Henri II, ou Salle de Bal, manifeste, à
Fontainebleau, la puissance royale et le faste de la
vie de cour. Commencée, sous François I er . par Le
Breton, elle mesure trente mètres sur dix. Les murs
sont tout couverts d'élégantes et faciles compositions
mythologiques exécutées par PRIMATICE avec
le concours de Niccolo del Abbate : sujets indifférents
à l'esprit, spectacles de joie exécutés par des Italiens
dans l'atmosphère française (école de Fontaine-
Cl. B ullm.
Galerie Henri II. — Fontainebleau
bleau). Au lieu d'une voûte, PHILIBERT DELORME
a fait adopter le riche plafond de bois à caissons
qui donne un aspect moderne. 11 a dessiné la cheminée
qu'ornaient jadis deux satyres de bronze fondus
d'après l'antique. Dans les murs, d'épaisseur féodale,
les arcades des fenêtres forment comme autant
de petits salons.