1935 T.77 3e - 4e Trimestres.pdf

- 188
-
culte el disparaît mystérieusement. Tel est le moule ha
bituel des légendes animistes, du moins dans la Met
tidja. Dans ce moule viennent se fondre des éléments
plus ou moins abondants empruntés à l'hagiologie gé
nérale, surtout de la catégorie des miracles thérapeu
tiques., et aussi aux contes populaires universels. C'est
ainsi qu'une fille de Mimoun Eghiam, métamorphosée
en jument par le maléfice d'un amoureux éconduil, joue
le rôle du Chat botté dans le conte connu de ce nom ;
laissée par dérision pour sa part d'héritage à un cadet
dépouillé par ses six frères aînés,
elle lui assure la ri
chesse d'un roi, le marie à une djannia et lui passe au
doigt l'anneau magique qui confère la toute-puis.sance.
Adultéré par les emprunts qu'il fait aux inventions fol
kloriques voisines, le thème primitif devient de plus en
plus méconnaissable. Seuls les anciens dans la Mettidja
se rappellent que Mimoun est le génie de Saturne et que
son jour férié était le samedi. En revanche sa légende
s'est éloffée. De même que la vallée est pleine de son
brouillard, la mémoire de ses dévots tient en suspens
d'abondantes traînées de légendes. Se trouvera-t-il quel
qu'un pour les condenser et les cristalliser en une com
position écrite ? Le peuple fournit la matière des my
thes, mais les poètes leur donnent la forme. Il est à
craindre que jamais Mimoun ne trouve son mytho-
graphe ; car, dans ce siècle, l'Islam appelle ailleurs
l'attention de ses adeptes et il n'a jamais été aussi sévère
pour les superstitions populaires que depuis qu'il se
sent ou se croit observé et sous le regard narquois de la
critique européenne.
De plus en plus nettement, depuis notre venue dans
le pays, l'animisme a cédé devant l'hagiolatrie. Un dic
ton courant en fait foi : « Notre siècle est celui des
saints, comme le siècle de Salomon était celui des gé-