Sémiologie des troubles du comportement alimentaire (T.C.A. ... - Free
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7 et 8 octobre 2004, 10 février 2005.<br />
Mo<strong>du</strong>le svt0907 référence 234<br />
« E<strong>du</strong>cation à la santé »<br />
<strong>Sémiologie</strong> 1 <strong>des</strong> <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong><br />
<strong>alimentaire</strong> (T.C.A.)<br />
de lÊadolescent et de lÊa<strong>du</strong>lte<br />
Jean-Pierre Geslin<br />
PROFESSEUR<br />
Non ! Nous ne parlerons pas de gourmandise (mais<br />
d’hyperphagie prandiale) ou d’envie (mais de<br />
compulsion <strong>alimentaire</strong>)… gourmandise et envie ne<br />
sont pas, à proprement parler, <strong>des</strong> TCA ou Troubles<br />
<strong>du</strong> Comportement Alimentaire…<br />
« Les <strong>troubles</strong> de l’alimentation sont <strong>des</strong> maladies<br />
complexes qui touchent de plus en plus les adolescents… leur<br />
incidence atteignant les 5 %, un taux en très forte hausse depuis<br />
trois décennies. On divise ces <strong>troubles</strong> en deux sous-groupes importants : une forme restrictive, selon<br />
laquelle l’apport <strong>alimentaire</strong> est gravement limité (anorexie mentale), et une forme boulimique, selon<br />
laquelle <strong>des</strong> fringales sont suivies de tentatives pour ré<strong>du</strong>ire au minimum les effets de cette<br />
suralimentation par <strong>des</strong> vomissements, <strong>des</strong> purgations,<br />
<strong>des</strong> exercices ou un jeûne (boulimie).<br />
L’anorexie mentale et la boulimie peuvent<br />
toutes deux s’associer à une morbidité biologique,<br />
psychologique et sociologique grave ainsi qu’à une<br />
mortalité importante ».<br />
Comité de la médecine de l’adolescence, Société<br />
canadienne de pédiatrie (SCP).<br />
On connaît d’autres <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong><br />
<strong>alimentaire</strong> comme :<br />
* Le « PICA » qui désigne le fait d’absorber <strong>des</strong><br />
substances non-comestibles comme <strong>des</strong> cheveux, <strong>du</strong> bois,<br />
<strong>du</strong> plâtre ou de la pierre, de la terre ou encore <strong>des</strong><br />
glaçons...<br />
* Le mérycisme : régurgitation <strong>des</strong> aliments afin de les<br />
ruminer…<br />
1 Séméiologie ou sémiologie nom féminin (grec sêmion, signe, et logos, discours). Partie de la médecine qui traite <strong>des</strong><br />
signes cliniques et <strong>des</strong> symptômes <strong>des</strong> maladies.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
1
Ce qui suit est extrait (avec quelques ajouts) <strong>du</strong> polycopié<br />
« Croissance et développement de l’enfant » par J-Pierre Geslin.<br />
PICA et géophagie :<br />
Le « PICA » (<strong>du</strong> nom latin de la pie) est donc un trouble <strong>du</strong> <strong>comportement</strong>, plus fréquent dans le sexe<br />
féminin, qui consiste en l’absorption de substances non comestibles. On distingue : la trichophagie<br />
(absorption de cheveux), la phytophagie (végétaux non - comestibles comme <strong>du</strong> bois), la lithophagie<br />
(plâtre ou cailloux), la géophagie (terre ou argile), la pagophagie (ingestion de glaçons ou de givre) et la<br />
rizophagie (grains de riz cru)...<br />
Les 4 premières peuvent entraîner la<br />
formation d’un corps étranger ou bézoard<br />
dans l’estomac. Celui-ci chélate les métaux,<br />
est responsable de douleurs abdominales et<br />
peut même entraîner une occlusion. Un<br />
prolongement intestinal peut in<strong>du</strong>ire une malabsorption<br />
voire même une perforation<br />
intestinale.<br />
On note : une pâleur si peau blanche, une<br />
dyspnée ( = difficulté respiratoire) lors de<br />
l’effort, une carence en fer et en zinc, une<br />
anémie (microcytaire 2 avec une hyposidérémie<br />
3 profonde), une augmentation <strong>du</strong><br />
volume <strong>du</strong> foie (hépatomégalie) et de la rate<br />
(splénomégalie), un retard de croissance et<br />
un retard pubertaire.<br />
LE SATURNISME :<br />
Connu depuis l’antiquité, c’est une maladie<br />
grave, évoluant de façon silencieuse et <strong>du</strong>e<br />
à l’intoxication chronique par <strong>des</strong> sels de<br />
plomb. Elle touche surtout les enfants les<br />
plus défavorisés (entre 6 mois et 6 ans) et<br />
particulièrement les immigrés africains (71<br />
% <strong>des</strong> cas)...<br />
La consommation d’écailles de peintures<br />
anciennes et dégradées contenant <strong>du</strong><br />
plomb (peintures à la céruse autrefois utilisées<br />
pour leur étanchéité et interdites en 1948) est<br />
à relier à la géophagie. Elle peut être à<br />
l’origine <strong>du</strong> saturnisme qui affecte les couches<br />
les plus défavorisées de la population.<br />
Le saturnisme hydrique est dû à un taux<br />
de plomb trop élevé dans l’eau <strong>du</strong> robinet.<br />
2 Anémie microcytaire = diminution <strong>du</strong> volume <strong>des</strong> globules rouges lié à une diminution de l’hémoglobine qu’il<br />
contiennent. Se rencontre dans les carences en fer (= carences martiales) mais aussi dans les thalassémies (<strong>troubles</strong><br />
héréditaires de la synthèse de l’hémoglobine) et les syndromes inflammatoires prolongés (<strong>des</strong> globules blancs <strong>du</strong> type<br />
macrophages séquestrent alors le fer nécessaire à la synthèse de l’hémoglobine.<br />
3 Hyposidérémie = diminution <strong>du</strong> fer dans le sérum. Une hyposidérémie est retrouvée dans les carences en fer et les<br />
syndromes inflammatoires prolongés mais pas dans les thalassémies. Un taux normal avec anémie microcytaire évoque<br />
une thalassémie.<br />
La géophagie est fréquente en Afrique noire, au Maghreb,<br />
en Turquie, en Iran et en Amérique latine. L’argile<br />
ingérée sert d’anti-émétique, de pansement gastrique, de<br />
fortifiant, de régulateur <strong>du</strong> transit intestinal, de<br />
tranquillisant ou d’antidépresseur.<br />
C’est un aliment accepté lors de la grossesse et utilisé pour<br />
en diminuer les maux.<br />
Le seuil à partir <strong>du</strong>quel un enfant est considéré comme<br />
intoxiqué est actuellement de 100 microgrammes/litre.<br />
Photographie : centre d’enseignement audiovisuel de PMI de Paris.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
2
La cause en est la minéralisation trop faible de l’eau qui devient alors acide et attaque les canalisations<br />
métalliques et en particulier celles en plomb. Il est possible de neutraliser l’acidité de l’eau par traitement<br />
chimique, ceci est d’ailleurs effectué dans les Vosges.<br />
22 départements sont concernés par <strong>des</strong> eaux trop aci<strong>des</strong> dont la Guyane, la Réunion, la Martinique et la<br />
Guadeloupe mais aussi la Haute Vienne, la Creuse, la Corrèze et la Loire... soit 4,8 millions de personnes<br />
dont 3,7 millions en métropole.<br />
A Saint-Denis (11000 enfants de moins de 6 ans), 14298<br />
logements ont été construits avant 1948 soit 41 % <strong>du</strong><br />
patrimoine dionysien. Paris compte en 1997 : 100 000<br />
immeubles dont 70 000 ont été construits avant 1948. On<br />
estime (en 1997) que dans la région parisienne 20 à 30 %<br />
<strong>des</strong> logements contiennent <strong>des</strong> matériaux riches en plomb.<br />
Chez l’enfant, 50 % <strong>du</strong> plomb ingéré est absorbé au<br />
niveau <strong>du</strong> tube digestif (alors que cette absorption n’est<br />
que de 10 % chez l’a<strong>du</strong>lte).<br />
L’absorption est augmentée par une carence en zinc, en<br />
fer ou en calcium.<br />
Une fois absorbé, le plomb se fixe sur les globules<br />
rouges (dans lesquels il reste longtemps: « 1/2 vie » de<br />
20 à 40 jours) et le squelette (où il s’accumule : le dépôt<br />
de plomb est visible à la radiographie sous la forme de<br />
fines ban<strong>des</strong>). Le plomb présent dans le sang ne<br />
représente que 2 % <strong>du</strong> total, 8 % sont dans les tissus mous<br />
et 90 % dans les os.<br />
La toxicité <strong>du</strong> plomb est principalement <strong>du</strong>e à<br />
l’inactivation d’enzymes (= catalyseurs biologiques). Le<br />
blocage <strong>des</strong> enzymes par le plomb s’effectue par fixation<br />
sur <strong>des</strong> groupes chimiques sulfurés ou par déplacement<br />
de cofacteurs métalliques.<br />
Les symptômes de l’intoxication sont très peu<br />
spécifiques :<br />
• Vagues douleurs abdominales avec constipation<br />
qui dans les fortes intoxications peuvent devenir <strong>des</strong><br />
douleurs aiguës : « Les coliques de plomb ».<br />
• Arrêt de la croissance staturo-pondérale.<br />
• Diminution <strong>des</strong> capacités d’apprentissage et de<br />
la mémoire avec retard d’acquisition associé à une<br />
apathie, une insomnie, une irritabilité et d’autres <strong>troubles</strong><br />
<strong>du</strong> <strong>comportement</strong>. Même à faibles doses (150 voire 100<br />
microgrammes par litre de sang) on signale <strong>des</strong> baisses de<br />
Q.I. Dans les cas les plus graves, la maladie peut devenir<br />
une encéphalopathie aiguë avec risques de séquelles<br />
invalidantes et même de décès.<br />
• Fatigue et crampes dans les formes bénignes et<br />
douleurs fulgurantes (névrites sensitives) dans les<br />
formes graves.<br />
• Atteinte rénale (néphropathie au niveau <strong>des</strong><br />
Rapport <strong>du</strong> groupe de travail de la<br />
commission de toxicovigilance, septembre<br />
1993.<br />
tubules proximaux) pouvant évoluer vers une insuffisance rénale chronique lors <strong>des</strong> intoxications graves.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
3
• A l’analyse de sang, on note une anémie par blocage de la synthèse de l’hémoglobine et les<br />
globules rouges apparaissent ponctués de granulations. La limite supérieure est de 100 à 150<br />
microgrammes de plomb par litre de sang. Au-<strong>des</strong>sus de 350 microgrammes, il faut hospitaliser et à 450<br />
microgrammes entreprendre un traitement chélateur (traitement physico-chimique qui fixe les ions<br />
positifs, ici <strong>du</strong> plomb). Au-delà de 700 mg/litre, cela devient une urgence médicale (traitement répété).<br />
• Le pro<strong>du</strong>it chélateur est l’EDTA Na2Ca<br />
perfusé dans <strong>du</strong> soluté glucosé. La cure <strong>du</strong>re 1<br />
an dans les cas les plus graves.<br />
Prévention :<br />
La loi de 1998 institue un signalement<br />
obligatoire auprès de la préfecture.<br />
5% <strong>des</strong> a<strong>du</strong>ltes et 2 % <strong>des</strong> enfants (soit 85<br />
000) ont en France une plombémie supérieure à<br />
la normale selon le rapport de l'INSERM de<br />
janvier 1999. 250 000 enfants vivent dans un<br />
environnement à risque : essentiellement <strong>des</strong><br />
logements anciens (peintures et con<strong>du</strong>ites<br />
d'eau).<br />
1) Pour les peintures au plomb, une seule<br />
solution à long terme : « sortir les enfants les<br />
plus gravement atteints de leur habitat dégradé<br />
et insalubre, source de leur intoxication » et<br />
«s’attaquer à la réhabilitation <strong>des</strong> logements».<br />
Ne pas effectuer les travaux de décontamination<br />
en laissant les enfants dans les lieux…<br />
il est nécessaire de prévoir <strong>des</strong> appartements<br />
relais <strong>des</strong>tinés aux familles touchées par le<br />
saturnisme.<br />
En attendant la réhabilitation <strong>des</strong> logements il<br />
faut :<br />
* lutter contre le PICA.<br />
* informer que les sols ne doivent pas être<br />
balayés mais lavés avec une serpillière mouillée.<br />
* les enfants doivent se laver souvent les mains<br />
(surtout avant les repas) et avoir les ongles<br />
coupés courts.<br />
* la nourriture doit être riche en calcium et en fer<br />
(poissons, vian<strong>des</strong> blanches, laitages, fruits et<br />
légumes variés) qui gênent l’absorption <strong>du</strong> plomb.<br />
2) Pour la plombémie de l’eau :<br />
L’adoption par la France de la directive sur l’eau<br />
potable qui vise à ré<strong>du</strong>ire la norme plomb de 50<br />
à 10 microgrammes par litre apparaît un<br />
progrès. 4 Le remplacement <strong>des</strong> tuyaux en plomb est estimé fin 1997 à 120 ou 130 milliards de francs<br />
étalés sur les 15 prochaines années.<br />
3) La disparition progressive <strong>du</strong> plomb dans l’essence aura sans doute également un effet positif.<br />
4 Une directive européenne de 1998, fixe la teneur de plomb admissible dans l’eau potable à 25 microgrammes par litre<br />
au lieu de 50 précédemment. Sa transposition en droit français résulte d’un décret promulgué en décembre 2001. En<br />
date <strong>du</strong> 25 décembre 2003, l’application de ce décret est devenue obligatoire. La norme européenne prévoit un<br />
abaissement de ce taux à 10µg/l en… 2013 !<br />
Mesure de la plombémie dans les surfaces réalisée<br />
par le laboratoire d'hygiène de la ville de Paris.<br />
Photographie : P. Voisin/Phanie<br />
Les peintures cause ici de 5 cas de saturnisme<br />
à Bordeaux. Photo www.cite-sciences.fr/<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
.<br />
4
Ce qui suit est un extrait complété d’une partie <strong>du</strong> polycopié<br />
« De la négligence à la violence et à la maltraitance » par J-Pierre Geslin.<br />
Relation entre géophagie et carence en fer :<br />
L’organisme contient 4 grammes de fer chez un a<strong>du</strong>lte.<br />
* La majeure partie <strong>du</strong> fer de l’organisme est localisée dans le sang. Le fer est en<br />
effet présent dans l’hémoglobine <strong>des</strong> globules rouges (2,5 g) et y assure la fixation, le<br />
transport et la libération de l’oxygène.<br />
* Le fer entre aussi dans la constitution <strong>des</strong> cytochromes qui assument le transport<br />
<strong>des</strong> électrons dans les chaînes respiratoires <strong>des</strong> mitochondries de nos cellules.<br />
* La transferrine = sidérophiline, présente dans le plasma, est une molécule dont il<br />
existe une dizaine de formes. Elle est capable de fixer réversiblement le fer assurant<br />
ainsi son transport.<br />
* La ferritine et l’hémosidérine sont les formes de stockage <strong>du</strong> fer localisées dans<br />
les organes et cellules de réserve (foie et macrophages). La ferritine constitue la<br />
forme labile (0,6 g). Une molécule de ferritine peut contenir jusqu’à 4000 atomes de fer. L’hémosidérine<br />
correspond à la forme stable (0,6 g). Ferritine et hémosidérine se distinguent par le fait que seule la première est<br />
soluble dans l’eau.<br />
* 7 à 12 % <strong>des</strong> enfants de moins de 5 ans présentent une carence en fer en France en fin<br />
2000. et 80 à 95 % <strong>des</strong> adolescents ont <strong>des</strong> apports quotidiens en fer insuffisants.<br />
Lors <strong>des</strong> entretiens de Bichat de 2000, le Dr Adrien Jettaneh, chef de clinique <strong>du</strong> service de médecine<br />
interne de l’hôpital Jean Verdier à Bondy a expliqué que le PICA, si fréquent chez les enfants en bas âge,<br />
les jeunes filles et les femmes enceintes, était associé à une carence en fer (= carence martiale). Aux U.S.A.<br />
50 % <strong>des</strong> personnes le pratiquent chez les sujets présentant une carence martiale… « Le pica n’est pas<br />
une curiosité psychiatrique : son traitement est celui de la carence en fer ».<br />
La cause <strong>du</strong> pica (pagophagie et géophagie…) serait donc la carence en fer et il est vrai que le pica<br />
disparaît après 15 jours de traitement par le fer. Avicenne, médecin et philosophe iranien, dès le X ème siècle,<br />
avait d’ailleurs pressenti cette corrélation en traitant le pica par <strong>du</strong> fer trempé dans <strong>du</strong> vin.<br />
D’autres médecins pensent que c’est l’inverse au moins en cas de géophagie… le fait de manger de la terre<br />
fixe le fer qui ne peut donc être absorbé au niveau de l’intestin : le pica serait la cause <strong>du</strong> manque de fer<br />
dans l’organisme et non pas sa conséquence...<br />
Remarque :<br />
Une équipe <strong>du</strong> Centre National de la<br />
Recherche Scientifique (CNRS) a<br />
découvert hepcidine (HEPC sur le<br />
schéma ci-contre), hormone qui<br />
contrôle l’absorption <strong>du</strong> fer. Les<br />
souris, modifiés génétiquement pour<br />
fabriquer en excès de l’hepcidine, ne<br />
peuvent survivre que si on leur<br />
injecte <strong>du</strong> fer.<br />
Libérée par le foie, l’hormone agit<br />
directement sur les parois<br />
intestinales (au niveau <strong>des</strong> entérocytes) en bloquant l’entrée <strong>du</strong> fer. En son absence, le fer passe librement dans<br />
l’organisme. Elle pourrait aussi augmenter la séquestration <strong>du</strong> fer par les macrophages (voir notes page 2). La<br />
mise au point de médicaments capables de bloquer l’action de l’hepcidine, afin d’augmenter la quantité de fer<br />
absorbé, apparaît proche.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
5
<strong>Sémiologie</strong> <strong>des</strong> <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> (T.C.A.)<br />
Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001<br />
http://www-ulpmed.u-strasbg.fr/medecine/enseignement-reforme/nutrition/poly-semiologie.pdf<br />
Site éditeur : Université Louis Pasteur de Strasbourg (ULP), Faculté de Médecine<br />
Intro<strong>du</strong>ction :<br />
L’homme doit résoudre un double problème :<br />
– couvrir ses besoins essentiels effectuant un choix parmi une très grande<br />
variété d’aliments tout en évitant les substances toxiques ;<br />
– s’alimenter de manière discontinue, alors que les dépenses sont permanentes.<br />
Pour répondre à ces besoins, la prise <strong>alimentaire</strong> s’organise en une série<br />
d’événements périodiques décrits selon une “séquence <strong>comportement</strong>ale”. La<br />
fréquence <strong>des</strong> <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> augmente dans les<br />
sociétés à haut niveau de vie. Les causes de ces <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong><br />
<strong>alimentaire</strong> sont dominées :<br />
1) par les <strong>comportement</strong>s de restriction, le souci de minceur,<br />
2) la difficulté à faire face aux situations conflictuelles, les difficultés<br />
psychologiques…<br />
Ces <strong>troubles</strong> in<strong>du</strong>isent <strong>des</strong> altérations de l’état nutritionnel parfois sévères :<br />
1) dénutrition dans l’anorexie mentale ;<br />
2) hypokaliémie 5 et carences dans la boulimie ;<br />
3) surpoids, obésité et leurs complications en cas de compulsions 6 <strong>alimentaire</strong>s.<br />
Leur traitement implique une prise en charge nutritionnelle et psychologique.<br />
I- Analyse de la séquence <strong>comportement</strong>ale <strong>alimentaire</strong> :<br />
Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001<br />
Le <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> assure, à travers un ensemble de con<strong>du</strong>ites, une triple fonction :<br />
– énergétique et nutritionnelle répondant à <strong>des</strong> besoins biologiques,<br />
– hédonique (plaisir) : d’ordre affectif et émotionnel,<br />
– symbolique : d’ordre psychologique, relationnel et culturel.<br />
Le <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> normal intègre ces différentes dimensions.<br />
Il participe ainsi à l’homéostasie interne et externe de l’indivi<strong>du</strong>, c’est-à-dire au maintien d’un état de bienêtre<br />
physique, psychologique et social qui définit la santé.<br />
L’analyse <strong>des</strong>criptive <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> porte sur les con<strong>du</strong>ites et les finalités.<br />
A) Séquence <strong>comportement</strong>ale :<br />
La prise <strong>alimentaire</strong> s’organise en une séquence périodique de structure habituellement bien définie,<br />
comportant schématiquement trois phases.<br />
1) Phase pré-ingestive : c’est la phase qui précède le repas. Chez l’animal, elle est caractérisée par un état<br />
d’éveil et la recherche active de nourriture. Chez l’homme, elle est marquée par le stockage, le choix <strong>des</strong><br />
aliments, la préparation <strong>du</strong> repas.<br />
2) Phase ingestive : c’est la phase <strong>du</strong> repas ou phase prandiale. Elle se déroule en 3 temps : l’initiation <strong>du</strong><br />
repas, la prise <strong>du</strong> repas, l’arrêt de la prise <strong>alimentaire</strong>.<br />
3) Phase post-ingestive : elle débute après le repas et <strong>du</strong>re jusqu’au repas suivant.<br />
En clinique, il n’est pas possible d’observer le <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong>. La seule source d’information<br />
est l’interrogatoire <strong>du</strong> sujet qui décrit son <strong>comportement</strong>, les signaux, les sensations qui lui sont associés.<br />
5<br />
Hypokaliémie nom féminin : Insuffisance <strong>du</strong> taux de potassium dans le sang pouvant provoquer <strong>des</strong> arythmies<br />
cardiaque et une hypotonie. Causes fréquentes : prise régulière de laxatifs ou de certains diurétiques.<br />
6<br />
Compulsion nom féminin. Psychiatrie. Force intérieure par laquelle le sujet est amené irrésistiblement à accomplir<br />
certains actes et à laquelle il ne peut résister sans angoisse.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
6
B) Sensations de faim, d’appétit et satiété :<br />
Faim (avant), appétit (avant et pendant) et satiété (après) sont <strong>des</strong> sensations, <strong>des</strong> signaux normalement<br />
associés à la séquence <strong>comportement</strong>ale. Le médecin les fera décrire par l’interrogatoire pour préciser<br />
s’ils interviennent ou non dans l’initiation, la poursuite et l’interruption de la prise <strong>alimentaire</strong>.<br />
1) La faim : c’est le besoin physiologique de manger sans spécificité (c’est-à-dire sans orientation vers<br />
un aliment précis). C’est un ensemble de sensations secondaires à la privation de nourriture. La faim<br />
détermine la recherche de nourriture et l’heure de la prise <strong>alimentaire</strong>. Elle est souvent décrite comme un<br />
“creux”, une sensation de “vide gastrique”, elle est parfois accompagnée d’anxiété, d’irritabilité.<br />
2) L’appétit : c’est l’envie de manger un aliment ou un<br />
groupe d’aliments définis. En général, ces aliments sont<br />
appréciés, le sujet en a déjà fait l’apprentissage et en<br />
attend une sensation plaisante. L’appétit inclut une<br />
anticipation en général agréable. L’appétit détermine la<br />
sélection et la consommation d’aliments spécifiques.<br />
2) Le rassasiement : c’est la sensation éprouvée lors<br />
de l’établissement dynamique de la satiété au cours <strong>du</strong><br />
repas. Le rassasiement détermine la fin <strong>du</strong> repas et<br />
contrôle son volume.<br />
4) La satiété :<br />
La satiété est souvent décrite comme une sensation de plénitude gastrique et de bien-être. C’est l’état<br />
d’inhibition de la prise <strong>alimentaire</strong>. Elle <strong>du</strong>re jusqu’à la réapparition de la faim qui va initier la prise<br />
<strong>alimentaire</strong> suivante (et une nouvelle séquence <strong>comportement</strong>ale).<br />
II- Analyse <strong>des</strong> désordres de la prise <strong>alimentaire</strong> :<br />
Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001<br />
Il faut ici bien distinguer ce qui est un symptôme, autrement dit une caractéristique particulière <strong>des</strong><br />
con<strong>du</strong>ites <strong>alimentaire</strong>s et les syndromes, regroupement symptomatique d’une entité nosologique<br />
répertoriée. Par exemple, l’anorexie est un symptôme qui se rencontre dans différentes circonstances<br />
pathologiques ou non, mais “l’anorexie mentale” est un syndrome.<br />
Ce sont les symptômes qui sont décrits ici sans préjuger de leur caractère pathologique ou non. Par<br />
exemple, il peut être normal de présenter une hyperphagie après un épisode infectieux, mais<br />
l’hyperphagie peut être le symptôme d’un syndrome anorexie-boulimie. Si nous insistons sur cette<br />
distinction symptôme / syndrome, c’est qu’il existe une tendance à confondre symptôme et syndrome.<br />
Pour simplifier, les symptômes sont classés selon qu’ils con<strong>du</strong>isent à une augmentation ou à une<br />
diminution de la prise <strong>alimentaire</strong>.<br />
A) Hyperphagies : on distingue les hyperphagies prandiale et extra-prandiales.<br />
1) Hyperphagie prandiale<br />
L’hyperphagie prandiale correspond à une augmentation <strong>des</strong> apports caloriques au moment <strong>des</strong> repas.<br />
Elle peut être liée à :<br />
– une augmentation de la faim ou de l’appétit,<br />
– une sensibilité excessive au plaisir sensoriel associé aux aliments,<br />
– un recul <strong>du</strong> rassasiement ou à l’absence de satiété,<br />
– un dépassement de la satiété.<br />
La tachyphagie, c’est-à-dire une rapidité particulière de la prise <strong>alimentaire</strong>, peut contribuer à<br />
l’hyperphagie de même que la tendance à consommer de larges portions.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
7
L’hyperphagie prandiale est souvent mal identifiée par les<br />
patients. Ceux-ci ont une conception de la “norme” <strong>alimentaire</strong><br />
liée à leur apprentissage préalable (é<strong>du</strong>cation <strong>alimentaire</strong>) et à<br />
leur propre représentation de ce qu’est une alimentation normale.<br />
2) Hyperphagies extra-prandiales<br />
* Grignotage :<br />
Le grignotage est caractérisé par l’ingestion répétée, quasiautomatique,<br />
de petites quantités de divers aliments non spécifiques<br />
sans ressentir de faim ou d’appétit, bien que les aliments<br />
consommés soient souvent jugés agréables. Il s’agit d’un<br />
<strong>comportement</strong> “passif” où la disponibilité <strong>des</strong> aliments, facilement accessibles, joue un rôle essentiel. Il<br />
s’associe fréquemment à une sensation d’ennui. Le grignotage est facilement admis par les patients, car il ne<br />
s’accompagne pas spécifiquement d’un sentiment de culpabilité. Sa quantification est souvent difficile <strong>du</strong> fait<br />
de son caractère passif, répété et automatique.<br />
* Compulsions <strong>alimentaire</strong>s :<br />
Les compulsions <strong>alimentaire</strong>s décrivent une consommation impulsive, brutale d’un aliment (ou une catégorie<br />
d’aliments) donné, souvent apprécié, en dehors <strong>des</strong> repas, typiquement en réponse à une envie plutôt<br />
qu’à la faim. Les épiso<strong>des</strong> s’accompagnent initialement d’un soulagement, voire d’un plaisir, puis d’un<br />
sentiment désagréable de culpabilité. La notion de compulsion est indépendante <strong>du</strong> volume de la prise<br />
<strong>alimentaire</strong>. Ces épiso<strong>des</strong> surviennent fréquemment en fin de journée en rapport avec l’angoisse vespérale,<br />
avec la perte <strong>du</strong> contrôle social lors <strong>du</strong> retour à domicile. Les compulsions sont fréquentes chez les patients<br />
sous régime. Les auteurs anglo-saxons, dans un registre proche, décri-vent le “craving” (“urgence à<br />
manger”) qui correspond à une envie impérieuse et intense de manger.<br />
* Accès boulimique :<br />
La crise ou accès boulimiques sont <strong>des</strong> prises <strong>alimentaire</strong>s massives survenant en<br />
dehors <strong>des</strong> repas en l’absence de sensation de faim. Au cours de l’accès, le sujet<br />
ingère de gran<strong>des</strong> quantités de nourriture au-delà de toute satiété. La notion de<br />
perte de contrôle est essentielle.<br />
La qualité gustative <strong>des</strong> aliments est généralement indifférente. C’est en<br />
général la contenance gastrique qui constitue le facteur limitant le volume de la<br />
prise. Le sujet s’arrête à cause de l’apparition de douleurs gastriques ou par<br />
vomissements spontanés. Pendant les crises, le sujet est seul et le <strong>comportement</strong><br />
boulimique est en général caché à l’entourage. Il est généralement conscient <strong>du</strong><br />
caractère anormal de son <strong>comportement</strong> et ressent angoisse et honte.<br />
B) Hypophagie :<br />
1) Anorexie :<br />
L’anorexie se définit par l’absence de faim ou de satiété à l’heure habituelle <strong>des</strong><br />
repas. C’est le maintien d’un état d’inhibition de la prise <strong>alimentaire</strong>. Il faut distinguer l’anorexie <strong>du</strong> refus de<br />
manger chez <strong>des</strong> sujets qui perçoivent les signaux de faim…<br />
2) Comportements restrictifs :<br />
La restriction dite “cognitive” se définit comme “la tendance à limiter volontairement son alimentation<br />
dans le but de perdre <strong>du</strong> poids ou de ne pas en prendre”. C’est une contrainte exercée de manière<br />
prolongée sur le <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong>. C’est un choix délibéré. Les modalités en sont variables : sauter<br />
un repas, jeûner, repas basses calories, etc.<br />
C) Les autres symptômes :<br />
Bien d’autres symptômes peuvent être rencontrés : intérêts pour l’alimentation, vol, stockage, camouflage<br />
d’aliments, mâchonnement interminable, régurgitation (mérycisme), con<strong>du</strong>ites d’évitement <strong>des</strong> repas, etc.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
8
III- Etude synthétique <strong>des</strong> <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> :<br />
Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001<br />
Tels sont les principaux symptômes. La question est de savoir s’ils sont banals ou pathologiques,<br />
s’ils s’inscrivent dans une pathologie <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong>.<br />
A) Du normal au pathologique :<br />
Un <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> est considéré comme normal s’il satisfait sa<br />
triple fonction biologique, affective et relationnelle et contribue au<br />
maintien d’un bon état de santé.<br />
Le <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> peut être modifié dans de nombreuses<br />
circonstances. Il peut s’agir d’un mécanisme adaptatif. Tel est le cas de<br />
l’hyperphagie <strong>du</strong> diabète décompensé ou de l’hyperthyroïdie. On ne peut<br />
pas parler ici de pathologie primitive <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong>.<br />
Ailleurs, le désordre <strong>alimentaire</strong> peut être le symptôme d’une maladie<br />
générale : par exemple l’anorexie <strong>du</strong> patient cancéreux.<br />
Pour que l’on considère une caractéristique <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong><br />
comme une “pathologie <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong>”, les conditions<br />
suivantes doivent être requises :<br />
– la con<strong>du</strong>ite <strong>alimentaire</strong> diffère de façon importante sur le plan qualitatif ou quantitatif de la con<strong>du</strong>ite<br />
habituelle <strong>des</strong> indivi<strong>du</strong>s vivant dans le même environnement nutritionnel, social et culturel,<br />
– la con<strong>du</strong>ite <strong>alimentaire</strong> entraîne <strong>des</strong> conséquences néfastes sur la santé physique (obésité, dénutrition,<br />
carences) ou psychologique (sentiment d’anormalité, exclusion sociale, obsession, dépression...),<br />
– la con<strong>du</strong>ite <strong>alimentaire</strong> témoigne d’une difficulté existentielle, d’une souffrance psychologique ou d’une<br />
lésion <strong>du</strong> système biologique qui contrôle la prise <strong>alimentaire</strong>.<br />
Le désordre <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> représente généralement une réponse répétitive, univoque,<br />
systématique à une situation de mal-être. Exceptionnellement, ces <strong>troubles</strong> peuvent être liés à <strong>des</strong> désordres<br />
organiques (tumeur de l’hypothalamus : y penser en cas de céphalées, <strong>troubles</strong> visuels, de manifestations<br />
endocriniennes).<br />
C’est dire l’importance de l’examen clinique<br />
qui doit inclure :<br />
– une anamnèse pondérale et nutritionnelle,<br />
– une évaluation de l’état nutritionnel et<br />
somatique,<br />
– la recherche <strong>des</strong> conséquences<br />
pathologiques connues <strong>des</strong> <strong>troubles</strong><br />
<strong>alimentaire</strong>s (tableau IV),<br />
– une évaluation psychologique,<br />
– une évaluation de la situation sociale et<br />
économique,<br />
– la recherche d’autres désordres<br />
<strong>comportement</strong>aux.<br />
Dessin de P. Geluck<br />
Les déterminants <strong>des</strong> <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> sont multiples et souvent intriqués ; biologiques,<br />
psychologiques et sociaux. Les déterminants psychologiques peuvent être liés à une situation de mal-être, de<br />
mésestime de soi, de dépression, de restriction chronique. Le trouble <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> est un<br />
“passage à l’acte” qui apporte un soulagement transitoire. La dépression et l’impulsivité liée à la restriction<br />
sont <strong>des</strong> déterminants fréquents. Sur le plan biologique, il faut insister sur le rôle déclenchant ou facilitateur<br />
<strong>des</strong> régimes, de la restriction calorique. Celle-ci favorise l’impulsivité <strong>alimentaire</strong>, l’obsession <strong>alimentaire</strong>.<br />
Enfin, les déterminants socio-culturels sont liés à la pression sur l’idéal minceur.<br />
Il s’agit d’aider le patient à identifier les origines de ses difficultés psychologiques et de mettre à jour<br />
l’influence <strong>des</strong> régimes trop restrictifs. Faire décrire au patient les circonstances au cours <strong>des</strong>quelles le<br />
symptôme se manifeste est donc essentiel. Le carnet <strong>alimentaire</strong> aide dans cette démarche.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
9
B) Les principaux syndromes : voir suite…<br />
Anorexie mentale :<br />
L’essentiel concernant l’anorexie mentale<br />
… l’obsession de la minceur<br />
« C’est une grève de l’appétit motivée par l’obsession d’être<br />
toujours plus mince. Elle débute presque toujours à l’adolescence<br />
et touche les filles dans 9 cas sur 10. Ce désir de maigrir à tout<br />
prix et de plus en plus, repose sur une perception <strong>du</strong> corps<br />
totalement imaginaire, sans aucun rapport avec la réelle<br />
corpulence de la jeune fille. La restriction <strong>alimentaire</strong> très stricte<br />
est souvent dissimulée à l’entourage afin de faire illusion le plus<br />
longtemps possible ». Ces restrictions peuvent être associées à<br />
de la potomanie, c’est-à-dire une consommation d’eau excessive.<br />
« L’adolescente prend parfois, en plus, <strong>des</strong> laxatifs et se force à<br />
vomir lorsqu’elle a consenti à manger. A force de ne rien manger,<br />
les mécanismes de faim et de satiété sont altérés ;<br />
l’amaigrissement devient pathologique et s’accompagne de<br />
carences nutritionnelles. C’est une maladie grave et difficile à<br />
traiter, qui peut se terminer par la mort par dénutrition dans les<br />
cas graves ».<br />
Dr Béatrice Sénemaud<br />
« L’anorexie mentale est une véritable grève de la faim à titre personnel. Elle peut entraîner<br />
certains <strong>troubles</strong>: <strong>des</strong> insomnies, une sensation de froid permanent, une fatigue permanente ou au<br />
contraire une activité débordante, <strong>des</strong> pertes de mémoire ou de concentration, une aménorrhée,<br />
une dépression. Les anorexiques ne se considèrent pas comme <strong>des</strong> personnes mala<strong>des</strong> et<br />
refusent parfois jusqu’au bout une prise en charge ».<br />
http://www.chu-bordeaux.fr/data/presentation/passerelles/numero23/conseil.htm<br />
Etude détaillée de l’anorexie mentale : Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001<br />
C’est le syndrome le<br />
plus anciennement<br />
répertorié et décrit.<br />
Signes cliniques<br />
Les principaux signes<br />
(tableau I) sont en<br />
dehors de la con<strong>du</strong>ite<br />
anorexique :<br />
• peur intense de<br />
grossir qui ne diminue<br />
pas avec la perte de<br />
poids,<br />
• trouble de l’image <strong>du</strong><br />
corps, c’est-à-dire<br />
d’une impression<br />
décrite par le sujet<br />
d’être gros même quand<br />
il est émacié.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
10<br />
Au moyen âge, les con<strong>du</strong>ites<br />
anorexiques étaient considérées soit<br />
comme un signe d’élection divine,<br />
soit au contraire comme un signe de<br />
possession démoniaque.<br />
Tableau I<br />
Critères diagnostiques de l’anorexie mentale<br />
A. Refus de maintenir le poids corporel au niveau ou au-<strong>des</strong>sus d’un poids<br />
minimum normal pour l’âge et pour la taille.<br />
B. Peur intense de prendre <strong>du</strong> poids ou de devenir gros, alors que le poids est<br />
inférieur à la normale.<br />
C. Altération de la perception <strong>du</strong> poids ou de la forme de son propre corps,<br />
influence excessive <strong>du</strong> poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou<br />
déni de la gravité de la maigreur actuelle.<br />
D. Chez les femmes post-pubères, aménorrhée (absence d’au moins trois<br />
cycles menstruels consécutifs ou règles ne survenant qu’après traitement<br />
hormonal).<br />
Spécifier le type :<br />
- type restrictif : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet n’a pas<br />
présenté de crises de boulimie ni recouru aux vomissements provoqués ou à la<br />
prise de purgatifs (restricting type),<br />
- type avec crises de boulimie, vomissements ou prise de purgatifs (binge<br />
eating/purging type).
La notion de déni est essentielle : la patiente “ne se voit pas” dénutrie ; elle affirme au contraire<br />
qu’elle doit perdre <strong>du</strong> poids, parce qu’elle est trop grosse,<br />
• perte de poids d’au moins 25 % <strong>du</strong> poids initial, ou, si le sujet est âgé de moins de 18 ans, une<br />
perte de poids qui, additionnée à la prise de poids prévue par projection à partir <strong>des</strong> normes de<br />
croissance, équivaut à 25 % <strong>du</strong> poids,<br />
• refus de maintenir le poids au-<strong>des</strong>sus d’un poids normal minimum,<br />
• absence de toute affection somatique pouvant rendre compte de cette perte de poids.<br />
2S60<br />
Le diagnostic est facile en pratique clinique à un stade déjà avancé de la maladie. Il est quasi<br />
impossible de faire accepter initialement aux mala<strong>des</strong> un objectif pondéral, même normal bas. La<br />
malade exprime un mal-être, est angoissée et plus ou moins déprimée. Aucun examen<br />
complémentaire n’est requis pour le diagnostic : si la malade refuse d’atteindre un poids même<br />
minimal ou de prendre 10 kg, le diagnostic est certain : il n’y a pas lieu de doser les hormones<br />
thyroïdiennes, ni de demander <strong>des</strong> explorations digestives complètes. En revanche, si la malade ne<br />
s’oppose pas à un projet de poids normal, le diagnostic est incertain : il faut s’assurer qu’il n’existe<br />
pas une autre affection, inflammatoire (VS = vitesse de sédimentation, CRP 7 = C-Réactive Protéine),<br />
digestive (Crohn 8 , maladie cœliaque 9 ) ou endocrinienne (hyperthyroïdie, insuffisance corticotrope).<br />
Surtout, il faut chercher <strong>des</strong> éléments qui conditionnent le pronostic :<br />
1. vomissements et/ou crises de boulimie,<br />
2. dénutrition et malnutrition,<br />
3. gravité de la situation psychiatrique.<br />
Attention : les marqueurs nutritionnels “usuels” sont en défaut : albuminémie…, transferrinémie,<br />
hémoglobinémie, fer sérique, calcémie, phosphorémie, ont longtemps une concentration plasmatique<br />
normale. Leur baisse est soit un signe de gravité certain, soit le signe d’une complication infectieuse<br />
de la dénutrition ou d’une affection associée.<br />
Complications :<br />
Les complications et le pronostic sont avant tout le fait de la dénutrition et <strong>des</strong> vomissements<br />
(tableau II).<br />
– Dénutrition : amyotrophie et déficit fonctionnel musculaire (muscles striés et notamment<br />
cardiaque ; muscles lisses digestifs : reflux gastro-œsophagien, ralentissement de la vidange<br />
gastrique, constipation).<br />
– Vomissements : hypokaliémie et <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> rythme cardiaque.<br />
C’est pourquoi il faut différencier :<br />
– Anorexie mentale restrictive : la malade maigrit par le seul fait <strong>des</strong> restrictions <strong>alimentaire</strong>s et de<br />
l’hyperactivité physique: le risque à court et à long terme est à la dénutrition et aux multiples<br />
carences en nutriments.<br />
– Anorexie boulimie : la malade s’aide, pour maigrir, de vomissements et/ou de prise de laxatifs (ou<br />
diurétiques). Outre les risques ci-<strong>des</strong>sus, il faut craindre les <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> rythme cardiaque liés à la<br />
dénutrition et aggravés par l’hypokaliémie (et autres déficits en minéraux).<br />
Deux autres complications obèrent le pronostic :<br />
– Ostéopénie 10 et ostéoporose 11 : l’ostéopénie touche près de 50 % <strong>des</strong> mala<strong>des</strong> 5 ans après le<br />
diagnostic ; l’ostéoporose affecte près d’un tiers <strong>des</strong> mala<strong>des</strong> après 10 ans d’évolution.<br />
7<br />
La CRP = C-Réactive Protéine s'élève très rapidement au cours <strong>des</strong> processus inflammatoires.<br />
8<br />
La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire de l'intestin, chronique, de cause mal connue.<br />
9<br />
La maladie cœliaque est un syndrome de malabsorption dû à une intolérance à une fraction <strong>du</strong> gluten : la gliadine.<br />
10<br />
Ostéopénie : terme issu <strong>du</strong> grec ostéon : os et pénia : pauvreté. Fragilisation progressive <strong>du</strong> tissu osseux <strong>du</strong>e à une<br />
diminution de la masse minérale osseuse. On dit encore ostéomalacie.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
11
Elle est fonction de la <strong>du</strong>rée de la maladie, de la longueur de l’aménorrhée, de la ré<strong>du</strong>ction <strong>des</strong><br />
apports énergétiques. Elle ne paraît pas pouvoir être prévenue par <strong>des</strong> apports de calcium et de<br />
vitamine D suffisants. Le déficit en hormones sexuelles et l’hypercorticisme relatif y participent<br />
sans doute, mais d’autres facteurs sont impliqués.<br />
– Hypofertilité<br />
Les autres complications sont : syndrome de Raynaud, potomanie 12 : jusqu’à 8-10 l/j qui peut<br />
in<strong>du</strong>ire hyponatrémie et <strong>troubles</strong> de la conscience, rétention hydro-sodée, hypercorticisme modéré,<br />
profil hormonal de type “pré-pubertaire”.<br />
Pronostic<br />
Le pronostic est lié à la dénutrition et à la survenue de boulimie. Dans la forme restrictive, 5 % <strong>des</strong><br />
mala<strong>des</strong> meurent de dénutrition après 10 ans d’évolution. Tout doit donc être tenté pour éviter une<br />
dénutrition majeure. Dans la forme “boulimique”, 10 % <strong>des</strong> mala<strong>des</strong> après 10 ans d’évolution<br />
dénutrition aggravée d’hypokaliémie. Au cours de la phase de sortie de la dénutrition, quand la<br />
malade aura accepté de reprendre <strong>du</strong> poids, <strong>des</strong> crises de boulimie peuvent apparaître ou<br />
réapparaître.<br />
Physiopathologie : on retiendra :<br />
• le contexte psychologique : dépression, manque de confiance, mésestime de soi, trouble de<br />
l’image de soi, difficultés relationnelles familiales. La malade se sent rassurée et affermie par la<br />
perte de poids. Le jeûne stimule les “hormones de stress” et une hypervigilance. A l’inverse, le repas<br />
entraîne faiblesse, somnolence qui accroissent l’angoisse. La dénutrition qui s’installe ralentit la<br />
vidange gastrique et le transit digestif, augmentant l’inconfort post-prandial. Elle diminue aussi le<br />
goût et les sensations hédoniques autour <strong>du</strong> repas et favorise le repli sur soi.<br />
Le déni de la réalité corporelle est un autre élément clé ;<br />
• la composition corporelle : la perte<br />
de poids est autant de la masse maigre<br />
que de la masse grasse. Avec l’amaigrissement,<br />
l’ostéoporose se développe.<br />
En <strong>des</strong>sous d’un IMC de 15 kg/(m)2, la<br />
rétention hydrosodée s’installe et<br />
marquera l’étape de renutrition : les<br />
œdèmes sont sources d’erreurs<br />
d’interprétation <strong>du</strong> poids pris : la prise<br />
de 2 kg d’eau en 3 jours sous régime<br />
normosodé normocalorique peut<br />
angoisser la malade et rassurer le<br />
médecin à tort !<br />
• l’adaptation énergétique : la dépense<br />
énergétique (DE) de repos diminue<br />
avec la diminution de la masse maigre<br />
Tableau II : Manifestations somatiques de l’anorexie<br />
mentale et <strong>du</strong> syndrome boulimie<br />
ANOREXIE<br />
• Dénutrition, infection<br />
• Ostéoporose<br />
• Anomalie de la régulation<br />
thermique<br />
• Hypercholestérolémie<br />
• Troubles ioniques<br />
• Bradycardie<br />
• Hypotension<br />
• Arythmie<br />
• Retard à l’évacuation gastrique<br />
• Constipation<br />
• Lithiases rénales •<br />
• Œdèmes<br />
BOULIMIE<br />
• Irrégularité menstruelle<br />
• Troubles ioniques<br />
• Intoxication à l’Ipéca<br />
• Dilatation, rupture de<br />
l’estomac<br />
• Hypertrophie<br />
parotidienne<br />
• Œsophagite<br />
• Ulcération<br />
• Fausses-routes<br />
• Pneumopathie de<br />
déglutition<br />
et la ré<strong>du</strong>ction <strong>des</strong> apports énergétiques ; la DE post-prandiale diminue avec la ré<strong>du</strong>ction <strong>des</strong><br />
apports. L’activité physique peut être importante.<br />
11<br />
Ostéoporose : raréfaction de la masse minérale osseuse sans trouble de la minéralisation (pas de<br />
décalcification).<br />
12<br />
La potomanie : il s'agit d'un trouble psychiatrique caractérisé par la prise excessive, parfois quasi<br />
permanente, de boissons. L'eau est la boisson la plus fréquemment absorbée.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
12
Anorexie boulimique …<br />
… la génération Barbie a grandi en manipulant une poupée difforme…<br />
« Je me trouvais un peu ronde. À 17 ans, j'ai donc entrepris un régime composé d'un bol<br />
de riz accompagné de fruits et de volaille. Au bout d'un mois, mon menu quotidien se<br />
composait essentiellement d'une carotte crue et d'une feuille de laitue, le tout<br />
copieusement arrosé de café noir ».<br />
« J'étais aux oiseaux, raconte Claudette. Je flottais... et pas<br />
seulement dans mes vêtements. La vie commençait, la vraie vie,<br />
à mon goût. J'avais l'impression de m'épanouir, d'être lumineuse.<br />
Chaque matin, je m'imposais une heure de gymnastique; et plus<br />
je maigrissais, mieux je me sentais. Je n'étais plus menstruée,<br />
c'est vrai - mais bon, on ne fait pas d'omelette sans casser <strong>des</strong><br />
oeufs! Même s'il n'y avait plus rien à compter, je persistais dans<br />
mon décompte <strong>des</strong> calories, maigrissant toujours un peu plus...<br />
au cas où j'engraisserais! "<br />
« L'automne venu, j'ai commencé à perdre mes cheveux, d'abord<br />
par petites poignées, puis par grosses grappes. J'ai paniqué,<br />
deviné que j'étais peut-être allée trop loin... Diagnostic <strong>du</strong><br />
dermatologue : perte de cheveux <strong>du</strong>e à la malnutrition. J'ai dû<br />
couper mes cheveux, absorber <strong>des</strong> suppléments de magnésium,<br />
de zinc, de protéines. J'avais maigri pour devenir plus jolie, plus désirable. La malnutrition,<br />
je m'en fichais, mais perdre mes cheveux, pour moi, ç'a été dramatique. Bêtement, il m'a<br />
fallu revenir à la case départ. »<br />
« Mais j'ai recommencé à manger avec autant d'excès que lorsque j'avais cessé de le<br />
faire. En quelques semaines, je suis passée de rien à n'importe quoi. Mais je tenais<br />
néanmoins à conserver une silhouette amincie. Pas question de perdre mes cheveux, c'est<br />
vrai... mais pas question de grossir non plus ».<br />
« Alors, j'ai commencé à me faire vomir, après chaque orgie <strong>alimentaire</strong>. Au début, c'était<br />
facile, mais peu à peu cela est devenu une corvée pénible. Parfois je bouffais même<br />
davantage pour faciliter l'opération vidange. Mon plus grand souci? Tout vomir après avoir<br />
tout bouffé (comme indice, j'avalais <strong>des</strong> petits pois verts en début de crise). Et surtout, que<br />
personne ne devine jamais mon <strong>comportement</strong>. Enfermée dans la salle de bain, je laissais<br />
couler l'eau <strong>des</strong> robinets afin d'étouffer les bruits suspects. Et il me fallait laisser la salle de<br />
bain en ordre, me brosser les dents, rafraîchir mon haleine, me laver les mains... quel<br />
cirque ! »<br />
Claudette<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
13
Boulimie nerveuse :<br />
L’essentiel concernant la boulimie nerveuse<br />
« La boulimie est une perte de contrôle <strong>du</strong><br />
<strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> avec une pulsion<br />
irrésistible à manger. Comme l’anorexie, elle<br />
touche les filles, surtout, à l’adolescence. Les<br />
crises de boulimie <strong>du</strong>rent une heure ou deux<br />
pendant lesquelles l’adolescente mange à toute<br />
vitesse n’importe quoi, n’importe comment et<br />
sans aucun plaisir, en se cachant <strong>des</strong> autres.<br />
Elle vide le frigidaire en se bourrant <strong>des</strong><br />
aliments les plus caloriques, puis est prise de<br />
douleurs au ventre et vomit. Les boulimiques<br />
arrivent donc à maintenir un poids normal car<br />
elles ne gardent pas les aliments. Elles<br />
prennent parfois <strong>des</strong> laxatifs. Il faut donc les<br />
distinguer <strong>des</strong> personnes qui mangent trop<br />
(hyperphagiques) et deviennent obèses ».<br />
Dr Béatrice Sénemaud<br />
« La boulimie se caractérise par <strong>des</strong> pulsions<br />
<strong>alimentaire</strong>s incontrôlables, suivies de réactions<br />
diverses devant la peur de grossir :<br />
vomissements, prise de diurétiques, restrictions<br />
<strong>alimentaire</strong>s ou jeûne total. Ces <strong>troubles</strong> se<br />
vivent le plus souvent dans la honte et la<br />
Tableau III : Critères diagnostiques de la boulimie<br />
nerveuse<br />
A. Survenue récurrente de crises de boulimie. Une crise<br />
de boulimie répond aux deux caractéristiques suivantes :<br />
– absorption, en une période de temps limitée, d’une<br />
quantité de nourriture largement supérieure à ce que la<br />
plupart <strong>des</strong> gens absorberaient en une période de temps<br />
similaire et dans les mêmes circonstances ;<br />
– sentiment d’une perte de contrôle sur le <strong>comportement</strong><br />
<strong>alimentaire</strong> pendant la crise (par exemple, sentiment de<br />
ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir<br />
contrôler la nature ou la quantité <strong>des</strong> aliments<br />
consommés).<br />
B. Comportements compensatoires inappropriés et<br />
récurrents visant à prévenir la prise de poids tels que<br />
vomissements provoqués, emplois abusifs de laxatifs,<br />
diurétiques, lavements ou autres médicaments, jeûne,<br />
exercice physique excessif.<br />
C. Les crises de boulimie et les <strong>comportement</strong>s<br />
compensatoires inappropriés surviennent tous deux, en<br />
moyenne, au moins deux fois par semaine pendant 3<br />
mois.<br />
D. L’estime de soi est influencée de manière excessive<br />
par le poids et la forme corporelle.<br />
E. Le trouble ne survient pas exclusivement pendant <strong>des</strong><br />
épiso<strong>des</strong> d’anorexie mentale.<br />
Spécifier le type :<br />
– type avec vomissements ou prise de purgatifs (purging<br />
type),<br />
– type sans vomissement ni prise de purgatifs (non<br />
purging type).<br />
clan<strong>des</strong>tinité et existent dans divers milieux sociaux. Une même personne peut passer<br />
successivement par <strong>des</strong> pério<strong>des</strong> anorexiques puis boulimiques ».<br />
http://www.chu-bordeaux.fr/data/presentation/passerelles/numero23/conseil.htm<br />
Etude détaillée de la boulimie nerveuse : Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001<br />
Signes cliniques<br />
Ce syndrome concerne généralement <strong>des</strong> sujets jeunes (<strong>des</strong> femmes, dans l’immense majorité <strong>des</strong> cas)<br />
présentant <strong>des</strong> crises boulimiques et maintenant un poids normal. Les critères diagnostiques <strong>du</strong> DSM-IV<br />
(manuel de diagnostic psychiatrique nord-américain) sont présentés dans le tableau III. Les points clés<br />
<strong>du</strong> diagnostic sont : la fréquence et la répétition <strong>des</strong> crises, l’association à <strong>des</strong> stratégies de contrôle <strong>du</strong><br />
poids et la notion de perte de contrôle, l’angoisse et la culpabilité. La fréquence, les moments de<br />
survenue dans la journée, l’intervalle entre les crises varient d’un sujet à l’autre. La patiente boulimique<br />
est consciente <strong>du</strong> caractère anormal de son <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong>, mais ceci ne suffit pas à<br />
l’empêcher. Le maintien d’un poids normal s’explique par <strong>des</strong> <strong>comportement</strong>s visant à annuler les effets<br />
de la prise <strong>alimentaire</strong> sur le poids, les plus courants étant les vomissements spontanés ou provoqués.<br />
Cette maladie est fréquemment associée aux <strong>troubles</strong> de la personnalité et nécessite toujours une prise<br />
en charge psychiatrique spécifique.<br />
Le diagnostic peut être difficile, car les mala<strong>des</strong> n’en parlent pas facilement. Il faut donc savoir mettre la<br />
malade en confiance et ne pas avoir l’air de la juger. Il faut chercher les facteurs de risque et les signes<br />
indirects : un regard très négatif sur l’alimentation, <strong>des</strong> propos comme “je ne mange rien” sont<br />
évocateurs.<br />
Complications : les risques somatiques sont liés aux vomissements et à leurs conséquences digestives<br />
et hydroélectrolytiques (tableau II).<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
14
Physiopathologie :<br />
Les <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> sont l’expression d’un mal-être, dont ils représentent en<br />
quelque sorte la “réponse” : ils aident les mala<strong>des</strong> à se sentir moins mal, même si l’effet est transitoire.<br />
En ce sens, ils agissent comme une con<strong>du</strong>ite de dépendance. Quel que soit le trouble <strong>du</strong> <strong>comportement</strong><br />
<strong>alimentaire</strong>, certains éléments sont souvent retrouvés : manque de confiance, perfectionnisme, maîtrise<br />
excessive, peur de “lâcher prise”, problèmes d’identification, difficulté d’expression verbale et<br />
émotionnelle, pensée dichotomique, tendance au déni, attachement excessif à l’un <strong>des</strong> parents, peur de<br />
ne pas y arriver (à guérir, à vivre...).<br />
C’est pourquoi le traitement de ces <strong>troubles</strong> con<strong>du</strong>it très fréquemment à <strong>des</strong> altérations de l’humeur :<br />
irritabilité, instabilité, <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> sommeil, états dépressifs. En cas de boulimie (y compris dans la forme<br />
boulimique de l’anorexie mentale), ceci peut con<strong>du</strong>ire à <strong>des</strong> tentatives de suicide : c’est le risque majeur.<br />
Anorexie-boulimie :<br />
Des crises de boulimie peuvent être associées d’emblée ou secondairement au cours de son évolution à<br />
l’anorexie mentale.<br />
Elles en modifient le tableau clinique et le pronostic (cf. infra).<br />
Binge eating disorder (to binge on something = se gaver)<br />
La différence centrale avec la boulimie est l’absence de <strong>comportement</strong>s compensatoires<br />
(vomissements, laxatifs, effort physique intense, etc.). De ce fait, c’est un trouble caractéristique <strong>du</strong><br />
sujet en surpoids ou obèse. Son diagnostic repose sur <strong>des</strong> critères précis qu’il faut chercher à<br />
plusieurs reprises. La grille <strong>des</strong> diagnostics <strong>du</strong> DSMIV permet de guider le diagnostic (tableau IV).<br />
Cependant, il ne faut pas s’attacher de manière trop formelle aux critères proposés. Les éléments<br />
sémiologiques les plus importants sont :<br />
– une prise <strong>alimentaire</strong> importante associée à une sensation de remplissage, c’est la notion de<br />
frénésie <strong>alimentaire</strong> (binge eating),<br />
– la perte de contrôle de l’acte <strong>alimentaire</strong> que le malade tra<strong>du</strong>it par “je ne peux pas m’en<br />
empêcher..., c’est plus fort que moi...”.<br />
Tableau IV : Binge eating disorder<br />
A. Survenue récurrente de crises de boulimie. Une crise de boulimie répond aux deux<br />
caractéristiques suivantes :<br />
– absorption, en une période de temps limitée, d’une quantité de nourriture largement<br />
supérieure à ce que la plupart <strong>des</strong> gens absorberaient en une période de temps<br />
similaire et dans les mêmes circonstances ;<br />
– sentiment d’une perte de contrôle sur le <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> pendant la crise<br />
(par exemple, sentiment de ne pas<br />
pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler la nature ou la quantité<br />
<strong>des</strong> aliments consommés).<br />
B. Les crises de boulimie sont associées à trois <strong>des</strong> caractéristiques suivantes (ou<br />
plus) :<br />
– manger beaucoup plus rapidement que la normale ;<br />
– manger jusqu’à éprouver une sensation pénible de distension abdominale ;<br />
– manger de gran<strong>des</strong> quantités de nourriture en l’absence d’une sensation physique<br />
de faim ;<br />
– manger seul parce que l’on est gêné de la quantité de nourriture que l’on absorbe ;<br />
– se sentir dégoûté de soi-même, déprimé ou très coupable après avoir trop mangé.<br />
C. Le <strong>comportement</strong> boulimique est source d’une souffrance marquée.<br />
D. Le <strong>comportement</strong> boulimique survient, en moyenne, au moins deux jours par<br />
semaine pendant 6 mois.<br />
E. Le <strong>comportement</strong> boulimique n’est pas associé au recours régulier à <strong>des</strong> compensatoires<br />
inappropriés (vomissements provoqués, emplois abusifs de laxatifs, diurétiques, jeûne,<br />
exercice physique) et ne survient pas exclusivement au cours d’une anorexie mentale ou<br />
d’une boulimie.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
15
Crises <strong>alimentaire</strong>s nocturnes (night eating syndrome) ou hyperphagie<br />
nocturne :<br />
L’essentiel hyperphagie nocturne:<br />
Albert Stunkard, un psychiatre américain, décrit en 1955, sous le nom de "Night eating syndrome", un<br />
<strong>comportement</strong> consistant en un besoin impérieux de manger au cours de la nuit. L'indivi<strong>du</strong> se réveille<br />
régulièrement au milieu de la nuit et ne peut se rendormir qu’après avoir absorbé une copieuse collation,<br />
souvent ingurgitée dans un demi-sommeil. Le lendemain matin, il ne lui reste que <strong>des</strong> souvenirs imprécis de<br />
ce qu’il aura consommé <strong>du</strong>rant l’épisode nocturne.<br />
http://www.gros.org/pagesgros/tca.html#Ancreautrestca<br />
Etude détaillée de l’hyperphagie nocturne :<br />
C’est une forme particulière d’hyperphagie. Les sujets se réveillent<br />
pour manger sur un mode compulsif ou boulimique.<br />
Il faut différencier ces prises <strong>alimentaire</strong>s de celles de sujets<br />
insomniaques qui mangent parce qu’ils n’arrivent pas à dormir.<br />
Bases de la prise en charge :<br />
La prise en charge doit être nutritionnelle et psychothérapeutique.<br />
Quatre principes de base :<br />
– définir un objectif pondéral cohérent et réaliste,<br />
– prendre en charge la restriction <strong>alimentaire</strong>,<br />
– traiter les complications somatiques,<br />
– con<strong>du</strong>ire à une prise en charge psychologique.<br />
L’approche nutritionnelle est essentielle avec pour objectif :<br />
• de corriger la malnutrition en fixant <strong>des</strong> objectifs pondéraux<br />
réalistes,<br />
• de ré<strong>du</strong>ire la restriction <strong>alimentaire</strong>.<br />
Dans l’anorexie mentale, il faut toujours avoir recours en premier lieu à un soutien nutritionnel par voie orale,<br />
sauf cas de dénutrition majeurs. Il faut alors avoir recours à la nutrition entérale discontinue d’appoint<br />
incontournable quand la survie est en jeu.<br />
Dans la boulimie, une approche <strong>comportement</strong>ale (thérapie cognitive et <strong>comportement</strong>ale) peut être indiquée<br />
:<br />
• information sur les besoins énergétiques et sur les aliments,<br />
• valorisation <strong>des</strong> matières grasses à un juste niveau,<br />
• travail sur le <strong>comportement</strong> à table,<br />
• mise en relation entre humeur et prise <strong>alimentaire</strong> (ou refus de prise <strong>alimentaire</strong>).<br />
La psychothérapie de soutien a pour but d’aider les mala<strong>des</strong> à lutter contre leurs angoisses et leur état<br />
dépressif face à la prise de poids (anorexie mentale) ou à la ré-intro<strong>du</strong>ction <strong>des</strong> repas (boulimie). Elle<br />
évoluera vers une psychothérapie plus explicative, qui travaillera sur les éléments vus ci-<strong>des</strong>sus. Les thérapies<br />
familiales ont une place importante.<br />
2S62<br />
Conclusion<br />
Les <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> sont fréquents et polymorphes. Ils doivent être<br />
systématiquement recherchés par un interrogatoire à la fois précis et non culpabilisant. Les<br />
TCA sont souvent “cachés”, plus souvent mal identifiés que vraiment “déniés” par les mala<strong>des</strong>.<br />
Le rôle <strong>du</strong> médecin est avant tout de les détecter et éventuellement d’orienter le patient vers<br />
<strong>des</strong> consultations spécialisées, de nutrition clinique ou de psychiatrie. L’intérêt porté à ces<br />
problèmes est récent et leur <strong>des</strong>cription sémiologique ainsi que leurs conséquences<br />
psychologiques sont encore un sujet de recherche clinique.<br />
Octobre 2003<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
16
Pour en savoir plus<br />
I- Etat <strong>des</strong> lieux en France :<br />
Stage RR/03-04/svt/2/9 (dispositif 9 mo<strong>du</strong>le 5)<br />
« E<strong>du</strong>cation à la santé »<br />
LÊenfant et lÊadolescent<br />
insuffisamment nourris<br />
Jean-Pierre Geslin<br />
PROFESSEUR<br />
Comme aux lendemains de la guerre, la malnutrition enfantine est de retour... On a peine à le<br />
croire, mais la malnutrition est bien de retour. Nombreux sont les assistantes sociales, les enseignants,<br />
les médecins qui s'aperçoivent depuis plusieurs années de la montée <strong>du</strong> phénomène. En révélant la chute<br />
de fréquentation <strong>des</strong> cantines dans les collèges et les lycées, un rapport de l'inspection générale de<br />
l'E<strong>du</strong>cation nationale (IGEN) a permis une prise de conscience collective.<br />
Ils sont de plus en plus nombreux ces enfants :<br />
* qui reviennent affamés à la fin <strong>du</strong> week-end (certaines municipalités accroissent les portions à la cantine<br />
le lundi),<br />
* qui arrivent tous les matins à l'école sans avoir mangé En 1998, près de 2 000 000 d’enfants en<br />
France (7 millions en Europe) partent à l’école le ventre vide ou avec seulement une boisson « coup de<br />
pompe » de 11h … ceci ne concerne donc pas seulement les familles démunies…<br />
* qui ne fréquentent plus la cantine et qui doivent se contenter d'un repas par jour.<br />
LA SITUATION EST AGGRAVEE EN ZONES SENSIBLES ET EN ZEP :<br />
La malnutrition affecte surtout les élèves scolarisés en ZEP (= Zones d’E<strong>du</strong>cation Prioritaires) En 1994,<br />
dans les collèges de ZEP (ZEP dont la définition se réfère à lutte contre l’échec scolaire), 36 % seulement<br />
<strong>des</strong> enfants étaient demi-pensionnaires, 22 % dans les établissements sensibles (prévention <strong>des</strong> phénomènes<br />
de violence)... contre 60 % ailleurs. La situation ne s’est pas arrangée depuis : dans les collèges publics <strong>des</strong><br />
ZEP, le niveau de fréquentation en 1998-1999 est de 31 % contre plus de 60 % hors ZEP (Floch, 1999).<br />
... On estime aujourd'hui à 10 % le nombre d'enfants sous-alimentés<br />
(et ceci malgré les efforts de certaines municipalités qui abaissent au maximum le coût <strong>des</strong> repas).<br />
La pauvreté est l'une <strong>des</strong> explications mais l’évolution de la société fait aussi que certaines familles donnent<br />
moins d'importance à l'alimentation :<br />
Dans les familles défavorisées, les repas familiaux sont rares, chaque membre de la famille mange<br />
séparément et rapidement, se nourrissant d’aliments in<strong>du</strong>strialisés à haute teneur en graisse et de boissons<br />
sucrées. L’enfant pioche dans le réfrigérateur et y recherche ce qui n’exige pas de préparation (ni cuisine ni<br />
découpage) et surtout ce qui est sucré (particulièrement jusqu’à 10 ans). L'amertume et l’acidité<br />
s’apprennent et ce n'est pas à 15 ans que cela viendra.<br />
La consommation de pro<strong>du</strong>its laitiers, de fruits et de légumes frais est insuffisante. Les viennoiseries et<br />
les biscuits occupent une place trop importante par rapport au pain qui est pourtant un aliment de<br />
base moins coûteux surcharges pondérales associées à une carence en calcium et en vitamines.<br />
16 % <strong>des</strong> garçons de 12 à 19 ans et 35 % <strong>des</strong> filles <strong>du</strong> même âge déclarent se sentir trop gros.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
17
II- Les besoins en énergie :<br />
Les besoins en énergie (exprimés en Kilocalories ou en KiloJoules) varient selon l’âge, le<br />
sexe, l’activité physique et la température ambiante... mais aussi le sujet considéré.<br />
Ages : Rations caloriques :<br />
2-3 ans 1300 Calories (soit 5450<br />
kilojoules)<br />
3-6 ans 1500 à 1900 Calories<br />
7-10 ans et a<strong>du</strong>ltes 2000 à 2400 Calories.<br />
sédentaires<br />
11-15 ans filles 2300 à 3000 Calories<br />
11-15 ans garçons 2600 à 3300 Calories<br />
Les rations calorifiques doivent donc être<br />
identiques chez l’enfant de 7 à 10 ans et chez<br />
l’a<strong>du</strong>lte… Ceci est-il toujours respecté ?<br />
Une petite calorie ou micro-thermie ou<br />
calorie-gramme est la quantité de<br />
chaleur nécessaire pour élever de 14, 5<br />
à 15, 5 ° Celsius la température d’une<br />
masse de 1 gramme d’eau<br />
(purgée d’air et sous la pression<br />
atmosphérique normale).<br />
1 « grande » calorie ou kilocalorie est<br />
égale à 1000 calories.<br />
1 calorie = 4,18 joules.<br />
1kilojoule ou KJ = 1Kilocal / 4,18<br />
Chez l’enfant d’âge scolaire, les nutritionnistes estiment que les apports caloriques doivent<br />
être assurés sous la forme de 4 repas par jour :<br />
25 % au petit déjeuner, 30 % au déjeuner, 15 % au goûter et 30 % au dîner.<br />
La malnutrition a <strong>des</strong> répercussions sur le développement et la santé de l’enfant. Ces<br />
manifestations ne sont néanmoins pas aussi graves, à l’évidence, que celles rencontrées<br />
dans les pays en voie de développement (voir photographies ci-<strong>des</strong>sous).<br />
Les effets <strong>des</strong> carences globales graves et <strong>des</strong> carences graves en protéines<br />
sont heureusement rarissimes dans nos régions :<br />
Cas de « marasme » = carence globale (à gauche) et de « kwashiorkor » = carence en<br />
protéines d’origine animale (à droite).<br />
Documents extraits de « Biologie-Géologie », classe de 1 ère S - Collection Tavernier, 1988 chez Bordas.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
18
La malnutrition ré<strong>du</strong>it le nombre <strong>des</strong> communications entre cellules nerveuses et, si<br />
elle se pro<strong>du</strong>it <strong>du</strong>rant les 2 premières années de la vie, empêche la myélinisation.<br />
Le marasme, fréquent dans les milieux urbains, s'observe surtout pendant la première année de la<br />
vie. La maladie se manifeste par une maigreur extrême, l'absence de graisse sous-cutanée, une véritable<br />
fonte <strong>des</strong> masses musculaires qui laisse voir les os. Le poids peut <strong>des</strong>cendre jusqu'à 60% de la valeur<br />
normale. Cette maladie est <strong>du</strong>e à une carence globale non seulement en aliments protéiques mais aussi<br />
en aliments énergétiques.<br />
Le kwashiorkor (se tra<strong>du</strong>it en dialecte Ashanti <strong>du</strong> Ghana par "Maladie de l’enfant sevré quand<br />
son cadet vient de naître»). C’est une maladie fréquente chez <strong>des</strong> enfants de populations rurales<br />
essentiellement d’Afrique tropicale et équatoriale. Ceux-ci sont alimentés correctement pendant 18<br />
mois à 2 ans grâce à l'allaitement maternel. Après sevrage, ils ne se nourrissent plus que de patates<br />
douces, de manioc ou de mil. Le corps présente <strong>des</strong> oedèmes (= présence d’eau dans la peau)<br />
importants (ventre et membres inférieurs gonflés, visage bouffi). On note une apathie, une<br />
perte de l’appétit, une fonte musculaire, une stéatose hépatique (= foie gras) responsable <strong>du</strong><br />
ballonnement abdominal, <strong>des</strong> lésions cutanées et un retard de croissance. Il existe de plus une<br />
anémie (Cf. pâleur <strong>des</strong> enfants à peau claire) et une fragilisation aux infections (par défaut de<br />
pro<strong>du</strong>ction d’anticorps <strong>du</strong> fait <strong>des</strong> carences). Dans certaines régions particulièrement défavorisées, la<br />
maladie est responsable de la mort de 30% <strong>des</strong> enfants de moins de 5 ans. Elle est absente <strong>des</strong><br />
populations qui fournissent à leurs enfants, même en faible quantité, de la viande ou <strong>du</strong> poisson.<br />
Cette maladie est essentiellement <strong>du</strong>e à une déficience quantitative et qualitative en protéines<br />
(mais aussi en fer, zinc et vitamines).<br />
Ce qui précède fait apparaître que l’organisme à non seulement <strong>des</strong> besoins énergétiques<br />
(voir page précédente) mais aussi <strong>des</strong> besoins de matières (eau + sels minéraux +<br />
vitamines + éléments constitutifs <strong>des</strong> protéines, sucres = gluci<strong>des</strong>, graisses = lipi<strong>des</strong>,<br />
aci<strong>des</strong> nucléiques).<br />
III- Les besoins en matières… UNE RATION<br />
ALIMENTAIRE EQUILIBREE :<br />
Une ration <strong>alimentaire</strong> équilibrée respecte certains rapports<br />
entre les différents éléments nutritifs et les informations dans<br />
ce domaine relèvent aussi d’une é<strong>du</strong>cation scolaire.<br />
Certains aliments sont surtout source d’énergie (sucres =<br />
gluci<strong>des</strong> et graisses = lipi<strong>des</strong>) alors que d’autres (eau, sels<br />
minéraux, proti<strong>des</strong>) sont <strong>des</strong> aliments bâtisseurs = aliments<br />
plastiques, c’est-à-dire qu’ils permettent de bâtir l’organisme.<br />
15 % <strong>des</strong> apports caloriques doivent provenir <strong>des</strong> proti<strong>des</strong><br />
chez l’enfant (12 % chez l’a<strong>du</strong>lte) dont ½ provenant d’animaux<br />
et ½ de végétaux.<br />
30 à 35 % doivent provenir <strong>des</strong> lipi<strong>des</strong> ou « graisses » et 50 %<br />
à 55 % <strong>des</strong> gluci<strong>des</strong> ou « sucres ».<br />
Apports nécessaires (en poids exprimés en grammes) :<br />
3 ans 50 grammes de proti<strong>des</strong> par jour<br />
200 g de gluci<strong>des</strong> + 55 g de lipi<strong>des</strong><br />
12 ans 80 grammes de proti<strong>des</strong> par jour<br />
320 g de gluci<strong>des</strong> + 90 g de lipi<strong>des</strong><br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
19<br />
« Je veux grandir » : CFES,<br />
Astrapi.
III- CONSEQUENCE EN FRANCE DES DESEQUILIBRES ET CARENCES :<br />
En France les effets <strong>du</strong> manque de nourriture et <strong>des</strong> carences ne sont visibles qu’à long terme.<br />
« Un enfant qui n'est pas bien nourri ne va pas avoir l'apparence d'enfant mal nourri, ou<br />
insuffisamment nourri » explique Jacques Carles, président d'Amalthée.<br />
Ce sont les enseignants qui, au fil <strong>des</strong> jours et au fil <strong>des</strong> mois, repèrent les conséquences :<br />
* Les instituteurs et professeurs remarquent <strong>des</strong> chutes d’attention liées à <strong>des</strong> cas<br />
d’hypoglycémie les jeunes suivent mal en classe.<br />
* Les enfants sont plus agités, plus violents.<br />
SITUATION D’ECHEC SCOLAIRE…<br />
« Ventre creux n'a pas d'oreilles », dit bien l'adage populaire.<br />
On avait oublié que la réussite scolaire dépend de l'alimentation <strong>du</strong> petit écolier.<br />
ATTENTION : LE VEGETALISME (REGIME VEGETAL STRICT) NE PEUT<br />
ASSURER UN DEVELOPPEMENT SATISFAISANT DE L’ENFANT.<br />
Le régime végétalien ne comporte aucun pro<strong>du</strong>it animal ni aucun pro<strong>du</strong>it dérivé (œufs, lait,<br />
fromages…), il exclut même parfois le miel. Les protéines sont donc apportées par les<br />
oléagineux (soja, tournesol, olives…), les légumineuses (pois, haricots, lentilles). Au début,<br />
ce régime entraîne souvent <strong>du</strong> bien-être, mais ultérieurement il est cause de carences. Les<br />
végétaliens présentent ainsi <strong>des</strong> carences en certains aci<strong>des</strong> aminés1, en calcium, en<br />
vitamines D et B 12.<br />
L’excès de fibres est cause de carences en zinc et en<br />
magnésium.<br />
La vitamine B12 ou (cyano) cobalamine permet<br />
<strong>des</strong> réaction chimiques de déshydrogénation (= H2) et<br />
méthylation (= CH3). Elle n’existe que dans les<br />
pro<strong>du</strong>its d’origine animale (vian<strong>des</strong> et volailles,<br />
poisson, lait et pro<strong>du</strong>its dérivés + œufs).<br />
Attention : les végétaliens doivent impérativement<br />
prendre un complément de vitamine B12. Sa carence<br />
cause un arrêt de la croissance et une anémie (elle est<br />
indispensable à la formation <strong>des</strong> hématies).<br />
Note 1 : En effet,<br />
dans l’espèce humaine, 8 éléments constitutifs <strong>des</strong><br />
protéines (on dit 8 aci<strong>des</strong> aminés) sont indispensables :<br />
valine, leucine, isoleucine, phénylalanine, tryptophane,<br />
thréonine, lysine, méthionine (les 13 autres pouvant être<br />
synthétisés par l’organisme) … et parmi ces 8, tous ne<br />
sont pas présents (ou en trop faible quantité) dans les<br />
protéines végétales (par exemple le tryptophane qui<br />
permet le maintien <strong>du</strong> poids et la lysine qui permet la<br />
croissance).<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
20
ATTENTION : DIFFICULTES LIEES AU JEÛNE DU RAMADAN :<br />
La mise en place de l’observatoire de la violence en Seine-<br />
Saint-Denis en 1993, sous l’impulsion de monsieur Bottin<br />
alors inspecteur d’académie, a con<strong>du</strong>it à <strong>des</strong> analyses de<br />
plus en plus précises. Elles ont permis d’observer un pic de<br />
violence situé fin janvier 1996. On a constaté l’année<br />
suivante que le pic était plus proche d’une dizaine de jours<br />
<strong>du</strong> début de l’année.<br />
Il a fallu se rendre à l’évidence : le Ramadán (qui avait<br />
débuté en 1996 le 23/01/1996) a visiblement <strong>des</strong><br />
conséquences sur les jeunes concernés.<br />
Il agit sans doute par le biais <strong>des</strong> modifications <strong>du</strong> rythme de<br />
vie <strong>des</strong> familles <strong>du</strong>rant cette période ou par la volonté <strong>des</strong><br />
adolescents de se comporter comme les a<strong>du</strong>ltes.<br />
On voit aujourd’hui de plus en plus de collégiens et même<br />
de jeunes enfants <strong>du</strong> primaire s’imposer… ou se voir<br />
imposer ??? un jeûne qui a de graves conséquences sur leur<br />
santé et leur réussite scolaire…<br />
Supporter 12 h à 16 h (selon la date) de jeûne et une quantité de<br />
sommeil diminuée implique <strong>des</strong> modifications de paramètres<br />
biologiques : glycémie (= taux de sucre dans le sang), insuline<br />
(hormone qui diminue la glycémie) et gastrine (hormone qui stimule les sécrétions digestives de<br />
l’estomac et <strong>du</strong> pancréas) (Cf. travaux <strong>du</strong> professeur Touitou, Salpêtrière 1997). Il faut ajouter une<br />
baisse de sécrétion de la mélatonine (hormone contrôlant les rythmes biologiques et pro<strong>du</strong>ite par la<br />
glande pinéale ou épiphyse et en moindre quantité par la rétine) et <strong>des</strong> modifications <strong>des</strong> cycles de<br />
sécrétion <strong>du</strong> cortisol (hormone qui accroît la glycémie), de la testostérone (= hormone mâle), de la<br />
FSH et de la LH (hormones de l’hypophyse contrôlant la sécrétion <strong>des</strong> hormones sexuelles), de<br />
l’hormone de croissance et de la thyréostimuline (Cf. Life Sciences d’avril 2001).<br />
Complément concernant le Ramadán :<br />
(2 extraits de l’Encyclopædia Universalis) :<br />
« Une fois atteinte la puberté, nul n’est totalement dispensé <strong>du</strong> jeûne, obligation<br />
personnelle (fard al-‘ayn) pour tout croyant sain d’esprit. Seuls sont prévus <strong>des</strong> « allégements » :<br />
les mala<strong>des</strong> en danger de mort sont dispensés; peuvent l’être de même les personnes âgées. Mais<br />
ces mala<strong>des</strong>, s’ils guérissent, et les vieillards doivent compenser le jeûne par <strong>des</strong> aumônes. La<br />
femme enceinte ou la nourrice, les mala<strong>des</strong> qui ne sont pas en danger de mort, le voyageur<br />
(surtout si le voyage présente quelque difficulté), ceux enfin qui sont astreints à un travail pénible<br />
ont le droit de rompre le jeûne, mais ils sont tenus ensuite de remplacer scrupuleusement les jours<br />
omis, dès qu’ils le peuvent ».<br />
« Les juristes ont beaucoup discuté sur le problème de la détermination <strong>du</strong> début et de la fin<br />
<strong>du</strong> mois (par l’observation officielle <strong>du</strong> croissant de la nouvelle lune), sur les pratiques interdites ou<br />
permises <strong>du</strong>rant le jour (piqûres médicales, vaccins, etc.), sur les cas de dispenses et les<br />
remplacements exigés… Le travail s’en ressent, car le jeûne diurne, les veillées épuisent tout le<br />
monde. L’idée suivant laquelle il faudrait continuer à travailler reste alors tout à fait théorique, sauf<br />
dans <strong>des</strong> cas indivi<strong>du</strong>els, ce qui a entraîné certains États, comme la Tunisie, à réagir.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
21<br />
Le Ramadán, 9ème<br />
mois <strong>du</strong> calendrier<br />
islamique <strong>du</strong>re de 28<br />
à 29 jours. C’est un<br />
période de jeûne et<br />
de privations<br />
(abstention de<br />
nourriture, de<br />
boisson, de tabac et<br />
de relations<br />
sexuelles <strong>du</strong> lever au<br />
coucher <strong>du</strong><br />
soleil). Rappelons<br />
que l’année <strong>du</strong>re 11<br />
jours de moins que la<br />
nôtre et que le<br />
Ramadan débute, de<br />
ce fait 11 jours plus<br />
tôt chaque année.
Les mécanismes de lÊobésité :<br />
Les faits : Voici quelques chiffres extraits de différentes enquêtes<br />
américaines (et rassemblés sur le site http://obnet.chez.tiscali.fr/p04.htm).<br />
5 à 10 millions de jeunes filles ou femmes ainsi qu'un million d'hommes<br />
souffrent de <strong>troubles</strong> <strong>du</strong> <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong>. On estime que 50.000<br />
personnes en meurent chaque année (Crowther et al., 1992; Fairburn et al., 1993;<br />
Gordon, 1990; Hoek, 1995; Shisslak et al., 1995).<br />
42 % <strong>des</strong> étudiantes souhaiteraient être plus minces (Collins, 1991). 91 % <strong>des</strong><br />
femmes d'un campus universitaire ont cherché à contrôler leur poids en<br />
pratiquant un régime. 26 % suivent un régime souvent ou en permanence.<br />
Les top-models américains sont plus minces que 98 % <strong>des</strong> américaines<br />
(Smolak, 1996).<br />
51 % <strong>des</strong> fillettes de 9 et 10 ans se sentent mieux si elles suivent un régime<br />
(Mellin et al., 1991). 46 % <strong>des</strong> 9-11 ans suivent régulièrement un régime et 82 %<br />
de leur famille en suivent un aussi (Gustafson-Larson & Terry, 1992).<br />
25 % <strong>des</strong> américains et 45 % <strong>des</strong> américaines sont en cours de régime un<br />
jour donné (Smolak, 1996).<br />
95 % <strong>des</strong> personnes ayant suivi un régime ont repris leur poids en moins de 5 ans (Grodstein, 1996).<br />
Localisation <strong>du</strong> tissu adipeux :<br />
* En traversant la peau, on rencontre d'abord la couche cornée de l'épiderme, constituée de cellules mortes puis la<br />
couche germinative de ce même épiderme. L'épiderme n'est pas vascularisé.<br />
* Sous l'épiderme, on atteint le derme qui est un tissu conjonctif essentiellement constitué de fibres de collagène et<br />
d'élastine. Le derme est très vascularisé.<br />
* On arrive ensuite à l'hypoderme qui est un tissu graisseux (= adipeux) d'épaisseur variable. Il est constitué de<br />
cloisons conjonctives qui déterminent <strong>des</strong> lobules chargés de stocker les adipocytes (cellules contenant la graisse).<br />
L'hypoderme est sillonné par le réseau vasculaire, lymphatique et nerveux à <strong>des</strong>tination <strong>du</strong> derme.<br />
Les adipocytes (environ 35 milliards) prédominent, chez l'homme, dans le haut <strong>du</strong> corps (abdomen et thorax),<br />
tandis que, chez la femme, ils sont plus abondants dans la partie inférieure. La graisse représente « normalement »<br />
de 10 à 14 % <strong>du</strong> poids <strong>du</strong> corps de l'homme et de 18 à 22 % <strong>du</strong> poids <strong>du</strong> corps de la femme.<br />
L'adipocyte L'adipocyte (ou ou ou ou cellule cellule cellule cellule adipeuse) adipeuse) adipeuse) adipeuse) :<br />
L'adipocyte est une cellule sphérique et extensible chargée de<br />
stocker les aci<strong>des</strong> gras en les transformant en triglycéri<strong>des</strong><br />
(lipogenèse) ou de déstocker les triglycéri<strong>des</strong> en les re-transformant<br />
en acide gras (lipolyse).<br />
Elle est composée d'une vacuole lipidique (le noyau et le<br />
protoplasme étant refoulés vers la périphérie) entourée d’une<br />
membrane cytoplasmique portant de nombreux récepteurs (en<br />
particulier <strong>des</strong> récepteurs sympathiques et stéroïdiens). Certains<br />
récepteurs, extrêmement sensibles à l'insuline, sont lipogénétiques<br />
(stockage) tandis que d’autres sont lipolytiques (déstockage).<br />
Les adipocytes se développent à partir de cellules (pré-adipocytes).<br />
Il semblerait que 3 pério<strong>des</strong> <strong>du</strong> développement soient primordiales dans l'augmentation <strong>du</strong> nombre d'adipocytes (et<br />
donc dans la constitution de la masse graisseuse) : les 3 derniers mois de la grossesse (habitu<strong>des</strong> nutritionnelles de<br />
la mère), la 1ère année post natale et le début de l'adolescence. A partir de 15 ans, le nombre d’adipocytes reste<br />
fixe et l’accroissement <strong>des</strong> réserves est lié à un remplissage <strong>des</strong> adipocytes (hypertrophie adipocytaire). A l'âge<br />
a<strong>du</strong>lte, le nombre <strong>des</strong> adipocytes étant fixe, l'amaigrissement (dû à la lipolyse) consiste à vider les adipocytes sans<br />
en ré<strong>du</strong>ire le nombre.<br />
La multiplication <strong>des</strong> adipocytes et la constitution de la masse graisseuse sont freinées par l'exercice physique.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
22<br />
perso.club-internet.fr/ fderad/lipogene.htm.<br />
« Les vésicules lipidiques témoignent <strong>des</strong> échanges entre<br />
l’intérieur et l’extérieur de l’adipocyte ».
Les triglycéri<strong>des</strong>, les aci<strong>des</strong> gras et le glucose <strong>du</strong> tissu adipeux :<br />
Les triglycéri<strong>des</strong><br />
Ils sont composés d'une molécule de glycérol couplée avec trois chaînes d'aci<strong>des</strong> gras.<br />
Les triglycéri<strong>des</strong> sont dégradés dans la lumière <strong>du</strong> tube intestinal en aci<strong>des</strong> gras et en monoglycéri<strong>des</strong><br />
(digestion), ce qui leur permet de pénétrer la muqueuse intestinale absorbés par l'entérocyte. Ils sont ensuite<br />
resynthétisés dans la paroi <strong>du</strong> grêle en triglycéri<strong>des</strong>. Ensuite ils sont véhiculés dans la lymphe (voie<br />
lymphatique) sous forme de chylomicrons (constitués à 86 % de triglycéri<strong>des</strong>). Ils rejoignent la circulation<br />
générale toujours sous la forme de chylomicrons. Ceux-ci libèrent leurs triglycéri<strong>des</strong> dans toutes les cellules<br />
et se transforment en remnants qui reviennent au foie.<br />
Les triglycéri<strong>des</strong> endogènes formés dans le foie à partir <strong>du</strong> glucose ne peuvent être stockés par celui-ci,<br />
sinon, il devient gras (stéatose). Ces triglycéri<strong>des</strong><br />
excédentaires passent dans la circulation sanguine<br />
générale dans une lipoprotéine de très basse densité<br />
VLDL (very low density lipoprotéin).<br />
La lipoprotéine-lipase de l'adipocyte (ou LPL) permet<br />
la capture <strong>des</strong> 2 types de particules (chylomicrons et<br />
lipoprotéines de très basse densité ou VLDL).<br />
Elle les dégrade ensuite en glycérol et aci<strong>des</strong> gras dits<br />
libres (= aci<strong>des</strong> gras non estérifiés = AGNE) pour être<br />
à nouveau resynthétisés en triglycéri<strong>des</strong> à l'intérieur de<br />
l'adipocyte.<br />
Le corps humain, à la différence de l'animal, ne permet<br />
la synthèse <strong>des</strong> triglycéri<strong>des</strong> dans l'adipocyte qu’à<br />
partir d’un « glycérol activé », c'est à dire dérivé<br />
directement <strong>du</strong> métabolisme <strong>des</strong> gluci<strong>des</strong>.<br />
Les aci<strong>des</strong> gras<br />
* Comme les triglycéri<strong>des</strong>, ils proviennent pour partie<br />
<strong>des</strong> lipoprotéines de type chylomicrons et VLDL<br />
circulant dans le sang et captés au niveau de la<br />
membrane de l’adipocyte par le biais de la Schéma extrait d’un site Internet que nous n’avons<br />
pas ensuite retrouvé… que le professeur de faculté<br />
lipoprotéine-lipase (ou LPL).<br />
concerné nous excuse…<br />
* Les aci<strong>des</strong> gras sont aussi synthétisés par les<br />
adipocytes à partir <strong>du</strong> glucose et <strong>du</strong> pyruvate (mais<br />
aussi d’aci<strong>des</strong> aminés et d’éthanol). Cette voie est nulle avec un régime à 900<br />
calories, mais atteint 50 % de la lipogenèse avec un régime à 3500 calories.<br />
* Les aci<strong>des</strong> gras proviennent enfin de la dégradation <strong>des</strong> graisses (= lipolyse) <strong>du</strong><br />
tissu adipeux.<br />
Le glucose :<br />
A la fin <strong>du</strong> repas, 70 % <strong>des</strong> sucres ingérés passent dans le sang où ils vont être utilisés<br />
par l'ensemble de nos cellules pendant les 6 heures qui suivent.<br />
Les 30 % restants pénètrent à l'intérieur <strong>des</strong> adipocytes. Le glucose rentre grâce à <strong>des</strong><br />
« protéines navettes » : les transporteurs glucose GLUT1 et surtout GLUT4.<br />
Le glucose est transformé en triglycéri<strong>des</strong> (graisse) et stockés.<br />
Le processus biologique de stockage de graisse à partir <strong>des</strong> molécules précédentes<br />
s'appelle la LIPOGENESE. Le déstockage <strong>des</strong> graisses se fait lorsque notre<br />
organisme manque de carburant, principalement la nuit pendant le sommeil, mais<br />
aussi, éventuellement pendant la journée si l'écart entre 2 repas est trop long : le<br />
processus biologique de déstockage s'appelle la LIPOLYSE.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
23
Les enzymes de la lipogenèse et de la lipolyse :<br />
La La La lipogenèse lipogenèse :<br />
La LPL ou « lipase <strong>des</strong> lipoprotéines » est une enzyme<br />
synthétisée par l’adipocyte puis sécrétée par lui et elle va<br />
se fixer sur les cellules endothéliales de la lumière <strong>des</strong><br />
capillaires <strong>du</strong> tissu adipeux. Elle est capable<br />
d’hydrolyser les particules transportant les triglycéri<strong>des</strong> :<br />
chylomicrons et VLDL. La lipoprotéine-lipase est<br />
activée par la suralimentation et freinée par la sousalimentation.<br />
L'hyperglycémie accélère la lipogenèse et<br />
diminue la libération <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> gras non estérifiés<br />
(lipolyse).<br />
La La lipolyse lipolyse ou mobilisation <strong>des</strong> graisses de réserve se<br />
fait grâce à 2 lipases de l’adipocyte qui sont :<br />
* la lipase hormono-sensible (LHS) qui hydrolyse les<br />
tri et di glycéri<strong>des</strong> et<br />
* la monoacylglycérol lipase ou lipase <strong>des</strong> monoglycéri<strong>des</strong><br />
= (LGM) qui hydrolyse les monoglycéri<strong>des</strong>.<br />
Ces enzymes décomposent les triglycéri<strong>des</strong> en aci<strong>des</strong><br />
gras non estérifiés et en glycérol. Les aci<strong>des</strong> gras ainsi<br />
pro<strong>du</strong>its sont expulsés de la cellule à moins de trouver<br />
sur place un excès de glucose pour reformer <strong>des</strong><br />
triglycéri<strong>des</strong>. Les aci<strong>des</strong> gras libérés dans la circulation,<br />
sont utilisés par les muscles et notamment par le muscle<br />
cardiaque.<br />
Par contre le glycérol libéré ne peut plus être utilisé. Il est<br />
capté par le foie qui le remétabolise en glucose<br />
(néoglucogenèse).<br />
* Les aci<strong>des</strong> gras non estérifiés (AGNE) sont immédiatement<br />
captés par les muscles dans un but énergétique (si le processus<br />
d'activité <strong>du</strong> muscle à ce moment est un processus aérobie).<br />
Les aci<strong>des</strong> gras sont le carburant privilégié <strong>des</strong> fibres lentes<br />
qui les dégradent grâce à leurs nombreuses mitochondries.<br />
L'oxydation <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> gras se déroule dans la matrice de ces<br />
mitochondries par cycles répétés de 4 réactions enzymatiques<br />
(hélice de Lynen).<br />
Les fibres rapi<strong>des</strong> possèdent aussi <strong>des</strong> mitochondries,<br />
quoique en moindre quantité, et de ce fait consomment aussi<br />
<strong>des</strong> aci<strong>des</strong> gras; toutefois leur carburant privilégié reste le<br />
glycogène.<br />
* Les aci<strong>des</strong> gras peuvent également être captés par les<br />
hépatocytes. Dans ceux-ci, ils peuvent a) entrer dans le cycle<br />
de Krebs, b) être intégrés au remétabolisme <strong>des</strong> triglycéri<strong>des</strong><br />
ou c) être convertis en corps cétoniques et excrétés,<br />
essentiellement lors <strong>des</strong> régimes hypoglucidiques ou lors d'un<br />
jeûne prolongé. Notons que l’excrétion <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> gras<br />
Schéma extrait d’un site Internet que nous n’avons<br />
pas ensuite retrouvé… que le professeur de faculté<br />
concerné nous excuse…<br />
incomplètement catabolisés en corps cétoniques, se tra<strong>du</strong>it par une haleine sentant l’acétone. Ce phénomène<br />
est heureusement auto-régulé, car une pro<strong>du</strong>ction de corps cétoniques trop abondante entraînerait un<br />
déséquilibre <strong>du</strong> pH sanguin ou acidose cause d’un "coma acidocétosique" suivi de mort.<br />
L'hypoglycémie accélère la lipolyse et augmente la libération <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> gras non estérifiés.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
24<br />
Rappel : le cycle de Krebs ou cycle <strong>des</strong><br />
aci<strong>des</strong> tricarboxyliques est l’étape finale de<br />
la dégradation <strong>des</strong> sucres, <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> gras<br />
et <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> amines.<br />
Il se déroule en 8 réactions enzymatiques<br />
dans les mitochondries.<br />
http://www.snv.jussieu.fr/bmedia/Metabo%20/ck1.htm
Hormones intervenant dans la lipogenèse et la lipolyse :<br />
Lipogenèse<br />
Lipolyse<br />
stockage <strong>des</strong> graisses (réserve) :<br />
déstockage <strong>des</strong> graisses de réserve :<br />
Insuline : tient le rôle essentiel dans la liposynthèse.<br />
Les hormones <strong>du</strong> stress : adrénaline et nor-<br />
En son absence aucune pénétration de glucose ne se fait dans la cellule. adrénaline, lorsqu’elles se fixent sur les<br />
Le nombre de sites récepteurs de l'insuline peut varier de 10000 à récepteurs bêta de l’adipocyte stimulent<br />
50000 par cellule en fonction de la localisation et <strong>du</strong> sexe. Ces sites l’adénylcyclase et donc la pro<strong>du</strong>ction<br />
sont augmentés par un régime riche en hydrate de carbone et diminués d’AMP cyclique. L’AMP cyclique active<br />
par le nombre de repas quotidiens.<br />
la LHS. On peut dire que l’adrénaline et la<br />
L'insuline:<br />
noradrénaline sont lipolytiques de manière<br />
* fait pénétrer le glucose (et les aci<strong>des</strong> gras) à l'intérieur de la cellule, générale, l'adrénaline pouvant être<br />
* favorise la transformation <strong>du</strong> glucose en aci<strong>des</strong> gras,<br />
activatrice de la lipogenèse, quand elle se<br />
* inhibe la triglycéride-lipase ou lipase hormono-sensible (LHS) fixe sur <strong>des</strong> alpha récepteurs…<br />
responsable de la lipolyse,<br />
Hormone somatotrope (GH). In vitro.<br />
* neutralise l'effet lipolytique <strong>du</strong> cortisol et <strong>des</strong> catécholamines, Hormone parathyroïdienne (PTH). In vitro.<br />
* fixe les aci<strong>des</strong> aminés neutres concurrents <strong>du</strong> tryptophane, permettant<br />
ainsi la synthèse de la sérotonine diminuant la consommation<br />
La prostaglandine et les œstrogènes à<br />
glucidique,<br />
petites doses stimulent la lipogenèse. Les<br />
* stimule l'activité de la lipoprotéine-lipase (ou LPL), enzyme en outre<br />
œstrogènes entraînent de plus une<br />
responsable de la lipogenèse.<br />
rétention hydro-saline.<br />
* stimule la phosphodiestérase enzyme qui dégrade l’AMP cyclique Peptide natriurétique atrial (ANP)<br />
moins d’AMP cyclique Lipase hormonosensible inactivée. d'origine cardiaque et par ailleurs a effets<br />
L’adrénaline se fixe sur les récepteurs alpha 2 de l’adipocyte et y<br />
natriurétique et vasodilatateur.<br />
diminue l’activité de l’adénylcyclase et donc la pro<strong>du</strong>ction d’AMP ACTH, alpha MSH et glucagon n’ont pas<br />
cyclique (c’est l’AMP cyclique qui active la LHS cause de lipolyse). d’effet lipolytique sur l’adipocyte humain.<br />
Remarque : La stimulation <strong>du</strong> sympathique active la lipolyse, sa section ou la stimulation <strong>du</strong> parasympathique l'inhibe.<br />
La LPL ou lipase <strong>des</strong> lipoprotéines est synthétisée par l’adipocyte puis sécrétée par lui et elle va se fixer sur les<br />
cellules endothéliales de la lumière <strong>des</strong> capillaires <strong>du</strong> tissu adipeux. Elle est capable d’hydrolyser les particules<br />
transportant les triglycéri<strong>des</strong> : chylomicrons et VLDL. Sa synthèse et son activité sont régulées par l’insuline.<br />
L’insuline stimule l’activité de la LPL et le captage <strong>du</strong> glucose et <strong>des</strong> aci<strong>des</strong> gras.<br />
Les lipases de l’adipocyte sont la lipase hormono-sensible (LHS) qui hydrolyse les tri et di glycéri<strong>des</strong> et la<br />
monoacylglycérol lipase ou lipase <strong>des</strong> monoglycéri<strong>des</strong> = (LGM ou LMG) qui hydrolyse les monoglycéri<strong>des</strong>.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
25<br />
Schéma extrait de « Régulation<br />
hormonale de l’adipocyte » Génésis n°<br />
54 de Mars 2000 par M. Lafontan,<br />
directeur de recherche INSERM.
La leptine (<strong>du</strong> grec leptos, minceur):<br />
Hormone de nature protéique constituée de 167 aci<strong>des</strong> aminés<br />
sécrétée par les adipocytes sous l’effet de l’insuline. Le placenta<br />
(Masuzaki et al 1997) et l'épithélium gastrique (Bado et al 1998)<br />
pro<strong>du</strong>isent également de la leptine mais en quantité moindre. Chez<br />
l'Homme, la sécrétion de leptine est pulsatile et suit un rythme<br />
circadien (le maximum s'observe entre 22h00 et 03h00 et le minimum<br />
entre 08h00 et 17h00).<br />
Elle pénètre dans la circulation, franchit la barrière hémato-méningée<br />
puis passe dans le liquide céphalo-rachidien. La leptine agit<br />
finalement sur l’hypothalamus provoquant une diminution de<br />
l’appétit (ce qui explique son pouvoir amaigrissant) et augmentant la<br />
thermogenèse. La leptine est par ailleurs capable d’activer la<br />
pro<strong>du</strong>ction de LH-RH au niveau hypothalamique et de stimuler<br />
l'entrée <strong>du</strong> glucose dans la cellule musculaire <strong>du</strong> muscle squelettique (par un mécanisme différent de celui de<br />
l'insuline).<br />
Génétiquement, la leptine est codée par le gène Ob dont la mutation, qui a été étudiée en laboratoire chez certaines<br />
souris, est à l’origine d’obésité. Les souris ob/ob, outre un excès de tissu adipeux sont diabétiques et stériles. En<br />
injectant quotidiennement de la leptine à <strong>des</strong> souris obèses déficientes en leptine (souris ob/ob), on a constaté chez<br />
ces souris : une perte de masse grasse, et une perte de poids, une ré<strong>du</strong>ction de la prise <strong>alimentaire</strong>, une diminution<br />
de la glycémie et de l'insulinémie, une augmentation de la dépense énergétique, une élévation de la température<br />
corporelle, et une augmentation de l'activité locomotrice. Il est intéressant de noter que la leptine est également<br />
capable de restaurer la fertilité chez les souris ob/ob génétiquement déficientes en leptine. La même expérience<br />
réalisée sur <strong>des</strong> souris non obèses a également entraîné une perte de poids, bien que plus mo<strong>des</strong>te. Les souris<br />
déficientes en récepteurs de leptine (souris db/db) n'ont pas per<strong>du</strong> de poids lors <strong>du</strong> même traitement.<br />
Dans l’espèce humaine, l’obésité est associée à <strong>des</strong> taux élevés de leptine (plus un sujet a une masse grasse<br />
développée, plus sa leptinémie est élevée) ce qui laisse à penser qu’il existe soit une résistance éventuelle à la<br />
leptine soit une diminution <strong>du</strong> passage de la leptine <strong>du</strong> sang au cerveau soit une anomalie <strong>des</strong> récepteurs<br />
cérébraux de la leptine. Les travaux les plus récents orientent plutôt vers une capacité affaiblie de la barrière<br />
hémato-encéphalique à transporter la leptine.<br />
Chez la femme, la grossesse est à l'origine d'une hyperleptinémie. La leptine intervient, en mo<strong>du</strong>lant<br />
l'insulinémie et le métabolisme hépatique de la femme enceinte, de façon à optimiser la croissance et le<br />
développement <strong>du</strong> foetus. La leptine intervient également dans la lactation.<br />
Des étu<strong>des</strong> récentes montrent que la déficience congénitale en leptine con<strong>du</strong>it à une hyperphagie et à une prise de<br />
poids excessive dès la petite enfance, ainsi qu'à un<br />
échec <strong>du</strong> mécanisme de la puberté au moment de<br />
l'adolescence.<br />
Chez l'adolescent, la leptinémie augmente<br />
gra<strong>du</strong>ellement avec l'âge, avant la puberté, suggérant<br />
qu'un certain seuil soit à l'origine <strong>du</strong> déclenchement<br />
de la puberté.<br />
C'est dans les noyaux arqués de l'hypothalamus que<br />
serait détecté le signal leptine d'adiposité, site où la<br />
leptine inhibe l'expression <strong>du</strong> neuropeptide Y<br />
(NPY) et augmente l'expression de la proopiomélanocortine<br />
(POMC). L'insuline inhibe<br />
également l'expression <strong>du</strong> NPY dans les noyaux<br />
arqués mais ses autres effets signal au niveau<br />
hypothalamique sont inconnus. Des recherches<br />
récentes montrent que la leptine et l'insuline<br />
déclenchent un phénomène de satiété provoquant<br />
le raccourcissement de la prise <strong>alimentaire</strong> et<br />
diminuant la fréquence <strong>des</strong> prises <strong>alimentaire</strong>s.<br />
Souris ob/ob déficiente en leptine<br />
(à gauche) et souris normale.<br />
Le neuropeptide Y (= NPY) est l’une <strong>des</strong> substance<br />
qui régit le <strong>comportement</strong> <strong>alimentaire</strong> et a un effet<br />
inhibiteur de la libération de LHRH. NPY pro<strong>du</strong>it<br />
en excès chez les souris, est associé à <strong>des</strong> réserves<br />
de graisse plus importantes et <strong>des</strong> prises <strong>alimentaire</strong>s<br />
plus nombreuses (la souris devient obèse).<br />
Le NPY a donc une action opposée à celle de la<br />
leptine chez le rongeur. L'injection de leptine aux<br />
indivi<strong>du</strong>s obèses diminue le NPY et donc l’appétit.<br />
L'in<strong>du</strong>strie pharmaceutique a mis au point <strong>des</strong><br />
pro<strong>du</strong>its antagonistes de ce NPY et aux Etats-Unis,<br />
les essais cliniques sur <strong>des</strong> personnes obèses ont déjà<br />
débuté.<br />
La pro-opiomélanocortine (= POMC) est un peptide<br />
précurseur <strong>des</strong> opiacés endogènes inhibiteurs de la<br />
sécrétion de LHRH.<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
26
L’insuline : l’essentiel…<br />
Le pancréas fabrique la moitié de l'insuline pendant la digestion <strong>des</strong> repas mais pro<strong>du</strong>it l’autre moitié en dehors <strong>des</strong><br />
repas et la nuit.<br />
L'insuline est une hormone, pro<strong>du</strong>ite par <strong>des</strong> cellules spécialisées <strong>du</strong> pancréas, qui nous protège en évitant que<br />
notre taux de sucre (plus précisément de glucose) dans le sang ne s’élèvent trop. Après un repas riche en hydrates<br />
de carbone (plat de pâtes, bol de céréales, sucreries...), l’absorption intestinale amène plus de glucose que<br />
nécessaire dans notre sang. En réaction, nous pro<strong>du</strong>isons l'insuline qui va faciliter l’entreposage de ce sucre en<br />
excès.<br />
Notre capacité à entreposer le glucose supplémentaire est limitée (il peut être mis en réserve dans le foie et <strong>des</strong><br />
muscles). La plus grande partie est envoyée à <strong>des</strong> cellules spécialisées (les adipocytes) pour être entreposé sous<br />
forme de graisses.<br />
Pour l’essentiel, l’insuline :<br />
* stimule le transport de glucose dans le muscle et le tissu adipeux (en accroissant l'activité intrinsèque de<br />
transporteurs et en régulant leur synthèse) mais pas dans le foie.<br />
* diminue la libération de glucose par le foie en bloquant la<br />
transformation <strong>du</strong> glycogène en glucose (glycogénolyse hépatique)<br />
et en augmentant la transformation <strong>du</strong> glucose en glycogène.<br />
* Par ailleurs, l’insuline inhibe la lipolyse et stimule la synthèse<br />
d'aci<strong>des</strong> gras et la lipogenèse.<br />
En dehors <strong>des</strong> repas et la nuit, la baisse <strong>du</strong> taux l'insuline permet la<br />
libération <strong>du</strong> sucre qui a été mis en réserve dans le foie (suite aux<br />
repas) permettant ainsi de maintenir la glycémie (= taux de glucose<br />
dans le sang) à un taux fixe (la glycémie normale est de 1 g par litre<br />
de sang).<br />
Chez le diabétique insulino-dépendant (diabète de type 1 = diabète<br />
maigre ou diabète juvénile), le pancréas ne peut plus fabriquer<br />
d'insuline même si on le stimule. Il faut donc fournir de l'insuline.<br />
Mais si on avale de l'insuline, elle est digérée par l'estomac. Le<br />
moyen le plus pratique pour la faire arriver dans le sang, sans passer<br />
par l'estomac, est de faire <strong>des</strong> injections sous la peau. En effet,<br />
lorsque l'insuline a été injectée sous la peau, elle diffuse<br />
progressivement vers les vaisseaux sanguins avoisinants et passe<br />
dans le sang.<br />
On emploie en médecine 2 types d’insulines :<br />
1) Les insulines rapi<strong>des</strong> qui débutent leur action environ 15 minutes<br />
après l'injection sous la peau et agissent pendant 4 à 6 heures. Ces<br />
insulines sont également appelées « insulines ordinaires ». Elles sont toutes limpi<strong>des</strong> comme de l'eau.<br />
Il faut souligner que leur <strong>du</strong>rée d'action est "dose dépendante", c'est-à-dire que la <strong>du</strong>rée d'action augmente avec la<br />
quantité injectée.<br />
2) Les insulines retard ont un début d'action plus tardif et un effet plus prolongé.<br />
Ces insulines ont toutes un aspect laiteux en raison de la présence <strong>des</strong> substances <strong>des</strong>tinées à retarder la diffusion<br />
sous la peau. Lorsqu'on les laisse au repos pendant quelques heures, il est normal qu'il se pro<strong>du</strong>ise un dépôt<br />
blanchâtre au fond <strong>du</strong> flacon, de la cartouche ou <strong>du</strong> stylo. Ce dépôt correspond à <strong>des</strong> cristaux d'insuline ou aux<br />
substances à effet retard qui se trouvent dans le flacon. Avant de prélever l'insuline, il faut toujours retourner<br />
plusieurs fois le flacon pour remettre en suspension le «pro<strong>du</strong>it retard» qui s'est déposé depuis la dernière injection.<br />
Extrait de "Les médicaments" 3ème édition - P. Allain<br />
http://www.pharmacorama.com/Rubriques/Output/Glycemiea2.php<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
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Les diabètes insulino-résistants<br />
(type II) qui affectent 1,2 millions de<br />
français sont associés dans 80 % <strong>des</strong> cas<br />
une obésité (avec répartition surtout<br />
viscérale <strong>des</strong> graisses).<br />
Dans ce type de diabète, le stockage et<br />
l'utilisation <strong>du</strong> glucose sont diminués au<br />
niveau musculaire alors qu'au niveau<br />
hépatique, il y a une stimulation de la<br />
pro<strong>du</strong>ction de glucose (néoglucogénèse)<br />
qui se trouve exporté dans la circulation.<br />
L’adiponectine est une protéine de 244<br />
aci<strong>des</strong> aminés sécrétée par le tissu<br />
adipeux. Son taux est effondré chez les<br />
obèses, en cas de diabète de type 2 et<br />
chez les coronariens. Elle semble jouer<br />
un rôle primordial dans le syndrome<br />
métabolique (insulino- résistance +<br />
obésité + hypertension + maladie coronarienne)<br />
et dans le diabète de type 2.
http://www.geocities.com/boss_be_99/la_regulation_de_la_glycemie.htm<br />
Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis),<br />
enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.<br />
Ancien vice président de la Fédération <strong>des</strong> Conseils de Parents d’Elèves <strong>du</strong> départemental de l’Oise et de la région Picardie<br />
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