recueil d'archives du poste de Ouahigouya (Haute Volta ... - IRD

1914
secteurs dans lesquels j’ai envoyé des agents secrets chargés de s’enquérir de l’esprit
de la population, de ce qui se dit et pourrait se manigancer contre nous (49).
Ils sont revenus au bout d’un mois de voyage, m’apportant les nouvelles les plus
rassurantes. La population sait, et je l’ai dit moi-même pendant mes tournées,
que nous nous étions emparés du Togo et que nous sommes les plus forts. Elle para2
manifester le plus grand contentement...
Impôt : Les habitants se préparent à payer l’impôt, comme chaque année. Malheu-
reusement, nous devons compter sur un déficit dû aux nombreux décès et aux
départs de familles qui sont allées plus au sud pour éviter la disette. Je ne pense pas,
toutefois, que ce déficit puisse dépasser 40 000 francs.
Esprit des populations : Les populations n’ont pas un mauvais esprit et la bonne
récolte de cette année n’est pas pour le leur enlever.
La récolte aurait été encore bien meilleure si les gens affamés et affaiblis par un long
jeûne avaient pu cultiver comme auparavant. Les chefs ont été unanimes à me faire
cette objection qui a certainement un grand poids. D’autres enfin manquaient de
semences et n’ont pu, malgré leur bonne volonte, faire des lougans aussi considé-
rables qu ‘ils en avaient l’habitude.
RAPPORT ANNUEL
Situation politique et économique : Si, pendant l’année écoulée, la situation poli-
tique a été très calme, il n’en a pas été de même de la vie économique qui a été
désastreuse et très mouvementée par suite de la famine qui a sévi cruellement.
Le chiffre de quarante mille morts dans le cercle, pendant cette période de détresse,
peut être maintenant considéré comme réel. Ayant pris le commandement du
cercle le 10 octobre, j’ai pu, au cours de deux tournées faites dans le Sud-Ouest et
le Sud-Est du cercle, constater dans les villages de nombreuses cases abandonnées,
en ruines, dont tous les habitants sont morts ou partis dans les cercles du sud moins
éprouvés.
Si de nombreux indigènes ont succombé de la faim, combien d’autres ont été vic-
times de maladies par suite de l’absorption de toutes sortes d’aliments bizarres :
feuilles d’arbres, racines, détritus de tous genres qui leur donnaient des diarrhées...
La mortalité a continué pendant la pousse du mil ; les affamés se jetaient sur le mil
vert qui leur donnait une sorte de dysenterie presque toujours mortelle. Ce n’est
qu’à la récolte du maïs que la mortalité, vraiment effrayante, a diminué d’intensité
pour se terminer à la récolte du mil,
(49) Outre la surveillance du prosélythisme musulman, devenue routine depuis la circulaire de
1906 (cf. note 3), de nouveaux ordres sont donnés par le Gouvernement Général dès que
l’Empire Ottoman s’allie avec les Puissances Centrales (novembre 1914). La Turquie repré-
sentait alors le flambeau de l’Islam contre l’Occident et l’on craint des soulèvements
fomentés par des émissaires musulmans. En septembre 1918, un corps expéditionnaire
allié battra les Turcs en Palestine.
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