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26.06.2013 Views

Même si Rincevent, comme précédemment mentionné, était à la magie ce que la bicyclette est à un bourdon, il bénéficiait malgré tout d’un privilège accordé aux hommes de l’art : à l’heure du trépas, ce serait la Mort en personne qui viendrait réclamer son dû (au lieu de refiler le boulot à une personnification anthropomorphique et mythologique d’échelon inférieur, comme c’est souvent le cas). Profitant des incompétences de ceux chargés de l’occire, Rincevent s’était ingénié à ne pas mourir à l’heure prévue, et s’il y a une chose dont la Mort a horreur, c’est le manque de ponctualité. « Écoutez, je pense que mon ami a dû aller se promener quelque part, dit-il. Il fait toujours ça, une manie chez lui, ravi de vous avoir rencontrée, faut que j’y aille…» Mais elle s’était déjà arrêtée devant une grande porte matelassée de velours violet. On entendait des voix de l’autre côté, des voix effrayantes, le genre de voix que la simple typographie n’arrivera jamais à rendre tant qu’on n’aura pas inventé une linotype pourvue d’une chambre d’écho incorporée et, si possible, d’un œil de caractère ressemblant à l’élocution d’une limace. Voici ce que disaient les voix : « ÇA NE TE FERAIT RIEN DE M’EXPLIQUER ÇA ENCORE UNE FOIS ? ŕ Eh bien, si vous rejouez n’importe quoi sauf un atout, Sud pourra couper deux fois, en ne perdant qu’une tortue, un éléphant et un arcane majeur, ensuite… ŕ C’est Deuxfleurs ! souffla Rincevent. Je reconnaîtrais cette voix-là n’importe où ! ŕ DOUCEMENT… SUD, C’EST PESTILENCE ? ŕ Oh, allons, Mortemar ! Il a déjà expliqué tout ça. Et si Famine avait relancé à… comment, déjà ?… à l’atout ? » C’était une voix sans attaque, moite, pour ainsi dire contagieuse en elle-même. « Ah, alors vous ne pourriez couper qu’une tortue au lieu de deux, dit Deuxfleurs avec zèle. ŕ Mais si Guerre avait décidé de jouer d’abord un atout, alors le contrat aurait chuté de deux ? ŕ Exactement ! 98

ŕ LÀ, JE N’AI PAS BIEN SUIVI. PARLE-MOI ENCORE DES ANNONCES PSYCHIQUES, JE CROIS QUE JE COMMENCE À PIGER. » Celle-là, c’était une voix puissante, caverneuse, comme deux tas de plomb qui s’écrasent l’un contre l’autre. « Ça, c’est quand vous faites une annonce surtout pour tromper vos adversaires, mais ça risque bien sûr de poser des problèmes à votre partenaire…» La voix de Deuxfleurs continua de radoter sur le même ton enthousiaste. Rincevent regarda d’un air désemparé Ysabell tandis qu’à travers le velours lui parvenaient les mots « couleur redemandable », « double impasse » et « grand chelem ». « Vous y comprenez quelque chose ? demanda-t-elle. ŕ Pas un traître mot, répondit-il. ŕ Ça paraît affreusement compliqué. » De l’autre côté de la porte, la voix puissante lança : « T’AS BIEN DIT QUE LES HUMAINS JOUAIENT À ÇA POUR S’AMUSER ? ŕ Certains sont très forts à ce jeu, oui. Je ne suis qu’un amateur, je le crains. ŕ MAIS ILS NE VIVENT QUE QUATRE-VINGTS OU QUATRE-VINGT-DIX ANS ! ŕ Tu es bien placé pour le savoir, Mortemar, fit une voix que Rincevent n’avait pas encore entendue et ne souhaitait certes pas réentendre, surtout après le crépuscule. — Vraiment, c’est tout à fait… fascinant. ŕ REDISTRIBUE LES CARTES, ON VA VOIR SI J’AI PIGE. ŕ Vous croyez qu’on doit entrer ? » demanda Ysabell. Une voix derrière la porte fit : « JE DEMANDE… LE VALET DE TRIONYX. ŕ Non, pardon, je suis sûr que vous vous trompez, voyons voir votre…» Ysabell poussa la porte. C’était, en fait, un cabinet de travail plutôt agréable, un peu sombre peut-être, sans doute décoré dans un de ses mauvais jours par un ensemblier affligé d’un mal de tête et de la manie de garnir la moindre surface plane de grands sabliers et d’un lot 99

ŕ LÀ, JE N’AI PAS BIEN SUIVI. PARLE-MOI ENCORE<br />

DES ANNONCES PSYCHIQUES, JE CROIS QUE JE<br />

COMMENCE À PIGER. » Celle-là, c’était une voix puissante,<br />

caverneuse, comme deux tas de plomb qui s’écrasent l’un contre<br />

l’autre.<br />

« Ça, c’est quand vous faites une annonce surtout pour<br />

tromper vos adversaires, mais ça risque bien sûr de poser des<br />

problèmes à votre partenaire…»<br />

La voix de Deuxfleurs continua de radoter sur le même ton<br />

enthousiaste. Rincevent regarda d’un air désemparé Ysabell<br />

tandis qu’à travers le velours lui parvenaient les mots « couleur<br />

redemandable », « double impasse » et « grand chelem ».<br />

« Vous y comprenez quelque chose ? demanda-t-elle.<br />

ŕ Pas un traître mot, répondit-il.<br />

ŕ Ça paraît affreusement compliqué. »<br />

De l’autre côté de la porte, la voix puissante lança : « T’AS<br />

BIEN DIT QUE LES HUMAINS JOUAIENT À ÇA POUR<br />

S’AMUSER ?<br />

ŕ Certains sont très forts à ce jeu, oui. Je ne suis qu’un<br />

amateur, je le crains.<br />

ŕ MAIS ILS NE VIVENT QUE QUATRE-VINGTS OU<br />

QUATRE-VINGT-DIX ANS !<br />

ŕ Tu es bien placé pour le savoir, Mortemar, fit une voix que<br />

Rincevent n’avait pas encore entendue et ne souhaitait certes<br />

pas réentendre, surtout après le crépuscule.<br />

— Vraiment, c’est tout à fait… fascinant.<br />

ŕ REDISTRIBUE LES CARTES, ON VA VOIR SI J’AI PIGE.<br />

ŕ Vous croyez qu’on doit entrer ? » demanda Ysabell.<br />

Une voix derrière la porte fit : « JE DEMANDE… LE VALET<br />

DE TRIONYX.<br />

ŕ Non, pardon, je suis sûr que vous vous trompez, voyons<br />

voir votre…»<br />

Ysabell poussa la porte.<br />

C’était, en fait, un cabinet de travail plutôt agréable, un peu<br />

sombre peut-être, sans doute décoré dans un de ses mauvais<br />

jours par un ensemblier affligé d’un mal de tête et de la manie<br />

de garnir la moindre surface plane de grands sabliers et d’un lot<br />

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