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26.06.2013 Views

ŕ Eh ben, vous avez peut-être envie de savoir quand planter vos cultures, dit Belafon qui transpirait un peu, ou bien… ŕ Je peux vous prêter mon almanach, si vous voulez, proposa Deuxfleurs. ŕ Almanach ? ŕ Un livre qui dit quel jour on est, expliqua Rincevent d’un ton las. Vous devriez pourtant connaître ça, c’est comme qui dirait du dolmen public. » Belafon se raidit. « Un livre ? Comment ça ? Avec du papier ? ŕ Oui. ŕ À moi, ça ne me paraît pas très fiable, jeta fielleusement le druide. Comment un livre peut-il savoir quel jour on est ? Le papier, ça ne sait pas compter. » Il gagna en frappant du pied l’avant du rocher qui tangua d’une manière alarmante. Rincevent déglutit avec peine et fit signe à Deuxfleurs de s’approcher. « As-tu déjà entendu parler de choc culturel ? siffla-t-il. ŕ C’est quoi ? ŕ C’est ce qui arrive quand des gens passent cinq cents ans à essayer de faire correctement marcher un cercle de pierre et que débarque un type en possession d’un petit bouquin dont chaque page est consacrée à un jour et délivre des boniments ridicules du genre : « Le moment est venu de planter des fèves », ou « Se coucher tôt, se lever à l’aurore assure santé, richesse et mort », et sais-tu ce que le plus important à retenir sur le choc culturel… (Rincevent marqua une pause afin de reprendre son souffle puis remua les lèvres en silence pour retrouver la fin de sa phrase) c’est ? conclut-il. ŕ Quoi donc ? ŕ N’engueule pas le gars qu’est aux commandes d’un rocher de mille tonnes. » * « Il est parti ? » Trymon jeta un coup d’œil prudent par-dessus les créneaux de la Tour de l’Art, la grande flèche à la maçonnerie effritée qui 60

surplombait l’Université de l’Invisible. Le paquet d’étudiants et de professeurs, en bas, opina d’une seule tête. « Vous êtes sûrs ? » L’économe mit ses mains en porte-voix et brailla : « Il a défoncé la porte du Centre et s’est échappé il y a une heure, monsieur. ŕ Erreur, dit Trymon. Lui est parti, nous nous sommes échappés. Bon, je vais descendre, alors. Il a eu quelqu’un ? » L’économe déglutit. Ce n’était pas un mage, rien qu’un brave bonhomme qui aurait mieux fait de ne pas tomber sur le spectacle dont il avait été témoin une heure plus tôt. Bien sûr, il n’était pas rare de voir de petits démons, des lumières de couleur et divers produits semi-matérialisés de l’imagination déambuler sur le campus, mais quelque chose dans la charge implacable du Bagage l’avait démoralisé. Vouloir arrêter le coffre, ç’aurait été comme essayer de se colleter avec un glacier. « Il a avalé le doyen du Programme d’Études générales, monsieur », hurla-t-il. Le visage de Trymon s’éclaira. « Le malheur des uns…» murmura-t-il. Il entama la longue descente de l’escalier en spirale. Au bout d’un moment, ses lèvres s’étrécirent en un mince sourire. Pas de doute, la journée virait à l’embellie. Un gros travail d’organisation l’attendait. Et s’il y avait quelque chose dont raffolait Trymon, c’était organiser. * Le rocher franchit en piqué les hautes plaines, fit voler la neige des congères qu’il rasa de quelques décimètres seulement. Belafon se précipitait de droite et de gauche, barbouillait de la pommade de gui par-ci, traçait à la craie une rune par-là ; Rincevent se recroquevillait de terreur et d’épuisement pendant que Deuxfleurs s’inquiétait pour son Bagage. « Là ! Devant ! cria le druide par-dessus le bruit des remous d’air. Regardez ! Le grand ordinateur des cieux ! » Rincevent risqua un œil entre ses doigts. Sur la lointaine ligne d’horizon se dressait un immense ensemble de blocs gris 61

ŕ Eh ben, vous avez peut-être envie de savoir quand planter<br />

vos cultures, dit Belafon qui transpirait un peu, ou bien…<br />

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proposa Deuxfleurs.<br />

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ŕ Un livre qui dit quel jour on est, expliqua Rincevent d’un<br />

ton las. Vous devriez pourtant connaître ça, c’est comme qui<br />

dirait du dolmen public. »<br />

Belafon se raidit. « Un livre ? Comment ça ? Avec du papier ?<br />

ŕ Oui.<br />

ŕ À moi, ça ne me paraît pas très fiable, jeta fielleusement le<br />

druide. Comment un livre peut-il savoir quel jour on est ? Le<br />

papier, ça ne sait pas compter. »<br />

Il gagna en frappant du pied l’avant du rocher qui tangua<br />

d’une manière alarmante. Rincevent déglutit avec peine et fit<br />

signe à Deuxfleurs de s’approcher.<br />

« As-tu déjà entendu parler de choc culturel ? siffla-t-il.<br />

ŕ C’est quoi ?<br />

ŕ C’est ce qui arrive quand des gens passent cinq cents ans à<br />

essayer de faire correctement marcher un cercle de pierre et que<br />

débarque un type en possession d’un petit bouquin dont chaque<br />

page est consacrée à un jour et délivre des boniments ridicules<br />

du genre : « Le moment est venu de planter des fèves », ou « Se<br />

coucher tôt, se lever à l’aurore assure santé, richesse et mort »,<br />

et sais-tu ce que le plus important à retenir sur le choc culturel…<br />

(Rincevent marqua une pause afin de reprendre son souffle puis<br />

remua les lèvres en silence pour retrouver la fin de sa phrase)<br />

c’est ? conclut-il.<br />

ŕ Quoi donc ?<br />

ŕ N’engueule pas le gars qu’est aux commandes d’un rocher<br />

de mille tonnes. »<br />

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Trymon jeta un coup d’œil prudent par-dessus les créneaux<br />

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