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26.06.2013 Views

l’extrême limite de l’audible, l’horrible pépiement des créatures de la Basse-Fosse. Comme beaucoup d’autres sections de l’Université de l’Invisible, la bibliothèque occupait plus de place que ses dimensions extérieures ne le laissaient supposer, parce que la magie distord l’espace d’étranges manières et que c’était probablement la seule bibliothèque de l’univers pourvue d’étagères de Möbius. Mais le catalogue mental du bibliothécaire fonctionnait parfaitement, quoique au ralenti. Il s’arrêta près d’une pile élancée de livres moisis et se hissa dans l’obscurité. Il y eut un froissement de papier, et un nuage de poussière s’abattit sur Trymon. Puis le bibliothécaire revint, un mince volume dans les mains. « Oook », fit-il. Trymon s’en saisit délicatement. La couverture était éraflée et cornée de partout, l’or du titre s’était depuis longtemps recroquevillé avant de disparaître, mais il parvint à déchiffrer, dans l’ancienne langue magique de la vallée Tsort, les mots : Ly Gryand Teymple dy Tsort, yne hyistoyre myistiquye. « Oook ? » questionna le bibliothécaire, anxieux. Trymon tourna les pages avec précaution. Il n’était pas très doué dans les langues, il avait toujours vu en elles un moyen de communication inefficace qu’on aurait dû en toute justice remplacer par une sorte de système numérique facile à comprendre, mais le livre semblait exactement ce qu’il cherchait. Des pages entières étaient couvertes d’hiéroglyphes éloquents. « C’est le seul livre que vous avez sur la pyramide de Tsort ? demanda-t-il lentement. ŕ Oook. ŕ Vous êtes sûr ? ŕ Oook. » Trymon écouta. Il entendait au loin des bruits de pas et de discussions qui approchaient. Mais pour ça non plus, il n’était pas venu les mains vides. Il fouilla dans sa poche. « Une autre banane ? » proposa-t-il. 30

* La forêt de Skund était véritablement enchantée, ce qui n’avait rien d’inhabituel sur le Disque, et la seule de tout l’univers qu’on appelait Ŕ dans l’idiome local : « Ton-Doigt, Crétin », traduction littérale du mot « Skund ». La raison en est d’une navrante banalité. Lorsque les premiers explorateurs des pays chauds riverains de la mer Circulaire s’aventurèrent dans le froid de l’arrière-pays pour compléter les espaces blancs de leurs cartes, ils sautaient sur le premier indigène venu, désignaient au loin un point de repère, demandaient ce que c’était d’une voix forte et claire et notaient ce que leur répondait l’homme stupéfait. Ainsi restèrent immortalisés dans des générations d’atlas des bizarreries géographiques telles que « Rien-qu’une-Montagne », « Je-Sais- Pas », « Quoi ? » et bien entendu « Ton-Doigt, Crétin ». Des nuages de pluie se rassemblaient autour des hauteurs dénudées du mont Oolskunrahod (Quel-est-ce-Crétin- Incapable-de-Reconnaître-une-Montagne), et le Bagage s’installa plus commodément sous un arbre dégouttant d’eau qui tenta en vain d’engager la conversation. Deuxfleurs et Rincevent se disputaient. Le motif de leur dispute se tenait assis sur son champignon et les observait avec intérêt. Il avait l’air de quelqu’un qui sentait comme quelqu’un qui vivait dans un champignon, et ça tracassait Deuxfleurs. « Dis, pourquoi il n’a pas de chapeau rouge ? » Rincevent hésita, cherchant désespérément à deviner où Deuxfleurs voulait en venir. « Quoi ? renonça-t-il. ŕ Il devrait porter un chapeau rouge, dit Deuxfleurs. Il devrait sûrement aussi être plus propre et bien plus joyeux drille que ça. Pour moi, il ne ressemble à aucune espèce de gnome. ŕ Qu’est-ce que tu me chantes ? ŕ Regarde-moi cette barbe, dit Deuxfleurs, bourru. J’en ai vu de plus belles sur des morceaux de fromage. 31

l’extrême limite de l’audible, l’horrible pépiement des créatures<br />

de la Basse-Fosse.<br />

Comme beaucoup d’autres sections de l’Université de<br />

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dimensions extérieures ne le laissaient supposer, parce que la<br />

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probablement la seule bibliothèque de l’univers pourvue<br />

d’étagères de Möbius. Mais le catalogue mental du<br />

bibliothécaire fonctionnait parfaitement, quoique au ralenti. Il<br />

s’arrêta près d’une pile élancée de livres moisis et se hissa dans<br />

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mince volume dans les mains.<br />

« Oook », fit-il.<br />

Trymon s’en saisit délicatement.<br />

La couverture était éraflée et cornée de partout, l’or du titre<br />

s’était depuis longtemps recroquevillé avant de disparaître, mais<br />

il parvint à déchiffrer, dans l’ancienne langue magique de la<br />

vallée Tsort, les mots : Ly Gryand Teymple dy Tsort, yne<br />

hyistoyre myistiquye.<br />

« Oook ? » questionna le bibliothécaire, anxieux.<br />

Trymon tourna les pages avec précaution. Il n’était pas très<br />

doué dans les langues, il avait toujours vu en elles un moyen de<br />

communication inefficace qu’on aurait dû en toute justice<br />

remplacer par une sorte de système numérique facile à<br />

comprendre, mais le livre semblait exactement ce qu’il<br />

cherchait. Des pages entières étaient couvertes d’hiéroglyphes<br />

éloquents.<br />

« C’est le seul livre que vous avez sur la pyramide de Tsort ?<br />

demanda-t-il lentement.<br />

ŕ Oook.<br />

ŕ Vous êtes sûr ?<br />

ŕ Oook. »<br />

Trymon écouta. Il entendait au loin des bruits de pas et de<br />

discussions qui approchaient. Mais pour ça non plus, il n’était<br />

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Il fouilla dans sa poche.<br />

« Une autre banane ? » proposa-t-il.<br />

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