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26.06.2013 Views

« Je vais jeter un coup d’œil, alors ? fit-il. ŕ Oui. ŕ Là-bas, dans le sous-bois touffu et sombre ? ŕ Un très bon coin, chûrement. ŕ Au milieu de toutes ces ravines et de ces machins profonds, vous voulez dire ? ŕ L’emplachement idéal, à mon avis. ŕ Oui, c’est ce que je pensais », fit Rincevent avec aigreur. Il se mit en route en se demandant comment on attirait les oignons. Après tout, se dit-il, ce n’est pas parce qu’on les voit pendus en chapelets aux étals des marchés qu’ils poussent comme ça, peut-être que les paysans ou je ne sais qui se servent de chiens oignoniers, ou qu’ils chantent des chansons pour les attirer. Les premières étoiles s’étaient levées lorsqu’il se mit à fureter au hasard dans les feuilles et dans l’herbe. Des champignons vénéneux lumineux, désagréablement organiques et à l’allure de conseillères conjugales pour gnomes, giclaient sous ses pieds. De petits bitonios volants le piquaient. D’autres, heureusement invisibles, se défilaient d’un bond ou d’un glissement sous les buissons d’où ils lui lançaient des coassements réprobateurs. « Oignons ? chuchota Rincevent. Où êtes-vous, les oignons ? ŕ Il y en a un carré à côté du vieil if, fit une voix près de lui. ŕ Ah, dit le mage. Bien. » Un long silence suivit, seulement troublé par le bourdonnement des moustiques aux oreilles de Rincevent. Il restait debout, parfaitement immobile. Il n’avait même pas bougé les yeux. Il finit par dire : « Excusez-moi. ŕ Oui ? ŕ Lequel c’est, l’if ? ŕ Le petit tordu qui a des aiguilles vert foncé. ŕ Oh, oui. Je le vois. Encore merci. » Il resta immobile. À la longue, la voix demanda, sur le ton de la conversation : « Je peux faire autre chose pour vous ? ŕ Vous n’êtes pas un arbre, hein ? fit Rincevent, le regard toujours fixé droit devant lui. 116

ŕ Ne soyez pas ridicule. Les arbres ne parlent pas. ŕ Pardon. Mais j’ai eu quelques problèmes avec des arbres ces derniers temps, vous savez ce que c’est. ŕ Pas vraiment. Je suis un rocher. » La voix de Rincevent s’altéra à peine. « Bien, bien, dit-il lentement. Bon, je vais aller chercher ces oignons, alors. ŕ Bon appétit. » Il marcha devant lui d’un pas prudent et digne, repéra une touffe de choses blanches fibreuses blotties dans le sous-bois, les déterra avec précaution et se retourna. Il y avait un rocher un peu plus loin. Mais les rochers étaient légion dans ces parages où les os du Disque affleuraient le sol. Il observa attentivement l’if, pour savoir si c’était lui qui avait parlé. Mais l’if, plutôt solitaire, n’avait jamais entendu le nom de Rincevent le sauveur arboricole, et de toute façon il dormait. « Si c’est toi, Deuxfleurs, je t’ai reconnu tout de suite », dit Rincevent. Sa voix lui parut soudain claire et très isolée dans le jour finissant. Rincevent se rappela le seul détail qu’il connaissait avec certitude sur les trolls : exposés à la lumière solaire, ils se pétrifiaient, si bien que ceux qui les employaient à des taches diurnes dépensaient des fortunes en crèmes protectrices. Mais maintenant qu’il y pensait, nulle part on ne disait ce qui leur arrivait une fois le soleil recouché… La dernière trace de jour s’effaça du paysage. On aurait dit soudain qu’il y avait beaucoup de rochers dans le secteur. * « Il en met du temps avec ses oignons, fit Deuxfleurs. Vous ne croyez pas qu’on devrait aller voir ? ŕ Les chorchiers chavent che débrouiller tout cheuls, dit Cohen. Te tracache pas. » Il tressaillit. Bethan lui coupait les ongles de pieds. « À vrai dire, il n’est pas terrible comme mage, reprit Deuxfleurs qui se rapprocha du feu. Je ne dirais pas ça devant 117

ŕ Ne soyez pas ridicule. Les arbres ne parlent pas.<br />

ŕ Pardon. Mais j’ai eu quelques problèmes avec des arbres<br />

ces derniers temps, vous savez ce que c’est.<br />

ŕ Pas vraiment. Je suis un rocher. »<br />

La voix de Rincevent s’altéra à peine.<br />

« Bien, bien, dit-il lentement. Bon, je vais aller chercher ces<br />

oignons, alors.<br />

ŕ Bon appétit. »<br />

Il marcha devant lui d’un pas prudent et digne, repéra une<br />

touffe de choses blanches fibreuses blotties dans le sous-bois,<br />

les déterra avec précaution et se retourna.<br />

Il y avait un rocher un peu plus loin. Mais les rochers étaient<br />

légion dans ces parages où les os du <strong>Dis</strong>que affleuraient le sol.<br />

Il observa attentivement l’if, pour savoir si c’était lui qui<br />

avait parlé. Mais l’if, plutôt solitaire, n’avait jamais entendu le<br />

nom de Rincevent le sauveur arboricole, et de toute façon il<br />

dormait.<br />

« Si c’est toi, Deuxfleurs, je t’ai reconnu tout de suite », dit<br />

Rincevent. Sa voix lui parut soudain claire et très isolée dans le<br />

jour finissant.<br />

Rincevent se rappela le seul détail qu’il connaissait avec<br />

certitude sur les trolls : exposés à la lumière solaire, ils se<br />

pétrifiaient, si bien que ceux qui les employaient à des taches<br />

diurnes dépensaient des fortunes en crèmes protectrices.<br />

Mais maintenant qu’il y pensait, nulle part on ne disait ce qui<br />

leur arrivait une fois le soleil recouché…<br />

La dernière trace de jour s’effaça du paysage. On aurait dit<br />

soudain qu’il y avait beaucoup de rochers dans le secteur.<br />

*<br />

« Il en met du temps avec ses oignons, fit Deuxfleurs. Vous<br />

ne croyez pas qu’on devrait aller voir ?<br />

ŕ Les chorchiers chavent che débrouiller tout cheuls, dit<br />

Cohen. Te tracache pas. » Il tressaillit. Bethan lui coupait les<br />

ongles de pieds.<br />

« À vrai dire, il n’est pas terrible comme mage, reprit<br />

Deuxfleurs qui se rapprocha du feu. Je ne dirais pas ça devant<br />

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