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Jean Massart - La Presse Clandestine dans la Belgique Occupee

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On nous renvoie ensuite <strong>dans</strong> les batiments de Moret. Nous sommes alors environ 700, car a nous ont ete<br />

joints: 1 deg. les habitants de Sorinne qui s'etaient enfuis <strong>la</strong> veille quand on avait tire les coups de canon, et<br />

qui s'etaient caches pendant <strong>la</strong> nuit <strong>dans</strong> les bois et <strong>dans</strong> les haies, mais avaient ete rattrapes le matin; 2 deg.<br />

des habitants de Gemechenne, des Fonds−de−Bouvigne et d'autres hameaux du voisinage, ainsi que deux<br />

Peres premontres de l'abbaye de Leffe, qui sont, je crois, des Ang<strong>la</strong>is.<br />

Quoiqu'on nous eut fouilles <strong>la</strong> veille au soir, et qu'on se fut assure que nous n'avions pas d'armes, les fenetres<br />

et les portes durent rester fermees pendant cette journee extremement etouffante. Ceux d'entre nous qui<br />

devaient sortir pour un besoin etaient accompagnes de soldats, baionnette au canon. Nous sommes restes<br />

enfermes ainsi, sans boire et sans manger, jusqu'au samedi soir 22 aout. Alors nous avons recu chacun un petit<br />

morceau de viande, a moitie crue, provenant d'un cochon qu'on venait de tuer.<br />

Le 22 aout, vers 22 heures, on nous fit tous descendre, et on nous dit que nous allions etre emmenes. En meme<br />

temps on commencait a mettre le feu au vil<strong>la</strong>ge. Nous sommes partis en cinq groupes:<br />

Premier groupe: les femmes ayant de petits enfants, <strong>dans</strong> des chariots conduits et escortes par des soldats;<br />

Deuxieme groupe: les enfants de sept a treize ou quatorze ans, a pied;<br />

Troisieme groupe: les jeunes filles et les femmes non accompagnees de petits enfants;<br />

Quatrieme groupe: les vieil<strong>la</strong>rds;<br />

<strong>La</strong> <strong>Presse</strong> <strong>C<strong>la</strong>ndestine</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Belgique</strong> <strong>Occupee</strong><br />

Cinquieme groupe: les hommes. Ceux−ci ont du marcher, en zigzag sur <strong>la</strong> chaussee, les bras et <strong>la</strong> tete leves.<br />

Des qu'on <strong>la</strong>issait retomber les mains, on recevait des coups de crosse. Le cure et le bourgmestre, M. le baron<br />

de Villenfagne, avaient les mains liees derriere le dos. C'etait surtout a ceux−ci et aux deux Peres b<strong>la</strong>ncs de<br />

Leffe qu'on en vou<strong>la</strong>it. On pretendait que c'etaient eux qui avaient organise les attaques de “francs−tireurs”<br />

(notez que pas un civil n'avait tire un coup de feu), et on menacait a chaque instant de les fusiller. A droite et a<br />

gauche marchaient des soldats. De temps en temps les officiers tiraient <strong>dans</strong> <strong>la</strong> nuit des coups de revolver et<br />

accusaient aussitot les hommes d'avoir tire. Or ils ne nous avaient pas meme <strong>la</strong>isse une clef.<br />

Le dimanche 23, apres trois ou quatre heures de marche, au milieu de <strong>la</strong> nuit, on arrive a Leignon. Les chariots<br />

retournent aussitot a Sorinne pour prendre trois ma<strong>la</strong>des incapables de marcher, notamment un vieil<strong>la</strong>rd,<br />

Joseph Hardy, qui mourut le lendemain. Ces ma<strong>la</strong>des avaient passe <strong>la</strong> nuit en plein air a Sorinne. Parmi eux se<br />

trouvait Emile Haulo, qui s'etait blesse et ne pouvait pas marcher. A Leignon les Allemands l'enleverent du<br />

chariot et le jeterent a l'entree de l'eglise, puis lui ordonnerent d'y entrer; comme il ne marchait pas assez vite a<br />

leur gre, ils lui percerent <strong>la</strong> cuisse d'un coup de baionnette.<br />

Nous sommes restes <strong>dans</strong> l'eglise de Leignon, couches sur <strong>la</strong> paille, jusqu'au 1er septembre. Deux autres<br />

d'entre nous y sont morts: un petit enfant, Emile Gauthier, et un vieil<strong>la</strong>rd, Michel Monin. Pendant ces neuf<br />

jours, les sentinelles qui etaient avec nous <strong>dans</strong> l'eglise tiraient de temps en temps, toujours pendant <strong>la</strong> nuit,<br />

des coups de fusil pour nous effrayer; ils menacaient alors de tuer tout le monde, en commencant par le cure,<br />

les Peres b<strong>la</strong>ncs et le bourgmestre. Le cure, les mains liees derriere le dos, avait ete jete <strong>dans</strong> un confessionnal;<br />

on le tirait de <strong>la</strong>, plusieurs fois certains jours, pour le cravacher devant ses paroissiens.<br />

On nous apportait des pommes de terre cuites, mais le cure ne recevait rien; nous le nourrissions en cachette;<br />

il fal<strong>la</strong>it lui mettre les pommes de terre <strong>dans</strong> <strong>la</strong> bouche, car on ne lui delia jamais les mains.<br />

A plusieurs reprises, on fit mettre tous les hommes d'un cote de l'eglise et les femmes de l'autre, puis on<br />

amenait le cure, le bourgmestre et les deux Premontres, pour les fusiller. On les battait, puis on renvoyait<br />

l'execution a plus tard. Le cure et le bourgmestre avaient le corps tout, bleu de meurtrissures.<br />

1. Quelques exemples d'inhumanite. 151

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