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Jean Massart - La Presse Clandestine dans la Belgique Occupee

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Heureusement que beaucoup de fils et de maris sont partis avec l'armee et combattent sur l'Yser. Singuliere<br />

guerre, ou ceux qui sont soldats sont moins exposes que les trop jeunes, les trop vieux et les infirmes, restes a<br />

<strong>la</strong> maison.<br />

Il n'y a donc plus guere <strong>dans</strong> les Fonds−de−Leffe que des femmes et des enfants. Nous vivons comme nous<br />

pouvons <strong>dans</strong> les maisons saccagees, dont les portes et les fenetres, fracturees par les Allemands, ont ete<br />

reparees tant bien que mal a l'aide de p<strong>la</strong>nches et de cartons bitumes.<br />

<strong>La</strong> fabrique est rouverte, et j'y ai du travail trois jours toutes les deux semaines. Grace au Comite national de<br />

secours et d'alimentation, et au Comite dinantais qui s'est constitue a Bruxelles, nous avons de <strong>la</strong> soupe, du<br />

pain, des vetements, du charbon. Tout le monde est miserable, mais personne n'est mort de faim.<br />

Bien plus a p<strong>la</strong>indre sont nos enfants qui ont assiste au massacre d'aout. Presque chaque nuit ma petite<br />

s'eveille en criant: “Maman, sauvons−nous, ils viennent de nouveau tuer papa, bon−papa et les oncles!”<br />

A Sorinne, pres de Dinant.<br />

<strong>La</strong> <strong>Presse</strong> <strong>C<strong>la</strong>ndestine</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Belgique</strong> <strong>Occupee</strong><br />

Les Allemands sont arrives chez nous le 14 aout au debut de l'apres−midi, par Foy−Notre−Dame.<br />

Le 15, ils sont alles combattre sur les hauteurs qui couronnent Dinant; vers 16 heures ils sont revenus furieux<br />

et affames. Ils exigeaient a boire et a manger, mais n'attendaient pas qu'on le leur donnat; ils fracturaient les<br />

portes et les fenetres pour penetrer plus vite <strong>dans</strong> les maisons. Ils ne <strong>la</strong>isserent pas <strong>la</strong> plus petite croute de pain<br />

ni le moindre bout de <strong>la</strong>rd <strong>dans</strong> le vil<strong>la</strong>ge. Quand tout fut mange ils tuerent les porcs, les vaches, les poules.<br />

Bref le vil<strong>la</strong>ge fut totalement devalise. Ce<strong>la</strong> dura jusqu'au jeudi 20.<br />

Le 20, ils combattirent du cote de Thynes et d'Awagne, mais ils furent repousses. Ils revinrent l'apres−midi, de<br />

nouveau furieux. Vers 17 heures, nous avons entendu deux (ou trois) coups de canon, tires tout pres du<br />

vil<strong>la</strong>ge. Une demi−heure apres, quelques soldats entraient brusquement <strong>dans</strong> chaque maison et commandaient<br />

a tout le monde de sortir. Ils ne nous <strong>la</strong>isserent pas le temps de mettre un chapeau ou des souliers; il fal<strong>la</strong>it s'en<br />

aller tel qu'on etait. Pas un vil<strong>la</strong>geois ne resta <strong>dans</strong> une maison. Nous fumes tous conduits chez Moret,<br />

marchand de betail, ou nous fumes enfermes <strong>dans</strong> les ecuries, les granges, les hangars, les greniers.<br />

Le soir, on nous fit sortir et on nous aligna tous, hommes, femmes, enfants, vieil<strong>la</strong>rds, contre un mur; puis ils<br />

amenerent notre cure, les mains liees derriere le dos. Il nous dit: “Mes chers paroissiens, nous allons tous etre<br />

fusilles demain matin. Faisons un acte de contrition. Ceux qui auront <strong>la</strong> chance d'echapper feront plus tard une<br />

confession complete.”<br />

Puis on nous fit rentrer <strong>dans</strong> les batiments de Moret ou nous avons passe <strong>la</strong> nuit. On nous fouil<strong>la</strong> pour<br />

chercher des armes, qu'on ne trouva pas, mais on nous prit tous les objets durs que nous avions sur nous,<br />

jusqu'a nos clefs.<br />

Le 2l, vers 9 heures du matin, nous fumes de nouveau alignes contre le mur. En face de nous il y avait des<br />

milliers de soldats. <strong>La</strong> haie avait ete coupee sur l'autre cote de <strong>la</strong> route, et <strong>dans</strong> <strong>la</strong> prairie des mitrailleuses<br />

etaient braquees vers nous. Un aumonier allemand, par<strong>la</strong>nt le francais, passa devant nous et serra <strong>la</strong> main aux<br />

hommes.<br />

Puis un colonel arrive et dit en francais que pour avoir tire sur les troupes allemandes, nous meritons d'etre<br />

tous fusilles; mais que nous serons seulement emmenes prisonniers en Ardenne. Il ajoute que nous serons<br />

dorenavant tous pauvres et malheureux (nous n'avons pas compris alors ce qu'il vou<strong>la</strong>it dire).<br />

1. Quelques exemples d'inhumanite. 150

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