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Jean Massart - La Presse Clandestine dans la Belgique Occupee

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<strong>La</strong> <strong>Presse</strong> <strong>C<strong>la</strong>ndestine</strong> <strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Belgique</strong> <strong>Occupee</strong><br />

on s'arrange tout au moins pour qu'elles soient <strong>dans</strong> le voisinage immediat et qu'elles ne perdent rien des<br />

supplications des hommes, des jurons des officiers et des feux de peloton qui abattent les victimes.<br />

Mon pere et ma mere, ma soeur, mon beau−frere et leurs enfants s'etaient refugies chez nous. Tout a coup les<br />

soldats entrent et ordonnent a mon mari, a mon pere et a mon beau−frere de les suivre; on les ajoute a un<br />

groupe de quatre autres hommes et on les conduit contre le moulin de M'me Coppee. Nous avons entendu les<br />

cris pousses par les malheureux; chacune de nous reconnaissait <strong>la</strong> voix de son mari ou de son pere. Puis les<br />

coups de feu: des gemissements inarticules; encore quelques coups de fusil. C'etait fini.<br />

Nous etions serrees les unes contre les autres, tremb<strong>la</strong>ntes, sans parler, sans pleurer. On a alors amene quatre<br />

autres hommes, parmi lesquels j'ai vu un frere de mon mari; il s'etait cache depuis le matin <strong>dans</strong> une hutte sur<br />

le coteau boise a gauche des Fonds−de−Leffe; mais les Allemands ont avec eux des chiens dresses a <strong>la</strong> chasse<br />

a l'homme, qui vont depister les fuyards. Quelques instants apres, des detonations nous disaient que le<br />

supplice etait accompli.<br />

Puis nous avons ete trainees, avec une centaine de femmes et d'enfants, <strong>dans</strong> le moulin de Mme Coppee. Nous<br />

avons du passer aupres des fusilles; on ne nous permettait pas de nous arreter; j'ai pourtant reconnu mon pere,<br />

dont le crane etait ouvert.<br />

Nous sommes restees enfermees <strong>dans</strong> le moulin, jusqu'au mercredi 26 aout, sans pouvoir sortir. On ne nous a<br />

pas donne <strong>la</strong> moindre nourriture, ni pour nous ni pour nos petits enfants. Mais quand <strong>la</strong> soif nous torturait par<br />

trop, on al<strong>la</strong>it chercher pour nous de l'eau du ruisseau, de l'eau toute sale. Plusieurs fois, pendant ces quatre<br />

jours, les soldats apporterent de <strong>la</strong> paille devant les fenetres, et y mettaient le feu, pour nous bruler vives,<br />

disaient−ils. D'ailleurs, le dimanche, les officiers nous avaient deja averties que si on ne reussissait pas a<br />

chasser les Francais de Dinant, nous serions toutes fusillees.<br />

Apres nous avoir enfermees <strong>dans</strong> le moulin, les soldats descendent plus bas <strong>dans</strong> <strong>la</strong> vallee et continuent a<br />

capturer tous les hommes pour les fusiller. Ils pillent a fond toutes les maisons. Ils mettent aussi le feu, <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />

rangee de trente−trois habitations, aux dix maisons les plus proches de nous. S'ils n'allument pas les autres,<br />

c'est qu'ils se sont rendu compte qu'en agissant ainsi, ils interceptaient toute communication entre les<br />

Fonds−de−Leffe et Dinant <strong>dans</strong> <strong>la</strong> vallee de <strong>la</strong> Meuse, puisque les Fonds−de−Leffe sont tellement etroits qu'il<br />

n'y aurait pas eu moyen de passer a cote des maisons en f<strong>la</strong>mmes.<br />

L'apres−midi de ce meme jour, le dimanche 23, les Allemands avaient fait venir huit hommes de Dinant pour<br />

enterrer les fusilles des Fonds−de−Leffe. Le soir, les soldats ordonnent a ces huit hommes de creuser chacun<br />

une fosse, puis ils en fusillent quatre et les font enterrer par leurs quatre compagnons; ils se preparent a fusiller<br />

aussi ces survivants, lorsqu'un officier qui passe leur fait grace, a <strong>la</strong> condition que les jours suivants ils<br />

continueront a enterrer les cadavres.<br />

Le dimanche soir, les Allemands avaient donc fusille, sans aucune exception, tous les hommes qu'ils s'etaient<br />

procures <strong>dans</strong> les Fonds−de−Leffe. Mais il en restait quelques−uns de caches, que les chiens n'avaient pas pu<br />

decouvrir. Le lendemain lundi on en trouva dix−sept. Ceux−ci furent amenes sur le talus pres de <strong>la</strong> Cliche de<br />

Bois, un cabaret a l'entree de <strong>la</strong> ville, en face de l'abbaye des Premontres. Un officier les p<strong>la</strong>ca devant un<br />

peloton de soldats et commanda le feu. Mais <strong>la</strong> plupart des soldats tirerent en l'air; les hommes, croyant se<br />

sauver, se <strong>la</strong>isserent tous tomber et firent le mort. Seulement, l'officier avait remarque <strong>la</strong> supercherie. Il fit<br />

avancer une mitrailleuse. Puis il dit a haute voix en francais que ceux qui n'etaient pas morts pouvaient s'en<br />

aller, qu'on ne leur ferait plus de mal. A peine se furent−ils releves que <strong>la</strong> mitrailleuse les faucha.<br />

Le dimanche matin, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion des Fonds−de−Leffe comprenait 251 hommes et garcons. Le lundi soir 243<br />

avaient ete fusilles. Aucun de ceux qu'on avait pris n'avait ete epargne. Les huit qui ont echappe au massacre<br />

avaient reussi a s'enfuir et ils ne sont revenus que longtemps apres.<br />

1. Quelques exemples d'inhumanite. 149

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