Dossier de presse - FTA

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26.06.2013 Views

ENTRETIEN AVEC ESTELLE CLARETON S’envoler s’ancre dans un questionnement sur votre statut d’immigrante. Comment cela se traduit-il concrètement dans la pièce ? Cela se traduit physiquement. Je suis partie de mon dilemme entre vivre au Québec, où je suis devenue artiste et où j’ai construit ma vie, ou vivre en France, où se trouvent mes racines et ma famille, et j’ai travaillé sur ce tiraillement et sur la difficulté de choisir. On a créé beaucoup de matériel en jouant sur des impulsions immédiatement contrariées par d’autres impulsions et j’avais donné la consigne aux danseurs de ne jamais arriver à une forme. Alors ça a créé une danse ambivalente, tout en tension, qui va en avant, en arrière, qui tire dans tous les sens. Cette pièce, qui est la cinquième de la série des FURIES, ne porte pas la charge dramatique ni la noirceur des œuvres précédentes. Est-ce un virage radical ? C’est une pièce qui encourage la joie dans une période plutôt sombre, où il est sans doute plus dur de cultiver la joie que le désespoir. Mais ce n’est pas un virage radical. Chaque création est une pièce du puzzle et celle-ci s’inscrit dans une continuité. J’ai l’impression qu’elle a quelque chose de plus adulte, de plus assumé. Je me détache du désir de dire des choses claires, ce qui me donne beaucoup de liberté. Je délaisse par exemple les situations théâtrales au profit d’une théâtralité plus corporelle. Mais la grande différence avec ce projet-ci, c’est que j’ai fait entrer les danseurs dans mon univers plutôt que de m’inspirer de leur intimité comme je le fais généralement. Comme ils sont 12, j’avais besoin d’être très claire sur mes intentions pour créer une unité, mais c’est surtout qu’avec cette question du doute intérieur, je traite pour la première fois d’un rapport à moi-même plutôt que du rapport à l’autre. Au fond, c’est une pièce très intime, malgré le nombre de danseurs. Et malgré le questionnement existentiel, elle est très ludique. Aussi, j’étais allée tellement loin dans le drame avec la série des FURIES que j’avais besoin de sortir un peu la tête de l’eau et d’être moins émotive. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si je me suis inspirée des oiseaux migrateurs pour traduire mon questionnement : les oiseaux ne sont pas émotifs, ils se servent les uns des autres pour leurs besoins personnels. Ils se collent pour avoir chaud, non pas parce qu’ils s’aiment. J’aimais bien ce détachement, cette déconnexion de l’émotion. On a regardé plein de films sur leurs mœurs et on s’est servi de toutes sortes d’images que l’on retrouve dans la pièce par petites touches, comme la maladresse de certains atterrissages qui se retrouve dans la gestuelle. Et même si la collectivité est très inspirée des comportements de ces oiseaux, plutôt que de chercher à les imiter, on a travaillé sur une qualité d’interprétation plus animale qu’humaine. DOSSIER DE PRESSE S’ENVOLER 3

Peut-on lire, dans le travail du groupe, les réminiscences d’une théâtralité à la Jean-Pierre Perreault, avec lequel vous avez fait vos premiers pas de chorégraphe ? Il a été un grand mentor et m’a beaucoup marquée avec sa théâtralité très corporelle, où les visages n’avaient rien d’expressionniste. J’ai compris à son contact qu’il fallait, comme chorégraphe, que j’arrive à faire descendre dans le corps ce que j’avais à dire. Je me souviens particulièrement d’un atelier architecture-danse où il m’avait un peu secouée pour que je ne reste pas toujours assise au même endroit, mais que je change de point de vue pour créer. À chaque création, je pense à lui, mais S’envoler n’est absolument pas une réponse à son travail. D’ailleurs, chez moi, les danseurs ont besoin les uns des autres, le groupe est rassurant et il permet des libertés ; alors que pour Jean-Pierre, le groupe tuait l’individualité, il était synonyme d’endoctrinement et d’entrave à l’épanouissement personnel. En fait, la théâtralité est surtout le résultat de l’étroite collaboration avec la dramaturge Stéphanie Jasmin qui m’accompagne depuis la première pièce de la série des FURIES. Elle m’a beaucoup aidée à préciser les univers de chaque tableau et à épurer au maximum pour ne garder que l’essentiel. Mais il y quelques éléments plus figuratifs que j’ai conservés, comme le masque de loup. Il parle d’une peur d’enfant qui rappelle la thématique des monstres présente dans toutes les FURIES et il traduit l’angoisse qu’on peut ressentir au moment du passage à l’âge adulte ou face à certains choix de vie. Propos recueillis et mis en forme par Fabienne Cabado DOSSIER DE PRESSE S’ENVOLER 4

ENTRETIEN AVEC ESTELLE CLARETON<br />

S’envoler s’ancre dans un questionnement sur votre statut d’immigrante.<br />

Comment cela se traduit-il concrètement dans la pièce ?<br />

Cela se traduit physiquement. Je suis partie <strong>de</strong> mon dilemme entre vivre au<br />

Québec, où je suis <strong>de</strong>venue artiste et où j’ai construit ma vie, ou vivre en France,<br />

où se trouvent mes racines et ma famille, et j’ai travaillé sur ce tiraillement et sur<br />

la difficulté <strong>de</strong> choisir. On a créé beaucoup <strong>de</strong> matériel en jouant sur <strong>de</strong>s<br />

impulsions immédiatement contrariées par d’autres impulsions et j’avais donné la<br />

consigne aux danseurs <strong>de</strong> ne jamais arriver à une forme. Alors ça a créé une<br />

danse ambivalente, tout en tension, qui va en avant, en arrière, qui tire dans tous<br />

les sens.<br />

Cette pièce, qui est la cinquième <strong>de</strong> la série <strong>de</strong>s FURIES, ne porte pas la charge<br />

dramatique ni la noirceur <strong>de</strong>s œuvres précé<strong>de</strong>ntes. Est-ce un virage radical ?<br />

C’est une pièce qui encourage la joie dans une pério<strong>de</strong> plutôt sombre, où il est<br />

sans doute plus dur <strong>de</strong> cultiver la joie que le désespoir. Mais ce n’est pas un<br />

virage radical. Chaque création est une pièce du puzzle et celle-ci s’inscrit dans<br />

une continuité. J’ai l’impression qu’elle a quelque chose <strong>de</strong> plus adulte, <strong>de</strong> plus<br />

assumé. Je me détache du désir <strong>de</strong> dire <strong>de</strong>s choses claires, ce qui me donne<br />

beaucoup <strong>de</strong> liberté. Je délaisse par exemple les situations théâtrales au profit<br />

d’une théâtralité plus corporelle. Mais la gran<strong>de</strong> différence avec ce projet-ci, c’est<br />

que j’ai fait entrer les danseurs dans mon univers plutôt que <strong>de</strong> m’inspirer <strong>de</strong> leur<br />

intimité comme je le fais généralement. Comme ils sont 12, j’avais besoin d’être<br />

très claire sur mes intentions pour créer une unité, mais c’est surtout qu’avec<br />

cette question du doute intérieur, je traite pour la première fois d’un rapport à<br />

moi-même plutôt que du rapport à l’autre. Au fond, c’est une pièce très intime,<br />

malgré le nombre <strong>de</strong> danseurs. Et malgré le questionnement existentiel, elle est<br />

très ludique.<br />

Aussi, j’étais allée tellement loin dans le drame avec la série <strong>de</strong>s FURIES que<br />

j’avais besoin <strong>de</strong> sortir un peu la tête <strong>de</strong> l’eau et d’être moins émotive. Ce n’est<br />

d’ailleurs pas un hasard si je me suis inspirée <strong>de</strong>s oiseaux migrateurs pour<br />

traduire mon questionnement : les oiseaux ne sont pas émotifs, ils se servent les<br />

uns <strong>de</strong>s autres pour leurs besoins personnels. Ils se collent pour avoir chaud, non<br />

pas parce qu’ils s’aiment. J’aimais bien ce détachement, cette déconnexion <strong>de</strong><br />

l’émotion. On a regardé plein <strong>de</strong> films sur leurs mœurs et on s’est servi <strong>de</strong> toutes<br />

sortes d’images que l’on retrouve dans la pièce par petites touches, comme la<br />

maladresse <strong>de</strong> certains atterrissages qui se retrouve dans la gestuelle. Et même si<br />

la collectivité est très inspirée <strong>de</strong>s comportements <strong>de</strong> ces oiseaux, plutôt que <strong>de</strong><br />

chercher à les imiter, on a travaillé sur une qualité d’interprétation plus animale<br />

qu’humaine.<br />

DOSSIER DE PRESSE S’ENVOLER 3

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