LIVRE 2005 - page rieuse - Free

Des queues-de-cochon décorent l’entrée qu’il
ouvre pour s’introduire, quittant le macadam.
Elle l’attend. Il tire un coup la cloche.
Longeant les plates-bandes, où s’étire une
chatte alanguie qui ensuite se lèche la queue
près d’un petit ru qui coule dans un bassin, il
pénètre content et monte où elle habite.
Pour qui n’a pas une grosse prébende, c’est
un petit trou pas cher, au poil. Il la trouve
qui aspire la moquette à longs poils et fait
reluire son petit intérieur. Elle lui fait bon
accueil. Il pose son baise-en-ville.
A peine se met-il les fesses sur les coussins
que la table, couverte à l’envi, se dresse. Ses
couverts sont mis dans la cuisine offerte sans
qu’on ait besoin de se la faire. D’autant plus
alléché qu’il avait sauté un repas, et même
affamé comme qui n’a mangé qu’un gland, il
est soudain pris d’une ardeur bouffante,
d’une grosse envie de pique-nique.
Elle, contente, pour qu’il connaisse la présence
des mets, même ceux qu’il n’aime pas,
narre un menu qui lui met l’eau à la bouche.
Ça fait le consensus : A l’entendre raconter
les tours de mains, on se croit maître queux,
usant du queux pour aiguiser ses instruments,
tout comme un émouleur qui émoud
à la main. Et dire, alors que sa chair est triste,
que certains osent affirmer qu’une miche de
pain sec, c’est sain pour se sustenter !
Le premier témoignage de son affection, il
faut que ce soit aux victuailles qu’elle le
demande ; elle donne avec plaisir tout ce
qu’un laquais quête en douce. Celui qui suit
son régime fécond devient éléphant obèse.
D’un geste prolongé, elle offre sur la table
son chou siliqueux, les fèves, la semoule qu’il
faut couvrir d’un couscous pas trop aqueux.
Et encore patates, carottes - elle aime pour sa
part ronger une carotte comme le fait une
lapine et lui propose la botte -, cucurbitacés
et autres belles plantes qui peuvent se faire
mettre en purée.
Alittérature 696
Ou lâchant la purée, il pouvait vouloir porter
à la bouche des fruits de la mer, des moules
à la crème ou bien des moules farcies, des
plats d’oursins, des buccins visqueux qu’on
aspire, ou même des queues d’écrevisses de
contrebande. Ou bien se repaître de bricks et
de brocolis. Diverses autres choses attendaient
pour la bonne bouche. Et les raviolis.
Et les – toujours ! – raviolis.
Ou c’est encore du gâteau, qu’elle se fait
grâce à son moule - pour mouler et remouler
– et, entre autres, le blanc de cinq œufs montés
en neige, le contenu de quelques paires
de noisettes et un mélange de chair de
pêche et de chair d’abricot fendu.
L’homme a-t-il un goût inné pour les parties
charnues des animaux d’élevage ? Un petit
boudin, les jambonneaux - qu’il écarte avec
la motte de beurre -, se proposent. - Elle
aime, pour sa part, à manger les rognons. -
Mais il préfère, lui, quand on emploie la chair
tendre pour la faire sauter. Il avise donc le
sauté qu’elle retire à peine ici du feu en prenant
sa poêle par la queue. C’est la viande
qui l’affame à s’en lécher les babines ; il veut
s’en taper une tranche. Tandis qu’elle se
contente de croquer la pomme, il engloutit le
sauté.
Qui connaît le trajet du brassin à la bière
dans ces petits flacons qu’on lampe, concupiscent,
et dont on baigne ses muqueuses ?
Elle en prit une. Que c’est bon !
Repu, il la pria - mais il la pria peu - : « Qu’on
cohabite ! - Seing, contreseing ! - Et bientôt
on se fera un petit crapoussin. »
Le sentant ainsi franchir le Rubicon, la galopine
triomphante n’opine pas si vite. Cette
bête à concours, fraîche émoulue de l’école,
prend l’air pénétré : « Tu veux mon blancseing…
Sus ! sus donc ! » Il ne dit qu’« ouille ».
Les voilà qui, grognons, divergent de la
langue.