LIVRE 2005 - page rieuse - Free

attention !) son légataire, au risque de
gésir ensuite « dans un quasi-anonymat
proche de la fosse commune. » [3]
Si on comprend ce qu’est l’extrême droite
[Voir « Fachos devant ! », p. 174], on
néglige pourtant souvent deux rôles de
Le Pen. D’abord, un rôle de rabatteur du
gibier votant effarouché vers l’Etat et les
politiciens pourtant dûment dévalorisés.
Sous couvert de républicanisme, l’électeur
ira plébisciter l’Etat RPR. Et c’est
effectivement ce qui occupera la scène
entre les deux tours de l’élection de
2002. Mais il joue aussi le rôle d'attracteur
du gibier votant rebelle à l’ordre
établi.
Le bateleur se pose en spectaculaire
héros d’une lutte contre le « système »,
dont la nébuleuse qui l’entoure fournit
pourtant moult nervis. Car il connaît le
principe capital : « C’est un pompier
pyromane. [...] Il crie au loup. Il est le
loup. » [4] « Vieux truc de l’extrême droite
: accuser l’adversaire de ses propres
tares. » [5]
Il relève donc aussi de la pseudo-négation,
avec fausse pensée et fausse alternative.
Car si Le Pen représente d’abord
la colonne vertébrale de l’Etat répressif
ET du capitalisme mafieux, il lui faut donc
se déguiser en son contraire : la dénonciation
spectaculaire de l’Etat, entrave
corrompue, et de la maffia. Le fascisme
joue ainsi le rôle spectaculaire du pôle
négatif : opposé en apparence au système
dont il fournit en fait l’armature.
Le regretté François-Xavier Verschave
pouvait alors être courroucé : « Dans ses
premières communications télévisées en
vue du second tour de l’élection présidentielle,
Jean-Marie Le Pen a montré [6]
[...] le titre et la couverture du livre “Noir
Chirac”, que je viens de publier aux
Arènes [7]. Je récuse totalement cette
instrumentalisation. [... Je] dénonçais les
racines de l’impunité de Jacques Chirac,
pour ce qu’il a commis et permis en
France et à l’étranger.
Les résultats du vote émis le 21 avril
2002 par les Français [... ne laissent] que
deux candidats : l’ami des dictateurs
néocoloniaux, associé au pillage de
l’Afrique, et un fasciste xénophobe, dont
je dénonce les complicités avec les pires
aventures mercenaires [8]. Devant une
alternative aussi atterrante, [... je] voterai
donc Chirac au second tour, parce que
la politique exige de choisir le moindre
pire. » [9] A noter sur cette exceptionnelle
utilisation d’un livre ignoré par
presque tous les médias : « Cette manipulation
[...] est caractéristique d’un projet
culturel fasciste : des livres, nous n’aurons
droit de regarder que la couverture
; pas le contenu. » [10]
[1] : (« Révélations. Le patrimoine des hommes politiques
», Capital, 12/2001, pp. 112, 114)
[2] : (Charb, Charlie Hebdo, 10/2/1993)
[3] : (« Ni pleurs ni couronne », in Les Dossiers du Canard
n° 45 « Le Pen le vrai », 10/1992, p. 47)
[4] : (Pierre Jouve et Ali Magoudi, « Les dits et les non-dits
de Jean-Marie Le Pen. Enquête et psychanalyse », La
Découverte, 2/1988, p. 72)
[5] : (« Totalitaire à terre », Le Canard enchaîné, 7/5/2002,
p. 8)
[6] : (J.T. de 13 heures, France 2, 22/4/2002)
[7] : (François-Xavier Verschave, « Noir Chirac », les
Arènes, 3/2002)
[8] : (François-Xavier Verschave, 2002, op. cit., pp. 215-
221)
[9] : (François-Xavier Verschave, « L’utilisation manipulatrice
de “Noir Chirac” par Jean-Marie Le Pen »,
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