LIVRE 2005 - page rieuse - Free

On somme des personnes, qui l’ont bien
accepté (biais de sélection notable), de
répondre séparément et à brûle-pourpoint
à des questions déjà formulées.
C’est vendu comme « Vox Populi » et ça
sert d’engrais. Bourdieu continue : « En
politique, “dire, c’est faire” [4], c’est plus
exactement, se donner les moyens de
faire en faisant croire que l’on peut faire
ce qu’on dit, en faisant connaître et
reconnaître des principes de vision et de
division du monde social qui, comme les
mots d’ordre, produisent leur propre
vérification en produisant des groupes
et, par là, un ordre social. » [3] La fonction
de prescription remplace celle de
description.
« En effet, la publication des sondages
interagit avec les réponses sollicitées [...],
comme dans les prophéties autoréalisatrices
des crises financières » [5]. L’alerte
diffusée massivement : « Vendez vite !
Les cours sont en train de s’effondrer ! »
aide grandement à faire advenir ce
qu’elle « dépeint » [6].
On peut d’ailleurs goûter la représentativité
des échantillons des personnes
interrogées et les « coefficients de redressement
» utilisés par les sondeurs.
« Hommage à la célèbre loi de Gauss,
selon laquelle une opinion donnée par
un échantillon [qui serait vraiment représentatif]
de 1 000 personnes peut être
affectée d’une marge d’erreur de
6%. » [7] « L’Ifop a sondé les Français les
6 et 7 octobre [2005] pour le compte de
“Paris Match” [8] [...] ; Ipsos a interrogés
ces mêmes Français les 7 et 8 octobre
pour “Le Point” [9] [...]. A en croire le tandem
de choc Ifop-”Paris Match”, formé
par l’institut de la cheftaine du Medef
Laurence Parisot et l’hebdo Lagardère,
Chirac gagne 8 points par rapport au
mois [… précédent]. Mais du côté de
l’Ipsos, [...] Chirac s’écroule de 9 points.
Sécurisons un peu 310
[...] Et Jospin baisse de trois points pour
l’Ipsos alors qu’il décolle de six points
pour l’Ifop ! Etc., etc. » [10]
Plus « la voix de son maître » que « la
voix du peuple », ces sondages restent
bien utiles. Pour préparer les élections
présidentielles de 2002, le « candidat
Chirac a trouvé moyen de signer des
chèques pour 572 448 euros à des instituts
de sondages et Jospin pour 627 905
euros. Ce qui fait de ce dernier le recordman
en la matière. Jean-Marie Le Pen,
lui, [n’y] a investi, en revanche, aucun
centime » [11]. Et l’arrivée possible de Le
Pen au second tour n’était tout simplement
pas prise en compte dans les sondages
communiqués au public.
The best ? « Un logiciel permettait à
chaque intervention télévisée de Jospin
ou de Chirac de connaître les réactions
d'un échantillon-test, plan par plan et
phrase par phrase : "Un truc génial,