LIVRE 2005 - page rieuse - Free

n'est [...] que déférer démocratiquement
à la demande du public souverain et lui
donner à voir ses "vraies préoccupations".
Mais comment ces préoccupations
pourraient-elles être autres quand
du matin au soir on lui présente le spectacle
d'un pays à feu et à sang ? Pour
sortir de l'antinomie entre dénégation et
surdramatisation de l'insécurité, et aussi
[... de] ce plaidoyer indigent de journalistes
s'abritant derrière la "réalité des
faits" qui "n'ont pas été inventés", il faut
[...] rappeler à une corporation manifestement
inconsciente de son propre pouvoir
tous les effets de construction de la
réalité sociale qu'emporte potentiellement
la répétition
exclusive d'une image
publique.
Il y a en France
chaque année plusieurs
centaines de
milliers d'actes délictueux,
[...] plus que
[suffisants] pour alimenter
[... des] journaux
quotidiens
exclusivement remplis
de voitures brûlées et de téléphones portables
volés. Il y a également en France
chaque année plusieurs centaines de
milliers de licenciements, et [...] matière
à remplir les mêmes journaux [... avec]
une actualité exclusivement sociale.
[... Montrer] une partie de la réalité n'est
pas montrer la réalité, et [... les images
sont] formées par sélection et toujours
selon une construction implicite. Le
cimetière des emplois détruits et des vies
brisées n'est pas moins "réel" que celui
des voitures brûlées ; [... et] bien plus
pertinent [...] dans la hiérarchie des causalités
: par des médiations certes ramifiées
et complexes [...], les vies en
miettes [... entraînent] l'anomie violente
[...]. Mais faute d'une image [diffusée],
Sécurisons un peu 262
rien de ceci ne tombe sous aucun
regard, et le plus fondamental est renvoyé
à l'inexistant… » [18] Ce n’est pas
« dans le champ » de vision, de conscience,
des spectateurs.
« "Avec tout ce qu'on voit maintenant"
est une phrase très courante, prononcée
entre autres, aux actualités télévisées par
des personnes interviewées dans la rue
[... et] employée comme une démonstration
du climat d'insécurité [… On
entend] des personnes dire à peu près :
"j'ai peur, là où je vis je ne risque rien
mais avec tout ce qu'on voit maintenant"
[..., c’est-à-dire] les images des journaux
télévisées avec leurs registres filmiques
inconscients [... La]
notion de climat
social impose de penser
les valeurs d'ambiance
et leurs cadres
émotionnels » [21],
fabriqués par les
« informations » télévisées.
« L'insécurité télévisée
est d'abord un
espace de référence,
celui des cités. Quelles que soient les
déclinaisons du thème [...] (trafic
d'armes de guerre, attentats contre des
synagogues, violences contre les personnes,
toxicomanie, vandalisme, incivilités,
etc.), ce sont toujours les quartiers
d'habitat social qui fournissent le décor
[...] : pelouses étiques, épaves automobiles,
vitres brisées, ordures non ramassées,
etc., semblent [... obligatoires
pour] "ces gens-là". Une articulation
visuelle irréfutable se crée entre des
espaces dégradés et des populations
dangereuses. [... Deux] types de prises
de vue [...] mettent en scène [les habitants
de ces cités] en plans rapprochés. Il
y a d'abord la photo de groupe : le journaliste
tente d'obtenir des réponses de