LIVRE 2005 - page rieuse - Free

manque dans une incise ou sur les deux
bords d'une citation. « Les lecteurs auront
[ainsi] rectifié d'eux-mêmes. » [24]
« Ce qui, dans la formulation théorique,
[par les guillemets et les renvois] se présente
ouvertement comme » [25] décontextualisé,
en jouant visiblement sur
« l’ignorance de l’opinion » [26], et en
« faisant intervenir par cette violence l'action
qui dérange et emporte tout ordre
existant, rappelle que cette existence du
théorique n'est rien en elle-même, et n'a
à se connaître qu'avec [...] la correction
historique [que le lecteur fera de lui-même
et] qui est sa véritable fidélité. » [25]
« Les [...] mots peuvent être chargés
d'autres sens, et l'ont été constamment à
travers l'histoire, pour des raisons pratiques.
Les sociétés secrètes de l’ancienne
Chine disposaient d’un grand raffinement
de signes de reconnaissance,
englobant la plupart des attitudes mondaines
[..., dont des] citations de
poèmes arrêtés à des points convenus
[...]. Le besoin d’une langue secrète, de
mots de passe est inséparable d’une tendance
au jeu. L’idée-limite est que n’importe
quel [signe, n’importe quel] vocable,
est susceptible d’être converti en autre
chose, voire en son contraire. » [27]
L'ambiguïté de notre écriture nous dote
ici d'un alibi d'artisans culturels. Via « les
Poésies » de Lautréamont et Dada, c’est
l’art moderne qui nous avait amenés là ;
quand bien même, se couvrant de
copeaux de citations parfois très
anciennes, notre « modernisme s’habille
à Pompeï » [28]. Nous l'avons jugé utile
pour produire un « dossier [... si] farci de
précisions tellement écœurantes qu'il en
serait indigeste sans [... un peu d'humour]
» [29]. Est-ce un coup de l'art ou
du cochon ?
Peut-être, à propos de ce taxidermisme
textuel, parlera-t-on d'un style citation-
Tournée Générale 12
niste ? On a dit que « chez les “citationnistes”
[..., l’usage du passé] éclate en
mille références, clins d’œil, déformations
ou citations. » [30]
On recycle aussi certaines traditions.
« Dans la littérature, le centon est un
texte de vers ou de prose fait de morceaux
empruntés à un ou plusieurs
auteurs. A la différence des citations, les
passages réemployés ne sont pas [immédiatement]
cités comme tels. On trouve
aussi ce procédé dans la musique. » [31]
« Comme une cuisinière inspirée qui
compose un plat nouveau et succulent à
partir de restes de la veille, le centon permet
de réaliser d'amusants montages
tout en redonnant de bonnes couleurs à
quelques classiques pâlichons. » [32] Par
ailleurs, Georges Perec nous a aussi inspiré
par son pastiche d'étude scientifique
sur la cantatrice et les tomates [33].
Nous nous proposons donc ici de réaliser
un pastiche sérieux en quasi-centon.
Sent-on la différence ?
« Il faut donc concevoir un style parodique-sérieux,
où l'accumulation d'éléments
détournés... s'emploirait à rendre
un certain sublime. » [34] « L'opération
[...] paraît porter à prendre conscience
de l'emprise générale du conditionnement
culturel et de la prison dans laquelle
il enferme la pensée et la création.
» [35] Mais on doit se « montrer
tranchant. Le jeu l'exige. » [36]
[0] : (Victor Hugo, « La Légende des siècles », XLIX, IV)
[1] : (Essais II, X, cité par Serge Soupel, in « Préface » de
dans la préface de Sterne, « Vie et opinions de Tristram
Shandy », 1758-1867, trad. Charles Mauron, réed. Garnier
Flammarion, 1982, p. 9)
[2] : (Guy Debord, « Panégyrique tome premier », Gérard
Lebovici, 1989, pp. 18-19, p. 82, réed. Gallimard)
[3] : (Aline Pailler, Henri Maler, Patrick Champagne,
« Quelle Europe ? Quels changements envisager en
France après le 29 mai ? Lettre ouverte à la gauche de
gauche : les médias désavoués ? », L’Humanité, 9/6/2005,
http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-06-
09/2005-06-09-808234)
[4] : (Philippe Doray, « Edito », p. 3, Zapito, n° 33 spécial