LIVRE 2005 - page rieuse - Free

vote sous la menace de l'insurrection et
du coup de force militaire [...] chacun le
sait ici [...], le consentement que l'on va
donner est vicié". Deux jours plus tard,
l'Assemblée se saborde : elle autorise le
général-président à user [des] pouvoirs
spéciaux en Algérie, lui remet les pouvoirs
constituants, enfin lui accorde les pleins
pouvoirs pour six mois. [...] La IV e
République vient d'être renversée sous la
pression des armes. Le sang n'a pas été
versé [...].
De Gaulle interrompt l'opération
"Résurrection", [...] nom donné au complot.
[... On] rappelle les parachutistes,
qui avaient déjà décollé : il n'est plus
nécessaire qu'ils sautent sur le Palais-
Bourbon pour arrêter les principaux leaders
de la gauche. [... On] stoppe [aussi]
les commandos civils qui [...] se tenaient
eux aussi prêts à l'assaut. » [12]
Mais ces assauts préparés resteront des
modèles. « Immortalisé par les opérations
Cid et Résurrection, [...] le putsch
gaulliste est un exemple du genre, dont
sauront s’inspirer plus tard les colonels
grecs [Voir « Est bien, mon colon ! »,
p. 97] et le prince noir italien [Valerio]
Borghese [Voir « 1970 : Coup d’Etat
avorté en Italie », p. 70], lesquels reproduiront
à l’identique les recommandations
françaises du plan Résurrection : "Il
s’agit d’instaurer en quelques heures ‘la
prise rapide par les paras tombés du ciel
[et venus d’Alger] des centres vitaux de
la capitale : le ministère de l’Intérieur, la
préfecture de police, la radio et l’électricité,
etc.‘ [15]. [...] Le plan prévoit également
l’arrestation d’un certain nombre
d’hommes politiques, dont François
Mitterrand, Pierre Mendès France, Edgar
Faure, Jules Moch et toute la direction
du parti communiste." [16] » [17]
« Les responsables politiques de la IV e
République ne doutaient plus de la capa-
Franc du Collier 114
cité des conspirateurs à aller jusqu’au
bout de leur démarche. Aussi, comme l’a
écrit le 28 mai 1958 Maurice Duverger
dans Le Monde, entre la guerre civile et
de Gaulle, il faudrait être fou pour ne
pas choisir de Gaulle. [...] La réussite du
"coup d’Etat démocratique" repose en
dernière analyse sur la crédibilité de la
menace. Si les tenants du pouvoir pensent
sincèrement qu’il ne s’agit que d’un bluff,
s’ils nourrissent un vrai doute sur la capacité
des insurgés à déclencher l’irréparable,
alors la raison leur permet d’annihiler la
peur, et l’opération est anéantie. [...]
De Gaulle sait que "seul le pouvoir législatif,
si favorable au jeu des compromis
et des complicités, peut l’aider à insérer
le fait accompli dans l’ordre constitué,
par une greffe de la violence révolutionnaire
sur la légalité constitutionnelle [...].
Or le Parlement accepte le fait accompli
et le légalise formellement en transformant
le coup d’Etat en changement de
ministère…" [18]. L’art du "coup d’Etat
démocratique" tient en ces quelques
phrases tirées de Malaparte commentant
le 18 Brumaire. » [19]
Putschez-vous, j’arrive !
« Charles de Gaulle s'est d'autant plus
efforcé d'apparaître comme le restaurateur
de l'indépendance nationale qu'il
devait son retour aux affaires à l'aide des
États-Unis. Accédant au pouvoir, en
1958, il constitue un cabinet noir sous
contrôle américain. Il se fait assister à l'Élysée
par Jacques Foccart, cofondateur
des stay-behind en France [Voir
« Foccart t’a joué », p. 129], tandis que
Michel Debré est assisté à Matignon par
Constantin Melnik » [20] [Voir « Coup de
Main rouge », p. 133].
« Tout coup d’Etat, qu’il soit démocratique
ou pas, se paie du prix que coûtent
les gages à donner à ceux qui ouvrent
les portes du pouvoir. » [21] « De Gaulle