79 - Vaincre et Convaincre

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26.06.2013 Views

d'affirmation et de jouissance. C'est dans ce sens qu'il y a un empirisme nietzschéen. A la question si fréquente chez Nietzsche: qu'est-ce que veut une volonté? il répond: ce que veut une volonté c'est affirmer sa différence. «Le plaisir de se savoir différent». C'est l'élément conceptuel nouveau que Nietzsche oppose au non dialectique, l'affirmation à la négation, la différence à la contradiction, la joie, la jouissance au travail, la légèreté, la danse à la pesanteur et au sérieux. Nietzsche va plus loin dans sa critique: qu'est-ce qu'elle veut, cette volonté qui veut la dialectique? C'est une force épuisée qui n'a pas la force d'affirmer sa différence, une force qui n'agit plus, mais réagit aux forces qui la dominent: seule une telle force fait passer l'élément négatif au premier plan dans son rapport avec l'autre; «Le soulèvement des esclaves dans la morale commence lorsque le ressentiment devient lui-même créateur et engendre des valeurs; le ressentiment de ces êtres à qui la réaction véritable, celle de l'action, est interdite, et que seule une vengeance imaginaire peut indemniser»(29). «Dans le petit nombre des découvertes modernes au sujet de la genèse du jugement de valeur, il faut compter la découverte du ressentiment par Friedrich Nietzsche; c'est là, à coup sûr, un approfondissement, quand même on démontrerait 1a fausseté de l'application qu'il en a fait, notamment à la morale chrétienne, notamment à l'amour chrétien qu'il tenait pour «la fine fleur du ressentiment»(30). Après avoir défini «l'homme du ressentiment»(30), Nietzsche décrit la réaction dialectique: «Alors que toute morale aristocratique naît d'un oui triomphant adressé à soi-même de prime abord, la morale des esclaves dit non à un «dehors», à un «autre», à un «différent de soi-même», et ce non est son acte créateur: cette inversion du regard posant les valeurs - la nécessité qui pousse à se tourner vers le dehors plutôt que vers soi-même - cela relève justement du ressentiment: la morale des esclaves a toujours et avant tout besoin, pour prendre naissance, d'un monde hostile et extérieur, elle a

physiologiquement parlant besoin d'excitations extérieures pour agir - son action est foncièrement une réaction»(31). C'est ainsi que Nietzsche présente la dialectique comme la manière de penser de l'esclave: la pensée abstraite de la contradiction l'emporte alors sur le sentiment concret de la différence positive, la réaction sur l'action, la vengeance et le ressentiment prennent la place de l'agressivité. Nietzsche voit, à la différence de Hegel, que ce n'est pas la relation du Maître à l'Esclave qui, en elle-même, est dialectique. C'est plutôt l'Esclave qui dialectise cette relation dans l'imaginaire. Le reproche adressé ici à Hegel, c'est de généraliser le point de vue de l'Esclave sur la relation, tout en refoulant le point de vue du Maître qui n'est pas dialectique: «L'évaluation de type stricto critique procède tout à l'inverse : elle agit et croît spontanément, elle ne recherche son antithèse que pour se dire oui à elle-même avec plus de joie et de reconnaissance encore, - son concept négatif de «bas», de «commun», de «mauvais», n'est qu'un tardif et pâle contraste au regard de son concept fondamental, concept positif, pénétré de vie et de passion, «nous les nobles, les bons, les beaux, les heureux... les biens nés» s'éprouvaient tout simplement comme les «heureux»; ils n'avaient pas besoin de se comparer avant tout à leurs ennemis pour se construire artificiellement leur bonheur, et le cas échéant, pour se l'imposer par persuasion et mensonge comme ont coutume de le faire tous les hommes du ressentiment»(32). La dialectique développée par Hegel pour décrire la relation du Maître et de l'Esclave dépend de ce dernier, car la puissance y est considérée, non pas comme volonté de puissance, mais comme reconnaissance par l'un de la supériorité de l'autre. Il y a là, selon Nietzsche, une conception erronée de la volonté de puissance, qui est celle de l'esclave, elle est l'image que l'homme du ressentiment se fait de la puissance. Si la relation du Maître et de l'Esclave emprunte la forme dialectique, c'est parce que le portrait que Hegel nous propose du Maître

d'affirmation <strong>et</strong> de jouissance. C'est dans ce sens qu'il y a un empirisme<br />

ni<strong>et</strong>zschéen. A la question si fréquente chez Ni<strong>et</strong>zsche: qu'est-ce que<br />

veut une volonté? il répond: ce que veut une volonté c'est affirmer sa<br />

différence. «Le plaisir de se savoir différent». C'est l'élément conceptuel<br />

nouveau que Ni<strong>et</strong>zsche oppose au non dialectique, l'affirmation à la<br />

négation, la différence à la contradiction, la joie, la jouissance au travail,<br />

la légèr<strong>et</strong>é, la danse à la pesanteur <strong>et</strong> au sérieux.<br />

Ni<strong>et</strong>zsche va plus loin dans sa critique: qu'est-ce qu'elle veut, c<strong>et</strong>te<br />

volonté qui veut la dialectique? C'est une force épuisée qui n'a pas la<br />

force d'affirmer sa différence, une force qui n'agit plus, mais réagit aux<br />

forces qui la dominent: seule une telle force fait passer l'élément négatif<br />

au premier plan dans son rapport avec l'autre;<br />

«Le soulèvement des esclaves dans la morale commence lorsque le<br />

ressentiment devient lui-même créateur <strong>et</strong> engendre des valeurs;<br />

le ressentiment de ces êtres à qui la réaction véritable, celle de<br />

l'action, est interdite, <strong>et</strong> que seule une vengeance imaginaire peut<br />

indemniser»(29).<br />

«Dans le p<strong>et</strong>it nombre des découvertes modernes au suj<strong>et</strong> de la<br />

genèse du jugement de valeur, il faut compter la découverte du<br />

ressentiment par Friedrich Ni<strong>et</strong>zsche; c'est là, à coup sûr, un<br />

approfondissement, quand même on démontrerait 1a fauss<strong>et</strong>é de<br />

l'application qu'il en a fait, notamment à la morale chrétienne,<br />

notamment à l'amour chrétien qu'il tenait pour «la fine fleur du<br />

ressentiment»(30).<br />

Après avoir défini «l'homme du ressentiment»(30), Ni<strong>et</strong>zsche décrit<br />

la réaction dialectique:<br />

«Alors que toute morale aristocratique naît d'un oui triomphant<br />

adressé à soi-même de prime abord, la morale des esclaves dit non<br />

à un «dehors», à un «autre», à un «différent de soi-même», <strong>et</strong> ce<br />

non est son acte créateur: c<strong>et</strong>te inversion du regard posant les<br />

valeurs - la nécessité qui pousse à se tourner vers le dehors plutôt<br />

que vers soi-même - cela relève justement du ressentiment: la<br />

morale des esclaves a toujours <strong>et</strong> avant tout besoin, pour prendre<br />

naissance, d'un monde hostile <strong>et</strong> extérieur, elle a

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