79 - Vaincre et Convaincre

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26.06.2013 Views

qu'il reconnaît être digne de le reconnaître. Il est reconnu par une «chose». Le maître a donc fait fausse route et n'a pas satisfait son désir. C'est ainsi que l'homme intégral, absolument libre et satisfait sera l'esclave qui a supprimé sa servitude. Si la maîtrise oisive est une impasse, la servitude laborieuse est, au contraire, la source de tout progrès humain, social, historique. L'Histoire est l'histoire de l'esclave travailleur(50). Le maître est donc figé dans sa maîtrise où il ne peut pas se dépasser, changer, progresser. L'esclave, par contre, n'a pas voulu être esclave. Il l'est devenu parce qu'il n'a pas voulu risquer sa vie pour être maître. Dans l'angoisse mortelle, il a compris qu'une condition donnée, fixe et stable, serait-ce celle du maître, ne peut pas épuiser l'existence humaine. Il n'y a rien de fixe en lui. Dans son être même, il est changement, transcendance, transformation, éducation(51). Le maître force l'esclave à travailler. Et en travaillant, l'esclave devient maître de la nature. Or, il n'est devenu l'esclave du maître que parce que - au prime abord - il était esclave de la nature. En devenant par le travail maître de 1a nature, le travail le libère aussi de lui-même, de sa nature d'esclave: il le libère du maître (52). Après ce bref rappel très schématique de la dialectique du maître et de l'esclave telle qu'elle est conçue par Hegel, on peut dégager les fondements implicites sur lesquels s'est basée la problématique de l'orientalisme dans sa façon de traiter l'histoire de la conscience politique arabe, ainsi que dans sa façon de se donner le droit de nommer, de classer et de périodiser la pensée arabe contemporaine; le discours orientaliste est, dans cette optique, synonyme du maître «reconnu» en tant que tel par les intellectuels arabes, au même titre qu'est reconnue la maîtrise de l'Occident vainqueur par le colonisé arabe vaincu. Ce schéma hégélien clarifie en même temps la position de l'intellectuel arabe moderne «vaincu», la position de sa défaite vis-à-vis de l'autre; cette défaite porte le nom de «décadence» de notre histoire, car, en dehors de l'histoire du Maître, la «reconnaissance» de la défaite - décadence comme fondement de périodisation de la renaissance - n'est

que l'indice chez l'intellectuel arabe de la reconnaissance de sa servitude vis-à-vis du maître occidental, et le signe d'acceptation de la nomination de l'orientaliste et de sa classification; cette classification est basée essentiellement comme on l'a vu, sur la relation Occident-Orient, Renaissance-Décadence, Maître-Esclave, Orientaliste-Intellectuel arabe... Chapitre deuxième Nietzsche ou l'intellectuel islamiste traditionnel. A l'opposé de cette problématique, on tombe sur une autre lecture de l'histoire de la pensée politique arabe contemporaine cette lecture est critique vis-à-vis des deux lectures précédentes: celle de l'orientaliste et celle de l'intellectuel arabe moderne; elle les considère toutes deux comme se rapportant à la même problématique; elle réfute leurs fondements théoriques pour mettre en ordre et périodiser les courants et les étapes de la pensée politique arabe; cette lecture «islamique» refuse le postulat de la défaite du Moi arabe, et insiste sur 1a continuité entre ce Moi et son passé islamique, continuité nécessaire pour consolider la cohésion interne et dont il faut tenir compte surtout dans les périodes de désintégration afin de s'attaquer au problème central: celui de la domination étrangère, surtout sur le plan culturel. Cette lecture islamique considère que la politique coloniale en Orient islamique avait comme objectif principal de saper les fondements de l'Islam, aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur. De l'intérieur: Certains penseurs musulmans prêchèrent la réforme de l'Islam, ce qui veut dire admettre la domination étrangère et lui donner des assises idéologiques parmi les musulmans; en d'autres termes, ce mouvement de Réforme ne s'opposait pas à la domination étrangère. Cette tendance réformiste est représentée par deux mouvements: celui de qadyanyya et d'ahmadyya en Inde, et celui de Sayyed Ahmad Khân et de Mirza Ghoulam Ahmad, en Inde également, et elle essaie de formuler l'islam en l'adaptant aux nouvelles données de l'Occident sur des plans différents. Ce mouvement a été critiqué par

que l'indice chez l'intellectuel arabe de la reconnaissance de sa<br />

servitude vis-à-vis du maître occidental, <strong>et</strong> le signe d'acceptation de la<br />

nomination de l'orientaliste <strong>et</strong> de sa classification; c<strong>et</strong>te classification est<br />

basée essentiellement comme on l'a vu, sur la relation Occident-Orient,<br />

Renaissance-Décadence, Maître-Esclave, Orientaliste-Intellectuel arabe...<br />

Chapitre deuxième<br />

Ni<strong>et</strong>zsche ou l'intellectuel islamiste traditionnel.<br />

A l'opposé de c<strong>et</strong>te problématique, on tombe sur une autre lecture<br />

de l'histoire de la pensée politique arabe contemporaine c<strong>et</strong>te lecture<br />

est critique vis-à-vis des deux lectures précédentes: celle de<br />

l'orientaliste <strong>et</strong> celle de l'intellectuel arabe moderne; elle les considère<br />

toutes deux comme se rapportant à la même problématique; elle réfute<br />

leurs fondements théoriques pour m<strong>et</strong>tre en ordre <strong>et</strong> périodiser les<br />

courants <strong>et</strong> les étapes de la pensée politique arabe; c<strong>et</strong>te lecture<br />

«islamique» refuse le postulat de la défaite du Moi arabe, <strong>et</strong> insiste sur<br />

1a continuité entre ce Moi <strong>et</strong> son passé islamique, continuité nécessaire<br />

pour consolider la cohésion interne <strong>et</strong> dont il faut tenir compte surtout<br />

dans les périodes de désintégration afin de s'attaquer au problème<br />

central: celui de la domination étrangère, surtout sur le plan culturel.<br />

C<strong>et</strong>te lecture islamique considère que la politique coloniale en Orient<br />

islamique avait comme objectif principal de saper les fondements de<br />

l'Islam, aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur.<br />

De l'intérieur: Certains penseurs musulmans prêchèrent la réforme<br />

de l'Islam, ce qui veut dire adm<strong>et</strong>tre la domination étrangère <strong>et</strong> lui<br />

donner des assises idéologiques parmi les musulmans; en d'autres<br />

termes, ce mouvement de Réforme ne s'opposait pas à la domination<br />

étrangère. C<strong>et</strong>te tendance réformiste est représentée par deux<br />

mouvements: celui de qadyanyya <strong>et</strong> d'ahmadyya en Inde, <strong>et</strong> celui de<br />

Sayyed Ahmad Khân <strong>et</strong> de Mirza Ghoulam Ahmad, en Inde également,<br />

<strong>et</strong> elle essaie de formuler l'islam en l'adaptant aux nouvelles données de<br />

l'Occident sur des plans différents. Ce mouvement a été critiqué par

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