79 - Vaincre et Convaincre

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26.06.2013 Views

celui de la centralisation que le pouvoir central ottoman cherche à consolider, et celui du décentrement auquel aspiraient les esprits de clan dans les périphéries où le rapport des forces était en ce moment au profit du pouvoir local dans sa contradiction avec le pouvoir central. C'est ainsi qu'avec l'arrivée de Napoléon en Égypte, les Mamâlyks avaient déjà récupéré le pouvoir et sont devenus les maîtres réels sur le plan régional; ce qui a renforcé l'influence des savants religieux locaux qui parlaient la langue du peuple, surtout au Caire où la mosquée d'al- Azhar , ainsi que l'université, jouaient le rôle de centre et de point de rencontre du mouvement de masse. C'est pour ces raisons que le discours orientaliste était déterminé, dans son procès de constitution, par des conditions extra-idéologiques, d'où sa diversité dans la lecture de notre histoire selon le lieu et le moment. Ici il s'approprie la langue de l'Islam, ailleurs, dans d'autres endroits de l'empire ottoman, il sort de l'Islam pour se vêtir de la langue des minorités chrétiennes ou autres, leur prêchant une solution séculière et laïque adéquate à ses principes «de lumières» et de liberté; tandis que la riposte, qui faisait le vis-à-vis à cette domination étrangère dont le discours est diversifié, avait toujours une référence unique: L'Islam dont se servait le pouvoir central pour maintenir et consolider 1a cohésion menacée d'ébranlement entre le peuple et le pouvoir local, ou entre les pouvoirs locaux et le pouvoir central. A partir de 1à, on peut constater la diversité des stratégies orientalistes dans leur façon de voir notre histoire, et saisir à travers cette diversité les invariantes ou les postulats de cette conception qui en ont fait une problématique cohérente; cette problématique a commencé à s'imposer avec les premiers contacts des arabes avec la pensée occidentale; le concept de «Nahda»- renaissance - dans la pensée arabe contemporaine va de pair avec les contacts effectués entre les musulmans et l'Occident depuis l'arrivée de Bonaparte en Égypte au début du siècle dernier, et un peu plus tard avec les mouvements d'intellectuels chrétiens en Syrie et au Liban, et avec les missionnaires et les écoles étrangères.

«A l'orientaliste, en tout cas - disait Jacques Berque - la personnalité de l'Islam s'impose d'une évidence reconnaissable sous les formes les plus diverses dans l'espace et dans le temps. Entre elle et lui s'instaure un débat qui va durer toute sa vie. Et de cela même va naître un trouble, ou du moins une question. Puisque sa vie est, comme toute vie humaine, pathétiquement bornée par la mort, il reportera ce pathétique sur son partenaire. Cela n'est que trop légitime, en un temps où les civilisations se savent mortelles, et où celle-ci au surplus, se voit menacée par la victoire d'un autre type de civilisation. Un type et non plus un sujet? C'est 1à en effet une seconde étape du problème, qui pourrait dès lors se formuler ainsi: le type majeur des civilisations modernes, celui que propage l'Occident industriel, dans quelle mesure l'Islam va-t-il pouvoir l'assumer en sauvegardant ce qu'il a de personnel? ... Tel est le destin de l'orientaliste: il postule, malgré qu'il en ait, pour le meilleurs et pour le pire, l'existence trop humaine de l'Orient, c'està-dire, inévitablement, de son Orient à lui, et de l'Orient en lui»(18). En effet, «ce type majeur des civilisations modernes, celui que propage l'Occident industriel», n'a pas attendu le XXe siècle pour tracer l'image de l'orientaliste tel qu'il est décrit par Berque; l'histoire de l'orientalisme remonte à beaucoup plus loin dans l'histoire des échanges et des luttes entre deux mondes: l'Orient et l'Occident. C'est dans ces fonds et avant la période que Marx appelle «d'accumulation primitive du capital», entre le concile de Vienne en 1245 et le XVIIIe siècle, que s'est constitué le discours orientaliste pratique ayant comme supports un amalgame d'hommes d'affaires, de missionnaires, d'aventuriers et de publicistes, de militaires et de fonctionnaires coloniaux, d'universitaires, etc... ce discours orientaliste, constitué dans le sillage de «l'accumulation primitive», précédait la domination coloniale, mais il s'insérait dans le projet antérieur d'occupation, et avait comme objectif unique de reconnaître le terrain à occuper, d'assurer dans les consciences des vaincus les assises de la domination européenne. Il est de coutume de présenter l'orientalisme sous son aspect désintéressé, savant et libre, par exemple le bibliographe libanais Youssef Ass'ad Dâgher distingue huit éléments positifs en matière d'études arabes et islamiques: - Étude des civilisations anciennes.

celui de la centralisation que le pouvoir central ottoman cherche à<br />

consolider, <strong>et</strong> celui du décentrement auquel aspiraient les esprits de<br />

clan dans les périphéries où le rapport des forces était en ce moment au<br />

profit du pouvoir local dans sa contradiction avec le pouvoir central.<br />

C'est ainsi qu'avec l'arrivée de Napoléon en Égypte, les Mamâlyks<br />

avaient déjà récupéré le pouvoir <strong>et</strong> sont devenus les maîtres réels sur le<br />

plan régional; ce qui a renforcé l'influence des savants religieux locaux<br />

qui parlaient la langue du peuple, surtout au Caire où la mosquée d'al-<br />

Azhar , ainsi que l'université, jouaient le rôle de centre <strong>et</strong> de point de<br />

rencontre du mouvement de masse.<br />

C'est pour ces raisons que le discours orientaliste était déterminé,<br />

dans son procès de constitution, par des conditions extra-idéologiques,<br />

d'où sa diversité dans la lecture de notre histoire selon le lieu <strong>et</strong> le<br />

moment. Ici il s'approprie la langue de l'Islam, ailleurs, dans d'autres<br />

endroits de l'empire ottoman, il sort de l'Islam pour se vêtir de la<br />

langue des minorités chrétiennes ou autres, leur prêchant une solution<br />

séculière <strong>et</strong> laïque adéquate à ses principes «de lumières» <strong>et</strong> de liberté;<br />

tandis que la riposte, qui faisait le vis-à-vis à c<strong>et</strong>te domination<br />

étrangère dont le discours est diversifié, avait toujours une référence<br />

unique: L'Islam dont se servait le pouvoir central pour maintenir <strong>et</strong><br />

consolider 1a cohésion menacée d'ébranlement entre le peuple <strong>et</strong> le<br />

pouvoir local, ou entre les pouvoirs locaux <strong>et</strong> le pouvoir central.<br />

A partir de 1à, on peut constater la diversité des stratégies<br />

orientalistes dans leur façon de voir notre histoire, <strong>et</strong> saisir à travers<br />

c<strong>et</strong>te diversité les invariantes ou les postulats de c<strong>et</strong>te conception qui en<br />

ont fait une problématique cohérente; c<strong>et</strong>te problématique a commencé<br />

à s'imposer avec les premiers contacts des arabes avec la pensée<br />

occidentale; le concept de «Nahda»- renaissance - dans la pensée arabe<br />

contemporaine va de pair avec les contacts effectués entre les<br />

musulmans <strong>et</strong> l'Occident depuis l'arrivée de Bonaparte en Égypte au<br />

début du siècle dernier, <strong>et</strong> un peu plus tard avec les mouvements<br />

d'intellectuels chrétiens en Syrie <strong>et</strong> au Liban, <strong>et</strong> avec les missionnaires<br />

<strong>et</strong> les écoles étrangères.

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