79 - Vaincre et Convaincre

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26.06.2013 Views

l'installation de tout nouveau gouvernement au Mont-Liban, le pouvoir avait recours à mes services. «A leur arrivée en 1914, les Turcs m'ont désigné à leur service; mais, ayant découvert leurs intentions ainsi que leurs pratiques criminelles, j'ai fait volte-face pour sauver les patriotes qu'on m'avait chargé d'arrêter. Ensuite arrivèrent les armées anglaises en 1918, On a mis sous mes ordres une cinquantaine de soldats hindous; ma tâche consistant à diriger des patrouilles dans la Béqâ' aussi bien qu'à Zahlé; les livres anglaises que je touchais témoignant de la haute place que j'occupais parmi les gens. Les vêtements anglais que j'ai portés n'ont réussi ni à fléchir mon patriotisme ni à me rendre dupe des visées anglaises au Liban. Je n'ai pas tardé à quitter mon poste et à lutter contre eux. Tout le monde est au courant comment j'ai arraché la pétition à celui qui la faisait signer, et comment j'ai organisé une manifestation devant le comité américain qui était venu enquêter à Zahlé; mon libanisme intransigeant m'a donc valu les menaces et les tortures. «Au départ des Anglais, arrivèrent les Français; ils m'ont désigné membre de la première brigade de la milice nationale. L'un des chefs libanais qui m'a demandé un jour quelle était pour moi la différence entre les autorités qui se succédèrent au Liban, j'ai répondu: les Turcs ne sont honnêtes, ni envers eux-mêmes ni envers leurs sujets, les Anglais sont honnêtes envers eux-mêmes et non envers les gens, c'est dans leur seul intérêt qu'ils défendent la justice et non au profit des autres. Quant aux Français, ils nous donnent beaucoup de conseils, nous en prenons beaucoup plus qu'il nous est possible de leur rendre; de tous les gouverneurs que j'ai pu fréquenter, ce sont les moins mauvais»(35). Entre l'Ottoman et l'Anglais. Fin 1917, début 1918 la famine s'intensifia, les maladies se répandirent dans les rangs de l'armée turque, l'épidémie se propagea parmi la population. La chute de la neige commença, les routes se bloquèrent, le froid redoubla de façon inhabituelle, le nombre des morts sur les routes de Zahlé et aux alentours augmenta parmi les gens qui quittaient les villages du Mont-Liban.

Zahlé grouillait de gens qui venaient de toute part. La période de froid commença et frappa durement les soldats turcs délaissés par leurs commandants et leurs officiers; ils mourraient par dizaines tous les jours, et leurs camarades les enterraient dans les plantations de Zahlé. La municipalité se chargeait de nettoyer les rues des cadavres et les enterrait. Les enfants erraient, sans familles pour se préoccuper de leur sort, ils se nourrissaient de ce qu'ils trouvaient, et la nuit ils dormaient dans des huttes sous la pluie, n'importe comment. Le 15 septembre 1918, Bou'inein se promenant au sommet du mont Zeina, une hauteur surplombant Ryak base de l'armée turque et allemande, et entrepôt de munitions. Muni de jumelles, il se rendait tous les matins sur ces hauteurs pour observer les mouvements de l'armée autour et à l'intérieur de la gare. Il lui était habituel de voir tous les matins un avion aller en reconnaissance, depuis Ryak, observer les mouvements de l'ennemi qui était déjà en Palestine, et retourner à Ryak au bout de trois heures; ce jour là, il a vu l'avion décoller et revenir rapidement contrairement à son habitude. Après son atterrissage, on entendit le canon, comme le grondement continu de tonnerre, mais on ignorait son point d'origine; quelques instants plus tard, un énorme incendie se déclara dans la gare, il vit de son poste éloigné le feu s'étendre de toutes parts et atteindre les dépôts de munitions.. les explosions se succédaient, la terre tremblait «comme au jour du jugement dernier». A l'aide de ses jumelles allemandes, il vit l'armée turque courir de partout en direction des trains qui les emmenaient vers le nord. L'après-midi de cette journée historique, Bou'inein a appris que les troupes anglaises avaient pénétré et occupé Damas, et que l'aviation avait bombardé Ryak en prévision de l'occupation de ces régions. Il était connu que Ryak était la base du commandement, ainsi qu'un vaste entrepôt de munitions de la quatrième armée turque commandée par Jamal Pacha. Le lendemain, Tahsin Bey, Kayem-Maqam turc de Zahlé, quitta la ville et se rendit à Istanbul. Les troupes turques commencèrent à se

l'installation de tout nouveau gouvernement au Mont-Liban, le<br />

pouvoir avait recours à mes services.<br />

«A leur arrivée en 1914, les Turcs m'ont désigné à leur service;<br />

mais, ayant découvert leurs intentions ainsi que leurs pratiques<br />

criminelles, j'ai fait volte-face pour sauver les patriotes qu'on<br />

m'avait chargé d'arrêter. Ensuite arrivèrent les armées anglaises en<br />

1918, On a mis sous mes ordres une cinquantaine de soldats<br />

hindous; ma tâche consistant à diriger des patrouilles dans la Béqâ'<br />

aussi bien qu'à Zahlé; les livres anglaises que je touchais témoignant<br />

de la haute place que j'occupais parmi les gens. Les vêtements<br />

anglais que j'ai portés n'ont réussi ni à fléchir mon patriotisme ni à<br />

me rendre dupe des visées anglaises au Liban. Je n'ai pas tardé à<br />

quitter mon poste <strong>et</strong> à lutter contre eux. Tout le monde est au<br />

courant comment j'ai arraché la pétition à celui qui la faisait signer,<br />

<strong>et</strong> comment j'ai organisé une manifestation devant le comité<br />

américain qui était venu enquêter à Zahlé; mon libanisme<br />

intransigeant m'a donc valu les menaces <strong>et</strong> les tortures.<br />

«Au départ des Anglais, arrivèrent les Français; ils m'ont désigné<br />

membre de la première brigade de la milice nationale. L'un des<br />

chefs libanais qui m'a demandé un jour quelle était pour moi la<br />

différence entre les autorités qui se succédèrent au Liban, j'ai<br />

répondu: les Turcs ne sont honnêtes, ni envers eux-mêmes ni<br />

envers leurs suj<strong>et</strong>s, les Anglais sont honnêtes envers eux-mêmes <strong>et</strong><br />

non envers les gens, c'est dans leur seul intérêt qu'ils défendent la<br />

justice <strong>et</strong> non au profit des autres. Quant aux Français, ils nous<br />

donnent beaucoup de conseils, nous en prenons beaucoup plus qu'il<br />

nous est possible de leur rendre; de tous les gouverneurs que j'ai<br />

pu fréquenter, ce sont les moins mauvais»(35).<br />

Entre l'Ottoman <strong>et</strong> l'Anglais.<br />

Fin 1917, début 1918 la famine s'intensifia, les maladies se<br />

répandirent dans les rangs de l'armée turque, l'épidémie se propagea<br />

parmi la population. La chute de la neige commença, les routes se<br />

bloquèrent, le froid redoubla de façon inhabituelle, le nombre des morts<br />

sur les routes de Zahlé <strong>et</strong> aux alentours augmenta parmi les gens qui<br />

quittaient les villages du Mont-Liban.

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