79 - Vaincre et Convaincre
79 - Vaincre et Convaincre 79 - Vaincre et Convaincre
Le passage de la «Ghalaba» Druze à la «Ghalaba» maronite décrit un mouvement de l'histoire libanaise qui débute au XIXe siècle avec les fils de l'émir Melhem Chéhab convertis au christianisme et, par la suite, avec l'émir maronite Youssef Chéhab (1770)(4). Ce passage se consolide avec l'émir Bachir II qui s'est emparé du pouvoir sans obtenir l'unanimité et la solidarité des familles druzes dominantes, solidarité qui lui était indispensable pour légaliser sa «Ghalaba», son «illégalité anthropologique» lui a value l'hostilité des notables druzes - Émirs et Cheikhs réunis sous la direction de Bachir Junblat et le soutien des familles maronites d'une part et l'alliance avec Mouhammad Ali d'autre part; il est difficile de considérer la présence égyptienne d'Ibrahim Pacha en Syrie et au Liban comme un élément «externe» par rapport à l'entité libanaise(5). «Le souverain ne peut régner qu'avec l'appui de son clan. C'est là son groupe d'agnats qui l'aide dans ses entreprises. Il se sert d'eux pour combattre les rebelles. Il puise dans leurs rangs pour occuper les postes officiels, désigner les vizirs et les collecteurs d'impôts. Ils l'aident a régner, particulièrement au gouvernement et à toutes les affaires importantes. «C'est du moins, disait Ibn Khaldoun, le cas pendant la première phase de la dynastie. A l'approche de la seconde, le souverain se montre indépendant de son peuple, confisque la gloire à son profit et en éloigne son peuple de ses propres mains. En conséquence, ses propres agnats deviennent ses ennemis. Pour les écarter du pouvoir ou de la prise du pouvoir, il faut au roi d'autres amis, des étrangers, qu'il peut utiliser contre les siens et qui deviendront ses amis, des amis plus intimes que quiconque. Ils méritent d'ailleurs, plus que tout autre, d'être ses proches et ses clients, d'être ses élus et de recevoir de hautes charges, parce qu'ils sont prêts à donner leur vie pour lui, en empêchant les siens de reprendre le pouvoir et leur ancienne place. «Ainsi le souverain ne se soucie plus que de ses nouveaux favoris. Il les comble de bienfaits et d'honneurs. Il leur distribue les emplois principaux : les charges de vizir, de commandant en chef et de collecteur d'impôts, ainsi que les titres honorifiques qui ne reviennent qu'à lui seul et qu'il ne partage même pas avec ceux de son sang. C'est parce que ces gens sont devenus ses meilleurs amis
et ses conseillers les plus sincères. Mais c'est là l'annonce de la fin de la dynastie et de la maladie chronique qui l'atteint : résultat de la perte de l'esprit de clan, fondement de la supériorité dynastique. Les sentiments des gens de la tribu dont la dynastie est issue se détériorent, par suite du mépris dans lequel ils sont tenus et de l'hostilité que le souverain leur témoigne. Ils le haïssent et attendent l'occasion d'un changement de fortune. Le grand danger de cette situation retombe sur la dynastie. Celle-ci est frappée d'un mal incurable. Les erreurs du passé s'accroissent à chaque génération et finissent par entraîner la chute de la dynastie»(6). En effet, l'occasion n'a pas tardé à se présenter. La «Ghalaba» de Bachir II et de ses clients maronites est mise en question en 1840, lors de la défaite subie par Mouhammad Ali et par son allié Bachir II; à la suite de cette défaite les notables druzes expulsés par ce dernier au Djabal druze en Syrie, se remettent à revendiquer leur «Ghalaba» perdue; leur revendication est devenue impossible dans le nouvel ordre international où les puissances occidentales ont commencé à intervenir directement dans l'équilibre libanais ébranlé par une guerre civile qui s'est prolongée une vingtaine d'années (1840-1860). Cette guerre civile a donné lieu à un nouvel équilibre entre les deux communautés dont la «Ghalaba» est devenue externe: l'installation de la moutaçarrifyya est venue consacrer la chrétienté du gouverneur aussi bien que son origine non libanaise. Le mouvement de Tanios Chahine s'insère dans le cadre de la contradiction opposant la communauté maronite représentée par l'Église, aux familles de notables aussi bien maronites que druzes. Cette lecture historique va à l'encontre d'une certaine analyse «marxiste» qui identifie le mouvement de Tanios Chahine - où l'influence jésuite est manifeste - à la Commune de Paris; elle va également à l'encontre d'une certaine lecture faisant de l'Église maronite un «intellectuel organique» assurant l'unité et l'hégémonie au sein de la communauté maronite; cette dernière lecture transpose au Liban l'analyse faite par Gramsci de l'Église en Italie(7). D'un autre côté, la riposte de Youssef Karam contre le Moutaçarref ne fait qu'illustrer l'impossibilité de la «Ghalaba» maronite à l'époque,
- Page 181 and 182: d'englober, dans le Liban, des popu
- Page 183 and 184: 3 - Le troisième préjugé est jus
- Page 185 and 186: - La Turquie d'Asie: L'Anatolie, la
- Page 187 and 188: couronne et se sentent alors des pa
- Page 189 and 190: confiées au même appareil idéolo
- Page 191 and 192: provenait de la complication que pr
- Page 193 and 194: juriste Kara Roustem aurait eu l'id
- Page 195 and 196: La solde était payée par trimestr
- Page 197 and 198: «Les exemples de ces deux sortes d
- Page 199 and 200: forment, avec les ministres proprem
- Page 201 and 202: En 1660, sous le règne de Mouhamma
- Page 203 and 204: Pour maintenir cette cohésion, dou
- Page 205 and 206: Mais Marx ne précise pas le sens q
- Page 207 and 208: étaient louées à des paysans sou
- Page 209 and 210: 1 - La propriété de la terre du
- Page 211 and 212: administrative et autre. Mais jusqu
- Page 213 and 214: La forme de production en communaut
- Page 215 and 216: d'économie hydraulique, et en ce q
- Page 217 and 218: sociales, correspondait en Occident
- Page 219 and 220: donc à cette époque dans une impa
- Page 221 and 222: Les patriarches sont nommés pour l
- Page 223 and 224: 3 - Terre «Wakf», terre de réser
- Page 225 and 226: certaines redevances ou servitudes,
- Page 227 and 228: sortes ont profité de cette légis
- Page 229 and 230: donc dans l'obligation de trouver d
- Page 231: La conscience immédiate du réel s
- Page 235 and 236: «.. En 1910, le Mexique célébrai
- Page 237 and 238: pouvoir familial local, le lieu de
- Page 239 and 240: L'affirmation de l'identité commun
- Page 241 and 242: prenaient la route de Zahlé-Biskin
- Page 243 and 244: C'est le même hors-la-loi révolt
- Page 245 and 246: - Pourquoi on ne me le demande pas
- Page 247 and 248: Zahlé grouillait de gens qui venai
- Page 249 and 250: Anglais ne feraient pas un geste si
- Page 251 and 252: situation politique et de ce qu'il
- Page 253 and 254: s'attaquant à tout homme incapable
- Page 255 and 256: Le genre de «Moumâna'a» auquel a
- Page 257 and 258: apercevions de nos propres yeux. Ch
- Page 259 and 260: français qui seront demandés par
- Page 261 and 262: cohérence interne - que suivre la
- Page 263 and 264: La seconde difficulté concerne la
- Page 265 and 266: classification lui permettant de di
- Page 267 and 268: éfute leurs fondements théoriques
- Page 269 and 270: contemporaine, sont identiques chez
- Page 271 and 272: lutte où le point de départ méth
- Page 273 and 274: d'une domination formelle du capita
- Page 275 and 276: 4 - Peters Richard F. - Histoire de
- Page 277 and 278: 45 - Mass'oud Gibran - Le Liban et
- Page 279 and 280: -----------------------------------
- Page 281 and 282: 145 _ 1969. Lenin and philosophy, a
Le passage de la «Ghalaba» Druze à la «Ghalaba» maronite décrit un<br />
mouvement de l'histoire libanaise qui débute au XIXe siècle avec les fils<br />
de l'émir Melhem Chéhab convertis au christianisme <strong>et</strong>, par la suite,<br />
avec l'émir maronite Youssef Chéhab (1770)(4). Ce passage se consolide<br />
avec l'émir Bachir II qui s'est emparé du pouvoir sans obtenir<br />
l'unanimité <strong>et</strong> la solidarité des familles druzes dominantes, solidarité<br />
qui lui était indispensable pour légaliser sa «Ghalaba», son «illégalité<br />
anthropologique» lui a value l'hostilité des notables druzes - Émirs <strong>et</strong><br />
Cheikhs réunis sous la direction de Bachir Junblat <strong>et</strong> le soutien des<br />
familles maronites d'une part <strong>et</strong> l'alliance avec Mouhammad Ali d'autre<br />
part; il est difficile de considérer la présence égyptienne d'Ibrahim<br />
Pacha en Syrie <strong>et</strong> au Liban comme un élément «externe» par rapport à<br />
l'entité libanaise(5).<br />
«Le souverain ne peut régner qu'avec l'appui de son clan. C'est là<br />
son groupe d'agnats qui l'aide dans ses entreprises. Il se sert d'eux<br />
pour combattre les rebelles. Il puise dans leurs rangs pour occuper<br />
les postes officiels, désigner les vizirs <strong>et</strong> les collecteurs d'impôts. Ils<br />
l'aident a régner, particulièrement au gouvernement <strong>et</strong> à toutes les<br />
affaires importantes.<br />
«C'est du moins, disait Ibn Khaldoun, le cas pendant la première<br />
phase de la dynastie. A l'approche de la seconde, le souverain se<br />
montre indépendant de son peuple, confisque la gloire à son profit<br />
<strong>et</strong> en éloigne son peuple de ses propres mains. En conséquence, ses<br />
propres agnats deviennent ses ennemis. Pour les écarter du pouvoir<br />
ou de la prise du pouvoir, il faut au roi d'autres amis, des étrangers,<br />
qu'il peut utiliser contre les siens <strong>et</strong> qui deviendront ses amis, des<br />
amis plus intimes que quiconque. Ils méritent d'ailleurs, plus que<br />
tout autre, d'être ses proches <strong>et</strong> ses clients, d'être ses élus <strong>et</strong> de<br />
recevoir de hautes charges, parce qu'ils sont prêts à donner leur vie<br />
pour lui, en empêchant les siens de reprendre le pouvoir <strong>et</strong> leur<br />
ancienne place.<br />
«Ainsi le souverain ne se soucie plus que de ses nouveaux favoris.<br />
Il les comble de bienfaits <strong>et</strong> d'honneurs. Il leur distribue les<br />
emplois principaux : les charges de vizir, de commandant en chef <strong>et</strong><br />
de collecteur d'impôts, ainsi que les titres honorifiques qui ne<br />
reviennent qu'à lui seul <strong>et</strong> qu'il ne partage même pas avec ceux de<br />
son sang. C'est parce que ces gens sont devenus ses meilleurs amis